La Maison Musée de la Conférence de Wannsee à Berlin (6-28 mars 2025), puis l’hôtel de ville de Neukoelln à Berlin (28 avril-17 mai 2025) accueilleront l’exposition itinérante « The Vicious Circle » (« Le cercle vicieux »). Au travers de cinq objets juifs, l’exposition évoque cinq pogroms à Berlin (Allemagne, 1938), Bagdad (Irak, 1941), Kielce (Pologne, 1946), Aden (Yémen, 1947) et dans le sud d'Israël (2023). Elle repère les discours antijuifs instigateurs à leur origine, et propose de rompre ce « cercle vicieux » de haine antisémite, pour établir un « cercle vertueux ». Elle véhicule parfois le mythe al-Andalus, mais elle évoque le farhud, pogrom incité par le grand mufti de Jérusalem al-Husseini en Irak, notamment à Bagdad, en 1941 - 179 juifs assassinés - et le pogrom à Aden (Yémen, 1947) au cours duquel 87 juifs ont été tués.
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Le « Cercle vicieux » « explore l'illusion qui sous-tend 2000 ans de pogroms qui non seulement tuent et nettoient ethniquement les populations juives qu'ils visent, mais causent des dommages durables à leurs auteurs ».
« Il est essentiel de se rappeler que la Shoah n'a pas surgi de nulle part et qu’elle n'a pas marqué la fin de l'histoire du racisme antijuif. « Le Cercle vicieux » explore l'illusion obsessionnelle et récurrente selon laquelle la violence contre les Juifs conduit à la libération individuelle et collective - à travers les millénaires et les continents. Encore et encore, cette illusion est alimentée par de faux prophètes qui promettent la rédemption, mais n'apportent que la destruction. »
« L'exposition raconte cinq histoires dans une grande installation circulaire saisissante, avec des objets originaux, des textes et cinq grands écrans vidéo correspondant à cinq communautés juives : Berlin (Allemagne), Bagdad (Irak), Kielce (Pologne), Aden (Yémen) et le sud d'Israël. Cinq objets magnifiques illustrant l'amour, la créativité et la coexistence pacifique de ces communautés. Cinq pogroms ont conduit au nettoyage ethnico-religieux de ces communautés : en 1938, 1941, 1946, 1947 et 2023 ».
« Cinq objets originaux étonnants racontent l'histoire de la coexistence harmonieuse entre les communautés juives et leurs concitoyens chrétiens ou musulmans à travers l'Europe et le Moyen-Orient. Ils célèbrent la créativité interculturelle qui naît de l'acceptation mutuelle - de la musique klezmer aux objets religieux illustrant des valeurs partagées. » L'exposition véhicule parfois le mythe al-Andalus.
« Cinq grands écrans présentent des collages vidéo sur la vie quotidienne et l'amour dans chaque communauté, accompagnés d'une version musicale instrumentale de « Oseh Shalom », une prière juive universelle pour la paix. Les cinq histoires se rejoignent en une ponctuation violente et enflammée, illustrant le sort brutal que chaque communauté a subi et la chute catastrophique de la population qui s'en est suivie - dans la plupart des cas, jusqu'à (presque) zéro. »
« Les panneaux muraux qui l'accompagnent invitent le visiteur à étudier le principal instigateur de chaque pogrom. En affichant des citations originales tirées de textes et de discours clés, le visiteur repérera les motifs récurrents qui alimentent les massacres antijuifs. Tous les incitateurs ont recours à des théories du complot pour convaincre les gens qu'ils sont victimes de la « puissance » juive. Et tous appellent à la violence performative comme un acte de libération et de rédemption spirituelle, à célébrer dans la joie. »
Parmi ces incitateurs : Joseph Goebbels, ministre de l'Éducation du peuple et de la Propagande du régime nazi ou IIIe Reich (1933-1945), Hassan al-Banna (1906-1949), instituteur égyptien et fondateur en 1928 des Frères musulmans, Mohammed Amin al-Husseini (1895-1974), grand mufti de Jérusalem et allié des nazis, Henryk Blaszczyk, enfant polonais âgé de neuf ans dont le mensonge a induit le pogrom à Kielce, et Yahya al-Sinwar (1962-2024), dirigeant du Hamas dans la bande de Gaza et fomenteur de l'agression djihadiste du 7 octobre 2023.
