Citations

« Le goût de la vérité n’empêche pas la prise de parti. » (Albert Camus)
« La lucidité est la blessure la plus rapprochée du Soleil. » (René Char).
« Il faut commencer par le commencement, et le commencement de tout est le courage. » (Vladimir Jankélévitch)
« Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort. Il est de porter la plume dans la plaie. » (Albert Londres)
« Le plus difficile n'est pas de dire ce que l'on voit, mais d'accepter de voir ce que l'on voit. » (Charles Péguy)

dimanche 6 avril 2025

George Koskas (1926-2013)

George Koskas (1926-2013) était né dans une famille juive à La Marsa (Tunisie). Prisant la liberté et l’indépendance, doté d’un sens aigu de la composition, ce peintre a emprunté des voies différentes – abstraction géométrique, tableaux de points, figuration -, et a évolué dans les styles et techniques variés (photos-peintures avec Eva Rodgold, roman-photo). En collaboration avec la Fondation Cherqui, la galerie Ingert présente l'exposition intitulée "Œuvres sur papier de la collection Jean Cherqui" et la Fondation Cherqui propose dans ses locaux une exposition de photos-peintures de George Koskas et de photographies d'Eva Rodgold. Le commissariat de ces deux expositions est assuré par Nitaye Eliacheff. 

Jewishrefugees.blogspot published WW2: 40 Tunisian Jews never returned 
La synagogue de la Ghriba 
« La cuisine juive tunisienne » par Andrée Zana Murat
George Koskas  est né dans une famille juive à la Marsa (Tunisie) en 1926. 

Arrivé à Paris en 1946, il entre dans les ateliers d’André Lhote, puis de Fernand Léger et s’inscrit à l’IDHEC, l’Institut de formation aux métiers du cinéma et ancien nom de la FEMIS. 

Il expose rapidement et illustre Les Fêtes galantes de Verlaine, Les Fleurs du mal de Baudelaire et les Chants de Maldoror de Lautréamont.

Dans les années 1950, des galeristes célèbres exposent ses œuvres à Paris - Maeght, Colette Allendy - et à New York : Rose Fried. Des ponts d’or sont offerts à George Koskas aux Etats-Unis : ainsi, le célèbre galeriste Léo Castelli lui propose un atelier. Mais George Koskas les décline. Il rentre en France.

En 1957, George Koskas crée les couleurs, décors et costumes du film de Jacques Baratié et Georges Shehadé, Goha le simple, dont la musique est composée par Maurice Ohana - le film, qui révèle Omar Sharif et Claudia Cardinale, obtient le prix "Le Premier regard - Un certain regard" au Festival de Cannes en 1958. Il renouvelle cette collaboration en 1962, pour La Poupée du même réalisateur d’après Audiberti, et participe en 1970 au film de Ferid Boughedir, Ben Khalifat et H. Ben Halima : Au pays de Tararani

George Koskas collabore aussi à des pièces de théâtre et téléfilm.

« Les années 50/60 ont été pour moi des années exaltantes à tous les niveaux : c’est en 1951 que je fais ma première exposition personnelle à la galerie Arnaud, alors rue du Four : Les Points qui entraînera autour de moi et avec moi les jeunes artistes intéressants de l’époque. Mes camarades de l’atelier Fernand Léger, Bidoilleau, Damian, Enard, Ionesco, Maussion. Les Américains de Paris, E. Kelly, Jack Youngerman. Les Vénézuéliens Soto, Nunez, Guevara Otero, le groupe MADI, avec Arden-Quin et Roitman, Edgar Négret, Albert Bitran qui organisera, en 1952, avec le journaliste vénézuélien Hernán Briceño, une magnifique exposition à Caracas, Cuatro Muros, qui groupa tous ces peintres et moi-même », a déclaré George Koskas. Le MADI (Movimiento Artistico De Invencion ou Mouvement Abstraction Dimension Invention) est un mouvement artistique initié en 1946 à Buenos Aires (Argentine) par Carmelo Arden-Quin, Rhod Rothfuss et Gyula Kosice par la création d'un groupe « Art concret-Invention ». Le joindront d'autres artistes : Enio Iommi, Volf Roïtman...

