Citations

« Le goût de la vérité n’empêche pas la prise de parti. » (Albert Camus)
« La lucidité est la blessure la plus rapprochée du Soleil. » (René Char).
« Il faut commencer par le commencement, et le commencement de tout est le courage. » (Vladimir Jankélévitch)
« Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort. Il est de porter la plume dans la plaie. » (Albert Londres)
« Le plus difficile n'est pas de dire ce que l'on voit, mais d'accepter de voir ce que l'on voit. » (Charles Péguy)

vendredi 14 février 2025

« Paris 1793-1794. Une année révolutionnaire »

Le musée Carnavalet - Histoire de Paris présente l’exposition « Paris 1793-1794. Une année révolutionnaire ». Les années 1793 et 1794 correspondent à la « Terreur » - « mot fabriqué pour des raisons politiques - ou transition autoritaire du nouveau régime républicain, et à l’« An II », année de rupture avec le passé et de relance des utopies révolutionnaires. » L'exposition occulte les persécutions contre l'Eglise catholique et les chrétiens.


« Pour la première fois, le musée Carnavalet - Histoire de Paris, de référence mondiale pour ses collections de la Révolution française, prend le parti de singulariser une seule année révolutionnaire, sans doute la plus complexe. L’exposition Paris 1793-1794. Une année révolutionnaire marque l’importance du rôle révolutionnaire de Paris. » 

L’« an II » du « calendrier républicain, correspondant à la période allant du 22 septembre 1793 au 21 septembre 1794, est une année décisive de la Révolution française. »

« 1789, année de la prise de la Bastille et de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, serait la glorieuse année de la Révolution, et même de la Révolution française tout entière. L’année pendant laquelle Paris se serait définitivement imposée comme la capitale des Lumières et des Révolutions. »

« Mais face à la clarté de « 89 », « 93 » apparaît bien plus ténébreuse et embarrassante. À peine achevée, la longue année politique qui s’écoule du printemps 1793 jusqu’à l’été 1794 a en effet trouvé un nom : la « Terreur ». Fabriqué pour des raisons politiques, le mot évoque la transition autoritaire du nouveau régime républicain. Pourtant, les années 1793 et 1794 sont aussi ce que d’autres, confiants dans leur capacité à réinventer l’histoire, ont appelé l’ « An II » : une année de rupture avec le passé et de relance des utopies révolutionnaires. »

« C’est cet héritage contrasté que l’exposition propose de découvrir, dans le foisonnement artistique, sensible et intellectuel de ce temps de crise. « Révolutionnaire », l’année 1793-1794 l’est à double titre : une partie des 700 000 Parisiennes et des Parisiens la vivent comme un temps d’utopies et d’expériences politiques qui font brèche à la désespérance, mais elle l’est aussi car les mesures provisoires d’exception pèsent lourdement sur la population. » 

« L’exposition réunit plus de 250 œuvres de toute nature, peintures, sculptures, objets d’art décoratif, objets d’histoire et de mémoire, papiers peints, affiches, pièces de mobilier… toutes interprètent des histoires collectives et des trajectoires individuelles inouïes. » 

« Ces œuvres les plus diverses dévoilent un contexte traversé d’autant de peurs collectives et de violences d’État que d’activités quotidiennes, de fêtes et célébrations hors du commun. Les œuvres les plus connues sont redécouvertes grâce à des investigations scientifiques menées en laboratoire. » 

« Plusieurs créations ont été spécialement réalisées dans le prolongement des œuvres présentées : un texte de l’écrivain Eric Vuillard intitulé « La Mort de Robespierre » et plusieurs dessins des auteurs-dessinateurs Florent Grouazel et Younn Locard. L’exposition présente également cinq entretiens filmés d’historiennes et d’historiens spécialistes de la période – Déborah Cohen, Aurélien Larné, Guillaume Mazeau, Côme Simien et Sophie Wahnich – ainsi qu’un dispositif multimédia permettant de poursuivre la visite dans les lieux parisiens de la période, encore visibles aujourd’hui. »

La Révolution française a servi, au-delà de la France, de modèle de transformation politique dans la violence. Ainsi, les bolcheviks s'en sont inspirés. 

Curieusement, l'exposition occulte un aspect important de cette époque révolutionnaire : la politique anticléricale, les persécutions contre l'Eglise catholique - monastères et couvents fermés, abbayes vendues, objets de culte des églises volés, cathédrales louées, transformation d'églises en écuries, fonte des cloches pour fabriquer des canons - et les chrétiens, vivants - 
prêtres et religieuses noyés, attachés par couples, lors de « mariages républicains » - et morts. "Le 10 novembre 1793 (20 brumaire an II) la cathédrale Notre-Dame de Paris est décrétée Temple de la Raison".

De plus, les Révolutionnaires ont tenté "d’instaurer un nouveau culte civique qui sera celui de la Raison.(Fête de la Raison : le 10 novembre 1793)... Sur 215 pasteurs en 1793, il y aurait 98 abdicataires, dont les trois-quarts dans le Sud-Est (taux voisin de celui des prêtres catholiques)... Le 7 mai 1794, Robespierre donne un coup d’arrêt à la déchristianisation. La Convention décrète que le peuple français reconnaît l’existence de l’Être Suprême et de l’immortalité de l’âme. L’existence de l’Être Suprême et l’immortalité de l’âme sont des éléments qui ne sont pas apparus en contradiction avec la façon de vivre le protestantisme au XVIIIe siècle". Quid du judaïsme ?

Un oubli ? C'est peu vraisemblable au vu des commissaires scientifiques et des membres du Comité scientifique. Déjà, assimiler l'Histoire à une Science surprend, et ne convainc pas.

Alors pourquoi cette omission d'un pan historique majeur de déchristianisation ? Pour gommer le passé chrétien de la France ? Pour ne pas ternir encore davantage cette période d'extrême violence révolutionnaire, et parfois de retour à la barbarie (profanation de sépultures) ?

Lorsqu'on entend certains pousser des cries d'orfraie "Islamophobie !", le rappel de la politique anti-chrétienne étatique de la Révolution française eût été faire oeuvre utile. 

Le commissariat scientifique est assuré par Valérie Guillaume, directrice du musée Carnavalet - Histoire de Paris, Philippe Charnotet, attaché de conservation, chargé des collections numismatiques au musée Carnavalet, et Anne Zazzo, conservatrice en chef, chargée des collections des objets d’histoire et de mémoire au musée Carnavalet.

