Citations

« Le goût de la vérité n’empêche pas la prise de parti. » (Albert Camus)
« La lucidité est la blessure la plus rapprochée du Soleil. » (René Char).
« Il faut commencer par le commencement, et le commencement de tout est le courage. » (Vladimir Jankélévitch)
« Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort. Il est de porter la plume dans la plaie. » (Albert Londres)
« Le plus difficile n'est pas de dire ce que l'on voit, mais d'accepter de voir ce que l'on voit. » (Charles Péguy)

samedi 22 mars 2025

« La servante écarlate » de Margaret Atwood

En 1985, a été publié "The Handmaid’s Tale" 
« La servante écarlate », roman de science-fiction dystopique de Margaret Atwood, professeure, poétesse canadienne qui imagine le régime théocratique totalitaire de Gilead asservissant des femmes fertiles appartenant à la classe sociale des "servantes écarlates" vouées à la reproduction humaine. Arte diffusera le 24 mars 2025 à 22 h 55 « La servante écarlate », film de Volker Schlöndorff, adapté de ce roman et interprété par Faye Dunaway, Robert Duvall et Natasha Richardson. Les manifestantes protestant en Israël en 2023 contre la réforme judiciaire souhaitée par le gouvernement de Benjamin Netanyahu afin de mettre un terme au "gouvernement des juges" portaient le vêtement rouge décrit dans ce roman.

Raymond Aron (1905-1983) 
« ENS : L'école de l’engagement à Paris » par Antoine de Gaudemar et Mathilde Damoisel
Archives de la vie littéraire sous l'Occupation 

En 1985, a été publié "The Handmaid’s Tale", roman de science-fiction dystopique de Margaret Atwood, et vendu à huit millions d'exemplaires dans le monde en quarante ans. Deux ans plus tard, il a été traduit en français sous le titre "La Servante écarlate". Un livre inspiré par les séjours de l'auteure dans des pays d'Europe de l'Est, communiste, par le sort des Juifs persécutés par les Nazis et par le roman La Lettre écarlate (The Scarlet Letter) de Nathaniel Hawthorne (1850).

L'histoire se déroule dans une société future au régime totalitaire et dominée par la religion. La pollution, des déchets toxiques dans l'atmosphère ont eu pour effet d'induire un taux de natalité très bas et des malformations chez de nombreux nouveau-nés. Dans la société de Gilead, les femmes appartiennent à une des classes sociales : les Epouses détentrices de pouvoir, les Marthas domestiques à la maison, les Econofemmes dont les époux dont pauvres, les Tantes qui "éduquent" les Servantes vêtues de robes rouges, et destinées à la reproduction avec un Commandant, les Jézabel, prostituées, les femmes âgées ou infertiles contraintes à un travail dangereux, mortel... Le récit est relaté par Defred (Offred, dans le roman original), une servante nostalgique de sa vie d'avant.

Interviewée par Rolling Stone en 2018, Margaret Atwood a déclaré que l'idée du roman "lui était venue en 1981, quatre ans avant la publication du roman, après l'élection de Ronald Reagan à la présidence et la montée de la droite religieuse".

Le roman a été adapté au cinéma par Volker Schlöndorff en 1990, en opéra par Poul Ruders, en ballet par le Royal Winnipeg Ballet en 2013, en série télévisée créée par Bruce Miller (2017-2025) sur Hulu.

En 2019, la suite du roman est publiée, intitulée "Les Testaments".

En 2022, le roman « La servante écarlate » a été inclus dans la liste « Big Jubilee Read » de 70 livres d'auteurs du Commonwealth choisis pour célébrer le jubilé de platine d'Elizabeth II.

Née en 1939, Margaret Atwood s'est engagée pour la souveraineté du Québec et en faveur de l'Ukraine après l'invasion russe en février 2022 (signature de la lettre d'auteurs à l'initiative de PEN International).

Manifestations dans le monde
"Les robes cramoisies portées par les servantes du livre – et le bonnet blanc ajouté ultérieurement par les costumières de Hulu – sont devenues l'incarnation mondiale de la menace qui pèse sur les femmes sous le patriarcat et ont été utilisées lors de manifestations ailleurs. Des Américaines opposées aux nominations conservatrices de Trump à la Cour suprême ont revêtu ce costume, tout comme les Iraniennes manifestant en Grande-Bretagne en soutien aux manifestations pour le hijab en Iran, et les Polonaises appelant à préserver le droit à l'avortement".

