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mercredi 22 janvier 2025

« La mode en modèles. Photographies des années 1920-1930 »

Le musée des Arts décoratifs propose « La mode en modèles. Photographies des années 1920-1930 », une exposition au carrefour de l'histoire de la mode et de celle de la photographie de mode. La mode est protégée de la contrefaçon par le droit de la propriété intellectuelle et industrielle. Dans l'entre-deux-guerres, durant l'essor de la haute couture parisienne, de célèbres créateurs protègent leurs œuvres de la contrefaçon par 
« le dépôt de modèle » via des dessins ou des photographies de modèles portés par des mannequins dans l'atelier, parfois signées par Man Ray, et multipliant les astuces (jeux de miroirs) pour présenter sous divers angles, dans leurs ateliers, ces œuvres. Ce qui assurait la protection juridique maximale.

L’histoire sous les pieds. 3000 ans de chaussures 

« Le musée des Arts décoratifs propose, à l’occasion de Paris Photo, « La mode en modèles. Photographies des années 1920‑1930 ». Cette exposition met en lumière « le dépôt de modèle », véritable outil de lutte contre la contrefaçon dans l’univers de la mode d’avant-guerre. Plus de 120 photographies issues des collections sont mises en regard de silhouettes de mode et d’accessoires de grands créateurs, de Jeanne Lanvin à Jean Patou, en passant par Marcel Rochas, Madeleine Vionnet, Jeanne Paquin, ou encore Elsa Schiaparelli. » 

« Tous ont utilisé ces images d’un genre nouveau, prises sur le vif ou mises en scène, pour témoigner de l’authenticité d’une griffe parisienne. »

« Déposées au musée des Arts décoratifs en 1940, ces images singulières constituent désormais une ressource visuelle pour les grandes maisons qui fréquentent l’institution en quête d’inspirations et de modèles. »

L’exposition évoque le destin tragique de « Bella Ariel (1912-1943), mannequin de cabine pour Jeanne Lanvin à partir de 1934, puis mannequin vedette, [qui] pose parallèlement pour Man Ray, D’Ora ou Lipnitzki. Sous l’Occupation, elle défile toujours mais en 1943, à la suite d’une dénonciation, elle est arrêtée par la police anti-juive et est assassinée dans le camp d’extermination d’Auschwitz ».

Le commissariat de l’exposition est assuré par Sébastien Quéquet, en charge des collections photographiques du musée des Arts décoratifs. 

Autour de l’exposition, le musée organise des visites guidées « La mode en modèle » : « la présentation de photographies destinées à protéger juridiquement les modèles de couturiers amène les visiteurs à découvrir un aspect méconnu du rôle joue par la photographie dans l’histoire de la mode. C’est aussi l’occasion d’admirer les modèles et les photographies de grands noms de la mode des années 1920-1930. »

« Avocate en droit de la propriété intellectuelle, Géraldine Blanche est actuellement doctorante à l’Ecole de Droit de Sciences Po. Ses recherches portent sur les stratégies des droits de propriété intellectuelle dans l’industrie de la mode. Portée par sa volonté de faciliter l’accès au droit pour les créatifs, elle enseigne et forme les talents émergents dans les écoles de mode et conseille les acteurs innovants de l’industrie. » Elle a assuré la conférence « Les couturiers, « pionniers » de la propriété intellectuelle ? ». 

« La contrefaçon dans la mode n’est pas un phénomène récent. Des le XIXe siècle, industriels et grandes maisons de couture tentent de lutter contre les ≪ pirates de mode ≫. Un de leurs leviers d’action est le recours au droit de la propriété intellectuelle, incluant les dessins et modèles, le droit d’auteur et la marque. »

« Ces droits vont influencer et accompagner les mutations du rôle du couturier, tantôt artiste, tantôt industriel, tantôt actif financier. Pionniers dans la lutte contre la contrefaçon, Poiret, Paquin et Vionnet, figures emblématiques, vont tenter d’endiguer le phénomène de la copie. Mais pour quelle efficacité ? »

« Que reste-t-il aujourd’hui de leurs combats dans le contexte d’une mode dont la production et la consommation se sont accélérées à l’image de la ≪ fast fashion ≫ ?


