dimanche 21 mai 2023

Henry Kissinger

Né en 1923 à Fürth en Allemagne qu'il fuit en raison des persécutions antisémites, Henry Alfred Kissinger 
est un diplomate (Secrétaire d'Etat sous les Présidences Nixon et Ford), politiste, et consultant en géopolitique juif américain. Arte diffusera le 27 mai 2023 à 05 h 40 « L'incontournable monsieur Kissinger » de Stephan Lamby.


Heinz Alfred Kissinger est né en 1923 à Fürth (Bavière, Allemagne), dans une famille juive allemande. En 1817, son arrière-arrière-grand-père, Meyer Löb avait changé son nom en Kissinger. Son père était instituteur.

Fuyant les persécutions antisémites du IIIe Reich, il se réfugie avec ses parents et son frère Walter en 1938 en Angleterre, puis aux États-Unis dont il acquiert la nationalité en 1943. Passionné par le football, il finance ses études en travaillant en usine. Il étudie la comptabilité. 

Interprète pour les services secrets américains durant la Deuxième Guerre mondiale en Europe, il administre brièvement la ville de Krefeld qu'il dénazifie. 

A Hanovre, il dirige une équipe qui recherche en particulier les officiers de la Gestapo ; ce qui lui vaut la Bronze Star.

Le 10 avril 1945, quelques jours avant la rafle de la cellule dormante de la Gestapo, Kissinger et d'autres membres de la 84e division ont découvert le camp de concentration d'Ahlem.

"Durant de nombreuses années, Kissinger n'a pas parlé de cet événement. En effet, sa présence n'a été révélée que parce que l'un de ses camarades GI, un opérateur radio nommé Vernon Tott, a décidé de publier les photographies qu'il avait prises ce jour-là. Kissinger reconnaîtra plus tard que voir Ahlem fut "l'une des expériences les plus horribles de ma vie... L'événement traumatisant a été de voir Ahlem. C'est là que l'on a vu la bestialité du système et la dégradation de l'être humain".

En 1946, il est professeur à l'European Command Intelligence School à Camp King.

Démobilisé, il étudie les sciences politiques dans la prestigieuse université Harvard. En 1950, il obtient une licence en science politique avec la mention summa cum laude après avoir suivi les cours de William Yandell Elliott. Trois ans plus tard, il a son master et devient consultant auprès du directeur du Psychological Strategy Board. En 1954, il est docteur en science politique à Harvard en soutenant sa longue thèse sur la diplomatie entre 1812 et 1822 (Peace, Legitimacy, and the Equilibrium (A Study of the Statesmanship of Castlereagh and Metternich)). Il y enseigne comme professeur au Département des études gouvernementales, dont il est directeur adjoint en 1957.

En 1955, Henry Kissinger est nommé consultant à l'Operations Coordinating Board du Conseil de sécurité nationale, et directeur d'étude des Affaires étrangères et Armes nucléaires au Conseil des relations étrangères. 

En 1957, il rédige un livre sur le sujet, Nuclear Weapons and Foreign Policy, qui présente la riposte graduée privilégiée par rapport à celle des « représailles massives ».

Il dialogue avec Nelson Rockefeller, alors gouverneur de New York, et parfois prodigue ses conseils à Dwight Eisenhower, John Fitzgerald Kennedy et Lyndon Baines Johnson. En 1968, il conseille le candidat républicain Richard Nixon qui le désigne conseiller à la sécurité nationale. C'est un partisan de la Realpolitik qu'il évoque dans Diplomatie (1995) : il distingue le réalisme politique à l'idéalisme wilsonien dont les néo-conservateurs prévalent.

Conseiller à la sécurité nationale américaine (1969-1975), il est nommé Secrétaire d'État (1973-1977) de l'administration du Président républicain Richard Nixon, et garde sa fonction sous Gerald Ford. Partisan de la Realpolitik, il exerce une influence dans la diplomatie américaine durant la Guerre froide et la détente (1968-1977), au cours desquelles il contribue en 1973 à la signature des accords de paix de Paris pour mettre un terme à la guerre du Vietnam. Il favorise la politique de la Détente avec l’Union soviétique et assure la normalisation des relations entre la Chine communiste de Mao Zedong, dont le Premier ministre est Zhou Enlai, et les Etats-Unis dès 1971.

En 1973, Kissinger est distingué par le Prix Nobel de la paix pour sa contribution à la fin de la guerre au Viêt Nam. Indignés, deux membres du comité Nobel démissionnent. 

Henry Kissinger a dit à Golda Meir, alors Première ministre d'Israël : "Golda, tu dois te rappeler que premièrement je suis américain, deuxièmement je suis Secrétaire d'État et troisièmement je suis juif." Et Golda Meir lui a répondu : "Henry, vous oubliez qu'en Israël, nous lisons de droite à gauche."

Durant la Guerre du Kippour, Henry Kissinger soutient l'Etat d'Israël agressé en 1973.

Il est critiqué en raison du renversement du Président chilien Salvador Allende en 1973 - Henry Kissinger nie toute intervention des Etats-Unis -, et est épargné par le scandale du Watergate.

Après son départ de l'administration républicaine, il fonde Kissinger Associates qu'il préside. Il y dispense des conseils en relations internationales à des firmes multinationales, notamment lors des négociations de contrats commerciaux avec des États. 

En 1980, il soutient la candidature du républicain Ronald Reagan en raison de la nécessité du new leadership (« nouvelle hégémonie ») que les États-Unis doivent assumer face à l'Union soviétique.

Il est l'auteur d'une douzaine de livres sur l'histoire diplomatique et les relations internationales.

De son mariage avec Ann Fleischer, Henry Kissinger a eu deux enfants, Elizabeth, médecin, et David, est cadre supérieur à NBC Universal puis dirigeant de Conaco, société de production de Conan O'Brien. Divorcé en 1964, Henry Kissinger épouse Nancy Maginess en 1974.

En 2010, des transcriptions par le Département d'Etat des Etats-Unis de propos d'Henry Kissinger ont révélé qu'il avait déclaré en présente d'un responsable de la Maison-Blanche : « Y a-t-il une seule communauté dans le monde qui soit aussi égoïste que les juifs ? » Le 1er mars 1973, Kissinger avait dit : « Soyons réalistes : l'émigration des juifs d'Union soviétique n'est pas un objectif de la politique étrangère américaine. Et s'ils envoient des Juifs dans des chambres à gaz en Union soviétique, ce n’est pas le problème des États-Unis. Peut être un problème humanitaire ». (“The emigration of Jews from the Soviet Union is not an objective of American foreign policy. And if they put Jews into gas chambers in the Soviet Union, it is not an American concern. Maybe a humanitarian concern.”

Ces propos ont suscité l'indignation. L'Anti-Defamation League (ADL) les a qualifiés de "scandaleux", mais a considéré qu'ils ne remettaient pas en cause "les contributions importantes et l'héritage ultime d'Henry Kissinger", en particulier son soutien à Israël. Quant à l'American Jewish Committee (AJC), il les a qualifiés de "vraiment effrayants", mais a estimé que l'antisémitisme à la Maison Blanche de Nixon a pu en être partiellement responsable. "Peut-être Kissinger a-t-il estimé qu'en tant que Juif, il devait faire un effort supplémentaire pour prouver au Président que sa loyauté ne faisait aucun doute", a déclaré David Harris, directeur exécutif de l'AJC.

Henry Kissinger, qui s'est excusé, a déploré que ses propos aient été cités hors de leur contexte : "References to gas chambers have no place in political discourse, and I am sorry I made that remark 37 years ago... For someone who lost in the Holocaust many members of my immediate family and a large proportion of those with whom I grew up, it is hurtful to see an out-of-context remark being taken so contrary to its intentions and to my convictions, which were profoundly shaped by these events". 

Il a souligné combien l'administration Nixon avait travaillé pour aider l'émigration juive hors de l'Union soviétique et que ses propos devaient être remis dans leur contexte : "It was addressed to a president who had committed himself to that issue and had never used it for political purpose to preserve its humanitarian framework". 

En 2014, le Congrès juif mondial (WJC) a remis à Henry Kissinger le Theodor Herzl Award. Dans son discours, Henry Kissinger a évoqué des défis auxquels l'Amérique et Israël sont confrontés : "Il y a d'énormes bouleversements. Nous sommes dans une période où de nombreuses institutions qui nous sont familières sont attaquées. Le peuple Juif est redevenu, dans certains pays, l'objet de graves attaques. C'est un moment où le Moyen-Orient se trouve bouleversé à tous égards... On demande à Israël de payer un prix d'admission avant d'être reconnu et de pouvoir participer au système international... Dans les années à venir, les États-Unis doivent garder à l'esprit ce qu'ils défendront, même s'ils doivent le faire seuls, ce qu'ils doivent réaliser avec leurs alliés et, enfin, ce qui dépasse leurs capacités. La survie d'Israël et le maintien de sa capacité à se construire un avenir est un principe que nous poursuivrons, même si nous devons le faire seuls".

