Dans son documentaire « La Fabrique du Mensonge » (Hitler and the Führer) associant archives en noir et blanc ainsi que fictions en couleurs fondées sur des faits historiques, Joachim Lang évoque la propagande du IIIe Reich en se focalisant sur le personnage de Joseph Goebbels et les rivalités de pouvoir dans les arcanes du régime nazi. Sortie en France le 19 février 2025.
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Le réalisateur Joachim Lang a expliqué :
La Fabrique du Mensonge « traite des plus grands crimes de l’humanité : l’Holocauste et la Seconde Guerre mondiale. Il tente aussi de répondre à l’une des questions les plus importantes de l’histoire : pourquoi la majorité des Allemands ont-ils suivi Hitler dans la guerre et l’Holocauste, et comment les responsables ont-ils pu commettre des crimes aussi inimaginables contre des millions de victimes innocentes ? »« Notre film brise les tabous et aborde ce sujet d’une manière inédite : nous montrons la perspective des auteurs de ces crimes. Une démarche nécessaire et indispensable. Ce n’est qu’en examinant de près les plus grands criminels de l’histoire de l’humanité – parfois dans leur intimité - que nous pouvons faire tomber les masques, rendre transparents les mécanismes de la démagogie et désarmer les agitateurs contemporains. »« Nous ne connaissons Hitler et les principaux nazis que par leurs apparitions fabriquées, celles que le ministre de la Propagande, Joseph Goebbels, voulait utiliser pour façonner l’image du national-socialisme. Cette image agit encore aujourd’hui sur nous ; elle est le résultat d’une manipulation. »« Notre film brise cette mise en scène et plonge dans les coulisses. Tous les dialogues sont basés sur des citations et appuyés par des sources solides. Il est incroyable de voir comment les nazis s’exprimaient et agissaient. Vous le découvrirez dans notre film. J’ai (Joachim) passé des décennies à étudier tous les documents disponibles pour cela. C’est ainsi qu’ils ont réellement parlé, agi et mis en oeuvre leurs plans meurtriers, avec la participation de nombreux Allemands prêts à les suivre et à engager leur responsabilité. »« Le film brise un tabou existentiel : les nazis étaient des êtres humains. »« Le choc est terrifiant parce que le spectateur n’a jamais été aussi proche des dirigeants nazis, décryptés et mis à nu. Notre film ne s’intéresse pas à l’image officielle véhiculée par Goebbels, souvent utilisée dans les documentaires et les films de fiction. Nous déconstruisons cette image et révélons la vérité derrière le mensonge. »« Le résultat est un regard unique et sans fard à l’intérieur de l’appareil de pouvoir. Nous renonçons cependant délibérément à une représentation fictive de l’Holocauste. La dignité des victimes interdit toute reconstitution de la Shoah. Pour coller à la vérité, notre film utilise la confrontation entre fiction et réalité dans des séquences décisives. Nous donnons la parole aux victimes : les derniers survivants de l’Holocauste racontent eux-mêmes les crimes et s’adressent directement au spectateur : Charlotte Knobloch, Margot Friedländer, Elly Gotz, Eva Umlauf, Eva Szepesi, Leon Weintraub et Ernst Grube. Ils connaissent tous notre vision du film et, comme nous, souhaitent ouvrir les yeux des spectateurs pour que le passé ne se répète pas. »« C’est une expérience cinématographique qui oppose la fiction à la réalité. »« Notre film explore les coulisses du Cercle Intérieur. Il montre ce qui se passe en coulisses, avant et après le célèbre discours du Palais des Sports. »« On y découvre comment Goebbels conçoit le discours, le répète devant le miroir, puis le modifie comme un réalisateur et un producteur. L’ensemble apparaît comme une production multimédia : d’abord une performance en direct au Palais des Sports, puis diffusée avec un décalage et montée à la radio, reprise le lendemain dans les journaux, et enfin intégrée aux actualités filmées. »« Le film dévoile les documents audiovisuels fabriqués par le Troisième Reich et rend le spectateur fondamentalement plus attentif au pouvoir des images et plus méfiant vis-à-vis des stratégies de manipulation. C’est un film contre la séduction. La forme fictionnelle est également essentielle, car les documents contemporains sont eux-mêmes mis en scène et créés avec l’intention de tromper le spectateur. Nous devons attirer l’attention du monde sur ce sujet indiscutablement actuel et contribuer à l’essentiel : que ce qui s’est passé ne se reproduise jamais. »
Ce film intéressant évoque plutôt les dix dernières années du IIIe Reich.