Et d'ajouter : « Puis il y eut Colette Allendy chez qui j’exposai en 1952 ; Max Bill qui m’écrivit de Suisse pour me demander des photos de mes peintures. H. P. Roché, le grand collectionneur auteur de Jules et Jim, qui me mit en contact avec Marcel Duchamp et Edgar Varèse à New York, André Bloc, directeur d’Architecture d’aujourd’hui, et le groupe Espace. Suzanne Michel chez qui j’exposai avec Soto et Guevara. Le Salon des Réalités Nouvelles de 1951 et 1952 ; Pierre Henry et sa musique concrète. Je salue de mon amitié Georges Vantongerloo que je rencontrai en 1952 et qui m’a aidé par son esprit de très grand artiste dénué de tout préjugé à avoir l’audace d’aller plus loin dans mes recherches. Fritz Glarner, ami de Mondrian, qui me fait rencontrer Rose Fried chez qui je vais exposer à New York. »

En 1959, George Koskas se « risque dans l’aventure d’un nouveau figuratif. »

A Paris, ses œuvres sont montrées dans l'exposition des « meubles peints » réalisés pour la rubrique décoration du magazine Elle.

George Koskas multiplie les expositions à Paris (1960), New York (1971), Aix-la-Chapelle (1989), Sidi-Bou-Saïd (1997), Rouen (1999), etc.

Il est également l’auteur de recueils de poésie - L’Eden (1976) et Beau-Kages (1985) - et d’un roman-photo : 4, 5, 8, 9 (1981). 

En 1996, il réalise le film vidéo Le Bar des merveilles à la Marsa et à Djerba.

D’un naturel discret, George Koskas  demeure méconnu du grand public malgré sa participation aux expositions « Antagonismes » au Musée des Arts Décoratifs, « Paris 1937-1957 » et « Les années 50 » au Centre Beaubourg, au salon « Comparaisons » et au musée d’Art Moderne de la Ville de Paris. 

Le Musée de Grenoble lui a organisé une exposition personnelle en 1998, puis le Musée de Mâcon expose ses « peintures, photos-peintures, romans-photos, vidéo » en 1999. 

En 2008-2009, le Musée des Beaux-arts de Rouen a proposé une rétrospective de l'oeuvre de George Koskas. « Georges Koskas, né à La Marsa en Tunisie en 1926 et installé à Paris depuis 1946, a été l'un des représentants les plus originaux de l'abstraction géométrique en France dans les années quarante et cinquante. Il apparaît alors pionnier et radical, tout en suivant déjà une inspiration extrêmement libre et poétique qui donne à ses tableaux une finesse aérienne que l'on ne retrouve nulle part ailleurs. Formé dans l'atelier d'André Lhote en 1946 et dans celui de Fernand Léger en 1947, Koskas conservera toujours un sens précis de la composition. En 1949 Michel Seuphor l'invite à participer à une exposition à la galerie Maeght à Paris. Les années cinquante voient l'apparition des tableaux de points qui lui apportent rapidement la notoriété et restent l'une des expressions les plus pures de l'avant-garde parisienne de cette époque. Confortée par ses contacts avec Georges Vantongerloo ou Fritz Glarner qu'il rencontre à New York en 1955, la richesse de sa production abstraite aurait dû lui octroyer une place solide dans l'histoire de l'art. On voit pourtant son répertoire s'infléchir pour tendre vers l'informel dès 1955 et à la fin des années cinquante, contre toute attente, Koskas revient franchement à la figuration. N'écoutant qu'un impérieux besoin de liberté, revendiquant la primauté de la sensibilité et de l'inspiration, Georges Koskas ne voit pas d'opposition entre ses œuvres abstraites et les peintures plus tardives, frémissantes de lumière, où les bords de mer animés et les élégantes figures épanouies comme des fleurs évoquent des souvenirs de Matisse ou de Pascin, sans autre dogme que la pure liberté du poète. Les virages du travail de Koskas ont beaucoup dérouté, sinon découragé la critique et c'est la première fois que son œuvre est appréhendé dans son ensemble. Prenant soin d'annuler toute possibilité d'être réduit à un système, Koskas n'a jamais voulu se laisser enfermer. Outre les vastes explorations de sa peinture, il illustre des œuvres littéraires et réalise plusieurs décors de films dont Goha le simple de Jacques Baratier, projet dans lequel il est très impliqué en 1957, et La Poupée du même d'après Audiberti en 1962. Le contact avec le cinéma semble avoir joué un rôle décisif dans le retour à la peinture figurative. Plus tard, à la fin des années 1970, il crée des photos-peintures avec Eva Rodgold et publie même en 1981 un roman-photo intitulé 4,5,8,9. La peinture suit pendant ce temps d'imprévisibles circonvolutions, continuant de construire un univers sensuel et joyeux, composé de couleurs lumineuses placées en oppositions vibrantes, dans un style de plus en plus difficile à classer à une époque où dominent des courants aussi contrastés que bien repérés : peinture engagée, post-minimalisme, néo-expressionnisme ou art conceptuel... Le portrait, qui occupe une place importante dans l'univers de Koskas depuis les œuvres tunisiennes des débuts, continue de faire d'étonnantes apparitions. La rétrospective du musée des Beaux-Arts de Rouen est l'occasion de suivre un itinéraire d'une exceptionnelle indépendance, poursuivi au risque de l'incompréhension, cultivant avec rigueur cette atmosphère précieuse, purement poétique, où la fantaisie peut faire monter dans l'air léger le plus profond de l'être. »