Israël
Dès janvier 2023, en Israël, des opposantes à la réforme judiciaire visant à mettre un terme au "gouvernement des juges" représenté par la Cour suprême idéologisée ont manifesté vêtues en servantes écarlates aux bonnets blancs. "Environ 1 000 femmes les portaient lors d'un récent rassemblement à Tel Aviv, organisé par le groupe de défense des droits des femmes Bonot Alternativa, ou « construire une alternative ». L'une des organisatrices a déclaré à propos des récents événements : « Nous ne voulons pas qu'ils décident quand nous pouvons sortir ni où nous pouvons nous asseoir dans le bus. » Elle semblait convaincue que le nouveau gouvernement cherchait à avoir son mot à dire dans tous les aspects de sa vie. Elle semblait effrayée, comme l'était Atwood en son temps", a écrit  Irit Linur (Israel Hayom, 19 mars 2023). 

Et  Irit Linur de poursuivre : "Ce n'était pas la première fois que les robes cramoisies étaient utilisées lors de manifestations en Israël. En 2019, des partisans du parti Yesh Atid du chef de l'opposition Yaïr Lapid, dont son épouse Lihi, avaient revêtu ces tenues pour protester contre la proposition des députés Haredi d'autoriser des événements séparés entre les sexes dans les institutions publiques. Les manifestations continuent d'être bien marquées en 2022, réutilisant toutes sortes de symboles, du communisme à Black Lives Matter, et même des cris de « Honte » inspirés d'une scène de Game of Thrones. Atwood a même rapporté des photos de la manifestation, comme elle le fait à chaque manifestation mettant en vedette des symboles de « La Servante écarlate », y compris celle de Londres la semaine dernière, organisée en solidarité avec les femmes d'Iran, qui sont véritablement opprimées. Mais en Israël, il semble que la gauche ne comprenne pas entièrement la communauté ultra-orthodoxe, et si quelqu’un est amené à croire que ses membres voient les femmes comme des esclaves et des machines à accoucher, alors il n’est pas étonnant qu’il ou elle en vienne à voir le pire en elles".

Le 7 mai 2023, Margaret Atwood a été interrogée lors d'une vidéoconférence par Julia Fermentto Tzaisler, directrice artistique du 11e Festival international des écrivains de Jérusalem, en mai 2023. Elle n'a pas été surprise par ces manifestantes arborant, lors de défilés hebdomadaires, des tenues rappelant son roman. « Il s'agit d'une protestation contre un projet de prise de contrôle totalitaire d'une démocratie... Si vous contrôlez le pouvoir judiciaire et que vous vous contentez d’approuver le gouvernement, cela pourrait aussi bien être le stalinisme des années 1930  », a-t-elle déclaré. Margaret Atwood a dit "que même si elle a vu ses servantes fictives apparaître lors d'autres manifestations dans le monde, notamment au Texas, en Argentine et en Irlande, elle n'en a jamais vu autant que lors des diverses manifestations israéliennes : « On aurait pu croire à un court métrage tiré d'une série télévisée. C'est très chorégraphié et visuel. Je ne suis pas prophète », a déclaré Atwood, 83 ans. « Je ne sais pas ce qui va se passer, personne ne le sait, car il n'y a pas d'avenir unique. Les gens au pouvoir, le roi [le Premier ministre Benjamin Netanyahu, ndt], vont devoir prendre en compte qu’un très grand nombre de personnes dans le pays pensent que ce qu’il fait est mal. je pense que nous voyons maintenant une pensée plus positive, que les totalitarismes peuvent être renversés et que nous pouvons faire beaucoup pour la situation de la planète ».

Ces manifestations en Israël n'étaient pas spontanées. Dès le 20 août 2023, MIDA soulignait le rôle éminent de l'organisation privée Blue White Future dans l'organisation de ces manifestations.

