mercredi 28 février 2024

Hollywood et les Indiens

Dans ce genre si américain qu'est le western, la représentation des Amérindiens a évolué en un siècle, de la silhouette d'un sauvage cruel à l'humanisation de l'indigène américain. Elle a nourri l'imaginaire nordaméricain, et mondial. 
Arte rediffusera le 3 mars 2024 à 23 h 30 « Hollywood et les Indiens » (Reel Injun), documentaire de Neil Diamond (2009).


« L’Indien ne reprendra jamais possession des grands espaces de l’Amérique. Seule son ombre reviendra »
( D.H Lawrence, Etudes sur la littérature classique américaine, 1922)

Plus de quatre mille films, du cinéma muet au parlant, représentant des Amérindiens, Indiens nordaméricains, ont été tournés à Hollywood. Au fil des décennies, de l'évolution de la société américaine, des bouleversements historiques - guerre au Vietnam -, l'image des Indiens d'Amérique a évolué : de stéréotypée - une silhouette, un être fruste, un sauvage cruel, hors de la Civilisation -, elle s'est complexifiée, humanisée. Avec un tabou durable : l'union interdite entre l'Indien et la femme blanche. Et longtemps de rares acteurs Indiens pour incarner ces indigènes dans un genre cinématographique à l'origine spécifique au cinéma américain : le western, dont les codes ont été repris, avec succès, par le réalisateur américain Sergio Leone.

« Il y a un mythe de l'Ouest pour les Américains, c'est le Paradis perdu, pour les Indiens c'est le génocide ». Voici ce que déclarait Abraham Polonski (1910-1999), cinéaste, scénariste, mise à l’index d’Hollywood pendant 20 ans pour cause de liste noire, et qui signe, en 1968 avec Willie Boy (
Tell Them Willie Boy Is Here, 1969), son retour en cinéma". Interprété par Robert Redford, Katharine Ross et Robert Blake, le film retrace la traque d'un indien Païute, Willie Boy, en 1909 dans la région de Banning.

L'oeuvre de John Ford témoigne de cette lente prise de conscience, de remords pour ces habitants d'un Ouest mythique, d'une Frontière sans cesse repoussée vers l'Ouest, et de l'humanisation progressive du personnage de l'Indien, de la tribu indienne. La date charnière semble être 1950 avec Broken Arrow (La Flèche brisée), western de Delmer Daves avec 
James Stewart, Jeff Chandler et Debra Paget. L'histoire de la rencontre entre le chef apache Cochise et l'américain Tom Jeffords.

Des acteurs indiens ont aussi joué dans des films n'entrant pas dans la catégorie du western. Citons Will Sampson incarnant l'Indien symbolique dans "Vol au-dessus d'un nid de coucou" de Milos Forman.

« Hollywood et les Indiens »
Arte rediffusera le 3 mars 2024 à 23 h 30 « Hollywood et les Indiens » (Reel Injun), documentaire de Neil Diamond (2009).

« Le réalisateur Neil Diamond, lui-même Indien Cree, donne la parole à des gens de cinéma connus pour leur regard acéré sur l'image et la place des Amérindiens dans le western américain : les cinéastes Clint Eastwood, Zacharias Kunuk et Jim Jarmusch, les acteurs Wes Studi et Graham Greene. »

« Neil Diamond s’entretient avec Clint Eastwood, rencontré dans ses studios de Burbank en Californie, mais aussi avec le Canadien Robbie Robertson, compositeur et lauréat d’un Native American Music Award, dont la mère est originaire de la tribu des Mohawk ». 

« Il parle avec Jim Jarmusch (de son film Dead Man en particulier) et avec de nombreux acteurs d’origine amérindienne, tels que Wes Studi (Le dernier des Mohicans, Geronimo) ou Graham Greene (Danse avec les loups). »

« Deux historiennes et le critique de cinéma canadien Jesse Wente complètent ces témoignages et analysent, à partir d’exemples de tournages, comment s’est peu à peu forgée l’image réductrice de l’Indien rusé, cavalier hors pair assoiffé de sang. »

« Une image en partie corrigée par la génération récente de réalisateurs amérindiens, comme Zacharias Kunuk, l'auteur d'Atanarjuat – La Légende de l'homme rapide, Palme d’or au festival de Cannes 2001. »



« Hollywood et les Indiens », documentaire de Neil Diamond 
Allemagne, Canada, Pays-Bas, 2009, 88 min
Sur Arte le 3 mars 2024 à 23 h 30
Disponible du 25/02/2024 au 31/05/2024
Visuels :

© 2009 Rezolution Pictures/National Film Board of Canada
© Rezolution Films
© 2009 Rezolution Pictures/National Film Board of Canada
© DR

La "bande dessinée arabe" aujourd’hui

La Cité internationale de la bande dessinée et de l'image présenta l’exposition itinérante « Nouvelle génération, la bande dessinée arabe aujourd’hui ». Une exploration, sur différents supports, en des genres variés, d’œuvres de près de 50 auteurs de BD (bande dessinée) « arabe » de dix pays ou entité évoquant, sur le mode individuel ou collectif, leur quotidien, leur intimité… Arte diffusera, dans le cadre de « Dessiner pour résister », le 7 mars 2024 à 0 h 25  « Syrie – La dessinatrice Amany Al-Ali » d'Alaa Amer et Alisar Hasan, puis à 23 h 30 « Égypte - La dessinatrice Doaa El-Adl », documentaire de Nada Riyadh.

Vers un « vote halal » en France, en Belgique, en Grande-Bretagne et en Israël ? 
« Humoristes et musulmans » de Frank Eggers  
« Nouvelle génération, la bande dessinée arabe aujourd’hui » 
« Riad Sattouf. L’écriture dessinée »
« La croix gammée et le turban, la tentation nazie du grand mufti » de Heinrich Billstein 
« Pour Allah jusqu’à la mort. Enquête sur les convertis à l’islam radical » par Paul Landau
L'Etat islamique 
Interview de Bat Ye’or sur le califat et l’Etat islamique/ISIS 
« Les armes des djihadistes » par Daniel Harrich 
« L'argent de la terreur »
« Alger, la Mecque des révolutionnaires (1962-1974) » par Ben Salama
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« Cheikh Zayed, une légende arabe » par Frédéric Mitterrand
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Hajj, le pèlerinage à La Mecque
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Le keffieh, c'est tendance !