Collection et Fondation Cherqui
En 2006, George Koskas a retrouvé "le collectionneur Jean Cherqui rencontré à Tunis en 1956-1957". Français né en Algérie, cet "amateur d'art, pharmacologue, initiateur des premiers médicaments génériques (paracétamol, antibiotiques) dans les années 1980, lui achète la totalité de son fonds d’atelier". Installée dans les anciens locaux des laboratoires pharmaceutiques du Dr Jean Cherqui à Aubervilliers, la Fondation Cherqui conserve ainsi non seulement "une collection importante d’œuvres du peintre" mais aussi ses archives. La photographie ci-contre montre Jean Cherqui et son petit-fils Mathias Chetrit, artiste peintre lumino-cinétique, connu sous le pseudonyme de "Falcone" qui dirige la Fondation Cherqui et assure certaines visites de groupes (sur réservation). Les visiteurs peuvent toucher des œuvres, jouer avec elles. La Fondation cumule trois fonctions : musée, galerie d'art et ateliers d'artistes. Le point commun ? Le "concept de la lumière et du mouvement". 

Réunissant "plus de 5 000 œuvres optiques et cinétiques par des artistes de renommée internationale", la "collection de la Fondation Cherqui est remarquable par sa diversité et son témoignage de l'art du XXe siècle. Les pièces exposées représentent des courants artistiques abstraits, minimalistes, géométriques, optiques ou cinétiques, souvent d'origine latino-américaine."

"En 2010, l’exposition Géometrie hors limites, art contemporain latino-américain dans la collection Jean et Colette Cherqui à la Maison de l’Amérique Latine a permis au grand public de découvrir une partie de la collection Cherqui. Mathias Chetrit, petit-fils de Jean Cherqui, dirige la Fondation Cherqui. Il a ouvert les collections de son grand-père au public il y a deux ans. Comme la Fondation est plutôt orientée vers l’art luminosité-cinétique, George Koskas n’est pas forcement à l’image de la collection Cherqui... L’intérêt de Jean Cherqui pour George Koskas vient certainement de son intérêt pour les artistes du mouvement MADI, notamment Carmelo Arden-Quin dont George Koskas fut proche à de nombreux niveaux", m'a indiqué Nitaye Eliacheff, responsable du fonds George Koskas à la Fondation Cherqui et commissaire d'exposition. 

Photos-peintures
En 2002, l’Atelier Bonaparte a présenté l’exposition « Vues de Paris et Nus » réunissant une quarantaine de photos-peintures de George Koskas. 

En 1979, cet artiste a donné des instructions précises à la photographe portraitiste Eva Rodgold pour qu’elle prenne certaines vues de Paris. C’est l’artiste qui choisit le lieu, le cadre, l’angle de prise de vue, etc. Puis, il a peint sur ces clichés en noir et blanc et en couleurs. George Koskas fait plus que rehausser de couleurs ces clichés. 

A partir de ces photos, à l’aide de feutres ou de peinture, en des teintes pop, il accentue ou modifie une atmosphère, lui conférant une dimension onirique, étrange ou comique. Cet artiste sature de rouge et violet pour renforcer l’accablement d’une femme recroquevillée sur ses soucis. Dans « Le Louvre », l’abondance de couleurs rend l’afflux des visiteurs. Parfois, une autre réalité décalée surgit. Ainsi, quand il ajoute une couleur comme un halo ou en une ombre projetée. George Koskas aime aussi les compositions en abîme : par exemple, avec modèle qui pose près d’une de ses peintures. Et le peintre colore cette nouvelle œuvre. 

Ces œuvres offrent des images étonnantes, drôles ou inquiétantes de la capitale. Le visiteur découvre des quartiers, dont l’esplanade du Trocadéro, métamorphosés de la capitale. 
 
Ces photos-peintures sont marquées par leur époque de réalisation - les années 70 - dont il reprend les couleurs et motifs. Les couleurs vives (jaune, vert) sont apposées en lignes ou en points qui rappellent un peu sa peinture abstraite et géométrique des années 50. Dans son « Autoportrait », son visage se découpe dans l’encadrement de la fenêtre d’une boutique et à la convergence de lignes. Comme si l’artiste rayonnait au centre de son cosmos...

