jeudi 28 septembre 2023

« Images imaginaires dans le livre illustré, d’Homère à Tolkien »

La Cité de Sorèze propose l’exposition « Images imaginaires dans le livre illustré, d’Homère à Tolkien ». Un voyage intéressant dans l'imaginaire. Tapisseries, livres romanesques, d'histoire ou scientifiques, peintures... révèlent le talent d'artistes pour représenter, du XVIe au XXe siècle, les récits de la Bible ou ceux nés de l'imagination d'auteurs aussi divers que La Fontaine, Rudyard Kipling, Jules Verne... Dès le Second Empire, l'imagerie scolaire est soignée, et au début de la IIIe République, les illustrations des manuels scolaires contribuent à diffuser le "roman national".

Raymond Aron (1905-1983) 
« ENS : L'école de l’engagement à Paris » par Antoine de Gaudemar et Mathilde Damoisel
Archives de la vie littéraire sous l'Occupation 

« Monument historique classé et labellisé Grand Site d’Occitanie, l’ancienne Abbaye école, haut-lieu d’enseignement depuis le XVIIe siècle, dénommée la Cité de Sorèze abrite le musée de l’abbaye école et l’incomparable musée Dom Robert et de la tapisserie du XXe siècle. Les bâtiments classés Monuments historiques témoignent de la longue histoire du site : abbaye bénédictine au VIIIe siècle, École royale militaire au XVIIIe siècle puis collège aux XIXe et XXe siècles »

Elle présente une exposition « Images/imaginaires » sur « l’illustration dans le livre imprimé. En quatre sections, elle propose une déambulation dans l’histoire de l’illustration du XVIe au XXe siècle sans souci réel de chronologie. L’intention est de confronter les styles et de montrer comment d’un siècle à l’autre s’organise un univers fantastique propre à susciter l’imaginaire par le texte et l’image qui l’accompagne. »

– « L’illustration de textes religieux est présente par l’enluminure et la gravure avec des pièces représentatives des XVIe et XXe siècles. Ainsi, à côté d’une rare Bible du XVIe siècle, sont exposées des planches enluminées de Dom Robert et d’Hermine David. »

– « Les ouvrages de pédagogie en usage au sein de l’école de Sorèze du XVIIIe au XXe siècle sont illustrées de planches en lien avec les sciences, l’histoire, la mythologie, la littérature. Les fables d’Ésope ou de La Fontaine ont recours aux animaux pour évoquer les situations psychologique ou morales, figures illustrées par Grandville, Benjamin Rabier, Alexander Calder ou encore Jacques Lagrange. »

– « La lecture de divertissement, en particulier les livres d’aventure. Les gravures du XIXe siècle ornent les grands classiques comme Robinson Crusoë ou les romans de Jules Verne des éditions Hetzel. Elles contribuent à plonger le lecteur dans un palpitant périple initiatique. Les artistes du XXe siècle sont présents, comme Salvador Dali, avec ses lithographies pour Don Quichotte. La saga du Seigneur des anneaux de Tolkien est à l’honneur dans l’exposition grâce à deux grandes tapisseries réalisées récemment à Aubusson à partir des aquarelles de l’auteur. Paysages oniriques qui côtoient d’autres œuvres graphiques évoquant le cycle arthurien, l’Odyssée, revisités par des illustrateurs de renom. »

– « La poésie à destination des enfants est évoquée par des aquarelles originales de Jacqueline Duhême, illustrant des textes de Jacques Prévert ou Miguel Angel Asturias et même une tapisserie, ou encore par quelques œuvres de Jean et Laurent de Brunhoff, créateurs du célèbre éléphant Babar. »

« Les pièces exposées sont issues des collections des deux parcours permanents de la Cité de Sorèze (patrimoine lié à l’enseignement et tapisserie du XXe siècle) et de nombreux prêts de collections publiques et privées. En vitrine, des ouvrages anciens et contemporains avec leurs gravures et illustrations colorées dialoguent avec tapisseries, aquarelles, enluminures et lithographies. Sont également exposés des objets et de sculptures en relation avec la thématique de chaque section, comme la maquette d’une frégate du XIXe s. »

« De nombreuses illustrations sont reprises et intégrées dans une création audiovisuelle 3D originale, produite par La Maison Production. Elle est diffusée à intervalles réguliers, à l’entrée de l’exposition pour aiguiser la curiosité du visiteur. »

L’exposition « propose ainsi un parcours à la fois instructif et ludique où les images qui ont jalonné nos lectures d’enfance réactivent notre imaginaire, depuis l’Odyssée jusqu’au Seigneur des anneaux… »

Le Commissariat d’exposition est assuré par le pôle conservation du Musée Dom Robert et de la tapisserie du XXe siècle : Brigitte Benneteu, Sophie Guérin-Gasc, assistées d’Élodie Gomez-Pradier.