L'exposition « se termine par un appel vidéo à l'action : « À maintes reprises, de faux prophètes ont promis que le massacre des Juifs nous libérerait. Les pogroms qu'ils incitent ont détruit des milliers de communautés en assassinant et en expulsant leurs habitants juifs... et en enfermant tous les autres dans une illusion permanente. Après 2000 ans, n'est-il pas temps de briser ce cercle vicieux ? Et d'oser créer un cercle vertueux... qui vit, laisse vivre et cocrée ? »
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« L'histoire montre que la philosophie « vivre, laisser vivre et cocréer » a donné naissance à des communautés extrêmement prospères - de Berlin à Bagdad, d'Aden à Alep - qui ne se sont sans doute jamais remises des pogroms qui ont tué et expulsé leurs populations juives ».
« 80 ans après la pire atrocité antijuive que le monde ait jamais connue, les théories du complot qui en sont à l'origine reviennent en force. Cette fois, elles circulent à une vitesse dont Goebbels n'aurait pu que rêver. C'est certainement une insulte à la mémoire des six millions de Juifs et aux survivants qui nous ont éduqués et inspirés, si nous ne parvenons pas à briser le cercle vicieux du racisme antijuif sous sa forme du 21e siècle. S'agit-il de nouveaux auteurs ou simplement de vieilles idées vicieusement recyclées ? »
Le professeur Maiken Umbach, conseillère principale du National Holocaust Museum en matière d'enseignement et d'innovation et professeur d'histoire moderne à l'université de Nottingham, a déclaré : « En cette journée de commémoration de l'Holocauste, il est important de se pencher sur la question de l'antisémitisme. Nous ne devons pas nous contenter de nous souvenir de l'Histoire. Nous devons également faire face à une dangereuse illusion idéologique ».
« Fondé en 1995, le National Holocaust Museum de Laxton, dans la région de Sherwood Forest (Nottinghamshire), est une attraction touristique majeure au cœur de l'Angleterre. C'est le seul musée britannique consacré à la Shoah et le seul au monde à avoir été fondé par des chrétiens - la remarquable famille Smith ».
L'équipe a produit des expériences interactives de premier plan, notamment le projet Forever, qui permet de poser des questions à un rescapé de la Shoah même s'il n'est plus en vie ; l'exposition et l'application The Journey, qui plonge le visiteur ou l'utilisateur dans l'histoire d'un garçon qui a fui le Berlin nazi en tant que réfugié dans le cadre du Kindertransport ; The Eye As Witness, une exposition de réalité mixte dans laquelle les visiteurs utilisent des lunettes de réalité virtuelle pour se plonger dans une image tristement célèbre du ghetto de Varsovie, ainsi que des courts-métrages, dont Edek, plusieurs fois primé, qui raconte l'histoire déchirante de la survivante Janine Webber par le biais du hip-hop ».
« Grâce à des expositions, des programmes éducatifs, des jardins commémoratifs, une collection d'objets d'importance internationale et surtout les témoignages d'un grand nombre de rescapés de la Shoah pour qui nous sommes un foyer depuis 30 ans, nous communiquons la mémoire de la Shoah dans un but contemporain : développer une communauté de penseurs critiques dans toute la société, capables de remettre en question la désinformation, les stéréotypes et les théories du complot qui alimentent le racisme, en particulier le racisme antijuif. La réflexion critique sur la Shoah et sur les 2 000 ans d'aliénation antijuive est à son apogée. »
L’exposition a été montrée à Soho, à Londres (21-28 janvier 2025). Elle sera ensuite accueillie à la Maison Musée de la Conférence de Wannsee à Berlin (6-28 mars 2025), puis à l’hôtel de ville de Neukoelln à Berlin (28 avril-17 mai 2025). « Elle fera ensuite l'objet d'une tournée internationale, d'abord à Tallinn, puis à Berlin et au Parlement européen à Bruxelles ».