George Koskas développe aussi des séries en déclinant des thèmes - l’éventail, la place du Trocadéro et la colonne de la Bastille -, et en changeant angles et « décorations ». Sa « Boutique fantasque » saisit deux passants devant un magasin d’éventails colorés. Par un travail de découpe et de collage de photos de la colonne de la Bastille, il rassemble des vues en un éventail ouvert. Dans ses variations, cette colonne se mue en point d’exclamation, ou rappelle le générique de la firme cinématographique américaine RKO car elle semble émettre des ondes roses et vermillons. Et, dotée d’un cercle indigo au-dessus d’elle, elle évoque le vers du poète Alfred de Musset dans Ballade à la Lune : « La lune, comme un point sur un I... »

La peinture de George Koskas se caractérise par une abstraction géométrique qu’on retrouve parfois - points comme des confetti et traits - dans les œuvres exposées à l’Atelier Bonaparte. Ces photos-peintures constituent une parenthèse dans l’œuvre de George Koskas : un moment d’expérimentation dont les influences dans sa peinture sont rares.

En 2024, dans le cadre de Photo Doc, la galerie Eliacheff a présenté des œuvres d'Eva Rodgold et des photos-peintures de George Koskas. "Eva Rodgold est une ‘enfant cachée’ de la guerre devenue artiste, portraitiste et photojournaliste. Née à Paris dans une famille d’immigrés juifs polonais, elle étudie à l’École Nationale des Arts décoratifs, où elle marque ses camarades et professeurs par ses dessins d’une grande liberté et intensité. Eva y exprime une révolte profonde et indicible, sa vie d’enfant cachée durant la seconde guerre mondiale, son père raflé par des gendarmes français puis déporté au camp d’Auschwitz, dont il ne reviendra jamais. Lorsqu’elle fait l’acquisition d’un Leica M3, elle photographie les moments simples dans le sillage de la photographie humaniste. Entre le dessin et la photographie se forme une synthèse existentielle. Côté photographie, elle immortalise la liberté joyeuse de la France de l’après-guerre, côté dessin, elle ravive les fantômes des disparus."

"Eva Rodgold fréquente de nombreux artistes dont le peintre George Koskas, figure majeure de la peinture abstraite des années 50. En 1979, Eva et George créent et exposent les photos-peintures à la galerie Raph, lors d’une exposition intitulée ‘Saintaises’. Cette synthèse entre un peintre et une photographe exprime de façon radicale la volonté des artistes de leur génération d’abolir la division entre photographie et peinture. Dorénavant Eva dessine sans cesse et réalise des découpages pour animer la mémoire des disparus, dans un souci de transmission." Saturé de rouge (sang ?) par George Koskas, placé au premier plan, Le Penseur de Rodin fait penser à un boxeur quelque peu sonné dans un ring éclairé par des projecteurs lumineux blancs, dans un décor métallique dramatisant la scène.   

En 2025, la Fondation Cherqui propose une exposition de photos-peintures de George Koskas et de photographies d'Eva Rodgold dont Nitaye Eliacheff est le curateur. « À partir de la fin des années 70, Koskas explore de nouveaux médiums comme la photographie et le film. Sa collaboration avec la photographe Eva Rodgold, ancienne élève de l’ENSAD et de Jean Rouch à l’EPHE, sera le lieu d’expérimentations originales. Les œuvres constituent une synthèse originale entre la photographie, la peinture et la poésie, entre le figuratif et l’abstrait, mais aussi entre une femme et un homme, entre une parisienne et un méditerranéen. Avec les photos-peintures, la ville se transforme en décor de théâtre ou de cinéma. On y découvre les lieux emblématiques de Paris parfois baignés dans la pénombre du soir ou le feutre illuminant une statue fait jaillir la lumière, à défaut de la faire jaillir de son socle. Les deux artistes s’approprient l’espace, les personnages et les objets avec un élan de liberté sans limites. Cette démarche s’inscrit dans un contexte d’émergence et de reconnaissance de la photographie, jusqu’alors marginalisée et déconsidérée. »

"Œuvres sur papier"
En 2025, la galerie Ingert présente l'exposition "Œuvres sur papier de la collection Jean Cherqui" de ce peintre. Une exposition réalisée en collaboration avec la Fondation Cherqui. Le commissariat en est assuré par Nitaye Eliacheff.

"L’exposition retrace l’itinéraire de l’artiste dans l’abstraction à travers une rare série d’œuvres sur papier provenant de la collection Jean Cherqui. Datées des années 1940-1950, elles illustrent la période emblématique de George Koskas. Originaire de Tunisie et installé en France au milieu des années 1940, George Koskas parvient à s’imposer progressivement comme l’une des figures les plus originales de l’avant-garde parisienne. Artiste libre en quête de renouveau, il incarne alors une abstraction épurée à laquelle il apporte un esprit léger et ludique", m'a précisé Nitaye Eliacheff.