Autour de l'exposition sont proposés des ateliers d'écriture de conte, un spectacle de cirque déambulatoire, et les 29 et 30 septembre, un "week-end autour de Jules Verne et du mouvement Steam punk :ciné-concert le vendredi soir, Objetarium, lecture de ses œuvres et atelier de création avec lâcher de Montgolfière."

De l’enluminure à l’image imprimée
« Le mot illustration est apparu à la fin du Moyen Âge pour désigner la « lumière apportée par Dieu pour éclairer le monde ».

« Une enluminure est une décoration exécutée à la main qui orne un manuscrit. Le terme « enluminure » est souvent associé à celui de « miniature », qui désigne une illustration. »

« La technique de l’enluminure comporte trois activités : l’esquisse, le mélange des pigments de couleurs avec la colle animale et le coloriage par couche. Beaucoup d’enlumineurs ont recours à la dorure. »

« Cette illustration se mêle au texte et tantôt s’en éloigne. Elle se présente sous la forme de scènes figurées, de compositions décoratives ou de lettrines. »

« Les techniques de l’imprimerie et de la gravure font presque disparaître l’enluminure au 15e siècle. »

« Cependant, elle reste une pratique dans les monastères et certains artistes de renom au 20e siècle y ont eu recours, comme Dom Robert ou Hermine David. »

« Les ouvrages illustrés des XVᵉ et XVIᵉ siècles sont pour la plupart des textes d’enseignement religieux et moral. Ils se répandent en Europe, constituant un répertoire d’images que l’on retrouve dans l’ensemble de l’expression artistique du temps. »

« À partir du milieu du XVIᵉ siècle, apparaissent des livres de recensement de la nature : la figuration d’animaux et de plantes, dans les livres d’histoire naturelle, fait part égale avec leur description écrite. »

Vers une lecture plus populaire
« À la fin du XVIIIe siècle, de nouveaux procédés de reproduction enrichissent la diversité des images. Le XIXe siècle devient l’âge d’or de l’illustration qui envahit la diffusion écrite destinée à un public plus large. »

« Au XVIIIe siècle, des manuels pratiques, des vies des saints, des contes et almanachs sont largement diffusés par les colporteurs. L’illustration a alors pour fonction de donner à voir et de souligner les temps forts de l’histoire. »

« Dans le même temps, la fable ou le roman illustré connaissent une grande vogue auprès du public lettré. »

« Les auteurs participent souvent au choix des illustrateurs. La gravure devient partie prenante du texte romanesque chez Jean-Jacques Rousseau, Rétif de la Bretonne, ou encore Bernardin de Saint-Pierre par exemple. »

« Certaines images sont même visiblement choisies pour le potentiel de séduction qu’elles peuvent exercer sur le lecteur. »

« Les relations entre l’illustration et la peinture du XVIIIe siècle ne sont pas sans rappeler parfois celles qui, aujourd’hui, lient la publicité au cinéma, avec notamment la mise en valeur d’une fonction commerciale de l’image, et surtout le recyclage de clichés qui puisent dans le répertoire pictural des grands peintres. »

Illustration et enseignement
« Le XIXe siècle voit la naissance de la littérature scolaire avec les libraires d’éducation. Mais l’éducation par l’image doit vaincre bien des préjugés. Synonyme de facilité, l’image est tolérée dans les livres de contes ou les fables et utilisée dans les livres de géographie, de sciences. »

« Au XIXe siècle l’illustration éducative est encore reléguée dans les images d’Épinal à qui le ministre de l’Instruction publique de Napoléon III, Victor Duruy, commande des planches pour les écoles, en même temps qu’il fait entrer l’image dans le matériel pédagogique avec un Atlas (1840) et une Histoire grecque illustrée en 1851. »

« En 1880, le ministre de l’Instruction publique, Ferdinand Buisson, crée une commission de la décoration des écoles et de l’imagerie scolaire. Les manuels scolaires répondent à un programme. Les illustrations ont alors pour but de faciliter la compréhension du texte lié aux sciences par exemple. Les illustrations des livres d’histoire contribuent à diffuser le roman national. »

« En 1882, l’enseignement des sciences à l’école primaire devient obligatoire et dans le même temps, la pédagogie par l’image se développe toujours plus en milieu scolaire. »