Il laisse perplexe, et induit des réflexions ou sentiments complexes. Non pas parce qu'il mêle archives en noir et blanc et fiction en couleurs ou parce que des comédiens interprètent des figures historiques. Mais pour d'autres raisons. Encore que il s'avère difficile de comprendre l'intense fascination exercée par Hitler notamment sur les foules.
Tour d'abord, le texte préliminaire ouvrant le film dresse un parallèle infondé entre les dictateurs et les démagogues, en voulant nous alerter contre les dangers qu'ils représentent pour la démocratie. Il semble plus judicieux de comparer des dictateurs entre eux. Les démagogues, vocable décrié, n'instaurent pas tous des régimes totalitaires, voire génocidaires.
A juste titre, le documentaire accorde une place importante au film « Le Juifs Süss » : réticences du réalisateur, voire d'acteurs pressentis, article élogieux du critique cinématographique et futur réalisateur italien Michelangelo Antonioni à l'enthousiasme dithyrambique, extrait du long métrage montrant ce personnage prisonnier dans une cage, au-dessus du vide, avant d'être assassiné. En voyant cette scène, on songe aux Israéliens juifs kidnappés par les djihadistes - essentiellement du Hamas, et civils -, lors de l'agression djihadistes du 7 octobre 2023, devenus otages dans la bande de Gaza et amenés captifs dans des cages. Le parallèle entre les djihadistes et les nazis s'imposent.
Goebbels a dit que la propagande doit avoir un rapport au réel, mais les dernières années du IIIe Reich prouvent le contraire. Le couple Goebbels, caractérisé par des infidélités et le beau-père juif de Magda Goebbels, est lui-même un élément-clé de cette propagande nazie : des enfants aryens blonds aux yeux bleus, affectueux envers leur parrain Adolf Hitler...
Et si, comme tend à l'asséner le documentaire, les images mentent, si tout est mis en scène, si les archives montrant des Allemands et Autrichiens saluant dans l'allégresse le Führer Adolf Hitler dans des villes pavoisées à l'oriflamme nazi, alors les populations germaniques et autrichiennes qui auraient écartées, au profit de nazis encartés, de ces mises en scène filmées à fin de propagande nationale et internationale, seraient innocents ? Et les Gazaouis acclamant l'arrivée des terroristes palestiniens libérés de leurs lieux d'emprisonnement en Israël contre la libération des otages israéliens ne seraient pas représentatifs ? On peut en douter en raison des interviews de Gazaouis.
Emerge du film la figure pathétique de l'acteur talentueux Joachim Gottschalk qui, n'ayant pas pu ou voulu quitter l'Allemagne nazie vers 1933, s'efforce de protéger son épouse et leur fils juifs, tout en s'acquittant de ses obligations mondaines au cours desquelles il côtoie d'éminents dirigeants nazis. Son destin tragique bouleverse. « Joachim Gottschalk était l’acteur le plus célèbre de l’Allemagne des années 1930 jusqu’à sa mort tragique en 1941. Dans le Berlin des années 1920, son talent s’impose comme une évidence sur les planches des théâtres. Il est l’acteur le plus prometteur d’une nouvelle génération pleine d’espoirs. Mais alors que Joachim brille et vole de succès en succès, jusqu’aux plateaux de cinéma, l’Allemagne, elle, s’enfonce dans le fascisme. Marié à Meta, une Juive dont il est éperdument amoureux, et tout entier dédié à son art qui est sa raison de vivre, Joachim se voit chaque jour un peu plus déchiré. Les nazis le somment de choisir entre son art et sa femme. Il finira par se suicider avec elle et leur jeune fils Michael, en novembre 1941. À travers son destin bouleversant, c’est le drame de toute la scène artistique allemande sous le IIIe Reich que nous fait vivre ce roman vrai de Denis Rossano, Vie et mort de Joachim Gottschalk. Une époque où chacun devait choisir entre l’exil, la soumission ou la mort ».
ENTRETIEN AVEC THOMAS WEBER
Historien consultant pour le film « La fabrique du mensonge »
« Y A-T-IL MOINS DE PROPAGANDE AUJOURD’HUI QU’AUPARAVANT ?
Non, au contraire. Malheureusement, nous vivons à nouveau un âge d’or de la propagande, mais aujourd’hui nous lui donnons d’autres noms. On parle désormais de désinformation et de manipulation. Le terme «propagande» n’est utilisé que dans le contexte de la guerre. Mais c’est toujours le même vin que nous avons simplement mis dans une autre bouteille.
QUELLE DIFFÉRENCE ENTRE LA PROPAGANDE D’HIER ET LA DÉSINFORMATION D’AUJOURD’HUI ?
Les schémas de désinformation et de manipulation n’ont fondamentalement pas changé depuis les morts d’Adolf Hitler et de Joseph Goebbels dans les ruines de Berlin, à part – et c’est essentiel – les nouvelles technologies. Ces dernières apportent des innovations, agissent comme des accélérateurs et expliquent pourquoi le danger posé par la désinformation et la manipulation est plus grand aujourd’hui que jamais. Ce danger continuera à croître de manière exponentielle avec les nouvelles technologies. Ici, l’artisanat de Joseph Goebbels se mélange involontairement avec la technologie de la Silicon Valley. Cela pourrait conduire à un effondrement total.
COMMENT LES IMAGES SONT-ELLES DÉSORMAIS UTILISÉES ?
La manière dont le matériel visuel est utilisé n’a guère changé depuis l’époque de Joseph Goebbels. Si, aujourd’hui, par exemple, les journalistes de BBC Verify démontrent que, dans la guerre entre Israël et le Hamas, des milliers de vidéos partagées sur les réseaux sociaux sont créées à partir de séquences anciennes replacées dans un nouveau contexte et présentées comme inédites, les parallèles avec le passé sont plus qu’évidents. Il s’agit clairement et exclusivement de manipulation ciblée par le biais d’une désinformation délibérée. De plus, comme à l’époque, on accuse l’adversaire d’attaques volontaires ou accidentelles contre sa propre population ou infrastructure, entraînant des pertes humaines.
ALORS QUE PEUT-ON FAIRE ?
La première étape est de prendre conscience du problème, de s’habituer aux schémas et mécanismes de base, et de comprendre à quel point la manipulation et la désinformation sont omniprésentes. La Fabrique du Mensonge aide les spectateurs à reconnaître ces schémas de base et à les appliquer à leur époque. On peut fournir les outils pour apprendre à distinguer les choses, à vérifier encore et encore les sources à l’aune des expériences et exemples du passé. Ainsi, on peut priver la manipulation et la désinformation de l’oxygène dont elles ont besoin pour survivre. En comprenant la désinformation et la manipulation du passé, on muscle son esprit critique, dépassant les exemples concrets étudiés. Je crois que c’est un processus d’apprentissage auquel nous pouvons choisir de participer.
Une compréhension globale se développe progressivement.
JOSEPH GOEBBELS DIT DANS LA FABRIQUE DUMENSONGE QUE LA PROPAGANDE DOIT AVOIR UN LIEN AVEC LA RÉALITÉ. CELA A-T-IL CHANGÉ ?
Pas du tout. La désinformation et la manipulation doivent être basées sur les expériences de vie des personnes auxquelles elles s’adressent. Elles doivent être si réalistes qu’elles en deviennent au moins plausibles. C’est pourquoi elles doivent nécessairement dépeindre des réalités pour ensuite les inverser.
« CEUX QUI NE SE SOUVIENNENT PAS DE L’HISTOIRE SONT CONDAMNÉS À LA RÉPÉTER ». LE MONDE RÉEL EST PLEIN DE RÉPÉTITIONS. COMMENT ROMPRE LE CYCLE ?
Nous ne le briserons pas, mais nous pouvons mieux le gérer. Nous pouvons aussi renforcer la résilience face au pouvoir de la désinformation et de la manipulation en période de crise existentielle. C’est pourquoi je me suis impliqué corps et âme dans La Fabrique du Mensonge. Il est possible de rendre le monde plus pacifique. Bien que cela puisse ne pas en avoir l’air, il a été prouvé scientifiquement que, au cours des siècles, la volonté des sociétés de recourir à la violence a diminué. Il est problématique de ne considérer que les cas d’effondrement pour tirer des leçons sur la manière de sauver la démocratie. Nous devrions tirer des exemples du siècle dernier uniquement où la démocratie a survécu et où il y a eu résilience. En Allemagne, la démocratie s’est effondrée, oui, mais pourquoi la démocratie a-t-elle survécu en France ou aux Pays-Bas en 1933 alors qu’elles étaient au bord de l’effondrement ? Et pourquoi, après la Seconde Guerre mondiale, des tentatives de réconciliation ont-elles eu lieu entre l’Allemagne et certains de ses voisins dès les années 1950, et ailleurs seulement trente ans plus tard ? Les enseignements tirés de cas positifs ne pourraient-ils pas nous fournir aujourd’hui les outils nécessaires pour apprendre à réconcilier des groupes hostiles, à surmonter la polarisation, et à permettre à la liberté et à la démocratie de prévaloir ? Cette connaissance nous donnerait une résilience face aux dirigeants et séducteurs qui utilisent la désinformation et la manipulation. Pour que ce soit possible, cependant, nous devons d’abord comprendre les mécanismes de la désinformation et de la manipulation tels qu’ils ont été pratiqués à l’époque d’Hitler et de Goebbels, et surtout aujourd’hui encore.
Thomas Weber est historien, biographe d’Hitler, et professeur d’histoire et de géopolitique à l’université d’Aberdeen. Il est l’auteur de « La première guerre d’Hitler » (2012, Perrin)
PROPAGANDE ET NAZISME
Extrait de « Les succès de la propagande Nazie », de Henri Burgelin, paru dans le n°104 du magazine L’Histoire. »
« L’arrivée d’Adolf Hitler au pouvoir, le 30 janvier 1933 est célébrée par les nazis comme l’aurore d’une ère nouvelle et révolutionnaire. L’appareil de propagande transforme le pays au point de tromper nombre de contemporains sur la nature véritable du régime et sur ses soutiens sociaux.
Presse, radio et cinéma sont mobilisés pour convaincre le monde que le peuple allemand, enthousiaste emboîte le pas au guide qu’il s’est donné. Des cérémonies grandioses tendent à prouver que, dans une époque déchirée par les luttes économiques et sociales, l’Allemagne hitlérienne a fondé la société unanimiste dont beaucoup d’Européens rêvent alors. Après avoir été l’instrument essentiel de la prise du pouvoir, cette propagande et la terreur qui l’accompagne deviennent le principal mode de gouvernement des nazis.
La diffusion de l’idéologie nazie est confiée à Joseph Goebbels, nommé en mars 1933 ministre de l’Information et de la Propagande.
Sa rencontre avec Hitler, en avril 1926, est une véritable conversion. Il lui restera fidèle jusqu’à son suicide dans le bunker de la Chancellerie en mai 1945, contrairement aux autres dirigeants nazis. Goebbels dispose d’un talent oratoire remarquable quand il parle à la radio, alors que, dans les réunions publiques, il est défavorisé par sa petite taille et son pied bot. Mais il excelle dans tous les genres : ton grave, appel au sentiment, véhémente dénonciation des adversaires du régime, violentes attaques des « complots » capitalistes, communistes et juifs. Amateur très éclairé de cinéma et metteur en scène de grands spectacles politiques, il met toute son ardeur au service de Hitler.
Cette propagande ne peut être vraiment efficace qu’à condition de priver les Allemands des sources d’information et des formes d’expression non contrôlées par les nazis. Pour atteindre ce but, il faut isoler le pays de l’extérieur et empêcher toute diffusion d’opinions hétérodoxes, y compris celles que contiennent d’anciennes publications nazies, voire hitlériennes, si elles contredisent les objectifs du moment. La politique économique du Reich, qui limite strictement les importations, permet d’éliminer les journaux, films et livres étrangers du marché. Seule la radio franchit les frontières. Mais pendant toute la durée du IIIe Reich, l’écoute des stations étrangères est interdite, présentée comme un acte d’inféodation à l’ennemi, aux Juifs, accusés d’inspirer un complot anti-allemand et d’exercer une influence néfaste sur les médias. Dénoncer les auditeurs de radios étrangères, sur qui s’abattent de lourdes sanctions, est considéré comme un acte de civisme.
L’instauration d’une économie dirigée permet d’autre part de réduire au silence les oppositions intérieures. La distribution du papier, notamment, est contingentée ; la radio et la production cinématographique sont entièrement contrôlées par l’État. Dès 1933, les bibliothèques publiques sont épurées des ouvrages classés comme subversifs, soit en raison de leur contenu, soit parce que leurs auteurs sont Juifs ou réputés ennemis du Reich. Les autodafés où brûlent des milliers de livres manifestent l’acharnement des nazis. Par prudence, beaucoup d’Allemands cachent alors ou détruisent les œuvres suspectes qu’ils possèdent. Les professions concernées par l’édition sont placées sous le contrôle du gouvernement qui crée une Chambre des écrivains, une Chambre des journalistes et une Chambre des cinéastes.
Refuser d’appartenir à l’une de ces corporations, dont la carte professionnelle peut être retirée à tout moment, revient à s’interdire de travailler.