Et Nitaye Eliacheff d'ajouter : "La Galerie Ingert, dirigée par Guillaume Ingert, est spécialisée dans les œuvres sur papier. Il est toujours agréable de présenter des œuvres accessibles en termes de prix. Les collectionneurs ou amateurs peuvent ainsi facilement acquérir des œuvres d’artistes importants, ce qui est moins le cas avec les peintures, qui sont souvent beaucoup plus chères. Il y a aussi une finesse, une légèreté et une impression de fragilité dans les œuvres sur papier qui me plaisent beaucoup. Le papier vit de façon différente ; il n’est pas aussi rigide que la toile fixée sur un châssis".



Interview de Nitaye Eliacheff, commissaire de l'exposition 

Nitaye Eliacheff est responsable du fonds George Koskas à la Fondation Cherqui et commissaire de l'exposition "Œuvres sur papier de la collection Jean Cherqui". 

"À peine arrivé à Paris après son départ de Tunisie, George Koskas se forme dans l’atelier d’André Lhote puis dans celui de Fernand Léger. Cette formation rigoureuse le rend particulièrement sensible à la question de la composition, qui restera un enjeu central de sa peinture. Un souci de la composition qu’il place d’emblée, au-delà de la seule harmonie des formes et des espaces, sur un plan ontologique, voire, selon le mot de l’écrivain Mustapha Chelbi « cosmique ». Ce qui se manifeste en lui à ce moment-là, c’est en effet ce qu’il nomme un « besoin de comprendre les liaisons profondes liant êtres, objets, nature, dépassant les apparences d’un figuratif narratif ».

"Revendiquant la primauté de la sensibilité et de l’inspiration, Koskas a tracé sa voie en toute liberté, choisissant toujours la direction vers laquelle le portait sa joie et son inclination. Son œuvre peut se lire comme un questionnement des éléments premiers qui constituent le monde et des relations qui les lient, qui tiennent à la fois d’un mystère cosmique et de l’évidence d’une présence dans la lumière. Les réponses qu’il propose forment un univers singulier et poétique, d’un minimalisme aussi humble que radical, « où la fantaisie peut faire monter dans l’air léger le plus profond de l’être. » 

"George Koskas est un artiste incontournable des l’abstraction géométrique. Contrairement aux artistes juifs européens de la modernité, ils sont peu nombreux parmi les artistes juifs d’Afrique du Nord à avoir laissé leur empreinte dans l’histoire de l’art. Lors de l’exposition Présences Arabes au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris en 2024, parmi les artistes juifs d’importance représentés figurent Jean-Michel Atlan (1913-1960) et George Koskas. Tout le monde connaît Jean-Michel Atlan, né en Algérie et considéré comme un précurseur de l’art informel. Alors qu’Atlan connaît une période de purgatoire dans les années 1950, George Koskas, lui, est au sommet de sa notoriété. Il connaîtra des années d’oubli à partir des années 1960 lorsqu’il se tourne vers la figuration, jusqu’à sa redécouverte dans les années 1980, notamment grâce à la Galerie Raph’ rue Pavée (dirigée par Raphael Ledermann), qui lui restera toujours fidèle. Progressivement, des collectionneurs et des conservateurs redécouvrent ses œuvres et l’exposition Les Années 50 au Centre Pompidou en 1988 lui redonne la place qui lui revient dans l’histoire de l’art. Depuis, une exposition au Musée de Grenoble en 1998 et une rétrospective au Musée des Beaux-arts de Rouen en 2008 ont permis de combler quelque peu ce retard de reconnaissance. L’œuvre de Koskas apporte une modernité et une originalité incroyables dans le mouvement de l’abstraction géométrique et préfigure les développements de l’art abstrait dans les décennies suivantes". 

"George Koskas est un peintre inclassable qui, toute sa vie, a travaillé à l’être, en se moquant des classifications et en se dissociant des écoles pour ne suivre que sa voie la plus personnelle, faite d’explorations, de revirements et de pas de côté. Tenant plus qu’à toute autre chose, à son indépendance et à sa liberté, il a de nombreuses fois changé de style et d’orientation, ce qui a sans doute joué sur une certaine frilosité de la critique à son égard, décontenancée par ces ruptures de continuité qui empêchent toute catégorisation claire. Il n’en reste pas moins que son œuvre constitue l’une des propositions les plus audacieuses et harmonieuses de l’abstraction géométrique française".