« Nouvelle génération, la bande dessinée arabe aujourd’hui »
En 2018, la Cité internationale de la bande dessinée et de l'image présenta l’exposition itinérante « Nouvelle génération, la bande dessinée arabe aujourd’hui ». Une exploration, sur différents supports, en des genres variés, d’œuvres de près de 50 auteurs de BD (bande dessinée) « arabe » de dix pays ou entité évoquant, sur le mode individuel ou collectif, leur quotidien, leur intimité…

Qu’est-ce qu’une « bande dessinée arabe » ? Une bande dessinée publiée dans « le monde arabe » ? Une œuvre dont l’auteur est arabe, voire musulman, berbère ou amazigh ? Ou dont le thème est « arabe » ? Le dossier de presse de l’exposition ne le précise pas. Mais la lecture des auteurs représentés dans l’exposition répond à ces questions. Il s’agit de jeunes auteurs s’exprimant en langues arabes, et publiés dans des pays d’Afrique du nord, du Proche-Orient ainsi que du Moyen-Orient.

« Depuis une quinzaine d’années, les pays du Maghreb et du Levant voient se développer de nouvelles formes de bande dessinée, éloignées de la production qui a prévalu des années 1950 aux années 1980. Partagée entre l’évocation du quotidien des grandes villes, l’expérimentation et les récits de l’intime, une nouvelle génération d’auteurs connectés innove et bouscule ».

L’exposition « présente la "nouvelle scène" de la bande dessinée arabe à travers des planches originales, plusieurs dizaines d’exemplaires de revues, d’albums individuels ou collectifs des nouveaux acteurs et actrices de la bande dessinée arabe par pays, soit une cinquantaine d’auteurs provenant d’Algérie, d’Égypte, d’Irak, de Jordanie, du Liban, de Libye, du Maroc, de Palestine, de Syrie et de Tunisie ». Quèsaco la « Palestine » ? 

« Déployée dans trois salles du musée de la bande dessinée, l’exposition Nouvelle génération la bande dessinée arabe aujourd’hui se présente comme une promenade géographique, à la fois didactique et rêveuse ».

« Elle met en avant les collectifs d’auteurs, fers de lance du renouveau de la bande dessinée arabe contemporaine ».

« Entre papier et palette graphique, cette nouvelle génération ne choisit pas ; l’exposition montre des originaux encadrés aussi bien que des pages consultables sur tablettes et /ou écrans interactifs ».

« La scénographie met en avant les interprétations graphiques des décors dans lesquels les auteurs évoluent, au premier rang desquels les décors urbains, omniprésents dans leurs productions ». « Regroupant les auteurs membres des collectifs, l’exposition permet également de découvrir les créateurs solitaires. »

« Un parcours enfants permet aux plus jeunes de se familiariser avec cette production nouvelle, ouverte à toutes les influences des traditions étrangères, mais aussi des arts de la rue, de la télévision, des jeux vidéo… »

« Désireux de faire connaître la nouvelle bande dessinée arabe, les coproducteurs de cette opération ont souhaité que l’exposition circule partout, dans le monde arabe, et ailleurs dans le monde. C’est ainsi qu’une version itinérante de l’exposition est d’ores et déjà disponible et suscite l’intérêt de nombreuses institutions culturelles de la zone du "monde arabe".

L’exposition est une co-production La Cité internationale de la bande dessinée, the Mu’taz & Rada Sawwaf Arabic Comics Initiative/ToshFesh.com, l’Université américaine de Beyrouth, l’institut français de Paris, en lien avec les Instituts français de la région "monde arabe". Le commissariat est assuré par Lina Ghaibeh et Jean-Pierre Mercier, le conseil scientifique par Lina Ghaibeh, Rym Mokhtari, George Khoury, Enrique Klaus, Jean-Pierre Mercier, Shennawy. 

« Nous sommes heureux de participer à cette exposition de référence dédiée à la bande dessinée du monde arabe à Angoulême 2018. L’exposition « Nouvelle génération : la bande dessinée arabe aujourd’hui » présente nombre d’artistes talentueux et expose une large sélection de leurs travaux. Elle sera par la suite présentée dans d’autres villes d’Europe, permettant d’élargir le lectorat des bandes dessinées arabes. Nous fêtons cette année sept ans d’efforts continus pour promouvoir, exposer et publier des caricaturistes et auteurs de bande dessinée arabes originaires du Moyen Orient, du Golfe et de l’Afrique du Nord », a écrit Mu’taz Sawwaf, fondateur et éditeur, Sawwaf Arab Comics Initiative à l’université américaine de Beyrouth.

Et d’ajouter : « Nous y sommes arrivés grâce à la Mu’taz and Rada Sawwaf Comics Initiative et l’Université Américaine de Beyrouth, ainsi qu’à la maison d’édition Tosh Fesh. Cette initiative vise à encourager la recherche interdisciplinaire sur la bande dessinée arabe, à promouvoir la production, la formation scolaire et universitaire, mais aussi l’enseignement sur et de la bande dessinée. Elle prévoit de développer un fonds de bandes dessinées arabes et de se charger de sa maintenance, tandis que Tosh Fesh se consacre à la publication d’anthologies de caricaturistes et de auteurs de bande dessinée de la région en vue d’élargir le lectorat d’oeuvres issues de cette zone restée plus ou moins dans l’ombre jusque-là. Certaines bandes dessinées pourront paraître plus intéressantes que d’autres. Certaines parleront aux esprits critiques, d’autres aux coeurs sensibles. Néanmoins, je suis convaincu que toutes et tous les auteurs de bande dessinée feront bonne impression. Ils et elles partageront leur vision du monde arabe, leurs inquiétudes et leurs peurs, ce qui nous fait pleurer, de tristesse ou de joie, voire de rire ! Sourire et rire ensemble des mêmes choses, n’est-ce pas le meilleur moyen de vivre une connivence ? Nous en sommes convaincus, tous ces efforts élèveront la bande dessinée et la caricature au rang de moyen d’expression capable de présenter opinions, croyances et sentiments, dans le monde arabe et au-delà ».

« L’exposition Nouvelle Génération : la bande dessinée arabe d’aujourd’hui est le fruit d’un partenariat intense et fructueux entre la Cité Internationale de la Bande Dessinée et de l’Image et la Mu’taz and Rada Sawwaf Comics Initiative et l’Université Américaine de Beyrouth. Ce partenariat conforte des liens culturels et historiques entre nos deux pays, et approfondit la vocation de la France à rendre compte des évolutions du paysage artistique et culturel du monde arabe qui nous est si proche, nos destins historiques étant inextricablement liés », a analysé Pierre Lungheretti, directeur général de la Cité internationale de la bande dessinée et de l’image.

Et de raconter : « Cette aventure formidable a démarré à l’occasion de plusieurs visites de Jean-Pierre Mercier et moi-même au Caire à l’invitation du festival CairoComix, à Beyrouth pour les Mahmoud Kahil Awards, au Maroc pour le festival de bande dessinée de Tétouan porté par l’Institut National des Beaux Arts, en Tunisie... La découverte des travaux et oeuvres de plusieurs auteurs emblématiques, les échanges avec Mu’taz Sawwaf, Lina Ghaibeh, Shennawy, Jad et bien d’autres, nous ont permis de prendre conscience que quelque chose d’important se passait, d’Alger à Tétouan, du Caire à Beyrouth et jusqu’en Irak et en Syrie dans des conditions que nous pouvons aisément imaginer. Nous avons rapidement constitué une équipe de spécialistes et de passionnés autour de ce projet. Pour nous, il était essentiel de donner à voir l’extraordinaire vitalité de la création du monde arabe en matière de 9ème art, et de manifester notre intérêt et notre soutien à cette création en cours et aux auteurs qui la font vivre, parfois dans des contextes particulièrement difficiles. Les presque cinquante autrices et auteurs exposés, arabophones, anglophones et francophones, de plus de dix pays, témoignent de la diversité des styles graphiques et des modes de narration, inspirés par les mutations et tragédies des sociétés arabes écartelées entre les traditions et les aspirations à l’émancipation et à la liberté. Leurs œuvres échappent à toutes tentatives de contrôle et de censure, la bande dessinée n’étant pas encore un art trop exposé et trop visible. C’est ce qui constitue l’un de ses multiples intérêts et l’une de ses forces. Cette nouvelle bande dessinée surprend par son audace, par la multiplicité de ses influences et par la richesse des thèmes qu’elle aborde. Influences occidentales, japonaises et héritages de la tradition graphique arabe s’entremêlent pour aboutir à des esthétiques singulières. Thèmes intimes, poétiques, politiques, historiques, sociétaux, elle rend compte et permet de mieux décrypter la nouvelle page qui est en train de s’écrire dans une région du monde sujette aux soubresauts de l’Histoire, notamment depuis les Printemps Arabes. C’est à ce regard rétrospectif sur une décennie de littérature graphique que l’exposition invite le visiteur, en proposant un parcours entre les différentes régions et les différents collectifs constitués pour apprécier les multiples talents qui s’y déploient ».

« J’ai grandi entourée de bandes dessinées arabes. Celles que l’on trouvait à l’épicerie du coin, dans les kiosques à journaux ou chez les amis. Des BD de propagande d’État, aux aventures de super-héros traduites et de personnages de Disney en djellaba. J’étais également là lors de l’apparition de la BD pour adultes dans la région. J'y ai d'abord assisté avec fascination, avant d’y participer avec le JAD workshop et, à présent, de l’enseigner. Pourtant, la bande dessinée continue de m’émerveiller : c’est un puits sans fond de questions, de styles et de voix d’artistes qui émanent de la région évoquant les peines et les plaisirs, les luttes quotidiennes et les souffrances qui bouleversent la vie… Tout cela avec intensité, engagement, sensibilité mais aussi avec humour », a observé Lina Ghaibeh, co-commissaire de l’exposition, maître de conférences, responsable de la section graphisme, directrice de la Mu’taz and Rada Arab Comics Initiative de l’université américaine de Beyrouth.

Et d’analyser : « De fait, la BD arabe s’inscrit dans une histoire longue et riche, mais pendant longtemps elle était essentiellement destinée aux enfants. Il est passionnant de voir naître aujourd’hui, après les Printemps Arabes, une nouvelle bande dessinée qui s’adresse à un public adulte, et dont les auteurs, jeunes et audacieux, font découvrir leurs pays avec des voix authentiques et variées. Ces nouveaux talents sont néanmoins peu connus dans le monde. Afin de pallier ce manque - et renouvelant ainsi le lien entre Beyrouth et Angoulême - la Cité internationale de la bande dessinée et de l’image et la Mu’taz and Rada Sawwaf Arabic Comics Initiative se sont associées. La première a vocation à mettre en lumière de nouveaux domaines et artistes de bande dessinée ; la seconde vise à promouvoir la création, l’étude et la documentation des bandes dessinées des pays arabes. Ensemble, nous avons œuvré pour chercher le meilleur moyen de promouvoir les œuvres provenant de cette région. Mais sans le généreux soutien des Sawwaf, animés par leur intérêt personnel pour la BD et leur volonté de l’encourager, il aurait été difficile de faire naître cette idylle. Afin d’offrir un aperçu de ce monde, nous avons réuni un comité de spécialistes, que je remercie sincèrement pour les perspectives, les précieuses discussions et les contributions qu’ils ont apportées à ce projet. Georges Khoury (JAD), célèbre auteur et dessinateur libanais ; Shennawy, dessinateur égyptien et cofondateur du collectif TokTok ; Rym Mokhtari, dessinatrice algérienne ; Enrique Klaus, spécialiste des médias et du Maghreb et les co-commissaires Jean-Pierre Mercier et moi-même. Nous avons participé collectivement à la conception de l’exposition et au choix des artistes qui incarnent la nouvelle vague de cette dernière décennie. Les artistes sélectionnés peuvent être considérés comme étant les figures de proue de la BD arabe de cette période. Ils ont contribué au bouillonnement local et régional, ils sont parmi les fondateurs des collectifs sur lesquels repose le développement de ce moyen d’expression et grâce auxquels beaucoup d’artistes peuvent aujourd’hui présenter leur travail. Ce sont également eux qui ont tout mis en œuvre - et en toute autonomie – pour atteindre leur but et publier leurs bandes dessinées, suscitant l’intérêt d’éditeurs qui n’avaient jusque-là jamais produit de bandes dessinées. Ils ont osé exister dans un monde où la bande dessinée est raillée, muselée et quasiment jamais rémunérée. Vous allez découvrir une sélection d’une grande diversité de styles, de contenus et de pays, qui vous mènera des rues du Caire ou de Casablanca aux immeubles de Beyrouth et aux ruelles de Bagdad. Ce large éventail vous fera connaître le harcèlement, la guerre ou la solitude des personnes âgées, mais aussi la rencontre avec des sirènes. Nous espérons ainsi vous offrir un aperçu de ce monde foisonnant et vous proposer un point de vue alternatif sur les pays arabes d’aujourd’hui ».