« Dans les livres de littérature, les illustrations ponctuent un moment-phare de l’histoire. Une légende accompagne souvent l’image. »

Illustration et aventure
« Le roman d’aventures se développe au XIXe siècle avec l’alphabétisation croissante. Longtemps étiqueté comme un genre populaire de second ordre, il doit aussi son succès aux illustrations qui l’accompagnent. Héritier des récits de chevalerie que l’on retrouve dans Don Quichotte, le roman se déploie dans les romans-feuilletons d’Alexandre Dumas, d’Émile Zola. Les romans de Jules Verne, toujours très documentés, prennent en compte les technologies de l’époque. »

« Louis Hachette mise sur l’édition de loisir à partir de 1850 que l’on se procure dans les kiosques de gares. La Comtesse de Ségur nourrit la Bibliothèque rose de petits volumes illustrés par Gustave Doré ou Bertall. L’éditeur Pierre-Jules Hetzel fait collaborer savants, écrivains et illustrateurs. Il cherche à réconcilier science et fiction et à mettre l’imagination au service de la pédagogie. Hetzel considérait l’enfant comme un lecteur à part entière et sa rencontre avec Jules Verne concrétise ses projets. »

« Dans les ouvrages destinés au jeune public, les images remplissent un rôle majeur qui va s’accentuer  au XXe siècle. Réparties dans l’ouvrage à des moments-clés de l’histoire, elles sont un jeu de piste qui accompagne le lecteur dans la magie du rêve. »

« L’illustration développe l’imaginaire des enfants, elle est une façon d’ouvrir l’esprit. Dans le même temps, elle traduit la sensibilité de l’illustrateur, son univers, et ses références culturelles. Elle est témoin de son temps. »

Comédie animale
« L’analogie entre l’homme et la bête remonte à une période très ancienne. La tradition classique voit dans cette ressemblance la preuve de l’existence de propriétés communes entre le corps et l’esprit. Le totem animal devient le symbole de caractères humains. On dit alors « fort comme un lion », « malin comme un singe », « rusé comme un renard »…

« La fable, genre très riche dans l’Antiquité, naît de cette tradition. Ces personnages amusants sont propices à développer le goût de la lecture, notamment chez les enfants. Cette pratique est reprise notamment par Jean de La Fontaine (1621-1695). »

« Grandville (1803-1847), illustrateur et caricaturiste, dessine les expressions humaines transposées sur une figure animale. Il dessine les Scènes de la vie privée et publique des animaux (1840-1842), des satires initiées par Jules Hetzel en référence à La Comédie humaine d’Honoré de Balzac. »

« Au début du XXe siècle, la représentation zoomorphe déferle sur l’imagerie enfantine. Après Beatrix Potter (1866-1943), Rudyard Kipling (1865-1936) reprend le procédé en 1902 avec ses Histoires comme ça, des récits expliquant par le texte et les dessins de l’auteur de façon imaginaire un phénomène ou une situation courante. »

« Benjamin Rabier (1864-1939) se révèle l’héritier d’une morale qui autorise la pédagogie de la carotte et du bâton, oppose la France rurale à celle de la modernité. »

Le triomphe de l’illustration
« L’invention de la photographie ouvre la voie aux procédés photomécaniques du XXe siècle, qui industrialisent la réalisation de la forme imprimante. Au XXe siècle, l’album change de forme pour devenir ce que l’on connaît aujourd’hui. La création graphique s’amplifie avec les avancées technologiques de l’offset. »

« La traditionnelle image d’Épinal et les recueils de contes en images relancent après la Première Guerre mondiale l’intérêt pour la lecture. »

« Durant l’entre-deux-guerres, les albums du Père Castor ou Les Contes du chat perché de Marcel Aymé, deviennent des bestsellers de la littérature à destination des enfants. »

« Les albums des aventures de Babar de Jean et Laurent de Brunhoff connaissent un succès phénoménal dès leur parution dans les années 1930. En passant du statut d’enfant à celui d’adulte, le héros effectue des rites de passage. Le grand format de l’album est une nouveauté, de même que l’usage des aplats d’aquarelle. »

« Cette technique est largement utilisée par les illustrateurs. C’est le cas de Jacqueline Duhême (née en 1927) qui laisse libre cours à son imagination pour illustrer des textes de poètes tels que Jacques Prévert. »

« Après la seconde guerre mondiale, l’illustration prend le pas sur le texte pour emplir toute la surface de la page ou de la double page. Au même moment, la bande dessinée prend son envol et connaît un grand succès… mais c’est une autre histoire ! »


Du 18 mai au 8 octobre 2023
1, rue Saint-Martin. 81540Sorèze
Tél. : 05 63 50 86 38
Tous les jours de 10 h à 12 h 30 et 14 h à 18 h
Visuels :
Affiche 
Tapisserie
Halls of Manwë - Taniquetil
(Palais de Manwë sur les Montagnes du monde - Taniquetil)
J.R.R Tolkien (1892-1973)
Tapisserie de basse lisse, laine et coton,
Felletin, Tissage Atelier Pinton, 2018
H. 318 cm, l. 248 cm
D’après une aquarelle originale de J. R. R. Tolkien pour The Silmarillion, Book II, Settings of Middle Earth, 1927-1928,
Collection Cité de la tapisserie Aubusson
© The Tolkien Trust 1977. Photo Studio Nicolas Roger

Vue aérienne Cité de Sorèze côté clocher Saint-Martin
©Philippe Roux

Extrait d’ouvrage
Grant Bible en françois historiee
L’Apocalypse de Jean, f.96 v°-97
Claude Davost, imprimeur
Lyon, 1506
In folio, 494 f.
Collection Abbaye-école de Sorèze. Bibliothèque ancienne

Extrait d’ouvrage
Ésope en belle humeur
D’après Ésope (fin VIIe – début VIe s. av. J-C.)
Adapté par Bruslé de Montpleinchamp et Antoine Furetière
François Foppens, 1700
Collection privée

Oeuvre picturale
Houpi et la lune (Houpi le gentil kangourou)
Jacqueline Duhême (née en 1927)
Encre, gouache, aquarelle sur papier
18,5 x 48 cm
1964
Une des illustration du texte Houpi le gentil kangourou de Claude Roy (1915-1997), première parution : éditions Delpire, 1964
Collection J. Duhême
© J. Duhême, ADAGP, Paris, 2023

Portfolio d’ouvrage
Le Philosophe scythe
Salvador DALI (1904-1989)
20 Fables de La Fontaine
Éditions Cristobal de Acevedo, 1970
Lithographie
Collection privée

Extrait d’ouvrage
La Reine de Sabah
Ouvrage L’Histoire sainte
Paul de Pitray
Illustrations de A.E. Marty (1862-1942)
Paris, édition Hachette, 1938
Collection privée

Extrait d’ouvrage
Scènes de la vie privée et publique des animaux
Études de moeurs contemporaines
Sous la direction de P-J.Stahl (pseudo de J.Hetzel)
Vignettes de Jean-Jacques Grandville (1803-1842)
Paris, Editions Hetzel, 1842
Collection privée

Extrait d’ouvrage
Les Contes du lapin vert
Benjamin Rabier (1864-1939)
Paris, Éditions Jules Tallandier, 1931
Collection privée

Oeuvre picturale
Arrivée de Babar et Céleste chez la vieille dame
(Le Voyage de Babar)
Jean de Brunhoff (1899-1937)
Aquarelle, gouache sur papier, 24 x 24 cm
1932
Une des illustrations de l’album Le Voyage de Babar, Éditions
du Jardin des Modes, 1932.
Collection privée
© Héritiers de Brunoff, 2023

mardi 26 septembre 2023

Irvin D. Yalom

Né en 1931, Irvin D. Yalom est un psychothérapeute et psychiatre existentiel, professeur émérite de psychiatrie à l'Université de Stanford,  romancier et essayiste juif américain. Il est "l’auteur, entre fiction, philosophie et psychothérapie, de nombreux essais, romans ou récits, best-sellers dans le monde entier, dont La Méthode Schopenhauer, Le Bourreau de l’amour, Le Jardin d’Épicure, En plein cœur de la nuit, Le Problème Spinoza (lauréat du Prix des Lecteurs du Livre de Poche en 2014), ou Créatures d’un jour. Arte diffusera le 28 septembre 2023 à 01 h 05 « Irvin Yalom, thérapeute et épicurien » d’Eva Fouquet.

Raymond Aron (1905-1983) 
« ENS : L'école de l’engagement à Paris » par Antoine de Gaudemar et Mathilde Damoisel
Archives de la vie littéraire sous l'Occupation 

Irvin D. Yalom est né en 1931 dans une famille de Juifs ayant quitté la Russie - plus précisément, Celtz, village près de la frontière polonaise - peu après la Première Guerre mondiale. 

Il habitait l'appartement au-dessus de l'épicerie familiale, dans le centre-ville, "pauvre et noir", de Washington. "La vie dans la rue était souvent périlleuse. La lecture en salle était mon refuge et, deux fois par semaine, je faisais le périlleux trajet à vélo jusqu'à la bibliothèque centrale des rues septième et K pour faire le plein de fournitures", se souvenait Irvin D. Yalom. 

"Aucun conseil ni aucune orientation n'étaient disponibles : mes parents n'avaient pratiquement aucune éducation laïque, ne lisaient jamais de livres et étaient entièrement préoccupés par la lutte pour la survie économique. Mes choix de livres étaient liés à l'agencement de la bibliothèque ; la grande bibliothèque biographique placée au centre a attiré mon attention très tôt, et j'ai passé une année entière à parcourir cette bibliothèque de A (John Adams) à Z (Zoroastre). Mais c’est surtout dans la fiction que j’ai trouvé un refuge, un monde alternatif, plus satisfaisant, source d’inspiration et de sagesse. Très tôt dans ma vie, j'ai développé l'idée - à laquelle je n'ai jamais renoncé - qu'écrire un roman est la meilleure chose qu'une personne puisse faire", a-t-il précisé

"Dans la mentalité de ghetto de mon époque, les choix de carrière des jeunes hommes étaient limités ou perçus comme limités. Tous mes pairs ont fait des études de médecine ou se sont lancés dans les affaires avec leur père. L'école de médecine semblait plus proche de Tolstoï et de Dostoïevski, et j'ai commencé ma formation médicale après avoir déjà décidé de m'orienter vers la psychiatrie. La psychiatrie s'est avérée (et s'avère encore aujourd'hui) sans cesse intrigante, et j'ai approché tous mes patients avec un sentiment d'émerveillement face à l'histoire qui va se dérouler. Je crois qu'une thérapie différente doit être construite pour chaque patient car chacun a une histoire unique. Au fil des années, cette attitude m'éloigne de plus en plus du centre de la psychiatrie professionnelle, qui est maintenant si férocement poussée par des forces économiques dans des directions précisément opposées - à savoir un diagnostic désindividualisant précis (basé sur les symptômes) et un diagnostic uniforme", a déploré ce médecin, 

Et Irvin D. Yalom de préciser : "Mes premiers écrits étaient des contributions scientifiques à des revues professionnelles. Mon premier livre, Théorie et pratique de la psychothérapie de groupe, a été largement utilisé (sept cent mille exemplaires) comme texte pour la formation des thérapeutes. Il a été traduit en douze langues et en est désormais à sa quatrième édition. Mon éditeur pour ce livre et chacun de mes livres ultérieurs est Basic Books avec qui j'ai entretenu une longue et excellente relation. Mon texte de thérapie de groupe est loué car il est fondé sur les meilleures preuves empiriques disponibles. Je soupçonne cependant qu'il doit une partie de son succès au récit, à un flot de brèves vignettes humaines qui parcourent le texte. Depuis vingt ans, j'entends des étudiants me dire que ça se lit comme un roman". 

"D'autres textes ont suivi : Psychothérapie existentielle (un manuel pour un cours qui n'existait pas à l'époque), Psychothérapie de groupe pour patients hospitalisés (un guide pour diriger des groupes dans le service psychiatrique d'hospitalisation). Encounter Groups: First Facts, une monographie de recherche épuisée. Puis, dans le but d'enseigner certains aspects de la thérapie existentielle, je me suis tourné vers un moyen littéraire et, au cours des dernières années, j'ai écrit un livre de contes thérapeutiques (Le bourreau de l'amour, Maman et le sens de la vie -  une collection de contes thérapeutiques vrais et fictifs) et trois romans pédagogiques (Quand Nietzsche pleurait, Allongé sur le canapé et Le remède Schopenhauer)", a ajouté Irvin D. Yalom. 

Et l'auteur d'observer : "Bien que ces livres aient été des best-sellers auprès du grand public et aient été souvent évalués – à la fois favorablement et défavorablement – en raison de leur mérite littéraire (Quand Nietzsche pleurait a remporté la médaille d'or du Commonwealth pour la meilleure fiction de 1993 et ​​a été honoré en 2009 par la Foire du livre de Vienne et cent mille exemplaires gratuits distribués aux citoyens de Vienne), je les ai conçus comme des ouvrages pédagogiques – des livres d'histoires pédagogiques et un genre nouveau – le roman pédagogique. Ils ont été largement traduits – chacun dans environ quinze à vingt langues – et ont été largement diffusés à l'étranger. Quand Nietzsche pleurait, par exemple, figurait en tête de la liste des best-sellers israéliens pendant plus de quatre ans. Une anthologie, The Yalom Reader, a été publié par Basic Books fin 1997. En plus d'extraits clés de chacun de mes autres livres, il contient plusieurs nouveaux essais personnels qui fournissent aux professionnels de la santé mentale des introductions à Love's Bourreau, Quand Nietzsche pleurait et Allongé sur le canapé. Une nouvelle sur la Shoah hongroise, I’m calling the Police, a été publiée sous forme de livre en plusieurs langues (allemand, turc, espagnol, portugais, néerlandais). 

"Mon épouse, Marilyn, était titulaire d'un doctorat en littérature comparée (française et allemande) de Johns Hopkins et a mené une carrière très réussie en tant que professeur d'université et écrivain. Ses nombreuses œuvres incluent Blood Sisters,  A History of the Breast, History of the Wife, The Birth of The Chess Queen et (avec mon fils Reid Yalom) The American Resting Place. Mes quatre enfants, vivant tous dans la région de la baie de San Francisco, ont choisi diverses carrières : médecine, photographie, écriture créative, mise en scène de théâtre, psychologie clinique. Huit petits-enfants et ce n'est pas fini...", a conclu Irvin D. Yalom.

Il 
est "l’auteur, entre fiction, philosophie et psychothérapie, de nombreux essais, romans ou récits, best-sellers dans le monde entier, dont La Méthode Schopenhauer, Le Bourreau de l’amour, Le Jardin d’Épicure, En plein cœur de la nuit, Le Problème Spinoza (lauréat du Prix des Lecteurs du Livre de Poche en 2014), ou Créatures d’un jour."

"La thérapie s'adresse avant tout aux personnes qui souffrent et ressentent une certaine détresse... Dans tous mes livres, j'essaie de faire passer des messages et de donner une dimension humaine au thème de la psychothérapie. J'essaie de mettre l'accent sur l'authenticité de la rencontre entre un patient et un thérapeute. Je me sens très inquiet par tout ce qui se passe actuellement dans ce domaine aux États-Unis. De nombreux psychiatres de la nouvelle génération que je rencontre ne connaissent pas grand-chose en psychothérapie et s'occupent principalement de la rédaction de prescriptions. Ils ne sont donc pas par essence aptes à être de vrais thérapeutes. Donc, quiconque veut vraiment une thérapie devrait chercher un psychiatre aux cheveux gris... Je facture le tarif en vigueur, soit entre 250 et 275 dollars de l'heure... Mes parents avaient une épicerie et ils fermaient boutique pendant les vacances de Tichri, mais je suis un juif athée et laïc. Je n'observe pas les traditions et je ne vais pas dans une synagogue, mais j'aime les événements religieux familiaux. Nous organisons par exemple un Seder de Pessah (Pâque juive, Ndlt) chaque année. L'un de mes fils a fait sa bar-mitsva selon son souhait. Ma fille est celle qui a le plus de penchants pour la religion : c'est elle qui organise et prépare le repas du Seder et c'est elle qui préserve les liens de la famille avec le judaïsme... David Ben Gourion était un fan bien connu de Spinoza, et les gens n'aimaient pas l'idée d'ériger une statue de Spinoza en tant que père du sionisme laïc. Le problème de Spinoza en Israël remonte également à plusieurs décennies... J'ai récemment reçu une belle lettre d'appréciation du Président Peres. J'en étais très fier. J'ai encadré la lettre et elle est actuellement accrochée au mur de ma bibliothèque, à la maison... J'adore la série télévisée "In Treatment". Quand j'ai commencé à la regarder sur HBO et que j'ai vu Gabriel Byrne jouer le psychologue, j'ai immédiatement pensé que c'était moi. C'est un excellent acteur, il parlait exactement comme je parle et il travaillait exactement comme je le faisais. Dans un épisode, il a même mentionné moi et mes écrits. J'ai reçu beaucoup d'appels téléphoniques le lendemain ; c'était très amusant", a confié Irvin D. Yalom à Israel HaYom en 2012.

"Yalom's Cure"
Yalom's Cure est un documentaire réalisé par Sabine Gisiger (2014). Celle-ci interroge la famille Yalom sur un fait : alors que les parents sont demeurés unis depuis leur adolescence, leurs quatre enfants ont divorcé.

"Irvin D. Yalom grew up in the 1930s as the son of Jewish-Russian immigrants from what is today known as Belarus. His parents ran a grocery store and later a liquor store in Washington DC, in the midst of a black neighbourhood."

"Irvin’s father, Benjamin, and his mother, Ruth, kept their store open long hours. The section of town was unsafe for outdoor play, and Irvin would regularly cycle to the Washington Public Library where he immersed himself in both fiction and nonfiction, coming to the conclusion that writing a good novel was the best thing a person could do in life."

"Irvin’s family was part of a close-knit Jewish circle from their home village of Cielcz, and his parents did not mingle with any of the other communities. “I was an outsider who wanted to join the new world culture,” says Yalom. Irvin was 15 and Marilyn Koenick 14 when they met at school. One thing they had in common was their deep love of books. “At 16, I already bet a friend that I would marry her,” says Yalom".

"Irvin attended George Washington University and lived at home studying feverishly in order to gain admission to Medical School. At that time Medical Schools set a limit of 5% of each class for Jewish students. Irvin spent one year at George Washington Medical School before transferring to Boston University Medical School."

"In the meantime , Marilyn was studying at Wellesley College in Massachusetts and at the Sorbonne in Paris. When she graduated in 1954, the two of them married, and in 1956 they moved with their first child to New York, where Irv interned at Mount Sinai Hospital and where they had their second child. In 1960, Irvin Yalom went to Baltimore where he did his psychiatric residency at John Hopkins, and Marilyn completed a doctorate in comparative literature, in addition to bearing a third child."

"During his training, he found the two prevailing ideas of reference–psychoanalysis and biological psychology—to be inadequate. Instead, he began his philosophic education and studied the life-philosopher views on how we should live,  and then began his own investigations into the field of existential psychotherapy. At the same time he had considerable exposure to interpersonal theory and used that in his ground-breaking work on group psychotherapy."
 
"Between 1960 and 1962, Irvin served his required military duty as a captain and psychiatrist at the army hospital in Hawaii. Marilyn taught at the University of Hawaii. Subsequently, Irvin was recruited by Stanford University, and began his long career in the department of psychiatry. They had a fourth child in 1969."

"At the age of forty, Irvin published his highly influential textbook, The Theory and practice of group therapy, now in its 5th edition and translated into a dozen languages."

"Then he turned to his existential quest, and began to work closely with dying patients, namely women with metastasized breast cancer. Some of the patients, as the result of their encounter with mortality, learned how to live their life more fully. He never forgot a patient seen early in his career who said: “What a pity that I had to wait till now, when I am riddled with cancer, to learn how to live.”

"Working with cancer patients illuminated existential concerns and led to his second textbook, Existential Psychotherapy, also a classic. It has just been republished in numerous languages. The dedication on the first page reads “To Marilyn. For every reason”.

"Existential Psychotherapy is not a separate ideological, psychotherapeutic school of thought for Yalom. Rather, he wants to increase all therapists’ sensibilities to existential issues".
 
"In Yalom’s opinion, the inner conflicts that torment us are not only attributable to the struggle with our unruly passions and our internalised traumatic memories, but are also always due to our confrontation with the basic conditions of existence, including death, search for meaning in life, isolation, and freedom."

"Though existential issues are present for all of us, many patients have immediate pressing issues that deal with relationships. Many are unable to develop rich, nurturing, enduring bonds necessary for fully realized lives. “What heals”, says Yalom, “is ultimately the  relationship.” In his work, he therefore seeks an empathic, caring, deep connection with his patients."

"After the textbooks, he turned to another mode of teaching through stories and novels. Love’s Executioner, his first collection of stories, became a New York Times best seller and has been translated into 30 languages".

"He then summoned full courage to realise a dream that he had harboured since boyhood: to write a novel. With “When Nietzsche Wept” he created an instant world bestseller, with 5 million sales and crowned by the city of Vienna as the book of the year. This was followed by “Lying on the Couch,” “The Schopenhauer Cure,” and “The Spinoza Problem”. In 2015, there will be a new volume of tales of psychotherapy stories titled Creatures of a Day, which will be released in German translation in a few months."

Other books include “Momma and the Meaning of Life,” a collection of psychotherapy tales, and the arresting “Staring at the Sun: Overcoming the Terror of Death.”
 
"In his novels and stories, which he calls “teaching narratives,”, he combines  psychotherapeutic experience, philosophy, and historical research with enthralling, profound stories. The message is always the same: It is worth trying to know yourself and trying to break old patterns."

"Irvin and Marilyn celebrated their 60th wedding anniversary in June 2014. They have survived difficult times in their marriage and careers, yet continued to love and respect each other. Marilyn Yalom pursued her own academic path, first as a professor of French in the California State College system, then as a senior scholar at the Clayman Institute for Gender Research at Stanford University, a research center with a feminist orientation. The following are some of her works that have been translated into numerous languages: Blood Sisters: The French Revolution in Women’s Memory, A History of the Breast, A History of the Wife, Birth of the Chess Queen, and recently: How the French Invented Love. She is currently writing a book about female friendships."

