Les Archives nationales présentent, dans le cadre du cycle Les Essentiels, l'exposition « Loi portant abolition de la peine de mort de 1981 ». La chronologie d'un combat, porté notamment par des intellectuels, soutenu par le Président de la République socialiste François Mitterrand, qui, ministre de la Justice lors de la guerre d'Algérie, avait refusé la grâce à des dizaines de condamnés à mort, et idéalisé par la gauche française. Une loi promue par Robert Badinter, alors ministre de la Justice. Une abolition sans réelle peine d'emprisonnement à perpétuité pour protéger la société d'individus dangereux.
« Les Archives nationales conservent les archives de l’État depuis le VIIe siècle, composées de millions de documents précieux tant pour leur contribution à la connaissance historique et à la mémoire individuelle et collective que pour leur intérêt patrimonial. Parmi eux, certains sont des marqueurs forts de l’histoire, des jalons de la construction de notre société contemporaine. Ils sont des facteurs de cohésion et interrogent notre présent. »
« Afin de donner à voir et à comprendre ces documents symboliques de l’histoire de la Nation, les Archives nationales initient en septembre 2021 le cycle Les Essentiels, en partenariat avec France Culture et l’Institut national de l’audiovisuel. »
« Le cycle des Essentiels a été inauguré par les Archives nationales en 2021. Après la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, le décret d’abolition de l’esclavage de 1848 et l’ordonnance de 1944 accordant le droit de vote aux femmes, nous vous présentons aujourd’hui la loi d’abolition de la peine de mort de 1981, dernier volet du cycle. Plébiscitée par nos visiteurs lors d’une consultation menée à l’automne 2021, cette loi est le résultat d’un long engagement abolitionniste lancé avant la Révolution. Ce document fondamental met fin à une pratique contraire aux droits humains et illustre un combat d’une actualité toujours prégnante car, en 2022, cinquante et un États dans le monde appliquaient encore la peine de mort. L’accès à ces documents emblématiques est bien évidemment gratuit, conformément au principe de « redevabilité démocratique » qui sous-tend le champ des archives publiques depuis plus de deux siècles », a écrit Bruno Ricard, Directeur des Archives nationales.
« Le 9 octobre 1981, la loi n° 81-908 abolit la peine de mort en France et la remplace par la réclusion ou la détention criminelle à perpétuité. C’est l’aboutissement d’un combat débuté plus de 200 ans auparavant et porté par de grandes figures telles que Victor Hugo, Alphonse de Lamartine, Albert Camus ou Robert Badinter. »
Pour pallier son absence et protéger la société, le législateur n'a pas créé une réelle peine d'emprisonnement à perpétuité, jusqu'à la mort du détenu. En effet, la peine maximale de prison est la réclusion criminelle à perpétuité assortie d'une période de sûreté de 30 ans. Ce qui s'avère inquiétant dans les cas de criminels tortionnaires vingtenaires. Cette peine est rarement prononcée.
Le commissariat scientifique de l'exposition est assuré par la Direction des fonds, département de l’exécutif et du législatif - Arnaud Romont, Responsable de fonds au pôle Exécutif (1789-1870), Assemblées et contrôle de l’État, la conception du livret par Arnaud Romont. Le conseil scientifique est constitué d’Arnaud Romont, de Marie Ranquet et d’Aude Roelly.
A Paris, la conférence-débat lycéens "La peine de mort en France 1789-1981" par Marc Renneville, directeur de recherche au CNRS, a porté sur l'"Histoire de la justice, des crimes et des peines".
« Dans le cadre de l’exposition, les Archives nationales organisèrent un cycle de conférences et rencontres. Ouverts à tous et gratuits, ces rendez-vous se sont tenus à Paris, à l’hôtel de Soubise, d’avril à juillet 2023. Les vidéos de ces évènements sont visibles sur la chaîne YouTube des Archives nationales :
- « L’abolition de la peine de mort dans l’union européenne : le cas français » par Marie Bardiaux-Vaïente, docteure en Histoire, spécialiste des mécanismes d’abolition de la peine de mort en France et en Europe (pays et institutions), et scénariste de bande dessinée. L’ensemble de ses travaux narratifs ou universitaires s’articulent autour du thème de la Justice.