Il a ajouté : "À l'avenir, divers groupements se formeront au Moyen-Orient, à mesure que les pays émergeront dans une nouvelle définition d'eux-mêmes. Les États-Unis doivent apprendre à se positionner de manière à assurer la survie d'Israël. L'Amérique doit être un acteur central et un élément décisif sur nombre de ces questions. Israël apportera sa contribution par la compréhension qu'il manifestera à l'égard des problèmes historiques et psychologiques de ceux qui vivent sur le même territoire. Israël est un représentant des principes auxquels l'Amérique croit". Henry Kissinger a qualifié l'amitié entre Israël et les États-Unis d'"élément essentiel".

En mai 2022, Henry Kissinger a déclaré que l'Ukraine devrait mettre fin à la guerre en acceptant le "statu quo ante" l'invasion de l'est de l'Ukraine par la Russie en février 2022 : "À mon avis, le mouvement vers les négociations et les négociations sur la paix doivent commencer dans les deux prochains mois afin que l'issue de la guerre soit définie". Volodymyr Zelensky a rejeté cette suggestion : "A Davos, par exemple, M. Kissinger émerge des profondeurs du passé et dit qu'une partie de l'Ukraine devrait être donnée à la Russie. Pour que la Russie ne soit pas aliénée par l'Europe. Il semble que le calendrier de M. Kissinger ne soit pas 2022, mais 1938, et qu'il pensait s'adresser à un public non pas à Davos, mais à Munich à l'époque. En 1938, lorsque la famille de M. Kissinger a fui l'Allemagne nazie, il avait 15 ans et comprenait parfaitement tout ce qui se passait. Personne ne l'a entendu dire qu'il fallait s'adapter aux nazis au lieu de les fuir ou de les combattre."

« L'incontournable monsieur Kissinger »
Arte diffusera le 27 mai 2023 à 05 h 40 « L'incontournable monsieur Kissinger », documentaire allemand de Stephan Lamby.

« En 2008, l’ancien ministre des Affaires étrangères de Nixon, qui fête le 27 mai 2023 ses 100 ans, revenait, dans un entretien exclusif, sur un passé politique plein de bruit et de fureur, acceptant de parler du rôle qu’il a joué au Viêtnam, au Chili ou au Timor oriental. La Realpolitik dans le texte, pour une passionnante relecture de l’histoire. »  

« En 2008, Henry Kissinger, ex-secrétaire d’État de Richard Nixon, puis de Gerald Ford, n’exerce plus aucune fonction politique depuis plus de trente ans ». 

« Mais ses analyses de la situation internationale sont toujours très recherchées dans les hautes sphères du pouvoir républicain, le camp qui a toujours été le sien. » 
« Le président George W. Bush confie ainsi à la caméra leurs récents sujets de discussion : comment réagir aux attentats du 11 septembre 2001 ? Comment mettre un terme au désastre en Irak ? » 

« L'ancien chef de la diplomatie américaine est généralement peu disert dans les médias. Or les questions sur sa responsabilité dans divers événements de l’histoire récente ne manquent pas. »

« Malgré le prix Nobel de la paix reçu en 1973 pour la signature des accords de Paris mettant un terme à la guerre du Viêtnam, Henry Kissinger a souvent été accusé d’avoir favorisé l’escalade du conflit ». 

« Quel rôle a-t-il joué dans le putsch contre le président Salvador Allende au Chili ? Quelle était sa position au moment de l’invasion du Timor oriental par les troupes indonésiennes ? A-t-il vraiment encouragé la CIA à soutenir l’opération Condor, un plan international de répression contre les militants de gauche en Amérique latine ? » 

« À toutes ces questions qu’il avait soigneusement éludées jusqu’ici, l’ancien ministre des Affaires étrangères apporte cette fois des réponses, dans un entretien qui interroge les rapports entre le pouvoir et la morale. »

« Un autoportrait inhabituel, complété par les précieux témoignages, entre autres, de James Schlesinger, ex-directeur de la CIA, de l’ancien chancelier allemand Helmut Schmidt et de l’écrivain Norman Mailer, décédé peu après le tournage ». 

« Les archives utilisées, films privés tournés en Super-8 par le chef de cabinet de Nixon ou matériel d’écoute provenant du Bureau ovale, jettent, elles aussi, une lumière inédite sur les mécanismes du pouvoir. »



Allemagne, 2008, 1 h 30
Production : ECO Media TV-Produktion GmbH
Sur Arte le 27 mai 2023 à 05 h 40
Sur arte.tv du 27/05/2023 au 24/08/2023
Visuels
© NDR/Eco Media

Kissinger et Mao
Auteur : Shim Harno / Alamy Stock Photo

Portrait d' Henry Kissinger, diplomate américain, circa 1970. (Photo by Daniel SIMON/Gamma-Rapho via Getty Images)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire