Bénéficiant d'une formation en mécanique, optique et commerce, Ernst Leitz (1843-1920) était le propriétaire protestant innovateur de l'Optical Works Ernst Leitz à Wetzlar devenue Leica. Il produisait en série es microscopes performants, puis des appareils photographiques, un projecteur cinématographique et des jumelles. Ce philanthrope a édicté des mesures sociales en faveur de ses salariés.
En 1914, Ernst Leitz II, "associé dans la firme de son père, dépose en Allemagne et aux États-Unis le brevet d’un appareil compact au format 24 x 36" dans un marché dominé par Kodak.
En 1924, par une décision audacieuse en pleine hyperinflation, Ernst Leitz lance l’appareil photo Leica 35 mm, élaboré par l'ingénieur en chef de la société Leitz, Oskar Barnack et doté d'objectifs interchangeables de Max Berek. Il parie sur un appareil pratique, maniable, à un prix accessible, et utilisé par les photoreporters : Robert Capa, Henri Cartier-Bresson...
Membre éminent du Parti démocrate allemand (DDP), élu à Wetzlar, il méprise les Nazis qui convoitent son entreprise dans le but de développer une optique militaire. En 1942, ce septuagénaire est contraint d'adhérer au Parti nazi pour préserver sa firme d'une direction nazie, et son expropriation.
De 1933 à 1945, Ernst LeitzII aide et sauve la vie de 86 personnes, dont 68 sont persécutées pour des motifs raciaux, généralement juives : il recrute des Juifs de Wetzlar en danger dès 1933, leur donne de l'argent, un appareil photographique Leica et des lettres de recommandation pour fuir notamment aux États-Unis où ils travaillent dans la succursale new-yorkaise de la firme jusqu'à ce qu'ils trouvent d'autres postes. A partir de 1938, Alfred Türk, directeur commercial de la société Leitz, est interpelé pour avoir adressé des lettres de recommandation à la succursale new-yorkaise en faveur d'émigrants juifs. En 1943, Elsie Kühn-Leitz, fille d'Ernst Leitz, est arrêtée pour son aide envers une femme juive de Wetzlar, détenue par la Gestapo en prison durant des mois à Francfort, et évite un départ en camp de concentration grâce à Ernst Leitz II. Toute cette filière est dénommée le Leica Freedom Train (« Train Leica de la liberté ») principalement aux États-Unis.
En 1947, devant le tribunal chargé de la dénazification, Ernst Leitz II fonde son action par une "attitude fondamentalement démocratique".
Ernst Leitz II est distingué par l'Ordre du mérite de la République fédérale d'Allemagne (1952) et en 2007 à titre posthume par le Courage to Care Award de l'Anti-Defamation League (ADL) pour son engagement à secourir de nombreux Juifs persécutés.
Après sa mort, le photographe et rabbin, Frank Dabba Smith a rendu publique son enquête révélant ces actions héroïques d'Ernst Leitz II.
« Les nazis, le rabbin et la caméra »
« Un photographe et rabbin américain s’est lancé dans une longue enquête pour retrouver les descendants de juifs sauvés grâce au directeur de l’entreprise familiale Leitz, qui commercialisait l’iconique Leica. »
« Rapidement, la Wehrmacht enchaîne les succès militaires. "Nos victoires en Pologne et en France reposent pour beaucoup sur vos excellentes optiques", écrivent Joseph Goebbels et Hermann Goering à l’entrepreneur, qui n’adhérera par précaution au parti national-socialiste qu’en 1942. »
« Quand près de quatre-vingts ans plus tard, la ville de Wetzlar inaugure une place en l’honneur de l’ancien dirigeant, son maire évoque un aspect longtemps méconnu de sa vie : entre 1933 et 1945, Ernst Leitz a sauvé la vie de plusieurs dizaines de personnes, la plupart victimes des persécutions raciales du régime ».
Allemagne, 2022, 43 mn
Production : ZDF
Sur Arte le 18 mai 2023 à 23 h 10
Sur arte.tv du 18/05/2023 au 15/08/2023
Visuel : © Andy Lehmann/Florianfilm GmbH
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