« Seul un pays ayant aboli la peine de mort peut devenir membre de l’Union européenne », telle est la résolution du Parlement européen du 4 décembre 1997. En France, c’est le 9 octobre 1981 que la peine de mort est abolie par la loi n° 81-908. Victoire de Robert Badinter, aboutissement de deux siècles de vifs débats parlementaires mais aussi d’une mobilisation de la société civile ou associative, cette valeur transpartisane devenue norme est parfois remise en cause, alors que son histoire est peu connue malgré son inscription dans le marbre constitutionnel, en 2007. »
- « Couper un homme en deux : émotions et techniques de l’exécution capitale au temps de la guillotine » par Anne Carol, professeure d’histoire contemporaine à Aix-Marseille Université. Ses recherches portent sur l’histoire du corps et l’histoire de la mort en France au XIXe et XXe siècles. Elle a notamment publié Au pied de l’échafaud. Pour une histoire sensible de l’exécution (Belin, 2018).
« À partir de 1792, la peine de mort s’applique par la guillotine. Pour faire de l’exécution publique un spectacle réussi et édifiant, la gestion des émotions des divers acteurs – et notamment du condamné – est essentielle. Ce sont les dispositifs techniques mis en place dans cet objectif, leurs limites et leurs détournements que cette conférence abordera. »
- « Crimes et châtiments. Conversation avec Philippe Jaenada »
« Qu’est-ce qui pousse la France entière à réclamer la tête d’Henri Girard (La Serpe), Pauline Dubuisson (La Petite femelle) ou de « l’étrangleur » (Au Printemps des monstres) ? Pourquoi ces « coupables idéaux » déchaînent-ils les passions ? Existe-t-il un « juste châtiment » ? Ces questions, et bien d’autres, seront l’objet d’une conversation à bâtons rompus avec l’écrivain Philippe Jaenada. »
« Écrivain, enquêteur, historien, Philippe Jaenada est tout cela à la fois : ses ouvrages historiques analysent des faits divers célèbres en leur temps en leur apportant un éclairage nouveau, bousculant au passage nos certitudes. Son écriture, faite d’humour, de digressions légendaires et de solides enquêtes archivistiques, nous transporte au cœur des passions humaines. »
« Quel peut être ce droit que les hommes se donnent d’égorger leurs semblables ? »
Cesare Beccaria (1764)
« En France, la peine capitale est appliquée depuis le Moyen Âge. Sous l’Ancien Régime, en fonction des époques, plus d’une centaine de crimes peuvent être punis de mort. Les exécutions capitales sont d’authentiques spectacles punitifs car les peines doivent alors servir d’exemple pour la population afin de préserver l’ordre. »
« Plusieurs modes d’exécutions cohabitent : la pendaison (peine commune), la décapitation (privilège de la noblesse), la roue (pour les brigands et certains meurtriers), le bûcher (pour les hérétiques et les incendiaires), l’écartèlement (pour la haute trahison ou les parricides), l’ébouillantage (pour les faux-monnayeurs) ou la tête cassée (peine militaire). »
« Quand la peine capitale est assortie de peines infâmantes, le corps est exposé au gibet, tout en étant privé de sépulture. »
« En 1755, le châtiment suprême recule pour la première fois : Louis XV supprime la peine de mort pour le crime de désertion simple (sans trahison). Ce recul se fait également sentir dans la jurisprudence des cours souveraines. Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, le nombre de condamnations à mort diminue et la répression criminelle s’adoucit. L’esprit abolitionniste de certains philosophes des Lumières, comme Cesare Beccaria (1738-1794), commence à rayonner. »
« Au début de la Révolution, la relative mansuétude constatée durant les années précédentes se retrouve dans les cahiers de doléances. Un grand nombre d’entre eux demande que la peine capitale soit réservée aux crimes les plus graves et que les exécutions ne fassent pas preuve d’une cruauté inutile. Des voix s’élèvent notamment pour que la décapitation ne soit plus un privilège de la noblesse et devienne le mode d’exécution commun à tous. »
« Bien que les Constituants soient imprégnés de la pensée des Lumières, la Révolution ne choisit pas l’abolition de la peine de mort, préférant suivre l’opinion publique plutôt que le député Louis-Michel Lepeletier de Saint-Fargeau (1760-1793), favorable à l’abolition. »
« En 1791, le premier Code pénal définit la peine capitale : elle « consistera dans la simple privation de la vie, sans qu’il puisse jamais être exercé aucune torture envers les condamnés ». Le mode d’exécution est également fixé : désormais, par souci d’humanité et d’égalité, « tout condamné aura la tête tranchée ».