Le 17 février 2025, Israel Hayom et Makor Rishon ont révélé que 120 millions de shekels (33,8 millions de dollars) ont financé directement la campagne et les manifestations contre la réforme judiciaire en 2023. Cette somme provenait d'une seule association, Blue White Future. "Environ la moitié des fonds a soutenu des organisations de terrain organisant des manifestations à l'échelle nationale, tandis que le reste a financé des professionnels des relations publiques et des campagnes médiatiques sur les plateformes traditionnelles et les réseaux sociaux.

"Blue White Future a distribué des fonds à diverses organisations, dont Brothers in Arms, Bonot Alternativa (« Femmes construisant une alternative ») – qui a organisé la « Marche des servantes » – et à de nombreux autres groupes de protestation, notamment universitaires. Elle a fait appel à une agence de relations publiques de Washington pendant trois mois, moyennant un montant de 75 000 dollars, afin de promouvoir ses positions auprès de l'administration Biden. Fondée en 2009 sous le nom de « Paix Bleue et Blanche » avant d'adopter rapidement son nom actuel, l'organisation a pour mission de promouvoir une solution à deux États afin de préserver le caractère juif et démocratique d'Israël. Parmi ses principales figures figurent Orni Petruschka, le procureur Gilead Sher – ancien chef de cabinet d'Ehud Barak et membre de l'équipe de négociation d'Oslo/Camp David – et Ami Ayalon, ancien directeur du Shin Bet et membre du Parti travailliste. L'organisation a maintenu des activités relativement modestes pendant la majeure partie de son existence, avec des dons annuels allant de 150 000 à 1 million de shekels. Une expansion notable a eu lieu en 2020 lors des manifestations contre l'initiative de souveraineté en Judée-Samarie, bien que le budget soit resté inférieur à 7 millions de shekels, provenant principalement de sources américaines. L'escalade spectaculaire des activités et du financement est apparue en 2023. Selon l'avocat Sher, d'éminents militants, dont Shikma Bressler, Ilan Shiloah, Dan Halutz et Orni Petruschka, se sont réunis le 14 décembre 2022 – après la victoire électorale de la droite, mais avant l'installation du nouveau gouvernement – ​​pour créer le « Comité de pilotage du siège de la campagne ». À partir de janvier 2023, l'organisation a considérablement étendu ses activités, embauchant du personnel de direction et collaborant avec divers partenaires. Elle a ensuite modifié ses statuts afin de fournir à ses membres une assurance et une protection juridique contre d'éventuelles poursuites judiciaires".

"Les rapports financiers indiquent que le chiffre d'affaires de l'organisation en 2023 avoisinait les 160 millions de shekels (45 millions de dollars), dont 120 millions ont été spécifiquement alloués à l'opposition à la réforme judiciaire du ministre Yariv Levin. Ce montant comprenait 56 millions de shekels pour les relations publiques et les campagnes médiatiques, 50 millions de shekels pour les « activités de terrain visant à renforcer la démocratie », 2,2 millions de shekels pour l'assistance juridique aux manifestants détenus, 2 millions de shekels pour les salaires, 1,8 million pour la logistique et les installations, 680 000 shekels pour la gestion de projets et 300 000 shekels pour les voyages internationaux. Bien que substantiels, ces chiffres ne représentent qu’une partie du financement des manifestations anti-réformes, car Blue White Future n’a été qu’un des nombreux canaux financiers soutenant le mouvement.

"Les documents déposés auprès du Registre des associations (qui enregistre toutes les organisations à but non lucratif israéliennes) laissent sans réponse d'importantes questions sur les sources de financement. Bien que plus de 83 millions de shekels (23,4 millions de dollars) proviennent de l'étranger, principalement des États-Unis, il s'avère difficile de retracer les sources précises. Le don le plus important – près de 64 millions de shekels – a été effectué par l'intermédiaire de PEF Israël, une organisation qui facilite les dons déductibles d'impôts des États-Unis vers Israël, masquant ainsi les donateurs initiaux. Un autre contributeur important, le Middle East Peace Dialogue Network (MEPDN), a augmenté son don annuel typique de centaines de milliers de shekels à 14 millions de shekels en 2023. Le site Web américain Data Republican affirme que le MEPDN a fonctionné comme un canal indirect pour les fonds de l'USAID, bien que Blue White Future nie catégoriquement avoir reçu un quelconque financement du gouvernement américain".