Le comité scientifique réunit Jean-Clément Martin, professeur émérite en histoire de la Révolution française à l’Université Paris I - Panthéon-Sorbonne, Alain Chevalier, directeur du Musée de la Révolution française-Domaine de Vizille, Aurélien Larné, archiviste au Ministère de la Justice - Département des archives, de la documentation et du patrimoine, Marisa Linton, professeure en histoire moderne à l’Université de Kingston – Londres, Guillaume Mazeau, maître de conférences en histoire moderne à l’Université Paris I - Panthéon-Sorbonne, Allan Potofsky, professeur en histoire moderne à l’Université Paris-Cité, et Charles Eloi Vial, conservateur des Bibliothèques au Département des Manuscrits à la Bibliothèque nationale de France.

Une exposition éco-responsable
« Paris Musées et le Musée Carnavalet – Histoire de Paris s’engagent pour des expositions plus éco-responsables. »

« Depuis sa création, Paris Musées travaille à réduire l’impact environnemental de ses expositions temporaires. Les enjeux environnementaux de réduction des émissions de gaz à effet de serre, de préservation de la biodiversité et des ressources naturelles et de limitation de production de déchets sont désormais pris en compte de la conception des projets jusqu’au démontage de l’exposition. »

« Pour cette exposition, 20 % du mobilier proviennent des précédentes expositions organisées au sein du musée. Le réemploi, la mutualisation et la valorisation de ces dispositifs évitent de nouvelles constructions et réduisent ainsi l’impact environnemental de l’exposition. »

« La scénographie a été imaginée dans un souci de durabilité et de modularité. La conception des dispositifs scénographiques, leur mode d’assemblage et leur fabrication ont été pensés pour permettre une optimisation maximale des matières employées et un démontage facilitant le réemploi. »

« 96 % des œuvres présentées dans cette exposition sont issues de collections parisiennes et d’Île-de-France, dont 67 % proviennent des collections du musée Carnavalet – Histoire de Paris, ce qui permet de réduire l’empreinte carbone liée au transport des œuvres. »

Cette exposition « fera l’objet d’un calcul d’impact environnemental afin d’analyser les postes les plus impactants et les actions de diminution à mettre en place pour poursuivre la démarche de sobriété environnementale engagée par le musée Carnavalet – Histoire de Paris concernant la production des expositions, mais aussi l’ensemble des activités de l’établissement. »


Parcours de l’exposition

« Adieu 1789, année sans pareille »… À plus de deux siècles de distance, les mots de l’écrivain Louis-Sébastien Mercier convoquent la même imagerie : 1789, année de la prise de la Bastille et de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, serait la glorieuse année de la Révolution tout entière. L’année pendant laquelle Paris se serait définitivement imposée comme la capitale des Lumières et des Révolutions. »

« Face à la clarté de « 89 », « 93 » apparaît bien plus ténébreuse et embarrassante. À peine achevée, la longue année qui s’écoule du printemps 1793 jusqu’à l’été 1794 a en effet trouvé un nom : la « Terreur ». Fabriqué pour des raisons politiques, le mot évoque la transition autoritaire du nouveau régime républicain. Pourtant, les années 1793 et 1794 sont aussi ce que d’autres, confiants dans leur capacité à réinventer l’histoire, ont appelé l’« An II », daté du 22 septembre 1793 au 21 septembre 1794 : une année de rupture avec le passé et de relance des utopies révolutionnaires. »

« C’est cet héritage contrasté qu’il s’agit ici d’arpenter, dans le foisonnement artistique, sensible et intellectuel de ce temps de crise. « Révolutionnaire », l’année 1793-1794 l’est à double titre. Elle l’est car une partie des Parisiennes et des Parisiens la vivent comme un temps d’utopies et d’expériences politiques qui font brèche à la désespérance. Mais elle l’est aussi car le mot désigne, selon la langue de l’époque, les mesures provisoires d’exception qui pèsent lourdement sur les vies collectives et individuelles. »

UN NOUVEAU RÉGIME : LA RÉPUBLIQUE
« Le 21 septembre 1792, la royauté est abolie en France. Cependant, la république n’est pas proclamée. Ce n’est qu’après coup, le 24 octobre 1793, que les députés choisissent la date du 22 septembre 1792 comme acte de naissance du calendrier républicain. Entre 1793 et 1794, la république s’invente en plein brouillard, sans programme ni définition claire, dans une France que la Révolution ne cesse de transformer. Capitale aussi incontestée que fragile, Paris est en quelque sorte la vitrine de ces métamorphoses. Aux Tuileries, la Convention nationale, comme on appelle la nouvelle Assemblée, s’impose comme le lieu des pères fondateurs, chargés de la fabrique des lois et de la Constitution. Mais le nouveau régime, c’est également un univers matériel qui façonne la première culture républicaine française, depuis les modes vestimentaires jusqu’au comptage du temps, en passant par les grandes fêtes, les affiches, les effigies, les projets architecturaux, le culte des martyrs de la Liberté ou les nouvelles cartes de France. »

La Convention nationale
« Le 21 septembre 1792, la royauté est abolie en France. Les pouvoirs du nouveau régime républicain sont désormais concentrés dans l’Assemblée, qui prend un nouveau nom : la Convention nationale. En français, le mot signifie « accord », « pacte », mais en anglais, il renvoie aussi à la « réunion » des colonies anglaises d’Amérique du Nord pendant la Révolution américaine. L’ambition est donc universelle et la tâche immense. La Convention nationale n’est pas seulement chargée de bâtir la République : elle doit aussi changer la vie par la loi. Les œuvres et les objets exposés transmettent l’importance voire la sacralité que représente cette assemblée politique aux yeux des contemporains. »

Jean-Louis Laneuville
, Portrait de Bertrand Barère de Vieuzac, vers 1793
© Kunsthalle Bremen - Lars Lohrisch - ARTOTHEK
« Ce portrait fut longtemps attribué à Jacques-Louis David. L’auteur de la confusion ? Barère lui-même, soucieux d’associer son image à celle du fameux artiste. Peint après l’exécution de Louis XVI, le tableau glorifie Barère, alors président de la Convention nationale. Laneuville saisit le député au moment où il prononce son « Discours sur le jugement de Louis Capet » (29 décembre 1792). Une main sur ses papiers, l’autre sur la hanche, le regard planté dans celui du spectateur, Barère incarne l’héroïsme viril que les républicains érigent alors en modèle. »

Jacques-Louis David, représenter la République
« Où es-tu, David ? Tu as transmis à la postérité l’image de Le Peletier, mourant pour la patrie, il te reste un tableau à faire ! » : interpellé en pleine Assemblée le 14 juillet 1793, au lendemain de l’assassinat du journaliste et député Jean-Paul Marat, Jacques-Louis David livrera Marat assassiné quelques semaines plus tard, marquant à la fois l’histoire de la Révolution française et l’histoire de l’art. Déjà admiré avant 1789, David, élu député de Paris à la Convention nationale et membre du club des Jacobins, s’impose comme le principal peintre, scénographe et metteur en scène de la République en 1793 et 1794. Sous sa main, les arts sont mobilisés pour façonner un nouvel esprit public. »

« Au cœur du Louvre rebaptisé Palais national, la place du Carrousel devient la place de la Fraternité. Charles De Wailly imagine d’en faire un lieu circulaire, enroulé autour d’une colonne monumentale. Sur le toit du pavillon de l’Horloge, il représente une étrange machine qui, depuis l’été 1794, déploie ses bras articulés dans le ciel parisien : c’est le télégraphe mis au point par Claude Chappe, capable de transmettre des messages en un temps record. Le Louvre devient ainsi le centre d’une véritable révolution des communications. »

Fête de l'Unité et de l'Indivisibilité, 10 août 1793
« Annoncée le 31 mai 1793, la fête de l’Unité, ou fête de la Réunion, est organisée à Paris le 10 août suivant. Officiellement, il s’agit de célébrer le premier anniversaire de la chute de la monarchie. Mais en se montrant comme les metteurs en scène de l’indivisibilité de la République, les Montagnards présentent aussi les Girondins, qu’ils viennent d’évincer du pouvoir, comme des « fédéralistes » accusés de diviser la nation. Les nombreux documents qui nous sont parvenus de cette fête, scandée par cinq stations dans différents quartiers, témoignent de son caractère officiel. »

Décryptage d’une oeuvre : 
Jacques-Louis David, Projet de rideau pour la pièce La Réunion du 10 août célébrant la fête du 10 août 1793, à l’Opéra national de Paris, 1793-1794 CC0 Paris Musées / Musée Carnavalet - Histoire de Paris
« Tenant la Liberté et l’Égalité sur ses genoux, le Peuple français est assis sur un char triomphal. David lui donne les traits d’Hercule, héros réputé pour sa force et sa virilité. À l’arrière, les martyrs de la liberté montrent leurs blessures ou les instruments de leur mort. Devant, deux hommes et une figure ailée fondent sur un tyran jeté à terre. Cette esquisse condense les enjeux politiques et esthétiques de l’année 1794 : il faut avancer sans se retourner sur les débris du monde ancien. L’allégorie illustre le livret de la pièce La Réunion du dix août ou l’Inauguration de la République, présentée comme une « sans-culottide dramatique » le 5 juillet 1794. »

LA RÉVOLUTION AU QUOTIDIEN
« La date du 10 août 1793, jour de la fête de l’Unité, commémore à la fois une mort, celle de la monarchie, et une naissance : celle de la Commune insurrectionnelle. Un an auparavant, Paris s’est dotée d’une municipalité si puissante qu’elle fait de l’ombre à la Convention nationale. L’année 1793-1794 est aussi celle d’une révolution municipale : Paris se rêve comme le creuset du monde nouveau. Pourtant, elle est également la capitale d’un pays en proie à la guerre et à la guerre civile. Marqué par la production d’armes, la pénurie alimentaire, la surveillance policière, la répression et les conflits sociaux, le quotidien s’apparente à un long état de siège. C’est dans ce climat très contrasté, fait de peurs, d’espérances, de grands bouleversements, tout comme de petites routines, que les Parisiennes et les Parisiens essaient de traverser une année riche en bouleversements. »

Décryptage d’une oeuvre
: Jean-Baptiste Lesueur, Repas républicain à Paris, 1794
CC0 Paris Musées / Musée Carnavalet - Histoire de Paris
« Les banquets font partie de l’expérience révolutionnaire. Manger, boire, rire, chanter, danser, porter des toasts : ces gestes partagés permettent d’apaiser les tensions, de marquer une pause, de retisser les liens et de relancer l’espérance. Mais ces repas collectifs servent aussi à vérifier l’adhésion à la République ou à la mettre en scène. Ainsi, les banquets « fraternels » du printemps 1794 visent à mobiliser l’opinion contre Robespierre et ses alliés. Lesueur en offre ici une vision plutôt positive et idéalisée. »

Un nouvel ordre policier
« Au quotidien, les Parisiennes et les Parisiens ne peuvent se passer des cartes de sûreté, des certificats de résidence ou même de civisme. La guerre et la guerre civile justifient la mise en place d’une vaste administration. Organisée dans les comités révolutionnaires de quartier, la culture de la surveillance et de la dénonciation civique vise à distinguer les bons citoyens des ennemis de la République et pèse beaucoup sur les libertés. Pourtant, c’est au nom d’un ordre public plus juste que les pouvoirs de police sont confiés à la municipalité et aux quarante-huit sections qui quadrillent le territoire parisien. Élus par les habitants, les commissaires de police incarnent l’idéal d’une police citoyenne. »

Les cartes de sûreté
« En 1792, la Révolution bascule progressivement vers la guerre et la guerre civile. En partie héritées des pratiques d’Ancien Régime, les mesures d’enregistrement et de contrôle des identités se systématisent au nom de la « sûreté publique ». Après la « carte civique » dont le port est obligatoire, la carte de sûreté est instituée dans toute la République. Ses couleurs différencient les citoyens et contribuent aux divisions. Celles et ceux qui sont domiciliés depuis un an à Paris reçoivent des cartes de couleur blanche. Les autres, qui se voient distribuer des cartes rouges, se voient marqués de la couleur du soupçon. »

Les certificats de résidence
« Comme les hommes, les femmes doivent obtenir des certificats de résidence, mais aussi porter la cocarde. Votée le 21 septembre, cette décision sème la panique : certains assurent qu’elles seront bientôt contraintes de porter le bonnet rouge et même les armes comme les hommes, ce qui pousse les administrateurs de police à publier un démenti. Un mois plus tard, les clubs féminins sont interdits et la liberté du costume affirmée. On ne mélange plus des genres : les femmes ne doivent plus se mêler de politique. »

La garde nationale
« Qui incarne mieux la Révolution parisienne que la garde nationale ? Créée dès 1789, elle est chargée de contenir le peuple mais aussi de protéger Paris des contre-révolutionnaires et de confier l’ordre public aux habitants « honorables ». Si le service est obligatoire, il est donc aussi une source de fierté et de distinction. En 1793, la garde nationale se démocratise et devient le fer de lance de la Révolution populaire : Antoine Joseph Santerre, fameux brasseur du faubourg Saint-Antoine, est un de ses chefs les plus emblématiques. Au soir de la Révolution, d’anciens gardes nationaux conserveront leurs uniformes tricolores, leurs fusils et leurs piques comme de précieuses reliques. »

La carmagnole des « sans-culottes »
« La carmagnole est une veste coupée en rond qui descend un peu au-dessous de la taille. Elle tire son nom de La Carmagnole, une chanson composée pendant l’été 1792 au moment de la chute de la monarchie. Surtout portée par les artisans, cette veste populaire de laine et de chanvre devient un vêtement politique : en préférant la veste et le pantalon à l’habit et à la culotte, plus sophistiqués, les « sans-culottes » se démarquent ainsi au quotidien de l’ancienne noblesse et de la bourgeoisie. »

Propriétés
« À partir de 1789, le rejet des signes rappelant l’ordre féodal ou la domination nobiliaire se traduit de différentes manières : opérés dans la rue lors des insurrections ou réalisés de manière légale et organisée, les enlèvements, les destructions ou les démolitions reconfigurent le décor de Paris. En 1793 et 1794, ces gestes s’étendent aux signes de la royauté et de la religion. Les biens des ennemis de la République, des anciens palais princiers et institutions religieuses sont saisis. Beaucoup de biens culturels sont détruits ou pillés. Mais beaucoup d’autres sont également protégés et conservés, alimentant les collections des toutes premières politiques publiques du patrimoine. »

Décryptage d’une oeuvre : 
Papier peint, Liste des locataires et propriétaires à afficher dans l’entrée des immeubles parisiens, 1793
CC0 Paris Musées / Musée Carnavalet - Histoire de Paris
« Réalisés dans des matériaux fragiles, la plupart des nouveaux décors quotidiens de Paris ont disparu. Cette liste de locataires, probablement destinée à orner l’entrée ou une loge d’un immeuble parisien, n’a jamais été remplie : c’est ce qui a permis de la conserver. Ornée d’une pelta, le bouclier des Amazones, d’un bonnet phrygien, de feuilles de chêne, de piques et d’un faisceau d’armes, ainsi que d’une devise en l’honneur de la République, cet objet devait, parmi tant d’autres, redessiner le quotidien de la cité régénérée. »

Projets d'instruction publique
« Le 19 décembre 1793, la loi Bouquier établit l’école primaire publique, gratuite et obligatoire. Comme partout en France, c’est la municipalité qui enregistre les nouvelles écoles et organise leur surveillance. Pilier de la future cité régénérée, cette école se veut ouverte, et pas seulement pour les élèves : à Paris, plus d’un instituteur sur deux est une institutrice. Investie d’une ambitieuse mission de démocratisation et de républicanisation de la nation, l’école est accusée, après 1794, de produire des élèves ignorants, formés par des maîtres trop militants. »

Le petit Bourdon et élèves de l'école de Mars
« À Paris, les expériences éducatives se multiplient. Créée le 1er juin 1794, l’école de Mars accueille plus de trois mille élèves issus de milieux modestes. Au camp des Sablons (actuelle Neuilly-sur-Seine), ils y suivent un enseignement militaire mais également civique. La Société des Jeunes Français, créée par le député Léonard Bourdon à Saint-Martin-des-Champs, est encore plus innovante : les jeunes élèves y prennent eux-mêmes en charge la discipline et délibèrent de l’organisation scolaire sous la surveillance de leurs professeurs. »

Arts, loisirs, spectacles
« En 1793 et 1794, Paris demeure la capitale de la création théâtrale et lyrique. »

« Des chanteurs de la rue Saint-Denis à ceux de l’Opéra, la musique est une activité bien plus courante qu’aujourd’hui. En 1793 et en 1794, les chants et les sons des instruments colorent l’ambiance des fêtes, mais scandent également les soulèvements, y compris dans les pires moments de violence. Capitale de la création artistique, Paris est aussi celle des nouvelles institutions musicales, chargées de modeler l’univers sonore de la République. C’est notamment la mission de l’École de musique municipale, ouverte depuis 1791 pour former les instrumentistes de la musique de la garde nationale, puis à partir du 8 novembre 1793, de l’Institut national de musique dirigé par François Joseph Gossec. »

« Dans les villes et surtout à Paris, la succession des événements et des changements soudains nourrit une très forte demande d’information. Entre divertissements et médias, les spectacles de marionnettes remplissent en partie ce rôle. Sur les boulevards, sur les places, dans les marchés, les cabarets ou les foires, ils mettent en scène les figures de la nation en révolution, comme le garde national, le soldat ou la cantinière. »

Décryptage d’une oeuvre
Charles Thévenin, L’abolition de l’esclavage par la Convention, le 16 pluviôse an II / 4 février 1794, 1794
CC0 Paris Musées / Musée Carnavalet - Histoire de Paris
« Le 4 février 1794, la République française abolit l’esclavage dans ses colonies. La scène dessinée par Monsiau se passe à la Convention. L’artiste insiste sur la joie des spectateurs des tribunes. De nombreux citoyens de couleur sont là, exprimant leur gratitude vis-à-vis des Blancs. La réalité est tout autre : si le vote a bien eu lieu, il valide après-coup l’abolition que les esclaves ont obtenue de haute lutte. Ce dessin n’est donc pas une image documentaire, mais relève plutôt de l’allégorie, favorable à la métropole. »

La fête de l'Être suprême, 8 juin 1974
« Le 8 juin 1794, la fête de l’Être suprême est célébrée à Paris. Les autorités tentent de s’appuyer sur le lien religieux pour attacher les citoyens à la République. Au culte des martyrs de la Liberté et à celui de la Raison s’ajoute désormais celui de l’Être suprême, dieu d’une religion naturelle, universelle et accessible. Organisée par Jacques-Louis David, la fête parcourt Paris, célébrée comme la ville de la Régénération. Aux Tuileries, Maximilien Robespierre met le feu à la statue de l’Athéisme. Au Champ-de-Mars, une montagne célèbre la puissance naturelle du peuple en révolution. Ce culte ne dure pas. Mais il montre à quel point Paris fut rêvée comme la capitale d’une nouvelle religion civique. »

LA JUSTICE : DE L'ORDINAIRE À L'EXCEPTION
« Le Tribunal extraordinaire de Paris est révolutionnaire. » Pour le Journal de Paris, il est évident que la capitale de la République est le siège de la justice. Une justice aussi attendue que redoutable : elle est chargée, depuis le printemps 1793, de juger les crimes politiques, sans appel possible. Cette justice d’exception, dérogatoire au droit commun, ne correspond pas du tout aux objectifs initiaux des révolutionnaires de 1789. Elle est justifiée par la nécessité d’être « terribles pour dispenser au peuple de l’être » : par cette phrase devenue fameuse, Georges Jacques Danton sous-entend que cette justice devra, « le moins mal qu’il se pourra », enrayer le cycle de la vengeance. En un an et demi, un prévenu sur deux est condamné à mort. Au Palais de Justice, les audiences ordinaires succèdent aux grands procès politiques de Jean-Paul Marat, de Charlotte Corday, d’Olympe de Gouges, des Girondins, des Hébertistes et surtout de Marie-Antoinette, qui passionnent l’opinion autant qu’ils sèment l’effroi. »

L'élimination des Girondins
« Les Girondins sont le premier groupe politique à faire l’objet d’une répression collective, au printemps puis à l’automne 1793. Qui sont-ils vraiment ? Ceux que l’on appelle alors les « Brissotins », du nom de leur leader Jacques Pierre Brissot, député d’Eure-et-Loir, forment un groupe peu cohérent qui, au maximum, compte un peu moins de deux cents hommes. Oscillant entre la monarchie constitutionnelle et la république modérée, favorables à la guerre, ceux-ci, accusés de faire le jeu de la Contre-Révolution, sont proscrits de la Convention nationale début juin. Ceux qui sont arrêtés sont traduits devant le tribunal révolutionnaire le 30 octobre 1793, lors d’un procès retentissant. »

« Le Tribunal révolutionnaire de Paris dispose de sa propre imprimerie. Publier le contenu des audiences montre que la justice révolutionnaire n’a rien à cacher. C’est aussi un moyen de faire peur et de dissuader les complots. Faites pour être lues dans la rue, les affiches recherchent la clarté et l’impartialité : la mise en page et la typographie se veulent simples et sobres. Les informations vont à l’essentiel : contrairement au bulletin du tribunal, les affiches ne retiennent souvent que l’acte d’accusation et le jugement. »

Marie-Antoinette, la fin d'une reine
« Versailles a été l’écrin de Marie-Antoinette, Paris sera son tombeau. Depuis que la famille royale a été obligée de s’installer aux Tuileries, en octobre 1789, la reine s’oppose de plus en plus à la Révolution en cours. Arrêtée le 10 août 1792, elle est incarcérée au Temple puis à la Conciergerie, où elle est gardée à vue dans sa cellule pendant soixante-seize jours. Le 16 octobre 1793, elle est jugée puis guillotinée. Ses restes, comme ceux de Louis XVI, sont inhumés au cimetière de la Madeleine. Authentiques ou fabriqués, nombreux objets lui ayant appartenu ont été conservés puis transmis comme de véritables reliques, portant le souvenir du martyre de la dernière reine de France du 18e siècle. »

Les derniers combats d'Olympe de Gouges
« En 1793, Olympe de Gouges est une femme de lettres reconnue, engagée pour les droits des femmes mais aussi des gens de couleur. En 1791, elle a publié la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne : tiré à seulement cinq exemplaires, le texte qui dénonce l’exclusion des femmes est aujourd’hui mondialement célèbre. En 1793, Olympe de Gouges est isolée : opposée à tous les radicaux, qu’ils soient monarchistes ou républicains, elle vit clandestinement chez sa domestique, sur l’île de la Cité. Le 20 juillet, elle est arrêtée devant les grilles du Palais de Justice pour avoir rédigé une affiche virulente contre les Montagnards. Le 3 novembre suivant, elle est exécutée. »

Décryptage d’une oeuvre : 
Acte d’accusation rédigé par Antoine Fouquier-Tinville (accusateur public) lors du Procès d’Olympe de Gouges,
1793
© Archives nationales de France
« Ces pièces du dossier judiciaire d’Olympe de Gouges témoignent des procédures du Tribunal révolutionnaire. Dans l’interrogatoire mené par le juge Jean Ardouin, elle avoue qu’elle voulait faire passer au président de la Convention nationale son affiche « Les trois urnes ou le salut de la patrie ». Dans celle-ci, elle propose que les citoyens puissent librement choisir leur régime. Cela suffit pour qu’Antoine Fouquier-Tinville réclame la peine de mort. Il l’obtient, comme en témoignent le procès-verbal et l’extrait de jugement. »
« Si Paris s’impose comme la vitrine de la justice révolutionnaire, les mesures d’exception ne sont pas propres à la capitale. De nombreux départements, surtout ceux qui, aux frontières ou dans l’Ouest, sont livrés à la guerre ou à la guerre civile, font l’objet d’une sévère répression. Celle-ci est notamment mise en oeuvre par les « représentants en mission », envoyés par la Convention. À Toulon, Stanislas Fréron fait dresser des listes de contre-révolutionnaires, suspectés d’avoir trempé dans le siège que les Anglais, alliés de la coalition contre la République, ont imposé à la ville avec l’aide de certains habitants. Cette liste qui, au total, comporte cent vingt-neuf noms, montre que les militaires et les ecclésiastiques sont tout particulièrement ciblés. »

PRISONS ET ÉCHAFAUDS
« En 1789, la Révolution commence par la libération de nombreux prisonniers, considérés comme des victimes du despotisme ou de la société d’ordres. Quatre ans plus tard, en 1793, les prisons débordent à nouveau, si bien que l’on doit ouvrir des pensions privées. Les contemporains documentent aussitôt les dures réalités carcérales du séjour des femmes et des hommes ciblés par les tribunaux ordinaires de Paris ou par la justice d’exception. Dans les cellules de l’Abbaye, Saint-Lazare, Sainte-Pélagie, du Luxembourg mais aussi de la Conciergerie, la détresse et l’indignation inspirent une vaste production d’écrits et d’images. Certains lieux, et en particulier le Temple, où on laisse mourir le jeune Louis Charles, Dauphin de France, marquent les esprits. Toutefois, c’est la guillotine, et ses exécuteurs, les Sanson, qui hantent le plus les imaginaires. Cette nouvelle machine devient le symbole du retournement de la Révolution contre ses propres principes, et des excès de la révolution parisienne. »

Hubert Robert, peintre de la mélancolie
« Spécialiste de la peinture de paysage, Hubert Robert est fasciné par la fuite du temps et la chute de la civilisation. Les Lumières sont aussi ce moment de doute : la peinture des ruines de Rome ou des églises en démolition invite à méditer sur le sens d’une inquiétante modernité. La Révolution ne fait qu’augmenter ce sentiment. Entre l’enthousiasme et la peur, il peint la démolition de la Bastille ou la violation des caveaux des rois dans la basilique de Saint-Denis, avant d’être incarcéré dans les prisons de Sainte-Pélagie puis de Saint-Lazare, de l’automne 1793 à l’été 1794. En cellule, il continue de peindre sa vision d’une histoire en clair-obscur, livrant des scènes de mélancolie ou de divertissement, toujours attentif aux signes du basculement des temps. »

Le Dauphin au Temple
« À la mort de son frère aîné, survenue le 4 juin 1789, le Dauphin Louis Charles de France devient l’héritier du trône. Il incarne l’espoir des royalistes prononcés, qui accusent Louis XVI de n’avoir pas su défendre le trône face à la Révolution. Incarcéré avec sa famille au Temple, le jeune Louis Charles devient Louis XVII pour celles et ceux qui refusent de voir la monarchie abolie, surtout après l’exécution de son père, le 21 janvier 1793. Âgé de huit ans, l’enfant fait l’objet d’une riche iconographie, dans laquelle il apparaît en martyr, notamment après son décès, survenu en prison le 8 juin 1795. Son geôlier, le cordonnier Antoine Simon, devient au contraire l’archétype du sans-culotte cruel et fanatique. »

Peines capitales
« Fréquemment organisées le jour du jugement au Tribunal révolutionnaire, les exécutions à la guillotine changent cinq fois d’emplacement en 1793 et 1794. Comme sous l’Ancien Régime, elles prennent la forme de spectacle : savamment mises en scène, elles déploient une pédagogie de l’effroi pour dissuader les oppositions à la Révolution. Désormais, il ne s’agit plus de faire durer les supplices, mais de démontrer l’inflexibilité du nouvel ordre républicain. Parce qu’elles revêtent de forts enjeux politiques et qu’elles fascinent le public, les exécutions inspirent de nombreuses images et anecdotes, souvent inventées de toutes pièces pour justifier la mise à mort ou, au contraire, la condamner discrètement. »

Une machine controversée : la guillotine
« Dès 1793, certains la surnomment « le rasoir national » ou même « la sainte Guillotine ». Pourtant, elle est devenue le symbole de la violence révolutionnaire. Lorsqu’en 1789, le docteur Guillotin propose d’adapter des machines existantes, il est salué comme l’un de ceux qui humaniseront et égaliseront la peine de mort. Auparavant, seuls les nobles avaient le privilège d’avoir la tête tranchée. Les promoteurs de celle que l’on appelle la « guillotine » disent aussi que, contrairement à la hache du bourreau, la lame ne rate jamais son coup et ne fait pas souffrir inutilement. Cependant, en 1794, l’objet des Lumières est devenu l’emblème de la « machine de Terreur » dont certains dénoncent l’existence. »

« Thermidor an II » : le tournant de l’été 1794
« En thermidor an II (mi-juillet – mi-août 1794), une partie des Montagnards, alliés à d’autres députés, cherchent à sortir de la dynamique répressive dans laquelle la République s’est engagée au printemps 1793. Pour certains, il est temps d’amorcer une transition vers un régime capable de mieux respecter les libertés et de contenir plus efficacement le peuple. Pour y arriver, il s’agit de trouver des coupables et d’imposer une réécriture de l’histoire. Dénoncés comme les seuls responsables de ce qui est pour la première fois appelé la « Terreur », Robespierre et ses proches sont les cibles prioritaires de cette campagne d’épuration et de dénigrement, au cours de laquelle naissent mille légendes. »

Décryptage d’une oeuvre
Appel à la section des Piques rédigé à l’hôtel de ville dans la nuit du 9 thermidor (27 juillet), la signature de Robespierre est interrompue
, 1794
CC0 Paris Musées / Musée Carnavalet - Histoire de Paris
 « Le 27 juillet 1794 (9 thermidor an II), Robespierre et ses alliés sont arrêtés. Il réussit néanmoins à se réfugier dans la Maison commune (l’Hôtel de Ville). Là, dans la nuit, une poignée d’hommes tente d’organiser la riposte. Quelqu’un suggère d’écrire une lettre à la section des Piques, où vit Robespierre. Mais au moment de signer, ce dernier ne laisse que les deux premières lettres de son nom. Cette signature risque de faire de lui non plus la victime d’un coup d’État, mais le chef d’une insurrection. »

PAR-DELÀ LES LÉGENDES
« Situées au coeur de la Révolution française, de ses utopies mais aussi de ses contradictions et de ses débordements, 1793 et 1794 ne sont pas encore sorties de l’épais brouillard de légendes qui les entourent. Il est souvent difficile de démêler le vrai du faux. Le matériel qui nous est parvenu de cette période est aujourd’hui réinterrogé dans les laboratoires de recherche. Il porte les nombreuses marques des silences, des effacements et des reconstructions que les combats de mémoire ont longtemps motivés. Bonnets phrygiens effacés, noms de rue martelés, statues décapitées, croix démolies, reliques inventées, images recomposées, archives falsifiées : si cet inventaire témoigne de l’encombrant héritage de cette année révolutionnaire, il se prête aussi, plus de deux siècles après, à une relecture dépassionnée. »

« Ce tableau est une esquisse réalisée par Nicolas-Henri Jeaurat de Bertry, le 10 mars 1794, d’un tableau disparu, présenté à la Convention le 8 juillet 1794. La comparaison avec une description existante du tableau final et l’examen en réflectrographie infrarouge mené en 2024 révèlent des phrases effacées, et la présence d’un dessin préparatoire correspondant à une première composition exécutée au fusain, à main levée ainsi que de nombreux repentirs sur la composition actuelle. On y voit des traces d’une première ébauche de différents symboles du tableau. Dans la partie inférieure, une dédicace a été volontairement masquée. En partie haute, les portraits de Le Pelletier et de Marat ne sont plus visibles en raison d’une couche de noir de carbone sous la couche bleue, extrêmement couvrante. »

Rumeurs et falsifications
« Parce qu’elles font autant couler le sang qu’elles soulèvent les cœurs et relancent l’espérance, les années 1793 et 1794 sont de véritables creusets à fantasmes. Comme dans toutes les grandes périodes de crise de l’histoire, ces années voient proliférer les rumeurs les plus insensées et les croyances les plus folles, propagées dans tous les camps et milieux sociaux. Présentée par les Républicains comme l’aube de la Raison, cette séquence révolutionnaire est en fait aussi le triomphe de l’irrationnel. La manipulation des émotions, la fabrique des fausses informations et le trafic des faits sont devenus des armes redoutables, permettant de discréditer, de terroriser ou même d’éliminer les ennemis. » 
Décryptage d’une oeuvre
Jeanne-Louise, dite Nanine, Vallain, La Liberté, 1794
© Coll. Musée de la Révolution Française – Département de l’Isère
Dépôt du Musée du Louvre
« La plupart du temps, les allégories féminines de la Liberté sont peintes par des hommes. Vraisemblablement exposé au club des Jacobins, ce tableau d’une femme peintre, Jeanne-Louise, dite Nanine, Vallain, défend une vision sereine, fondée sur les armes, l’autorité et la loi. Sur la pierre, les dates du 14 juillet et du 10 août, la devise « À nos frères morts pour elle » ou encore la pyramide proposent une brève histoire de la liberté. Une histoire aussi bien ancrée dans le temps court de la Révolution que dans le temps long de l’humanité. »