« C’est dans ce contexte que naît la guillotine. La décapitation à la hache était alors vue comme un mode d’exécution incertain car dépendant de l’habileté du bourreau et susceptible de faire souffrir le condamné. Député de Paris et médecin, Joseph-Ignace Guillotin (1738-1814) propose d’adapter d’anciens modèles de machines à décapiter. Le chirurgien Antoine Louis (1723-1792) met donc au point en 1792 un nouvel appareil permettant une décapitation efficace et sans souffrance inutile. La guillotine est utilisée plusieurs dizaines de milliers de fois pendant la période révolutionnaire. »
« La peine de mort est-elle encore nécessaire à la société et par conséquent la peine de mort est-elle encore légitime ? »
Alphonse de Lamartine (17 mars 1838)
« En 1810, le Code pénal est modifié. Il prévoit désormais trente-six cas passibles de la peine de mort, là où son prédécesseur de 1791 en prévoyait trente-deux, en la réintroduisant notamment contre les voleurs qui réunissent cinq circonstances aggravantes. »
« Sous la Restauration (1814-1830), un courant abolitionniste naît dans le milieu littéraire. La voix de plusieurs auteurs s’élève pour critiquer la peine capitale. C’est le cas notamment de Victor Hugo (1802-1885) qui mène un combat acharné à partir de 1823 en publiant Han d’Islande puis, en 1829, Le Dernier Jour d’un condamné, véritable « plaidoirie générale pour tous les condamnés présents et à venir », comme le souligne sa préface de 1832. »
« Le poète et romancier républicain Alphonse de Lamartine (1790-1869) s’engage également contre la peine capitale. En 1830, il compose l’Ode contre la peine de mort. Alors que la population manifeste à Paris et réclame la mort des ministres du précédent roi, Charles X (1757-1836), ce poème est destiné à convaincre d’en finir avec la peine capitale. »
« La première grande loi d’abolition partielle date du 28 avril 1832. Le roi des Français, Louis-Philippe (1773-1850), souhaite moderniser le Code pénal de 1810. La peine de mort est abolie dans neuf cas et n’est conservée que pour les crimes les plus graves. Le ministre de la Justice à l’origine de cette loi, Félix Barthe (1795-1863), voit alors le maintien de la peine de mort comme provisoire et affirme qu’elle pourra « disparaître plus tard, lorsque sa suppression sera en harmonie avec les mœurs publiques ».
« Sous la monarchie de Juillet (1830-1848), le nombre de pétitions déposées auprès de la Chambre des députés pour réclamer l’abolition de la peine capitale augmente. Une des plus singulières est lancée par la Société de morale chrétienne en 1836. Elle récolte environ 1 800 signatures sur tout le territoire durant l’année 1837. »
« Le 17 mars 1838, Lamartine soutient cette pétition devant la Chambre des députés. Le député de Saône-et-Loire est alors proche de cette société pour le compte de laquelle, deux ans auparavant, il avait décerné un prix en faveur du meilleur plaidoyer contre la peine de mort. À la tribune de la Chambre, il déclare que la peine de mort est devenue inutile et nuisible dans une société évoluée. Mais aucune suite n’est donnée à cette pétition. »
« Il faut attendre dix ans avant que Lamartine obtienne gain de cause. En février 1848, sur sa proposition, le gouvernement provisoire abolit la peine de mort en matière politique. Il souhaite alors éviter un retour aux massacres de la Terreur dans le contexte du renversement de la monarchie de Juillet. L’abolition totale est, elle, rejetée par l’Assemblée nationale. »
« N’y aurait-il donc que la mort pour châtier l’assassin ? »
Albert Naud (1967)
« Le XXe siècle débute avec un débat parlementaire majeur sur l’abolition de la peine de mort. Élu en janvier 1906, le président de la République Armand Fallières (1841-1931) est abolitionniste. Quatre mois après son élection, il peut compter sur une majorité à l’issue des élections législatives. Le 5 juillet, la Chambre des députés, au travers de la Commission du budget, décide de supprimer les crédits affectés au bourreau : toute exécution devient dès lors impossible. »
« Le ministre de la Justice, Edmond Guyot-Dessaigne (1833-1907), pourtant abolitionniste, s’oppose à cette « abolition » qui n’en est pas vraiment une. Les députés se ravisent alors et rétablissent les crédits relatifs au bourreau. »
« Mais alors que le ministre de la Justice prépare un projet de loi abolitionniste, la situation se dégrade en France et certains crimes marquent fortement l’opinion publique. C’est notamment le cas en 1907 de l’affaire Soleilland, du nom d’un meurtrier d’une fillette de onze ans, condamné à mort et finalement gracié par le président de la République. À l’issue de cette affaire, certains députés changent d’avis et soutiennent à nouveau la peine capitale. »
« En 1908, le nouveau ministre de la Justice, Aristide Briand (1862-1932), dépose un projet de loi visant à abolir la peine de mort. Les débats à la Chambre des députés voient s’opposer l’abolitionniste Jean Jaurès (1859-1914) et le partisan de la peine de mort, Maurice Barrès (1862-1923). Le 8 décembre, la proposition d’abolition est largement repoussée, par 330 voix contre 201. Les exécutions reprennent à partir de 1909. »
« Durant la Première Guerre mondiale, la justice militaire se charge de réprimer les rébellions. Environ 650 hommes sont condamnés à mort et fusillés pour désobéissance, abandon de poste ou d’autres crimes. »
« En juin 1939, la décapitation du tueur en série Eugène Weidmann (1908-1939) a lieu en début de matinée. Elle commence en retard, ce qui permet aux journalistes présents de prendre des photographies et de filmer à la lumière de jour. Désordre et hystérie règnent. En réaction immédiate, la législation évolue et interdit les exécutions en public. »
« Sous le régime de Vichy, les juridictions politiques d’exception multiplient les condamnations à mort (200 condamnations et exécutions pour les seules cours martiales, entre janvier et août 1944). La période est également marquée par la reprise des exécutions de femmes : depuis 1887 aucune condamnée pour crime de droit commun n’avait été exécutée en France. Philippe Pétain (1856-1951) refuse la grâce de cinq femmes. »
« Parmi elles, Marie-Louise Giraud (1903-1943), condamnée pour avoir pratiqué vingt-sept avortements, est guillotinée à Paris le 30 juillet 1943. »
« À la Libération, 2 640 personnes sont condamnées à mort pour intelligence avec l’ennemi et trahison en temps de guerre. 767 individus sont finalement exécutés. »
« Dans le contexte de massification de la mort des deux guerres mondiales, le débat sur la peine capitale était devenu marginal, mais la fin des conflits marque le retour d’un argumentaire abolitionniste. En 1957, Albert Camus (1913-1960) publie ses Réflexions sur la guillotine dans lesquelles il explique que la peine de mort est un danger pour la société européenne d’après-guerre. À la même époque, l’avocat Albert Naud (1904-1977) se lance également avec force dans le combat avec Tu ne tueras point (1959) et Contre la peine de mort (1967). »
« Durant la guerre d’Algérie, la peine capitale est à nouveau massivement prononcée : dans un souci d’exemplarité, les conseils de guerre condamnent à mort plus de 1 400 personnes et 200 sont exécutées. Malgré le décret de 1848, des exécutions poli- tiques continuent d’avoir lieu. Le 11 mars 1963, Jean-Marie Bastien- Thiry (1927-1963), organisateur de l’attentat raté du Petit-Clamart contre Charles de Gaulle (1890- 1970), est fusillé après avoir été condamné à mort par la Cour militaire de justice. »
« Demain, vous voterez l’abolition de la peine de mort »
Robert Badinter (17 septembre 1981)
« A partir du milieu des années 1960, le nombre des condamnations à mort décroît progressivement. En 1968, 1970, 1971, 1974 et 1975, les condamnés à mort sont graciés et aucune exécution ne se déroule en France. »
« Durant ces années, plusieurs affaires criminelles marquent toutefois l’opinion publique. En juin 1972, Roger Bontems (1936-1972) et Claude Buffet (1933- 1972) sont condamnés à mort par la cour d’assises de l’Aube pour avoir égorgé un gardien et une infirmière qu’ils avaient pris en otage à la prison de Clairvaux. Bien que n’ayant pas tué lui-même les otages, Roger Bontems est guillotiné le 28 novembre 1972. »
« Son avocat, Robert Badinter, bouleversé par cette affaire, entre alors dans le combat pour l’abolition. L’année suivante, il publie L’Exécution, manifeste contre la peine de mort, dans lequel il décrit la mise à mort de Bontems.
« En 1977, il défend Patrick Henry (1953-2017), accusé d’avoir enlevé et tué un enfant de sept ans. Les preuves contre lui sont irréfutables et il est certain que le jury s’apprête à le condamner à mort. Robert Badinter transforme alors cette affaire en procès de la peine de mort : affirmant qu’un jour la peine capitale sera abolie, il met les jurés face à leurs responsabilités et leur conscience. Patrick Henry est finalement condamné à la réclusion criminelle à perpétuité. » Cette instrumentalisation du procès pénalise la famille de la victime qui avait droit à un procès dénué d'idéologie.
Durant sa détention, Patrick Henry réussit des examens scolaires et universitaires : BEPC, baccalauréat, licence de mathématiques et DUT en informatique. En liberté conditionnelle depuis le 15 mai 2001, il est recruté par l'imprimerie Charles Corlet (Calvados). Il commet des délits, notamment un vol, et est arrêté en possession de cannabis.
Le 20 mai, sa liberté conditionnelle est annulée. Le 22 juillet, le tribunal correctionnel de Caen condamne Patrick Henry à quatre ans de prison, 20 000 euros d'amende et la confiscation de sa voiture utilisée pour se rendre au Maroc, ainsi que des 8 228 euros en sa possession lors de son interpellation. En octobre 2003, la cour d'appel confirme le jugement.
Initialement intitulé "Vous n'aurez pas à le regretter" - phrase prononcée par Patrick Henry à la fin de son procès -, son livre est publié par Calmann-Lévy sous le titre "Avez-vous à le regretter ?"
Le 15 septembre 2017, Patrick Henry, atteint d'un cancer du poumon, obtient une suspension de peine pour raison médicale : il souffre d'un cancer du poumon. Il décède le 3 décembre 2017, quelques mois après sa sortie de prison.
« Ces affaires, et d’autres comme celle de Christian Ranucci (1954-1976), relancent le débat sur l’abolition de la peine de mort. Des associations, telles que la Ligue nationale contre le crime (favorable à la peine de mort) et l’Association contre la peine de mort, s’opposent par déclarations interposées. Des pétitions des deux bords sont lancées et des personnalités du spectacle prennent position, comme par exemple Michel Sardou avec sa chanson Je suis pour ou Julien Clerc avec L’assassin assassiné. »
« À l’Assemblée nationale, les débats sur l’abolition reprennent en 1978, après soixante-dix ans d’interruption. Des amendements de tous bords politiques sont déposés pour demander la suppression des frais d’exécutions capitales dans le budget de la justice de 1979, de 1980 et de 1981. Ils sont tous rejetés. »
« En octobre 1979, le ministre de la Justice, Alain Peyrefitte (1925-1999), accepte que la conférence des présidents de l’Assemblée nationale inscrive à l’ordre du jour un débat d’orientation sur la peine de mort. Toutefois, aucun vote n’est prévu à son issue. Les députés choisissent donc majoritairement de ne pas y assister. »
En 1981, la peine de mort devient un enjeu de la campagne pour l’élection présidentielle. La dernière exécution, celle d’Hamida Djandoubi (1949-1977), le 10 septembre 1977, remonte alors à quatre ans plus tôt, le président Valéry Giscard d’Estaing (1926-2020) ayant fait, ensuite, le choix de gracier les autres condamnés.
Dans son programme, François Mitterrand (1916-1996), le candidat socialiste, prévoit l’abolition de la peine de mort. Pourtant, lorsqu’il était ministre de la Justice, en 1956, il avait signé une loi autorisant les tribunaux permanents des forces armées opérant en Algérie à condamner à mort sans instruction. Vingt-cinq ans plus tard, il affirme désormais être opposé à la peine capitale et souhaiter gracier les condamnés en attente, s’il est élu président de la République. » Une déclaration à la fin de la campagne électorale, alors que l'opinion publique est majoritairement opposée à l'abolition de la peine de mort.
« Élu le 10 mai 1981 et obtenant la majorité absolue à l’Assemblée nationale le 21 juin, François Mitterrand nomme Robert Badinter ministre de la Justice le 23 juin. Depuis le début de l’année 1981, le nombre de condamnations à mort augmente à nouveau. Plutôt que de condamner à la réclusion à perpétuité en reconnaissant des circonstances atténuantes, magistrats et jurés préfèrent condamner à mort en comptant sur la grâce du chef de l’État. Jugeant cette situation politiquement dangereuse, Robert Badinter souhaite aller vite pour qu’une loi d’abolition soit votée avant la rentrée des cours d’assises, en octobre. »
« Un texte est préparé durant l’été. Un différend apparaît rapidement entre Robert Badinter et Charles Hernu (1923-1990), ministre de la Défense. Ce dernier souhaiterait conserver la peine de mort pour les cas d’espionnage, de trahison, de révolte ou de désertion en temps de guerre ou en cours d’opérations de guerre. Robert Badinter, quant à lui, est partisan d’une abolition sans exceptions. Lors du conseil des ministres du 26 août, François Mitterrand arbitre en faveur de l’abolition totale, arguant de la possibilité de faire voter en temps de guerre une législation spéciale. »
« Pour ne pas perdre de temps, l’Assemblée nationale se réunit en session extraordinaire et discute le projet de loi le 17 septembre 1981. Robert Badinter défend le texte dans un discours passionné rappelant le long combat de deux siècles pour l’abolition. Face à lui, des voix, telles que celle de Pascal Clément (1945-2020), député de centre-droit, figure de l’opposition au texte, s’élèvent pour réclamer la tenue d’un référendum, alors que l’opinion publique reste majoritairement favorable à la peine de mort. »
« Le 18 septembre, le projet de loi est adopté par 363 voix contre 117, avec une majorité rassemblant au-delà de la gauche, des députés de droite, tels que Jacques Chirac (1932-2019) ou Philippe Seguin (1943-2010), et des députés du centre tel que Bernard Stasi (1930- 2011). Le 30 septembre, le Sénat adopte à son tour le projet de loi par 161 voix contre 126. La loi portant abolition de la peine de mort est promulguée le 9 octobre 1981. Elle abroge toutes les dispositions prévoyant la peine de mort, en les remplaçant par la réclusion (pour les crimes de droit commun) ou la détention criminelle (pour les crimes politiques) à perpétuité. »
« La France devient ainsi le trente-sixième État du monde à abolir la peine de mort. »
« J’en appelle à l’abolition universelle de la peine de mort »
Jacques Chirac (30 mars 2001)
« Dans les années qui suivent, au gré de l’actualité des faits divers, la tentation de rétablir la peine de mort en France se fait par moment ressentir : entre 1984 et 2004, une trentaine de propositions de loi est déposée sans qu’aucune n’aboutisse. Le 3 mai 2002, dans le cadre du Conseil de l’Europe, la France signe à Vilnius le protocole relatif à l'abolition de la peine de mort en toutes circonstances, complément à la Convention européenne des droits de l’homme. Sa ratification, ainsi que l’adhésion au deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques des Nations unies, concernant l’abolition de la peine de mort, impliquent une révision préalable de la Constitution. »
« Après avoir été adopté par les deux chambres, l’article unique de la révision constitutionnelle est ratifié par le Parlement réuni en Congrès à Versailles le 19 février 2007. Désormais, en France, le rétablissement de la peine de mort est quasiment impossible. Il impliquerait, outre de réviser la Constitution, de quitter la Convention européenne des droits de l’homme, de dénoncer un protocole de l’Organisation des Nations unies et de sortir de l’Union européenne (la Charte des droits fondamentaux y interdit en effet la peine de mort). »
« Fin 2022, 111 États membres des Nations unies ont aboli la peine de mort pour tous les crimes, neuf l’ont fait pour les crimes de droit commun et vingt-sept appliquent un moratoire sur les exécutions. En revanche, cinquante et un États appliquent toujours la peine capitale, majoritairement en Asie, au Moyen-Orient et aux États-Unis. »
LOI N° 81-908 DU 9 OCT[OBRE] 1981 PORTANT ABOLITION DE LA PEINE DE MORT (1)
L’Assemblée nationale et le Sénat ont adopté, Le Président de la République promulgue la loi dont la teneur suit :
ARTICLE 1er
La peine de mort est abolie.
ARTICLE 2
La loi portant réforme du code pénal déterminera en outre l’adaptation des règles d’exécution des peines rendue nécessaire pour l’application de la présente loi.
ARTICLE 3
Dans tous les textes en vigueur prévoyant que la peine de mort est encourue, la référence à cette peine est remplacée par la référence à la réclusion criminelle à perpétuité ou à la détention criminelle à perpétuité suivant la nature du crime concerné.
ARTICLE 4
Les articles 12, 13, 14, 15, 16, 17 du code pénal et l’article 713 du code de procédure pénale sont abrogés.
ARTICLE 5
Le 1° de l’article 7 du code pénal est supprimé.
Les 2°, 3°, 4° et 5° de cet article deviennent en conséquence les 1°, 2°, 3° et 4°.
ARTICLE 6
Les articles 336 et 337 du code de justice militaire sont abrogés.
ARTICLE 7
L’alinéa 1er de l’article 340 du code de justice militaire est remplacé par l’alinéa suivant : « À charge d’en aviser le ministre chargé de la défense, l’autorité militaire qui a donné l’ordre de poursuite ou revendiqué la procédure peut suspendre l’exécution de tout jugement portant condamnation ; elle possède ce droit pendant les trois mois qui suivent le jour où le jugement est devenu définitif. »
ARTICLE 8
La présente loi est applicable aux territoires d’outre-mer ainsi qu’à la collectivité territoriale de Mayotte.
ARTICLE 9
Les condamnations à la peine de mort prononcées après le 1er novembre 1980 seront converties de plein droit suivant la nature du crime concerné en condamnations à la réclusion criminelle à perpétuité ou en condamnations à la détention criminelle à perpétuité.
Lorsqu’une condamnation a fait l’objet d’un pourvoi en cassation, les dispositions de l’alinéa précédent ne sont applicables qu’en cas de désistement ou de rejet du pourvoi.
La présente loi sera exécutée comme loi de l’État.
Fait à Paris, le 9 oct[obre] 1981.
[Signature de François Mitterrand]
Par le Président de la République
Le Premier ministre,
[Signature de Pierre Mauroy]
Le garde des sceaux, ministre de la justice,
[Signature de Robert Badinter]
Le ministre d’état, ministre de l’intérieur
et de la décentralisation,
[Signature de Gaston Defferre]
Le ministre de la défense,
[Signature de Charles Hernu]
Du 8 mars au 4 septembre 2023
Entrée gratuite
60, rue des Francs-Bourgeois. 75003 Paris
Du lundi au vendredi de 10 h à 17 h 30
Samedi et dimanche de 14 h à 17 h 30 - fermeture le mardi
59, rue Guynemer. 93380 Pierrefitte-sur-Seine
Ouvert du lundi au vendredi de 10h00 à 17h30.
Samedi de 14h00 à 17h00
Fermeture le mardi et le 1er mai
Articles sur ce blog concernant :
Les citations proviennent du Livret accompagnant l'exposition.
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