« L'Irak possédait l'une des plus anciennes communautés juives du monde. Elle a prospéré pendant près de trois millénaires. Cette ménorah, destinée à la fête de Hanoukka, a été fabriquée à Bagdad vers 1900. Elle porte des symboles empruntés à l'islam : le croissant et l'étoile, les oiseaux et les hamsas (mains), incarnant la coexistence florissante des juifs et des musulmans, un entrecroisement de symboles et de coutumes enrichissant les deux cultures. »
« Boîte de tzedakah, traduit souvent par charité juive. Cet exemplaire datant de 1900 provient d'Allemagne où les Juifs étaient extrêmement bien intégrés. Le style de la boîte reflète cette intégration : les grandes pierres et le toit pentu sont typiques de l'architecture allemande. Après 1933, de nombreux Juifs allemands ont considéré avec incrédulité la politique antijuive des nazis. Beaucoup pensaient que ce n'était qu'une phase... jusqu'à ce qu'il soit trop tard. »
Bracelet de mariage, ADEN (YEMEN)
« La vie juive a prospéré pendant plusieurs siècles dans la ville yéménite d'Aden. Sous le régime islamique, les Juifs étaient traités comme des dhimmis, des citoyens de seconde zone, contraints d'exercer des professions jugées impures pour les musulmans. Le travail des métaux en faisait partie. Les orfèvres juifs yéménites sont devenus célèbres dans tout le Moyen-Orient. Notre exemple de leurs magnifiques créations est le bracelet de mariage d'une femme juive Adeni, dont la famille a été forcée de fuir son pays d'origine à cause des pogroms antijuifs. Elle vit aujourd'hui en Israël. »
Clarinette klezmer, POLOGNE
« La musique klezmer est la musique folklorique instrumentale des Juifs d'Europe centrale et orientale, qui s'est principalement développée en Pologne, le royaume le plus tolérant d'Europe au début de l'ère moderne. Le klezmer est devenu un élément populaire de la vie juive polonaise pendant 400 ans. L'anéantissement de la vie juive en Pologne a pratiquement tué la musique klezmer en Europe. En 1988, des Polonais non juifs ont fondé le festival annuel de la culture juive à Cracovie, dans lequel la musique klezmer joue un rôle central. Ce festival attire aujourd'hui quelque 30 000 participants chaque année. »
Lunettes papillon de Shlomo Mansour, ISRAËL
« Cette paire de « lunettes papillon » a été fabriquée par Shlomo Mansour. Shlomo Mansour est né à Bagdad (Irak). Il avait 3 ans lors du pogrom de Farhud en 1941." Dans son Journal découvert par sa famille, il a écrit ses souvenirs du farhud fomenté par le grand mufti de Jérusalem al-Husseini, allié des Nazis, avant de fuir en Italie fasciste, puis en Allemagne nazie :
« Du toit, j'ai vu un spectacle horrible dont je me souviens encore et qui me fait faire des cauchemars, surtout quand je pense aux organisations terroristes Isis et Hamas qui sont nos voisins. J'ai entendu des cris terribles et j'ai vu une femme qui pleurait à chaudes larmes et qui suppliait qu'on lui rende son bébé. Mais ils ont continué à jouer avec le bébé comme avec une balle. Puis, l'un des monstres a pris un couteau, a embroché le bébé et l'a rendu à la femme ».
"Les Mansour se sont enfuis en Israël, avec plus de 100 000 autres survivants. Shlomo s'est construit une nouvelle vie dans le petit kibboutz Kissufim. Ses 300 résidents ont investi dans la paix, établissant des partenariats avec les Bédouins et les Arabes. Shlomo travaillait comme charpentier et aimait particulièrement fabriquer des jouets pour les enfants. Il travaillait encore sur ce papillon lorsque, le 7 octobre 2023, Kissufim a été attaqué par le Hamas. Agé de 86 ans, Shlomo Mansour a été battu, assassiné, enlevé et emmené à Gaza ».
Le 2 mars 2025, de nombreux Israéliens ont salué par des drapeaux israéliens le convoi automobile amenant sa dépouille mortelle, rendue récemment par les djihadistes gazaouis, au cimetière de Kissufim.
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