Dans de telles conditions, la censure préalable devient inutile. Soucieux de maintenir une certaine diversité dans le style, de façon que chaque journal s’adresse à son public dans les termes qui lui conviennent, Goebbels déclare : « Que chacun joue de son instrument, pourvu qu’ils jouent la même musique. » Lui-même et ses collaborateurs se chargent de recevoir les journalistes à qui ils présentent la version officielle de l’actualité. Tout article hétérodoxe est puni en vertu d’une loi non écrite, donc parfaitement arbitraire. Il suffit qu’un journaliste soit accusé de trahir les intérêts de la patrie, du peuple allemand ou de la race aryenne pour être emprisonné, avec ou sans jugement. On comprend que la presse se montre docile dès 1933.
Cinéphiles passionnés, Goebbels et Hitler sont persuadés que le grand écran est l’instrument idéal pour endoctriner les masses. Le contrôle de la production est facile, étant donné son coût : déjà concentrée entre les mains de quatre compagnies, elle est réduite à une seule en 1942. La Chambre nationale du film impose une réglementation extrêmement stricte dans le domaine financier ainsi que dans ceux de la production et de l’emploi.
Projetées obligatoirement dans toutes les salles de cinéma, les actualités hebdomadaires revêtent une importance particulière. Ces documentaires constituent l’un des moyens de persuasion les plus efficaces. La puissance des images, souvent composées avec beaucoup de talent, l’emporte de loin sur celle de l’écrit et du discours. La production de films de fiction est également très soignée. Ils glorifient la nation allemande et son passé héroïque (Frédéric le Grand de Veit Harlan), l’obéissance aux chefs (Le Triomphe de la volonté de Leni Riefensthal), les vertus publiques et privées (Le Retour de Gustav Ucicky), la simplicité des mœurs et la diffamation des ennemis anglo-saxons, bolcheviques et juifs (L’Oncle Krùger de Hans Steinhoff, GPU de Karl Ritter ou Le Juif Sùss de Veit Harlan).
L’un des grands thèmes de la propagande nazie est l’avènement d’un homme nouveau, vivant selon une éthique libérée des apports du rationalisme et de l’intellectualisme, du libéralisme et du marxisme d’origine juive. Pur aryen, il est un homme simple, qui se satisfait d’actes de bravoure et de l’obéissance à ses chefs. Ce modèle humain présenté dans les mouvements de jeunesse fournit leurs héros aux films nazis et aux artistes. L’apologie du sport impose ce surhomme à la société alors que les succès internationaux des athlètes allemands semblent témoigner de la réussite du nazisme.
Avant la guerre, Hitler se sert également de l’appel au sacrifice pour faire accepter à la population l’augmentation considérable des dépenses d’armement et la pénurie des biens de consommation. Pendant la guerre, l’effort militaire demande encore des sacrifices au peuple allemand pour assurer la victoire finale. Il ne s’agit donc pas seulement d’un renoncement légitime, dans l’espoir d’une société meilleure ou d’un Reich dominant l’Europe pour mille ans, mais d’un sacrifice qui trouve sa justification en lui-même, une vertu propre à la race aryenne.
L’Allemagne tout entière ne manifeste un réel enthousiasme à aucun moment des douze ans de pouvoir d’Hitler et, de ce point de vue, la propagande totalitaire échoue. Mais l’isolement de l’Allemagne dans le monde et celui de l’individu dans la société nazie ne permettent pas de distinguer le vrai du faux, et le matraquage médiatique ne reste pas sans effet. Le but du régime est que les Allemands obéissent et, à de rares exceptions près, ils le font jusqu’au bout, c’est-à-dire jusqu’au massacre parfaitement vain de centaines de milliers d’hommes, à un moment où la défaite est inéluctable. Sans la propagande, le Führer ne serait sans doute pas parvenu à un tel résultat qui atteste, par son absurdité, de l’efficacité des méthodes de Goebbels. »
2024 / 2.39 / Dolby 5.1 / Allemagne, Slovaquie / 2 h 04
Réalisation et scénario : Joachim A. Lang
Compagnie de production : Zeitsprung Pictures
Directeur de la photographie : Klaus Fuxjäger
Montage : Rainer Nigrelli
Décors : Pierre Pfundt / Tomas Bakocka
Costumes : Katarina Bielikova
Avec Robert Stadlober (Joseph Goebbels), Fritz Karl (Adolf Hitler), Franziska Weisz (Magda Goebbels), Dominik Maringer (Werner Naumann), Moritz Führmann (Karl Hanke)
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