Les "dons israéliens, totalisant plus de 71 millions de shekels, s'avèrent plus facilement traçables. Parmi les donateurs importants figurent des milliardaires et des millionnaires tels que Morris Kahn, Ora Stibbe – belle-mère de l'ancien député de gauche Stav Shaffir –, le milliardaire israélo-canadien Mark Scheinberg – qui avait auparavant soutenu le parti Nouvel Espoir de Gideon Saar en lui accordant des garanties de prêt –, Paz Litman et Jonathan Kolber. Parmi les entreprises donatrices figuraient Paragon – associé à l'ancien Premier ministre Ehud Barak ; Paradox Capital – lié à l'influent homme d'affaires israélien et figure de la publicité médiatique Ilan Shiloah ; et Zur Shamir Holdings, propriétaire de Direct Insurance. Parmi les autres soutiens figuraient l'Observatoire sous-marin d'Eilat, le kibboutz Mishmar HaEmek (1 million de shekels), le kibboutz Gilad (250 000 shekels) et l'ONG Zulat de l'ancienne députée de gauche Zehava Galon, qui a versé plus de 250 000 shekels pour la défense juridique des manifestants arrêtés. Certains donateurs ont reçu l'autorisation officielle du greffier de garder l'anonymat. En réponse à ces conclusions, Blue White Future a catégoriquement nié avoir reçu un quelconque financement de l'USAID ou d'autres sources du gouvernement américain, rejetant ces allégations comme étant de « fausses nouvelles ».

« La servante écarlate » de Volker Schlöndorff
Arte diffusera le 24 mars 2025 à 22 h 55 « La servante écarlate » de Volker Schlöndorff.

« Dans un futur proche, les femmes non stériles sont réduites en esclavage au service d’une élite. Volker Schlöndorff adapte la terrifiante fable dystopique de Margaret Atwood, avec Faye Dunaway, Robert Duvall et Natasha Richardson. »

« Aux États-Unis, une catastrophe nucléaire a fait drastiquement chuter la fécondité. Une nouvelle société s’est mise en place, la “république de Gilead”, dont les dirigeants ont entrepris de mettre à leur service les rares femmes encore en mesure de procréer. Vêtues de robes écarlates, les “servantes” sont privées de leurs droits et réduites à l’état de machines reproductrices. Kate a ainsi été arrachée à sa famille pour être envoyée dans la maison d’un commandant et de son épouse… »

« Bien avant la série télévisée portée par Elisabeth Moss et Joseph Fiennes, Volker Schlöndorff s’est lui aussi emparé du roman dystopique de Margaret Atwood, qui dépeint une société totalitaire où le pouvoir politique et la religion s’allient pour anéantir les libertés et réprimer violemment toute opposition. »

« Profondément pessimiste, cette fable féministe dénonce les dérives de nos sociétés, alors que la dégradation de l’environnement et les crises économiques ont poussé l’humanité au bord du précipice. »

« Mêlant science-fiction et drame psychologique, le réalisateur allemand ancre le récit dans des couleurs glacées et des atmosphères figées qui accentuent son caractère cauchemardesque. »

« Trente-cinq ans après sa sortie, ce film saisissant, servi par un casting remarquable, résonne puissamment avec les peurs suscitées par l’avènement de l’Amérique trumpiste. » A l'heure où les Iraniennes luttent courageusement pour leurs droits, notamment celui de ne pas porter le voile islamique, après la décision du Président américain d'interdire aux Trans les compétitions sportives féminines, ce lien diffamant envers le Président Donald Trump s'avère infondé et choquant.



« La servante écarlate » de Volker Schlöndorff 
Allemagne, Etats-Unis, 1989, 1 h 43 mn
Production : Daniel Wilson Productions, Bioskop Film
Producteur : Daniel Wilson
Auteure : Margaret Atwood
Scénario : Harold Pinter
Image : Igor Luther
Montage : David Ray
Musique : Ryūichi Sakamoto
Avec Natasha Richardson (Kate), Faye Dunaway (Serena Joy), Aidan Quinn (Nick), Elizabeth McGovern (Moira), Victoria Tennant (tante Lydia), Robert Duvall (le Commodore), Lucile McIntyre (Rita)
Sur arte.tv du 23/03/2025 au 21/04/2025
Visuels : © 1990 Orion Pictures Corporation

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire