1. La rue parisienne, espace de propagandes
« Cette première partie aborde les médias traditionnels de la publicité en France. L’affiche, très présente dans l’espace public, s’inscrit dans la continuité de l’époque précédente (Première Guerre mondiale), en particulier pour la communication officielle et institutionnelle. On évoque l’actualité politique nationale et internationale, à savoir les élections législatives de 1924, qui voient arriver au pouvoir le Cartel des gauches et dont les débats portent notamment sur les indemnités de guerre dues par l’Allemagne. Les affiches sont accompagnées d’autres documents de propagande politique (tracts, professions de foi, papillons...). »
« La situation sociale est également abordée, à travers les questions de l’application de loi de 1919 sur les 8 heures de travail quotidien et la condition des femmes. »
« Enfin, la situation économique est mentionnée avec le recours important aux emprunts pour la reconstruction (1920), mais aussi pour la tenue d’événements (JO de 1924, Exposition des arts décoratifs de 1925), ainsi qu’à travers les efforts de la reconstruction, qui passent notamment par une meilleure promotion de l’industrie et du commerce français. »
« La presse est un vecteur ancien et puissant de l’information et de la publicité, mais traverse une crise. Elle s’est discréditée auprès d’une partie de son lectorat en raison de la propagande diffusée pendant les années de guerre et de divers scandales financiers (Panama, emprunts russes) : les journaux ont fait la promotion auprès de leurs lecteurs de placements fragiles, voire douteux, contribuant à accroître la méfiance des Français à l’égard de la publicité. D’ailleurs, la presse est considérée comme un secteur peu innovant dans ce domaine, continuant à véhiculer des réclames mensongères du type remèdes miracles et peu inventives en matière de présentation. »
« L’exposition aborde enfin l’attitude des pouvoirs publics vis-à-vis de la publicité dans les espaces qu’ils gèrent, partagés entre la nécessité de préserver l’esthétique des rues et des monuments et l’intérêt à collecter des revenus sur l’affichage. »
2. Repenser la publicité
« Dans la deuxième partie, en partant des critiques exprimées par le milieu de la publicité quant aux médias traditionnels et à la communication officielle, l’exposition montre comment se structurent ces nouveaux professionnels et évoque les grandes figures de l’époque, tels Étienne Damour, créateur de l’agence Dam, ou Octave-Jacques Gérin, auteur d’ouvrages de référence, ainsi que la création de cours et d’écoles et d’associations professionnelles. C’est en 1924 que la France participe pour la première fois au congrès international des organisations professionnelles de la publicité à Londres. Manuels et revues professionnelles (Vendre, Publicitaires…) diffusent les idées nouvelles. Les États-Unis font alors figure de modèle. »
« La profession se développe. On assiste à la création d’agences modernes proposant de véritables campagnes publicitaires. De nombreux métiers participent à la création publicitaire (imprimeurs, illustrateurs, fabricants d’objets publicitaires, créateurs de slogans…). »
3. Le commerce parisien fait sa réclame
« En France, comme le soulignent les historiens de la discipline, la publicité inspire une certaine méfiance, qui s’explique par de nombreux facteurs. On cite entre autres la structuration du commerce dans le pays, très fragmenté en petites enseignes, dans lesquelles la relation de confiance directe entre commerçant et client relègue la réclame, surtout de la part des marques, à une intervention parasite. Mais la capitale se distingue par les innovations qui y sont à l’oeuvre avant d’être diffusées dans le reste du territoire. Et même si le maillage des petites boutiques parisiennes est dense et incarne une forme de tradition dans les pratiques de mise en valeur des produits, les plus grandes enseignes, notamment les commerces à succursales et les grands magasins, ainsi que les marques, font preuve de modernité. »
« Aux boutiques parisiennes traditionnelles avec une présentation très serrée et rigide, on oppose la créativité des étalagistes du Printemps pour le linge de maison (le blanc) et les nouvelles devantures de magasins comme les chaussures Raoul dont les modèles sont diffusés grâce aux portfolios d’art décoratif, à la presse et aux expositions (salon d’Automne), ainsi que la virtuosité des fabricants de mannequins. »
« Les petites boutiques ont recours à des moyens de publicité modestes et peu coûteux, directement adressée à une clientèle ciblée. L’argumentaire des imprimeurs ou des agents est souvent de contourner la presse, dont les prix sont élevés et l’impact peu assuré. Le tirage de prospectus ou d’affiches est plus facilement modulable. L’inventivité des professionnels se développe avec notamment un accroissement des types d’objets publicitaires : aux traditionnels chromos, éventails, calendriers, buvards et ballons, s’ajoutent chapeaux publicitaires, boîtes d’allumettes, et des créations parfois éphémères. De nouvelles techniques de production (pour les cartes parfumées par exemple) permettent également d’augmenter la diffusion de certains de ces objets publicitaires. Si à cette époque les femmes sont encore peu présentes dans les agences de publicité, de nombreuses illustratrices participent à la création des objets publicitaires et des catalogues commerciaux. »
« L’exemple des magasins d’alcool Nicolas illustre d’autres phénomènes visant à asseoir une image de marque : l’usage du « story-telling » (100 ans prétendument en 1922), la création d’un personnage incarnant la marque (Nectar), l’insertion de publicité sur tous supports possibles (tickets de métro), la mise en avant de moyens modernes de communication et de livraison (téléphone et véhicule de livraison). »