Trois questions à Jean-Clément Martin
Historien, spécialiste de la Révolution française et membre du comité scientifique

« En quoi cette année de la Révolution française située entre 22 septembre 1793 au 21 septembre 1794, l’an II, est-elle une année particulièrement importante ?
Plus que toute autre année de notre histoire nationale, l’an II, qui court exactement entre ces deux dates du calendrier révolutionnaire, du premier Vendémiaire au cinquième « jour complémentaire », est une année exceptionnelle, et même mythique. 
Les « soldats de l’an II » , qui ont repoussé l’ennemi aux frontières tout en étant mal chaussés et avec la faim au ventre, font partie de la légende militaire ; le gouvernement conduit par le Comité de salut public, traversé par des luttes politiques paroxystiques, est considéré, dans le monde entier, comme un modèle ou comme un enfer ; la diversité des projets sociaux, économiques, scolaires mais aussi architecturaux, scientifiques a bouleversé la vie quotidienne, de la suppression de l’esclavage à l’emploi des montgolfières ; le recours à la violence politique a fait disparaître les principaux hommes politiques et s’est abattu sur des populations jugées, pour une raison ou une autre, contre-révolutionnaires, ravageant la Vendée… 
Tout cela a sidéré littéralement les contemporains, en France comme en Europe, donnant naissance à un débat qui n’est toujours pas achevé, plus de deux siècles plus tard. 

Pourquoi l’expression de « Terreur », longtemps et parfois encore utilisée pour évoquer ce moment de l’histoire, est-elle discutée/contestée aujourd’hui ?
« La Terreur » est la preuve de cette sidération. En septembre, la Convention, après discussion, ne mit pas « la Terreur à l’ordre du jour ». Robespierre affirma à plusieurs reprises qu’il était hostile à cette mesure, encore la veille de sa chute.
Au sens strict, il s’est agi d’un gouvernement d’exception, concentrant tous les pouvoirs, exécutif, parlementaire, judiciaire, suspendant les élections, utilisant des groupes violents, employés dans les « armées révolutionnaires » pour réduire des oppositions réelles ou suscitées, avant de les réprimer voire de les éliminer à leur tour. 
Les compagnons de Robespierre, devenus ses rivaux et ses vainqueurs, l’accusèrent peu après son exécution d’avoir installé « la Terreur » et d’en avoir été le principal responsable. Ils accompagnèrent cette invention de la répression systématique des « terroristes » - le mot naît alors – faisant oublier leurs rôles et satisfaisant l’opinion. 
Ils donnèrent aussi aux penseurs du politique la possibilité de faire de « la Terreur » une période originale, caractéristique de « la Révolution française », négligeant toutes les crises extrêmes ayant affecté d’autres pays. 
Le recul pris par l’exposition permet d’apprécier les débats toujours animés autour de « notre » terreur de l’an II. 

Pouvez-vous nous expliquer ce que l’exposition apporte de nouveau sur cette année révolutionnaire ? 
Ce qui est révolutionnaire dans l’exposition, s’il est possible de parler ainsi d’une entreprise culturelle collective destinée au public le plus large, c’est son ouverture à toutes les dimensions de la vie des Parisiens de l’an II. 
Elle met en perspective tous les bouleversements extraordinaires et dramatiques survenus, que ce soit à propos de la place des femmes ou de la présence des populations de couleur, en montrant les mutations des écoles comme des musées, en suivant la création des monnaies ou du système métrique, en donnant une attention à la circulation des animaux, le tout sans oublier les réalités sinistres des cimetières et de la guillotine. 
En faisant le tour de l’un des épisodes les plus importants et les plus terribles de l’histoire parisienne et nationale en l’inscrivant dans la banalité de la vie quotidienne, ses grandeurs et ses servitudes, ses difficultés et ses angoisses, l’exposition permet de comprendre la grande complexité de cet an II, toujours vivant dans notre tradition. »

Dates et lieux repères

« Maison Commune (actuel Hôtel de Ville)
14 février 1793
Jean-Nicolas Pache est élu maire de Paris au suffrage universel masculin

Salle des manèges - Tuileries
24 février 1793
Les députés votent la levée de 300.000 volontaires pour les armées

24 juin 1793
La Convention adopte la Constitution de l’an I (dite « montagnarde »), avec la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen en préambule

5 stations dans Paris : Place de la Bastille, Faubourg Poissonnière, place de la Révolution (actuelle place de la Concorde), place des Invalides, Champ de Mars
10 août 1793
Fête de la Réunion républicaine, appelée aussi fête de l’Unité ou de l’Indivisibilité, organisée par David
30 rue des Cordeliers, actuellement rue de l'École-de-Médecine, 6e 

13 juillet 1793
Assassinat de Jean-Paul Marat par Charlotte Corday
Place de la Révolution (actuelle place de la Concorde) 
16 octobre 1793
Condamnation et exécution de Marie-Antoinette
30-31 octobre 1793
Condamnation et exécution des représentants girondins

Salle des machines - Tuileries
19 décembre 1793
Loi organisant les écoles primaires : l’école est obligatoire et gratuite pendant 3 années consécutives pour tous les enfants, filles et garçons

4 février 1794
Décret d’abolition de l’esclavage dans les colonies françaises

Place de la Révolution (actuelle place de la Concorde)
5 avril 1794
Condamnation et exécution de représentants montagnards

Champs-de-Mars 
8 juin 1794
Fête de l’Être suprême et de la Nature

Place de la Révolution (actuelle place de la Concorde)
28 juillet 1794
Exécution de Robespierre et ses proches

Salle des machines - Tuileries
31 août 1794
Suppression de la Commune de Paris »
Lexique

« République
Le 21 et 22 septembre 1792, la monarchie est abolie et la première République française est proclamée. Le pouvoir est désormais exercé par les députés, élus au suffrage universel masculin.

Constitution de 1793 et Déclaration des droits de l’homme et du citoyen
Le 24 juin 1793 est adoptée une nouvelle constitution, avec pour préambule une nouvelle Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Elle consacre des droits fondamentaux : égalité, liberté, sûreté, propriété, et devoir d’insurrection en cas de violation des droits du peuple par le gouvernement. 

Assemblée de la Convention nationale
Après l’abolition de la royauté, les pouvoirs du nouveau régime républicain sont concentrés dans l’Assemblée, qui prend un nouveau nom : la Convention nationale. 749 députés la composent.