61 Rue Lecuyer, 93300 Aubervilliers

Du 7 mars au 18 avril 2025
46 rue Madame. 75006 Paris
Tél. : +33 (0)1 42 79 84 57
Du lundi au vendredi de 10h - 13h et 14h - 18h
Visuels :
Affiche
George Koskas
Sans titre, vers 1951
Gouache sur papier
30,6 x 23,7 cm | 12.1 x 9.3 in
© DR

George Koskas
Sans titre, vers 1948
Gouache sur papier
16 x 19,6 cm | 6.3 x 7.7 in.
© Tony Querrec_LD

Vidéo sur l'exposition 
© Nitaye Eliacheff

George Koskas
Sans titre, vers 1949
Encre sur papier
22,5 x 27,5 cm | 8.9 x 10.8 in.© DR

George Koskas
Sans titre, 1950
Gouache sur papier montée sur carton
32,2 x 25 cm | 12.7 x 9.8 in.
© DR

George Koskas
Sans titre, vers 1948
Gouache sur papier
20,8 x 26,2 cm | 8.2 x 10.3 in.
© DR

George Koskas
Sans titre, 1950
Gouache sur papier teinté
31,8 x 39,4 cm | 12.5 x 15.5 in.
© DR


Cet article a été publié par l'agence de presse Guysen International News et sur ce blog le 1er mars 2016.

vendredi 4 avril 2025

Lucia Moholy (1894-1989)

Née Lucia Schulz à Prague (dans l'actuelle République Tchèque), Lucia Moholy (1894-1989) était une photographe germanophone qui a documenté le Bauhaus. Fuyant le nazisme, elle se réfugie en Angleterre où elle poursuit un travail expérimental et d'historienne de la photographie. Après la Deuxième Guerre mondiale, elle a lutté pour récupérer ses droits d'auteure sur ses photographies. Arte diffusera le 6 avril 2025 à 17 h 45 « Lucia Moholy, la photographe du Bauhaus », documentaire de Sigrid Faltin, et, sur son site Internet sur son site Internet « Lucia Moholy - L'architecture et le design au XXe siècle ».

Ruth Beckermann, documentariste

Lucia Moholy (1894-1989) est née Lucia Schulz à Prague (dans l'actuelle République Tchèque), dans une famille juive germanophone.

En 1912, Lucia Schulz, professeure d'allemand et d'anglais, étudie la philosophie, la philologie et l'histoire de l'art à l'Université de Prague.

De 1915 à 1918, elle débute sa carrière professionnelle comme rédactrice et éditrice pour des maisons d'édition en Allemagne : Hyperion et Kurt Wolff à Berlin.

À partir de 1919, elle publie de la littérature expressionniste radicale sous le pseudonyme d'Ulrich Steffen.

En 1920, elle se lie avec László Moholy-Nagy, peintre, photographe plasticien et théoricien de la photographie hongrois qu'elle épouse l'année suivante. Le couple vit durant environ cinq années à l'école du Bauhaus, où Lucia Moholy explore la photographie.

En 1923, László Moholy-Nagy s'affirme comme un artiste du Bauhaus, et Lucia Moholy travaille comme technicienne de chambre noire dans son laboratoire. Elle est aussi élève du studio de photographie d'Otto Eckner.

Elle oeuvre comme photographe indépendante au Bauhaus de Weimar (1923-1925) puis au Bauhaus Dessau (1925-1928).

De 1925 à 1926, elle étudie les techniques photographiques et d'impression à l'Académie des arts visuels de Leipzig, dont elle est diplômée de photographe qualifiée. Ses photographies sont influencées par l'esthétique du Neue Sachlichkeit (Nouvelle objectivité), définie par son souci de documentation.

Elle contribue par ses photographies du Bauhaus, des maisons et objets des ateliers du Bauhaus à l'image et l'identité de l'école d'art avant-gardiste. Elle expérimente le photogramme. Dans des ouvrages, László Moholy-Nagy est seul crédité comme auteur des œuvres du couple d'artistes photographes. En 1925, l'ouvrage Malerei, Photografie, Film est publié sous son seul nom.

Après avoir quitté le Bauhaus en 1928, elle est employée par Mauritius, une célèbre et très ancienne agence photographique de la République de Weimar, et participe à l'exposition du Deutscher Werkbund (Fédération du travail allemand), Film und Foto à Stuttgart en 1929, et réunissant des artistes de la New Vision. Le couple Moholy-Nagy se sépare.

Lucia Moholy enseigne la photographie dans une école d'art privée à Berlin dirigée par le peintre suisse Johannes Itten. En 1933, à l'arrivée au pouvoir des Nazis, elle s'exile pour Prague, chez sa famille après l'arrestation de son conjoint, un député communiste, arrêté à son domicile en l'absence de la photographe. Celle-ci ensuite rejoint la Suisse l'Autriche et Paris, avant de se fixer à Londres. Là, elle gagne sa vie par la photographie commerciale, le portrait et l'enseignement. Elle signe A Hundred Years of Photography, 1839-1939. Elle participe à l'archivage sur microfilm de documents dont l'échelle a été réduite, à la London Science Museum Library, pour l'Association des bibliothèques spéciales et des bureaux d'information (Aslib). 

De 1946 à 1957, elle parcourt le Proche-Orient et le Moyen-Orient dans le cadre de projets mis en place par l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO). Lucia Moholy réalise notamment des films documentaires.

En 1959, vivant à Zollikon (Suisse), elle écrit sur la période du Bauhaus et se spécialise dans la critique d'art.

Une grande partie de la deuxième partie de sa vie est consacrée à un combat pour récupérer la titularité de ses droits d'auteure sur ses photographies. En effet, ses clichés ont été publiés dans les années 1930, dans le cadre de marketing ou dans les catalogues de vente de l'école du Bauhaus, voire dans des publications après la Deuxième Guerre mondiale mais sans qu'elle soit créditée comme auteure de ces photos dont le crédit est accordé à László Moholy-Nagy ou à Walter Gropius, fondateur du Bauhaus.

Pressée de fuir le régime nazi, Lucia Moholy avait laissé à Berlin ses œuvres, dont les négatifs de ses photographies du Bauhau. Walter Gropius avait conservé ses films.  En 1938, pour une rétrospective sur le Bauhaus au Musée d'Art Moderne (MoMA) de New York, Walter Gropius avait présenté environ cinquante photographies de Lucia Moholy dans l'exposition et dans son catalogue sans jamais la créditer. A plusieurs reprises, Lucia Moholy avait réclamé ses photos à Walter Gropius. En vain. Elle initie un procès qui lui permet, dans les années 1960, de récupérer une partie de son oeuvre photographique, la titularité de ses droits d'auteure .

En 1972, elle publia Moholy-Nagy Notes.

« Lucia Moholy, la photographe du Bauhaus »
Avec « Focus photographie, ARTE célèbre la photo sous tous les angles ! A l'occasion de la journée mondiale de la photographie, ou encore des Rencontres d'Arles, par passion ou curiosité, développez votre oeil avec notre exposition virtuelle. Zoom sur des œuvres majeures ou des photographes à découvrir de toute urgence. »

Arte diffusera le 6 avril 2025 à 17 h 45 « Lucia Moholy, la photographe du Bauhaus » de Sigrid Faltin.

« Lucia Moholy (1894-1989) a été une photographe pionnière du mouvement Bauhaus. Avec son mari Laszlo Moholy-Nagy, elle a travaillé pendant cinq ans à Weimar et Dessau. En 1933, quand elle a dû fuir les nazis, elle n’a pu emporter ses négatifs en verre. Ce documentaire raconte son histoire autant tragique qu’admirable. »

« Née en 1894 à Prague dans une famille juive, Lucia Schulz s’installe en Allemagne à 21 ans. »

« Sa vie bascule cinq ans plus tard lorsqu’elle rencontre Laszlo Moholy-Nagy, juif hongrois pétillant et sans le sou, qui partage sa passion pour l’art. »

« Les époux expérimentent les possibilités du photogramme – une image photographique obtenue sans appareil –, à l’instar de leur double autoportrait, qui fera la seule renommée de Laszlo ». 

« Quand ce dernier devient professeur au Bauhaus, l’école d’architecture et d’arts appliqués fondée par Walter Gropius en 1919 à Weimar, Lucia Moholy se charge de photographier les réalisations révolutionnaires de cette ruche créative. »

« Elle poursuit ce travail à Dessau, où l’institution déménage en 1925, en immortalisant sous tous les angles les bâtiments construits par Gropius pour accueillir élèves et enseignants. »

« À Berlin, où elle s’installe à la fin des années 1920, la jeune femme tombe amoureuse du député communiste Theo Neubauer. »

« Lorsque ce dernier est arrêté par les nazis en août 1933, elle se résout à quitter l’Allemagne, en confiant sa collection de négatifs sur plaques de verre à son ex-mari, qui les déposera à son tour chez Walter Gropius avant de fuir en Amérique… »

« Aux États-Unis, où il a obtenu une chaire à Harvard en 1938, le fondateur du Bauhaus fera la promotion du mouvement en utilisant les clichés de Lucia Moholy, sans jamais la mentionner ni la prévenir qu’il a sauvé ses négatifs. »

« La photographe – qui a gagné son procès contre celui qu’elle considérait comme un ami – a ainsi été longtemps dépossédée de son œuvre, n’accédant à la reconnaissance qu’à un âge avancé. »