« La question de l’opportunité de s’inscrire dans l’actualité pour mieux vendre est interrogée à travers l’exemple des Jeux olympiques, notamment dans les domaines de la mode et du sport. »
« C’est aussi l’occasion d’évoquer les marques automobiles comme sociétés emblématiques du capitalisme triomphant et de la hausse du niveau de vie moyen, comme en témoigne le premier Salon des arts ménagers en 1923. Innovantes du point de vue de la publicité et du marketing, elles incarnent la modernité de l’époque : vitesse et élégance, inspirée par les États-Unis. »
« D’autres innovations contemporaines sont à noter, tels le développement des enseignes lumineuses, des illuminations, et l’apparition des stations radios diffusées par la TSF. L’usage de la photographie se développe peu à peu, pour illustrer les catalogues commerciaux par exemple. »
4. Les artistes au service de la publicité
« L’histoire de l’affiche publicitaire en France est intimement liée, depuis Jules Chéret, à la contribution des artistes à sa conception. L’affiche donne un peu de noblesse à la réclame, longtemps déconsidérée. L’exposition évoque, aux côtés d’artistes qui sont alors en activité depuis plusieurs années (Leonetto Cappiello, qui a de nombreux suiveurs, dont Jean d’Ylen), la nouvelle génération (Charles Loupot, Cassandre, Jean Carlu…) avec des exemples emblématiques de la modernité de leur style et des produits vantés : automobiles Voisin, cycles Brillant, magasin Au Bûcheron… »
« Certains publicitaires obtiennent l’exclusivité de la production d’artistes, et les mettent en avant dans leur propre communication. »
« Les publicitaires ont également recours aux écrivains, tel Anatole France qui vante les automobiles Delaunay-Belleville. »
5. Invitation aux spectacles
« Pour vanter leur programmation, les lieux de divertissement et de spectacle recourent également aux artistes de l’époque et déploient tout un arsenal promotionnel. »
« Sont évoqués les restaurants, les bals, les théâtres, les music-halls ou encore les cinémas de Paris. Leur activité témoigne de l’envie de fête et de l’effervescence de la vie culturelle caractéristiques des Années folles. Ces lieux continuent d’employer des moyens de communication traditionnels, notamment l’affiche et le programme. Mais leur style et les thématiques représentées par les artistes rendent compte de l’évolution des esprits, à l’image de l’affiche de Gosse de riche (liberté des mœurs, mode, coupes à la garçonne…). »
« Les programmes sont plus que jamais le reflet de l’alliance entre salles de spectacles et annonceurs commerciaux : leurs pages sont en effet truffées d’encarts vantant les tables où dîner après le spectacle, ou les boutiques où s’habiller comme les vedettes de l’époque, au premier rang desquels figurent Mistinguett et Maurice Chevalier. »
« Comme les commerces, les salles de spectacles s’efforcent de rendre leur façade attractive, notamment en l’illuminant, à l’image du cinéma Aubert Palace. À la veille du parlant, le monde du cinéma constitue sans doute l’un des acteurs culturels les plus innovants en matière de supports publicitaires. Les distributeurs développent en effet à l’intention des salles un marketing de plus en plus élaboré avec un matériel de promotion diversifié : affiches de différentes dimensions, photos d’exploitation, revues, silhouettes, dessins animés publicitaires… Le domaine du spectacle et du divertissement s’étend jusqu’au sport. Des affiches et des programmes donnent à voir l’état de la pratique sportive dans la société parisienne au début des années 1920, encore loin du sport de masse, avec des disciplines reines très marquées sociologiquement. De grandes entreprises développent des structures sportives pour leurs employés dans un esprit de patronage. Mais l’offre d’infrastructures sportives dans la capitale est encore limitée et souvent privée : gymnases et piscines déploient donc des efforts publicitaires. »
« L’implication des marques, notamment d’alcool, et des organes de presse dans l’organisation d’événements sportifs est un phénomène de plus en plus fort. Même si le sponsoring à proprement parler n’existe pas encore, la publicité est présente dans les enceintes sportives et dans les programmes de compétitions. La starisation de certains champions se traduit non seulement par un goût des Français pour la lecture de leurs exploits, mais ouvre aussi la voie à une prochaine alliance entre sport et commerce : déjà le nom de Suzanne Lenglen est associé à celui du couturier qui l’habille, Jean Patou. »
« Même si les Jeux olympiques de 1924 trouvent un écho assez modeste dans la population de la capitale, l’organisation de cet événement sportif est marqué par un certain nombre d’innovations en matière de communication : un comité de propagande est chargé de sa promotion, au moyen d’affiches, de programmes, d’étiquettes de valise, de vignettes commémoratives, de cartes postales… Un film officiel est également tourné. Des moyens conséquents sont mis à disposition des journalistes, en particulier des lignes télégraphiques au Stade de Colombes, où sont également utilisés tableau d’affichage et haut-parleur pour mieux faire vivre les épreuves au public. Enfin, pour la première fois, la compétition est retransmise à la TSF. »
« Par ailleurs, cette édition des Jeux olympiques associe étroitement sport et culture : aux compétitions sportives répondent des concours artistiques, ainsi qu’une programmation officielle de spectacles au Théâtre des Champs-Élysées. D’autres lieux, comme le Stade Buffalo, proposent des manifestations en lien avec les JO, témoignant de l’inscription du monde culturel dans l’actualité et de l’intérêt grandissant pour le sport dans le Paris du début des années 1920. »
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