"Their children and grandchildren, who all still live in California, play an important role in Irvin and Marilyn’s life. Eve Yalom, their daughter, works as a gynaecologist in Berkeley, Reid Yalom is a photographer and winemaker in Napa Valley, Victor Yalom works as a psychologist in San Francisco and runs an Internet enterprise for videos that deal with psychotherapy, while the youngest son, Ben Yalom, a theatre director, founded and manages the ensemble theatre company “Foolsfury” in San Francisco."

Citations du film :
"“The more we know ourselves, the better lives we can live. And when we get into trouble, very often what happens is: there are parts of ourselves, that we don’t know ver y well.”

“When parents die, we always feel vulnerable. Because we’re dealing not only with loss, but also with confronting your own death. One aspect of becoming an orphan, Is there’s now no parent between us and the grave.”

“I do not like to work with patients who are in love. Perhaps it’s because of envy.
I too crave enchantment. Perhaps it is because love and psychotherapy are fundamentally incompatible. The good therapist fights darkness and seeks illumination, while romantic love is sustained by mystery and crumbles upon inspection. I hate to be love’s executioner.” (Zitat) 

“Love is not just a passion spark between two people, there’s infinitive difference between falling in love and standing in love. The idea is that you stand in love, not fall in love, tr ying to live in such a way as to always bringing something more to live in the other.”

“Therapists need to form an authentic, genuine relationship with the patient. I think that the model that the therapist set for a patient, the intimacy, connection, that gets put into the patient’s mind. He uses that as a reference point, for how he relates to other intimate relationships in his life.”
– Quote from “Yalom’s Cure” – Theatrical Feature

« Irvin Yalom, thérapeute et épicurien »
Arte diffusera le 28 septembre 2023 à 01 h 05 « Irvin Yalom, thérapeute et épicurien » d’Eva Fouquet.

« L'écrivain américain Irvin Yalom a puisé la matière de ses best-sellers ("La méthode Schopenhauer", "Le problème Spinoza"...) dans son activité de thérapeute. Retour sur une vie inspirante, dédiée au travail analytique et intellectuel. »

« Et Nietzsche a pleuré, Le problème Spinoza, Mensonges sur le divan… Derrière ces romans au titre accrocheur, devenus des best-sellers internationaux, se cache un homme qui a dédié sa vie au travail intellectuel. »

« Irvin Yalom, psychiatre de formation, a écrit un certain nombre d'ouvrages spécialisés sur sa pratique avant d'y puiser la matière de ses fictions, vulgarisant intelligemment les grands principes de la philosophie et de la psychanalyse. »

« La clé de son succès ? Une compréhension fine des problématiques explorées avec ses patients et son talent pour les retranscrire dans des intrigues bien troussées. »

« Les proches et les enfants de l’auteur témoignent de son parcours, qui l'a mené d'un quartier pauvre de Washington aux collines ensoleillées de Palo Alto en Californie, où, à 92 ans, il vit toujours, entouré de ses livres. »

« Cette vie ne serait pas accomplie si elle n'avait été partagée, durant soixante-quinze ans, avec son épouse et authentique âme sœur Marilyn Yalom : universitaire spécialisée en histoire, éprise de culture française, celle-ci animait un salon littéraire à San Francisco et a publié plusieurs essais pionniers sur la question du genre, tout en s'occupant des quatre enfants du couple… »

« Elle a également fait découvrir à son mari la pensée existentialiste, qui lui a inspiré ses réflexions sur la liberté, un thème au cœur de son travail. »

« Aux côtés de sa nouvelle compagne, rencontrée après la mort de Marilyn, l'écrivain thérapeute, parvenu à un âge vénérable, se repenche sur des traumatismes qu'il a toujours éludés – son enfance isolée, la Shoah – pour se concentrer sur ceux des autres, et parcourt avec une satisfaction malicieuse ses différents ouvrages ».

« Romans ou essais adressés aux futures générations de psychologues, ces ouvrages continuent d'accrocher leurs lecteurs en posant de façon simple cette grande question : comment vivre ? »


Allemagne, 2023, 52 mn
Sur Arte le 28 septembre 2023 à 01 h 05
Sur arte.tv du 27/09/2023 au 25/12/2023
Visuels : © Gebrüder Beetz Filmproduktion
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