« De la bande dessinée arabe, que connaît le lecteur européen ? Peu de choses. Et pourtant, elle existe. Elle a une histoire, longue et riche, jalonnée de grands classiques, de courants esthétiques, d’écoles. Génération après génération, elle a évolué, s’est adaptée au goût du public, et aussi, selon les pays, à des situations politiques parfois compliquées. De cela, nous qui vivons au nord de la Méditerranée, nous ignorons presque tout. Mais cela peut changer et, à vrai dire, est en train de changer. Car depuis près d’une décennie, de jeunes auteurs, dans cette immense région qui va du Maroc à l’Irak, font bouger les choses. Comme souvent, c’est de la marge qu’ils viennent. Avec une énergie énorme et des moyens réduits, cette nouvelle génération innove et bouscule », a présenté Jean-Pierre Mercier, co-commissaire de l’exposition, conseiller scientifique de la Cité internationale de la bande dessinée et de l’image.

Et de décrire : « Comptant nombre de femmes dans ses rangs, cette vague d’artistes trentenaires est souvent constituée en collectifs (Samandal au Liban, TokTok en Egypte, Skefkef au Maroc, Lab619 en Tunisie…), même si quelques solitaires travaillent aussi dans leur coin. Tous témoignent avec force, humour, acuité et parfois rage de la situation dans chacun de leurs pays. Ils ont tous un autre métier : certains sont peintres, d’autres musiciens, beaucoup travaillent dans la presse, l’édition jeunesse, la publicité… même si le papier reste leur support de référence, ils investissent massivement Internet et les réseaux sociaux. C’est d’ailleurs là qu’ils se sont d’abord connus et dénombrés, qu’ils échangent entre eux et avec leur public, à partir de leur ancrage local ».

Et de conclure : « On les considère comme une des conséquences des fameux Printemps Arabes. C’est sans doute vrai, bien que quelques auteurs aient précédés ces changements et les aient en quelque sorte annoncés. Certains (Comixs 4 Syria) continuent même d’en témoigner dans des circonstances tragiques et au péril de leurs vies. Eloignés des cercles officiels et des circuits de vente traditionnels (de surcroit très différents selon les pays), ces auteurs évoquent le quotidien des grandes villes en employant les arabes dialectaux plutôt que l’arabe classique, dans une démarche implicitement politique. Ils explorent également les récits de l’intime avec une audace que nous ne soupçonnons pas. Dépeindre des sentiments, montrer la sensualité, c’est aussi prendre des risques. Ils expérimentent dans la forme, mêlant la tradition du dessin arabe aux esthétiques des bandes dessinées occidentales, des mangas, du street art… De cette scène effervescente, l’exposition présente près de cinquante auteurs provenant d’Algérie, Egypte, Irak, Jordanie, Liban, Libye, Maroc, Palestine, Syrie et Tunisie. Un catalogue multilingue (Alifbata éd.) accompagne et complète cette immersion dans une production qui renouvelle puissamment la manière de faire de la bande dessinée – et de la lire. Nous sommes fiers de mettre en lumière cette "garde montante" de la bande dessinée de langue arabe, loin des préjugés et des clichés rebattus. Nous vous invitons à découvrir une facette nouvelle et fascinante de cet Orient qui nous est si proche… »

Lors de son ouverture, une délégation d’une dizaine d’auteurs ou autrices venus des différents pays représentés proposa des interventions et des rencontres. 

Un colloque, réunissant créateurs, historiens et spécialistes a informé sur « cette nouvelle génération de créateurs, ses influences, ses spécificités, son impact ».

Des « ateliers de médiation pour les scolaires et para scolaires » ont proposé de « mieux comprendre la diversité et la richesse de cette nouvelle vague venue de l’autre côté de la Méditerranée ».

Un « cycle de cinéma compléta la programmation, à travers des films d’actualité et du patrimoine, ainsi que la nouvelle génération du cinéma arabe contemporain ».


Les auteurs présentés

Algérie
Collectif 12 tours : Rym Mokhtari et Kamal Zakour
Mahmoud Benamar et Nawel Louerrad

Egypte
Collectif TokTok : Migo, Mohamad Salah, Shennawy et Mohamad Tawfik
Collectif Garage : Farid Nagy, Twins Cartoon Haytham & Mohamad El Seht, 
Hanan Alkarargy, Magdy al Shafee
Sherif Adel
Qahira web comics : Deena Mohamad
Ahmad Tawfiq

Irak
Collectif Masaha : Hussein Adel et Raed Motar

Jordanie
Flying Dutchman alias Mohamad Al Muti et Hassan Manasrah

Liban
Collectif Samandal : Joseph Kai et Omar Khouri
Lena Merhej, Barrack Rima
Collectif Samandal : 
Jana Traboulsi
Zeina Abirached, Mazen Kerbaj
Fouad Mezher, Jorj Abou Mhaya

Libye
Collectif Habka : Abdullah Hadia

Maroc
Collectif Skefkef : Mehdi Anassi, Normal alias Abid Ayoub, Zineb Benjelloun, Salaheddine Basti
Ramadan Hardcore web comics : Omar Ennaciri, Hicham Habchi
Brahim Raïs, Rebel Spirit alias Mohamed Bellaoui

« Palestine » 
Amer Shomali, né en 1981 au Koweït. Vit à Ramallah. Réalisateur partial de The Wanted 18.