De la propriété intellectuelle et industrielle
« Si le principal vecteur de la mode est la photographie de presse, il existe une autre iconographie, aussi méconnue que mystérieuse : les dépôts de modèles. »

« Les dépôts de modèles sont une composante de la propriété industrielle, comme les brevets et les marques. »

« Déposés au conseil des prud’hommes ou au greffe des tribunaux jusqu’en 1979, ils permettaient de protéger juridiquement une création et d’engager ainsi une action en contrefaçon en cas de copie. Au début du XXe siècle, dans le contexte de développement de la haute couture parisienne et parallèlement, de la contrefaçon dont elle était victime, ces photographies acquièrent le statut de pièces à conviction dans les nombreux procès intentés et qui ont défrayé la chronique, à l’instar de celui qu’intente la « géomètre de la mode » Madeleine Vionnet, en 1921. »

« Articles de presse, films, mais aussi documentaires narrent le phénomène alors grandissant de la contrefaçon, parfois de façon romanesque, comme dans le film Les Pirates de la mode de William Dieterle et Busby Berkeley (intitule en anglais Fashions of 1934). »

« Ces dépôts de modèles s’inspirent des vues de face et de profil mis en place par le criminologue Alphonse Bertillon pour la photographie judiciaire dans les années 1880 et qui par la suite développe l’identification par l’empreinte digitale. »

La sauvegarde et le renouvellement d’un patrimoine visuel
« Ce fonds photographique exceptionnel constitué dans les années 1940, donne à voir un panorama visuel surprenant de la mode et de la haute-couture parisienne entre 1917 et 1934 : les plus grands noms, de la plus ancienne maison Worth à Cheruit, Hermès, ou encore Callot Soeurs et Lanvin, mais aussi Edward Molyneux, Jean Patou, en passant par Jeanne Paquin, Lucien Lelong et bien d’autres y sont présentes ».

En image, une certaine histoire de la mode
« Très vite, la photographie s’impose pour capter un modèle et une collection, c’est alors un véritable marché qui s’ouvre aux photographes et aux studios, au début du XXe siècle. Les nombreux dépôts de modèles produits ont désormais une signature photographique : Man Ray, Gilbert René, mais aussi Pierre Choumoff, Henri Manuel, Therese Bonney, ou encore Paul Mejat et Henri Martinie en sont les plus célèbres représentants. »

« Ces photographies réalisées dans l’intimité des ateliers sont pourtant moins considérées que les tirages réalisés pour la presse ou les expositions. »

« Destinés aux domaines de la justice et de l’archive, les dépôts ne sont pas toujours signés par des photographes reconnus, et ne font pas appel aux célèbres actrices et mannequins. Ces images restent néanmoins un vivier pour écrire une histoire de la mode et de la photographie de mode, participant également de l’analyse de l’économie de tout ce secteur. »

« Image de mode d’un nouveau genre : les dépôts de modèles »
« Le dépôt de modèle prend plusieurs formes photographiques : assemblage de deux ou trois photographies qui devient un diptyque ou un triptyque ; système photographique qui combine plusieurs objectifs ou encore cabine en angle composé de miroirs permettant de montrer les différentes vues de la tenue : face, dos, profil, à l’instar de ceux réalisés par Madeleine Vionnet. »

« Sur ces dépôts se trouvent plusieurs indications de leur statut juridique : au recto, le numéro du modèle dans la collection et au verso, la signature et le cachet du déposant. Il est également possible de voir le tampon du photographe. Enfin, l’image comporte un numéro d’ordre attribué au modèle au sein du dépôt. »

« Une photographie entre la fonction et la création »
« La mise en scène de ces images est révélatrice du soin apporté au dépôt de modèle : certains couturiers élaborent des espaces restreints et dépouillés au sein de leur atelier, d’autres créent des dispositifs plus inventifs comme Madeleine Vionnet et les jeux graphiques de miroir, d’autres disposent leurs modèles dans de véritables univers composés de pièces de mobilier et d’œuvres d’art comme ceux réalisés par Paul Poiret. »

« A travers ce fonds photographique jamais présenté auparavant au musée des Arts décoratifs, le voile est levé sur une pratique qui a marqué le monde de la mode au début du XXe siècle et dont l’objectif, celui de protéger les modèles de la contrefaçon, reste d’une actualité brulante, au regard des possibilités offertes par la révolution digitale et l’intelligence artificielle. » 


Du 6 novembre 2024 au 26 janvier 2025
107 rue de Rivoli, 75001 Paris
Tél. : +33 (0) 1 44 55 57 50
Du mardi au dimanche de 11h à 18h
Nocturne le jeudi jusqu’à 21 h dans les expositions temporaires
Visuels :
Affiche
Madeleine Vionnet
Robe du soir
Août 1938
Tirage gélatino-argentique © Les Arts Décoratifs

Wladimir Rehbinder —
Dépôt de modèle pour un manteau de Sonia Delaunay
1924
Tirage gélatino-argentique
© Les Arts Décoratifs

Studio Jarach —
Dépôt de modèle pour une robe de soirée de la maison Valrose
Vers 1920-1930
Tirage gélatino-argentique
© Les Arts Décoratifs



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