Première abolition de l’esclavage 
Après des révoltes à Saint-Domingue pour l’application de leurs droits civiques, les esclaves proclament leur émancipation. Une délégation de députés est envoyée à Paris. La Convention décrète l’abolition de l’esclavage dans les colonies françaises le 4 février 1793. Le vote valide après-coup l’abolition que les esclaves ont obtenu de haute lutte. 

Commune de Paris 
La Commune de Paris est composée d’un maire, d’un Conseil général de 144 citoyens élus et d’un Corps municipal, constitué de 48 officiers élus parmi les membres du Conseil. Cette administration gère les subsistances et approvisionnements, la police, les domaines, finances et contributions, les établissements publics et les travaux publics.

Population parisienne 
En 1793, Paris est la ville la plus peuplée de France, et la deuxième d’Europe après Londres. Sa population est plutôt jeune, concentrée dans le Marais et dans le quartier des Halles. Un peu plus des deux tiers des personnes qui habitent la ville sont nées hors de Paris.

Instruction 
À partir du 29 Frimaire an II (19 décembre 1793), les écoles de la République sont publiques, gratuites et obligatoires. Les instituteurs et institutrices des écoles primaires forment les futurs citoyens. À l’été 1794, on compte 13.560 élèves à Paris.

État d'exception
Par le décret du 10 octobre 1793, la Convention nationale confie les pouvoirs au Comité de Salut Public. Il définit les grandes orientations du gouvernement, administre la France en guerre, impulse et surveille l’activité du tribunal révolutionnaire. Paris centralise alors toutes les exécutions capitales de la France.

Journées du Thermidor (9, 10, 11 Thermidor an II)
Le 9 Thermidor an II (27 juillet 1794), les députés mettent Robespierre et ses proches en accusation. Ils sont guillotinés le lendemain. Le 11 Thermidor II et les jours suivants, près d’une centaine de « robespierristes » subissent le même sort. »

EXTRAITS DU CATALOGUE

« L’exposition « Paris 1793-1794. Une année révolutionnaire » commence par l’évocation du pilonnage public, le 5 mai 1793 place de la Bastille, de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et de la Constitution de 1791 remplacées cette année-là par les premières Constitution et Déclaration des droits de l’homme et du citoyen d’une France désormais républicaine. La visite se termine par La Liberté représentant la République allégorisée par une femme, tenant de la main droite la Déclaration. Cette oeuvre majeure de la peintre Jeanne-Louise Vallain, dite Nanine, a été saisie au club des Jacobins lors de sa fermeture le 12 novembre 1794. Cinq séquences jalonnent le parcours de l’exposition : un nouveau régime, la République ; Paris, la Révolution au quotidien ; justice, de l’ordinaire à l’exception ; prisons et échafauds ; par-delà les on-dit. Sur trois cent cinquante mètres carrés est ainsi proposée une lecture intensive d’une seule année, dépliée dans ses idéaux, fonctionnements et bouleversements, ses tensions, peurs et violences, ainsi que ses on-dit et (ou) effacements sélectifs de mémoire, intervenus presque immédiatement.
L’an II du nouveau calendrier républicain marque des ruptures fortes qui ne sont pas seulement d’ordre politique mais aussi historique, sociétal, économique, culturel, etc. Le lexique de la période délivre des messages politiques que le temps présent continue d’interroger : pouvoir, souveraineté populaire, surveillance, vandalisme, exécution capitale, éducation, esclavage, assistance, secours, droits de l’homme et du citoyen, liberté, égalité, civisme, etc. L’exposition en explore des réalités contextualisées sur le territoire parisien, donnant accès à un large spectre d’enquêtes historiques et scientifiques, en cours et à poursuivre.. »
Extrait du texte "Introduction" de Valérie Guillaume (page 13)

« La politique est indissociable des émotions, constitutives de l’événement révolutionnaire comme facultés de juger les situations, de les évaluer et d’agir en conséquence. Mais, de 1793 à 1795, ce ne sont pas les mêmes places qui leur sont réservées par l’écoute des porte-parole institutionnels ni les mêmes configurations politiques qui les convoquent. Au cours de ces années, ce ne sont donc pas les mêmes émotions qui circulent dans l’espace public.
1793 s’ouvre sur un événement fondateur : la mort du roi le 21 janvier. La voix du peuple comme corps émotionnel a été entendue contre la voix du roi qui disparaît sous les roulements de tambour et les cris de « vive la République ». Cette joie est cependant de courte durée car, du côté des sections, après tous les efforts consentis depuis la fuite du roi et ses trahisons répétées, le changement peine à se faire sentir au quotidien. Le dégoût témoigne d’une perception de la vie politique comme décevante, corrompue. (...) Le cadre a lui aussi des limites : « Assujettir à des formes légales la résistance à l’oppression est le dernier raffinement de la tyrannie », martèle Maximilien Robespierre. Se joue ainsi la reconnaissance des émotions d’une portion du peuple au regard de sa totalité — des émotions comme expression du conflit démocratique et, plus radicalement, d’un rôle débordant parfois nécessaire pour renverser la tyrannie ou l’abus de pouvoir. Le droit de résistance comme compétence émotionnelle, et pas seulement rationnelle, est, de fait, la garantie ultime du peuple. »
Extrait du texte "Emotions", de Sophie Wahnich (page 96)

« De chaque côté de l’allée centrale du jardin des Tuileries, deux longs bancs de marbre ornés de sphinges témoignent encore aujourd’hui de l’événement. Le 8 juin 1794 — juste avant que la lame de la guillotine ne tranche jusqu’à vingt-six têtes par jour sur la place du Trône-Renversé (actuelle place de la Nation) —, une grande fête était organisée en l’honneur de l’Être suprême, à grand renfort de feux d’artifice, de costumes chatoyants, de parfums capiteux et de décors de plâtre. Elles-mêmes issues des périssables scénographies de toile et de papier propres à la sensibilité révolutionnaire, de nom¬breuses images documentent cette réalité historique : en pleine Terreur, entre 1793 et 1794, la mort cohabite avec la fête, à Paris comme ailleurs.. »
Extrait du texte "Fêtes et cérémonies" de Guillaume Mazeau (page 118) 



Du 16 octobre 2024 au 16 février 2025
23, rue de Sévigné. 75003 PARIS
Tél : 01 44 59 58 58
Ouvert tous les jours de 10h à 18h, sauf les lundis 
Visuel :
Affiche
Jeanne-Louise, dite Nanine, Vallain, La Liberté, 1794
© Collection Musée de la Révolution française - Département de l’Isère Dépôt du Musée du Louvre / Design graphique : Atelier Pierre Pierre

Vues de l'exposition Paris 1793-1794. Une année révolutionnaire présentée au musée Carnavalet - Histoire de Paris @ Paris Musées-Pierre Antoine

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