« Mêlant archives, interviews et mises en pratique de ses procédés créatifs, ce documentaire au graphisme Bauhaus retrace, en compagnie de spécialistes et d’admirateurs, le parcours d’une artiste majeure de la Nouvelle Objectivité, disparue en 1989, qui promut aussi en pionnière, depuis son exil londonien, la technique du microfilm comme support d’une information gratuite pour tous. »

« Lucia Moholy - L'architecture et le design au XXe siècle »
« Cherchez la femme ! Déroulant les grands chapitres de l’Histoire de l’Homme, Denis Podalydès prête sa voix à un narrateur qui voit surgir les silhouettes en papier de toutes ces femmes oubliées. Les trente épisodes de trois minutes de cette série en stop motion, aussi drôles que percutants, exhument les destins de femmes effacées des livres d’histoire, remettent en lumière leurs parcours, en exposant les raisons de cette occultation. Créatrice de cette réjouissante série d’animation, Julie Gavras décortique, à travers trois parcours, les mécanismes qui ont conduit les femmes dans les oubliettes de l’histoire, qui les ont reléguées dans l’ombre. »

« Saviez-vous qu’Adam a eu une compagne avant Ève ? Que les armées vikings comptaient de nombreuses guerrières dans leurs rangs ? Que ce sont des femmes qui ont inventé l’aquarium ou découvert la trisomie 21 ? Ouvrant un à un les grands chapitres de l’histoire de l’homme, un narrateur pontifiant, auquel Denis Podalydès prête ses géniales intonations, voit se détacher les silhouettes en papier de toutes ces femmes oubliées. Régulièrement interrompues par les soupirs exaspérés et les piques misogynes de leur interlocuteur, ces artistes, penseuses, sportives, scientifiques… racontent leur parcours et les raisons de leur disparition sans se laisser impressionner. Certaines étaient reconnues en leur temps, d’autres ont vu leurs réalisations minimisées, occultées, voire spoliées par des hommes. Emmenée par un impressionnant casting de voix (Agnès Jaoui, Clémence Poésy, Laetitia Casta, Florence Loiret-Caille, Isabelle Carré…), cette série en stop motion, aux dialogues teintés d’humour grinçant et à l’animation énergique façon Tex Avery, explore en trente épisodes les mécanismes d’invisibilisation auxquels se sont heurtées les femmes à travers les siècles. »  
 
Dans le cadre de cette série d'animation, Arte diffuse sur son site Internet « Lucia Moholy - L'architecture et le design au XXe siècle ».

« Il s’agit d’un vol, avec un degré de complexité supplémentaire par rapport au vécu d’autres femmes dont les découvertes ont été pillées par des hommes. Si le Bauhaus est l’œuvre de l’architecte Walter Gropius, les photos de Lucia Moholy ont joué un rôle fondamental dans sa postérité après la fermeture de l’école par les nazis. L’histoire de cette femme est de celles qui vous tordent l’estomac : juive, elle a fui l’Allemagne et s’est retrouvée en Angleterre sans le sou. Elle n’a pas réussi à émigrer aux États-Unis, où se trouvaient la plupart des anciens du Bauhaus, dont son fondateur. Alors qu’ils s’écrivaient régulièrement, elle s’est rendu compte au bout de près de vingt ans que Gropius lui avait menti : il ne détenait pas que des tirages de ses photos, mais tous ses négatifs. Elle lui a intenté un procès qu’elle a gagné. Mais il est difficile de lutter contre un mythe... », a déclaré Julie Gavras, créatrice de la réjouissante série d’animation Cherchez la femme !, à Manon Dampierre.


Allemagne, Suisse, 2024, 56 min
Coproduction : ZDF/ARTE, SRF, B2W Filmworks
Sur Arte le 6 avril 2025 à 17 h 45
Sur arte.tv du 10/02/2025 au 10/05/2025
Visuels :
© Bauhaus-Archiv Berlin
© Sigrid Faltin

« Lucia Moholy - L'architecture et le design au XXe siècle » par Julie Gavras, Mathieu Decarli et Olivier Marquézy
France, 2021, 3 min
Auteure : Julie Gavras
Production : Les Films du Bilboquet, Zadig Productions, Iota Production, Pictanovo
Coproduction : ARTE France, Zadig Productions, Les Films du Bilboquet, Iota Production, Pictanovo, RTBF
Création graphique : Mathieu Decarli, Olivier Marquézy
Avec les voix de Sarah-Jane Sauvegrain et Denis Podalydès, de la Comédie-Française
Productrices : Céline Nusse, Mathilde Raczymow
Sur arte.tv du 12/12/2022 au 03/12/2027

Les citations sur la série proviennent