Syrie
Collectif Comics 4 Syria : Salam Alhasan,  dessinateurs anonymes
Abdulrazzak Alsalhani, Hamid Sulaiman

Tunisie
collectif Lab619 : Noha Habaieb, Issam Smiri, Moez Tabia
Othman Selmi, Seif Eddine Nechi

16e Prix Unesco-Sharjah à Samandal
"L'Unesco, institution onusienne consacrée à l'éducation, à la science et à la culture, a remis le jeudi 13 juin son 16ème Prix Sharjah pour la culture arabe. Deux lauréats sont distingués en 2019 : le festival britannique Shubbak dédié à la culture arabe contemporaine (Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord) et le collectif libanais Samandal (Liban), déjà récompensé cette année par le Fauve de la bande dessinée alternative à Angoulême. Une juste reconnaissance pour un travail de création innovant, ouvert sur le monde et en constant renouvellement. Le Directeur général adjoint de l'UNESCO, Xing Qu, décerna ce Prix. La cérémonie était suivie par un concert de Emel Mathlouthi, auteure-compositrice-interprète tunisienne, qui mixe sonorités électroniques et instruments traditionnels."

"Le Prix Sharjah fondé en 1998 récompense deux lauréats, qu’il s’agisse de personnes ou de groupes associatifs ou institutionnels, qui se distinguent par leur travail ou leurs créations œuvrant à une meilleure connaissance de l’art et de la culture arabes."

"Les candidats au Prix UNESCO-Sharjah pour la culture arabe doivent avoir contribué de manière significative au développement, à la diffusion et à la promotion de la culture arabe dans le monde. Les lauréats sont choisis par la Directrice générale de l’UNESCO, sur recommandation d’un jury international d’experts, pour la réputation internationale qu’ils doivent avoir acquis dans ce domaine et pour s'être distingués par des actions méritoires pendant plusieurs années. Ainsi, les lauréats contribuent à la promotion du dialogue culturel et à la revitalisation de la culture arabe".

"Les lauréats reçoivent ce Prix (accompagnés d’un montant de 60000 dollars des États-Unis répartis en parts égales entre deux lauréats) en reconnaissance des travaux qu’ils ont réalisé dans les domaines qui sont les leurs, rayonnant à travers tout le monde arabe et au-delà. Chercheurs, artistes, philosophes, écrivains, traducteurs, etc., ils puisent tous dans la mémoire de la culture arabe comme source de leur créativité".

"Le jury international et la Directrice générale de l’Unesco sont particulièrement attentifs à la manière dont les candidats participent « à la promotion du dialogue culturel et à la revitalisation de la culture arabe ».

"Le Prix peut donc récompenser autant des chercheurs que des artistes, du moment qu’ils contribuent non seulement au rayonnement de la culture arabe, mais aussi à son ouverture sur le monde et aux échanges avec d’autres cultures. Notons que ce Prix est richement doté - 30 000 dollars pour chacun des deux lauréats - de façon à inciter à poursuivre voire étendre les actions déjà menées."

"À l’heure de la mondialisation, des profonds changements politiques et des mutations sociales que connaît le monde, le Prix incarne pleinement les valeurs de compréhension mutuelle citées dans l’Acte constitutif de l’UNESCO. En récompensant des carrières, des vies dont tous les efforts ont été de promouvoir une culture à laquelle nous devons beaucoup, le Prix UNESCO-Sharjah pour la culture arabe œuvre pour une meilleure connaissance des cultures et pour leur dialogue. Que les arts et la culture arabe aient laissé leur empreinte partout dans le monde, et que leurs expressions se fécondent mutuellement, en allant jusqu’à échanger autour des cultures d’autres rives… Nous ne pouvons trouver de meilleur terrain où cultiver la paix."

"Cette année, les deux lauréats sont des collectifs. Le Festival britannique Shubbak, qui se tient tous les deux ans, est un pont entre le Royaume-Uni et la culture arabe. Créé en 2011, il promeut la culture arabe contemporaine en organisant des événements aussi bien dans les arts visuels et le cinéma que la musique, le théâtre, la danse, la littérature, les installations et les débats. Grâce à des partenariats à Londres ou ailleurs, Shubbak met en avant des créations d’artistes de façon à sortir de la vision trop souvent uniquement conflictuelle du monde arabe donnée par les grands médias."

"L’autre gagnant est davantage connu des lecteurs de bande dessinée, puisqu’il s’agit du collectif libanais Samandal, déjà récompensé cette année par un Fauve de la bande dessinée alternative au Festival international de la bande dessinée d’Angoulême. Fondé en 2007, Samandal a publié des revues et des livres en arabe, en anglais et en français dessinés en grande majorité par des femmes et des hommes vivant dans les pays arabes. Le collectif organise également des expositions, des ateliers et des rencontres non seulement au Liban mais aussi en Europe. Samandal a déjà été plusieurs fois récompensé au festival d’Alger et fait partie des principaux acteurs parvenant à donner une impulsion à la bande dessinée dans des pays où l’expression n’est pas toujours libre et où le dessin est souvent regardé avec suspicion par les autorités politiques et religieuses".

"Difficile de citer toutes les dessinatrices et tous les dessinateurs ayant participé à Samandal. Si les Libanais sont nombreux, nous trouvons également des artistes du Maghreb, des Européens (de Belgique, de France, de Suisse...) et des Américains (du Brésil, du Canada, des États-Unis) qui forment une communauté de plus d’une centaine de contributeurs ! Si le dessin demeure leur vecteur privilégié d’expression, d’autres formes artistiques sont parfois conviées lors de certains événements. Samandal a déjà dû faire face à la justice libanaise et donc à une tentative de censure. En 2015, après une procédure où les artistes accusés n’ont pas vraiment pu se défendre, trois d’entre eux furent condamnés à de lourdes amendes, notamment pour incitation à la discorde religieuse et atteinte à la religion. Depuis, le collectif, qui a préféré tenter d’oublier cet épisode, a su rebondir. Au point que les deux derniers numéros de la revue du même nom, pleins d’innovations et réalisés avec soin, ont été particulièrement remarqués pour leurs qualités graphiques et narratives".

"La Directrice générale de l'UNESCO, Audrey Azoulay, a désigné les lauréats sur la recommandation d'un jury international, en reconnaissance de leur engagement en faveur de la promotion de la culture arabe dans le monde. L’Association Samandal (Liban) est une ONG basée sur le volontariat qui s’emploie à promouvoir la bande dessinée auprès de publics de tous âges. Fondée en 2007, Samandal a publié une grande variété de livres et de magazines. Elle a également organisé des ateliers et des expositions au Liban et dans d’autres pays. L'association a remporté plusieurs prix, parmi lesquels le prix du meilleur magazine de bande dessinée (FiBDA 2009, Alger), le prix du meilleur roman graphique arabe pour Yaourt et confiture (FiBDA 2013), le prix du meilleur roman graphique pour Utopia (FiBDA 2013) et le prix du public pour Topia lors du Festival des arts et de la bande dessinée de l’East London (2018). Le travail de Samandal en faveur de la bande dessinée, souvent vecteur de résistance et d'expression sociale, est une contribution précieuse à la culture arabe, à son développement, sa protection et sa diffusion. Les travaux de Samandal ont été publiés en arabe, anglais et français."

"Une partie de ce collectif était présente ce jeudi 13 juin 2019 à la Maison de l’Unesco, à Paris, pour participer à un atelier, à une table-ronde et à la cérémonie de remise du Prix. L’atelier a permis de s’initier à la bande dessinée. La table-ronde avait pour thème les « Différentes perspectives de la bande dessinée et son rôle dans la promotion du dialogue intergénérationnel et interculturel ». Elle réunit la dessinatrice libanaise Nour Fakhoury, issue du collectif Samandal, l’artiste camerounais Gaspard Njock, l’illustrateur et écrivain argentin Juan Sáenz Valiente, le critique et commissaire d’exposition Xavier Guilbert et était animée par Didier Pasamonik que nos lecteurs connaissent bien. Des artistes venus d’Afrique, de l’Amérique latine, de l’Asie et des États arabes ont discuté des thèmes suivants en relation avec bande dessinée :
- Les Enjeux politiques et sociaux
- Les Problèmes éducatifs
- Le Genre et les questions intergénérationnelles
- Les Enjeux culturels et sociaux".

"La journée se termina par la cérémonie de remise du Prix Sharjah suivie d’un concert animé par Emel Mathlouthi, chanteuse et auteure-compositrice tunisienne. Des échanges culturels, des découvertes et des dialogues : les missions de l’Unesco étaient donc à l’honneur !"

« Crayon au poing, un vent de révolte au féminin »
Arte diffusa le 17 août 2021 « Crayon au poing, un vent de révolte au féminin » (Mit dem Stift in der Faust4 Comiczeichnerinnen aus der Arabischen Welt), documentaire de Lizzie Treu et Eloïse Fagard.

"À partir du mardi 17 août 2021, sur arte.tv, Instagram et YouTube, "Crayon au poing : 4 dessinatrices du monde arabe", portraits croisés d'artistes contestataires. Un reportage qui se décline en plusieurs formats :
- un documentaire de 28 minutes à destination d’arte.tv
- des portraits des dessinatrices sous forme de 4 carrousels sur Instagram
- 2 interviews pour Facebook et IGTV".

"En plus du documentaire à découvrir sur arte.tv et YouTube, retrouvez sur les réseaux sociaux deux courtes interviews de Zainab Fasiki et Lena Merhej ainsi que des créations originales des quatre dessinatrices." 

« Crayon au poing, plonge le spectateur dans l’univers de quatre dessinatrices engagées de BD arabe ». 

« Dix ans après le début des printemps arabes, une exploration de la BD arabe et féminine à travers les rencontres croisées de quatre autrices engagées : venant du Liban, de la Tunisie, du Maroc, ou encore d’Égypte, elles ont toutes choisi la BD comme moyen d’expression pour se faire entendre. Elles nous ouvrent la porte de leur atelier et nous racontent leur vécu et leur combat ».  

"Rencontre à domicile avec la libanaise Lena Merhej (Beyrouth), l’égyptienne Deena Mohamed (Le Caire), la marocaine Zainab Fasiki (Casablanca) et la tunisienne Nadia Khiari (alias Willis from Tunis), dont les dessins et les mots portent haut les revendications de liberté et de justice des Printemps arabes." (Irène Berelowitch) 

"Un moyen de s'exprimer à portée de main", dit Lena Merhej pour expliquer pourquoi, dans la jeune BD arabe, les femmes sont si présentes. "Moi, je suis très enragée", ajoute avec douceur cette Beyrouthine de mère allemande et de père libanais, qui avait 13 ans quand la guerre civile a pris fin, et qui retrouve dans "le champ de bataille" qu'est sa ville dévastée depuis les explosions au port, le 4 août 2020, les cauchemars de son enfance. Si la thawra ("révolution") qui, à l'automne 2019, a soulevé le peuple libanais, neuf ans après le début des Printemps arabes, ne cesse de l'inspirer, elle a aussi minutieusement dessiné le Beyrouth d'avant la catastrophe pour se "réapproprier" sa mémoire. 

"Pour sa contemporaine Nadia Khiari, alias Willis from Tunis, chat malicieux devenu une star de la contestation et apparu sur Internet dès la levée de la censure par un président Ben Ali aux abois, en janvier 2011, la révolution fut une "naissance". Si Willis est devenu depuis une star de la contestation, elle souligne que la liberté d'expression reste toujours à conquérir, notamment pour les femmes."

"Alors, pour mieux s'opposer à la censure, qu'elle vienne du pouvoir ou de la société, leurs cadettes, la Marocaine Zainab Fasiki et l’Égyptienne Deena Mohamed, ont lancé leurs super-héroïnes (nue pour la première, voilée pour la seconde) à l'assaut des stéréotypes, des tabous et de la domination masculine… "  

"Crayon au poing
dévoile une génération émergente de créatrices arabes de BD : en ouvrant les portes de leurs ateliers, ces autrices aux styles et au verbe très différents révèlent chacune un pan de leur ville et de leur monde. Féminisme, bien sûr, mais aussi émancipation, éducation, solidarité : au travers de ces quatre regards singuliers intensément tournées vers le collectif, les réalisatrices Éloïse Fagard et Lizzie Treu mettent en évidence la communauté de valeurs et la combativité qui les unissent, par-delà les frontières nationales". 

"Elles montrent aussi combien la BD et le dessin politique, bien qu'encore marginaux au Maghreb comme au Proche-Orient, représentent un art contestataire en plein essor, qui fleurit sur les murs autant qu'aux étals des librairies. La BD, milieu d'ordinaire très masculin, devient également un moyen pour les créatrices de faire entendre leurs voix dans des sociétés conservatrices. "

"Au-delà de la critique politique, ce sont les expériences quotidiennes et la diversité des parcours de femmes artistes en pays arabes que ce documentaire partage. Une approche intimiste et nuancée qui permet de dépasser les stéréotypes dans des sociétés où la liberté de la femme est continuellement remise en cause. Ainsi, les créatrices utilisent également leurs œuvres pour partager des valeurs féministes et mettre en lumière les tabous liés au corps et à la sexualité. 

"En plus de leurs interviews croisés, le documentaire dresse le portrait de quatre villes arabes (Beyrouth, Casablanca, Le Caire et Tunis) dans un contexte de révolte où la jeunesse s’oppose de plus en plus à un pouvoir autoritaire et à la censure des médias. Une ballade urbaine rythmée par d'emballantes musiques et portée par la beauté des images nées sous la plume (ou le stylet numérique) de ses inspirantes muses, qui s'animent pour imprégner les prises de vues réelles".  


Zainab Fasiki
"Née en 1994 à Fès, elle publie en 2017 une première bande dessinée féministe, Omor (Des choses), dans laquelle elle dénonce les inégalités homme-femme. Très suivie sur les réseaux sociaux, ses dessins engagés de femmes nues lui valent régulièrement des réactions enthousiastes ou hostiles. Son art se concentre sur des sujets tabous dans la société marocaine, ainsi que sur les différentes formes de discriminations auxquelles font face les femmes dans le pays. Depuis 2018, Zainab Fasiki est à l'initiative d'ateliers de formation dans des disciplines artistiques en lien avec les questions de genre pour inciter les femmes à embrasser des carrières artistiques. Elle initie également le projet « Hchouma », une plateforme éducative, gratuite et participative et qui a pour but d'éviter les problèmes sociaux comme la discrimination et les violences basées sur le genre."

Nadia Khiari 
"Née en 1973 à Tunis, elle est connue pour son personnage Willis from Tunis. Après des études à la faculté d’arts plastiques d’Aix-en-provence, Nadia Khiari devient professeur d’arts plastiques dans un lycée de Tunis. Elle accède à la notoriété pendant la révolution tunisienne de 2011, alors qu'elle commente les événements sur les réseaux sociaux par l'intermédiaire du chat Willis from Tunis, personnage créé à cette occasion. Elle publie depuis des dessins de presse dans Courrier international, Siné Mensuel et Zelium. En 2019, elle fait partie de l'équipe des dessinatrices du nouveau mensuel féministe satirique Siné Madame, dès son lancement."

Lena Merhej
"Née en 1977 à Beyrouth d’un père libanais et d’une mère allemande, elle partage son temps entre Marseille, Beyrouth et des interventions de par le monde. La guerre est une thématique récurrente dans sa création artistique et c’est le sujet de son premier album BD, Je pense qu’à la prochaine guerre, on sera mieux préparés (2006), le livre le plus vendu au Liban en 2007. Son film d’animation Dessiner la guerre a gagné le prix du jury du Festival de New York et a été présenté dans divers événements internationaux. Son album BD Kamen sine a reçu le prix du meilleur album de BD au FIBDA d’Alger en 2009. En 2013 le FIBDA la prime à nouveau pour son œuvre Laban et confiture, ou comment ma mère est devenue libanaise. Elle a écrit et illustré plus de vingt albums pour enfants, et fait partie de l’équipe fondatrice de Samandal, premier fanzine et éditeur de BD du monde arabe."

Deena Mohamed
"Née en 1995 au Caire, elle a commencé la bande dessinée à 18 ans en publiant sur Tumblr un webcomic intitulé Qahera, sur une super-héroïne égyptienne musulmane. Ayant obtenu un franc succès, Qahera a figuré dans de nombreux médias locaux et internationaux tels que la BBC et Foreign Policy et a reçu un prix pour la meilleure série de bande dessinée numérique au Cairo Comix Festival. Son premier roman graphique, Shubeik Lubeik, paru début 2018, a remporté le prix du meilleur roman graphique et le grand prix du Cairo Comix Festival. Le 3ème et dernier tome de cette trilogie paraîtra en 2022. Artiste indépendante, elle a participé à plusieurs projets et ateliers internationaux."  

« Dessiner pour résister »
« Dessiner pour résister » est une collection documentaire d’ARTE. « De la Syrie à l'Inde en passant par la Russie, l'Égypte et le Mexique, cinq beaux portraits de femmes qui, à leurs risques et périls, opposent leurs dessins à la violence politique et patriarcale pour faire bouger les lignes. » 

Les dessinatrices filmées portent le voile islamique. Où sont les dessinatrices juives, chrétiennes ou athées en Egypte ou en Syrie ?

« Syrie – La dessinatrice Amany Al-Ali »
Arte diffusera le 7 mars 2024 à 0 h 25, dans le cadre de « Dessiner pour résister », « Syrie – La dessinatrice Amany Al-Ali » d'Alaa Amer et Alisar Hasan.

« Dans une ville rebelle au régime de Bachar el-Assad, une jeune dessinatrice syrienne tente d’imposer son art de la caricature politique. Un pari risqué dans un monde d’hommes en guerre. »  

« Difficile de finir ne serait-ce qu'un dessin quand on habite Idlib, la dernière ville qui n'a pas été conquise par les troupes de Bachar el-Assad : les sirènes annonçant les bombardements de ses alliés russes fragmentent le quotidien et entretiennent le feu d’une inquiétude permanente. »

« Pas étonnant que l’œuvre d’Amany Al-Ali, l'une des rares caricaturistes en Syrie, se nourrisse de ce contexte explosif, d’autant plus chargé que la région attise aussi les appétits des groupes salafistes. » 

“Nous sommes seuls et oubliés de tous”, déplore-t-elle, amère. Si les planches de la jeune femme témoignent de la destruction, elles offrent aussi une visibilité à la vie sous influence des femmes subissant au quotidien l’ingérence des hommes. “Nous devons affronter les frappes aériennes, la société, le poids des coutumes et des traditions. Nous devons donc être fortes et déterminées.” 

« Alors qu'elle donne des cours de dessin aux jeunes filles, et organise sa première exposition locale, Amany Al-Ali s’interroge sur son avenir, malgré la reconnaissance dont jouit son art. Parce qu’elle porte l’acidité de son crayon sur les plaies de son pays, elle est exposée, notamment sur les réseaux sociaux, à des menaces, des condamnations et des humiliations qui l'amènent à envisager de quitter la ville. »

“S’ils me tuent, je serai toujours là car d’autres prendront le relais.” Ce film part à la rencontre d’une artiste courageuse pour qui, finalement, résister c’est exister. »

« Car pour Amany Al-Ali, tout est question de survie : physique, entre les bombardements et les milices islamistes, et artistique, avec ce statut de femme caricaturiste difficile à porter. »

« Consciente de remettre en question les systèmes patriarcaux, elle ne recule pas devant le danger, bien qu’épuisée et hantée par des traumatismes personnels. »

« S’il l’expose en première ligne sur la place publique, le dessin devient ainsi pour la jeune femme tout à la fois un exutoire à ses angoisses et le biais pour les conjurer. » 

« Égypte - La dessinatrice Doaa El-Adl »
Arte diffusera le 7 mars 2024 à 23 h 30, dans le cadre de « Dessiner pour résister », « Égypte - La dessinatrice Doaa El-Adl », documentaire de Nada Riyadh.

« Dans une Égypte redevenue dictature militaire, qui bafoue plus que jamais la liberté des femmes, Doaa el-Adl, dessinatrice de presse célèbre dans tout le monde arabe, revisite vingt ans de son combat par l'image. »

« Encore petite fille, pour être admise au cénacle des hommes de sa famille et écorner leur privilège exclusivement masculin de commenter la politique, elle s'est obligée à lire Karl Marx, même si, alors, elle n'y a rien compris. »

« Aujourd'hui quadragénaire, devenue l'une des très rares dessinatrices à s'être fait un nom dans la grande presse, non seulement dans son pays, mais aussi dans tout le monde arabe, l’Égyptienne Doaa el-Adl n'a jamais renoncé à exprimer son point de vue sur la société et ceux qui la dirigent. »

« Mais dans une Égypte passée après la révolution confisquée de 2011 par la case islamiste, puis redevenue dictature militaire, où les libertés, en particulier celles des femmes, sont plus que jamais bafouées, elle le paie cher. »

« Jour après jour, celle que les Frères musulmans, en 2013, ont accusée de blasphème, brave sa propre peur pour donner voix à sa colère. "Quand je dessine, l'énergie négative se mue en une forme de bonheur." À défaut de s'expliquer la régression qui a remis les femmes du monde arabe à la merci de la violence masculine, elle oublie la pesanteur du quotidien pour rêver dans les cinémas du Caire, cette ville chérie qu'elle ne s'est jamais résolue à quitter, devant les images en noir et blanc d'un passé pas si lointain, où des actrices à la beauté radieuse tenaient fièrement le haut du pavé. »

« Devant la caméra complice de Nada Riyadh, Doaa el-Adl confie d'une voix douce son accablement devant l'état des choses, tandis que ses doigts, sur le papier, expriment une révolte de plus en plus souvent en butte à la censure. »

« Ce beau portrait la suit dans son quotidien, à sa table de travail, à son journal, avec ses proches, et plonge en parallèle dans ses dessins impressionnants d'audace et de talent, entre sarcasme et poésie, qui s'animent parfois pour adresser au désespoir un pied de nez plein de malice. »


« Syrie – La dessinatrice Amany Al-Ali » d'Alaa Amer et Alisar Hasan
Belgique, Allemagne, France, 2023, 56 minutes
Coproduction : ARTE/ SWR, RTBF, VRT, Clin d'Œil Films, Point du Jour - Les films du Balibari, A_Bahn Ma.ja.de Filmproduktions GmbH, Shelter Prod
Sur Arte le 7 mars 2024 à 00 h 25
Visuels : © SWR/Clin d'oeil films

France, 2024, 51 min
Coproduction : ARTE France, Clin d'Œil Films, Point du Jour, Les Films du Balibari, A_Bahn, RTBF, VRT
Coauteurs : Vincent Coen, Guillaume Vandenberghe - 
Sur Arte le 7 mars 2024 à 23 h 30
Disponible du 22/02/2024 au 19/05/2024
Visuels : © Les Films du Balibari

« Crayon au poing, un vent de révolte au féminin » de Lizzie Treu et Eloïse Fagard 
France, 2021, 29 min
Coproduction : ARTE France, Gedeon Programmes
Sur Arte le 17 août 2021 à 01 h 00
Visuels : © DR


Du 25 janvier au 4 novembre 2018
A la Cité internationale de la bande dessinée et de l'image

121 rue de Bordeaux – Angoulême
Tél. : +33 5 45 38 65 65
Du mardi au vendredi de 10 h à 18 h, samedi, dimanche et jours fériés de 14 h à 18 h

Visuels :
Affiche
Dessin : Jorg Abou Mhaya
Réalisation : Valérie Desnouël

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Les citations proviennent du dossier de presse. Cet article a été publié le 1er novembre 2018, puis les 25 juin 2019, 12 août 2021.