L'évangélisme est un mouvement spirituel du protestantisme, qui souligne l'importance d'être "né de nouveau" (born again), l'autorité de la Bible comme révélation de Dieu à l'Humanité ("inerrance biblique") et la diffusion du message chrétien. Arte diffusera le 4 avril 2023 à 20 h 55 « Les évangéliques à la conquête du monde », la série documentaire partiale en trois parties de Thomas Johnson.
« Luther, la Réforme et le Pape », par Thomas Furch
La fabrique des saintes images. Rome-Paris, 1580-1660
Cranach et son temps
L'évangélisme, dénommé aussi christianisme évangélique ou protestantisme évangélique, est un mouvement spirituel du protestantisme. Ce terme vient du mot grec "euangelion" signifiant « bonne nouvelle » et qui a donné le vocable évangile.
Baptisme, pentecôtisme, mouvement charismatique, mouvement néo-charismatique... composent l’évangélisme. L'Alliance évangélique mondiale ou AEM (World Evangelical Alliance, WEA) regroupe la plupart de ces composantes.
En 2016, le nombre de chrétiens évangéliques s'élevait à 619 millions de personnes, soit un quart des chrétiens dans le monde. Le plus grand nombre de chrétiens évangéliques se trouve aux Etats-Unis.
Ce courant spirituel chrétien insiste sur l'importance d'être "né de nouveau" (born again), résultat de l'expérience de la conversion personnelle, l'autorité de la Bible comme révélation de Dieu à l'Humanité ("inerrance biblique") et la diffusion du message chrétien.
Il a une démarche prosélyte.
Pour les évangéliques, la refondation de l'État d'Israël en 1948 correspond aux prophéties de la Bible, et s'avère une étape préludant au retour sur terre de Jésus comme Christ, comme Messie dans la perspective de l'Apocalypse - mot venant du grec "apokálupsis" signifiant « dévoilement » ou « révélation » -, la victoire de Dieu sur le Mal et la conversion du peuple Juif au christianisme.
Il en résulte un sionisme, un soutien politique à l'Etat Juif.
« De la guerre froide à nos jours, l'expansion de l'évangélisme a favorisé l’émergence d’un fondamentalisme chrétien dans nombre de pays. En trois volets, cette enquête fouillée « Les évangéliques à la conquête du monde » dévoile les rouages d'une redoutable machine politico-religieuse décidée à étendre son empire sur les consciences. »
« Devant la multiplication des signaux d'alarme, l’Alliance évangélique mondiale a fini par condamner, en 2021, la montée de ce "nationalisme chrétien" de combat, et sa collusion avec les partis d’extrême droite. »
« Mais en juin 2022, l'annulation par la Cour suprême des États-Unis de l'arrêt Roe vs Wade, garantissant le droit à l'avortement, a offert au fondamentalisme évangélique une nouvelle victoire. » Non, cet arrêt rappelle qu'il appartient à chaque Etat fédéré de se prononcer sur le droit à l'avortement.
« Tournée sur plusieurs années et dans plusieurs pays (États-Unis, Brésil, Corée du Sud, République démocratique du Congo et France, dans la "méga-église" Martin-Luther-King de Créteil), la passionnante enquête de Thomas Johnson réunit analyses de spécialistes et témoignages d'une multiplicité de fidèles et de leaders du mouvement. Une enquête sur les rouages d'une redoutable machine politico-religieuse ».
« Beaucoup d'entre eux, comme la pasteure Paula White, qui dirigeait à la Maison-Blanche le conseil évangélique chargé de prier pour Donald Trump et le protéger des "forces du mal", ou Michele Bachmann, égérie du Tea Party, ex-députée américaine, aujourd'hui à la tête de l'une des richissimes universités évangéliques qui fleurissent aux États-Unis, assènent en souriant de stupéfiantes contre-vérités. »
« D'autres chrétiens, comme le "repenti" Robert Schenck, Jerushah Duford, la petite-fille de Billy Graham, ou le prix Nobel de la paix Denis Mukwege, ont rejoint les rangs de ceux qui luttent contre la propagation de la haine, qu'elle vise des femmes désirant avorter ou qu'elle relaie le battage des suprémacistes blancs. »
« Fourmillant d'archives inédites et d'incursions dans les célébrations géantes de l'évangélisme, la série révèle les rouages financiers, politiques et médiatiques d'une idéologie religieuse décidée à étendre son empire sur les consciences. »
« La Fédération protestante de France (FPF) a pris connaissance de la série documentaire « Les évangéliques à la conquête du monde » et souhaite adresser ses remerciements au groupe ARTE pour la grande qualité de ce projet porté par l’antenne française du groupe. Très bien documenté, il permet en effet de comprendre la complexité et la diversité du monde évangélique outre-Atlantique », a déclaré le FPF le 30 mars 2023 dans un communiqué de presse.
Et le FPF de poursuivre : « Le 20 mars dernier, la FPF organisait à la Maison du protestantisme une avant-première du troisième volet de cette trilogie, en présence du réalisateur Thomas Johnson, du producteur Olivier Mille et de Philippe Gonzalez, coauteur. Alors que le documentaire illustre principalement la branche de la droite évangélique américaine à la conquête du pouvoir aux Etats-Unis, une brève inclusion d'images du protestantisme français en fin de documentaire nous pose problème. La Fédération protestante de France y voit un parti-pris éditorial qui créé un amalgame choquant entre l’évangélisme américain nationaliste et les évangéliques français. Si nous félicitons toute l’équipe de production pour le travail d’enquête accompli, nous ne pouvons que nous indigner du fait que tous les évangélismes français puissent être ainsi associés à ces dérives. Afin de sortir de cette confusion qui ne reflète absolument pas la réalité évangélique en France, la FPF a fait deux propositions au groupe ARTE : que le titre de la série documentaire puisse être modifié par « Des évangéliques à la conquête du monde » (NB : ces documentaires sont diffusés aux USA sous le titre « Faith and power »). Dans un esprit collaboratif, la Fédération protestante de France s’est également mise à la disposition d’ARTE et de l’équipe de production afin qu’un quatrième volet consacré spécifiquement aux évangéliques en France puisse être réalisé. Celui-ci présenterait la réalité du monde évangélique français et compléterait ainsi cette série documentaire qui fera date. En effet, ces Églises au cœur d’un protestantisme en pleine mutation, méritent d’être mieux connues pour éviter précisément tout amalgame avec certaines expressions de ce courant aux Etats-Unis et au Brésil.
« Nous regrettons de n’avoir reçu aucune réponse à ce jour de la part du groupe ARTE concernant ces propositions, alors que les documentaires sont accessibles sur leur site internet depuis le 28 mars », a conclu le Pasteur Christian Krieger, Président de la Fédération protestante de France, dans un communiqué de presse.
« La grande croisade »
1er volet : « Présent sur tous les continents, le mouvement évangélique, en rapide et constante expansion, compte aujourd'hui quelque 660 millions de fidèles. »
« S'il réunit différentes Églises, ce protestantisme conservateur reste dominé par un courant fondamentaliste devenu au fil des décennies une redoutable machine politique. »
« Il a contribué à porter au pouvoir, entre autres, Donald Trump et Jair Bolsonaro. Tous deux ont été défaits dans les urnes, mais leur présidence respective a renforcé les liaisons dangereuses entre pouvoir, finances et religion, au service d'un "nationalisme chrétien" de plus en plus offensif. » L'élection présidentielle de 2020 est entachée de questions légitimes sur la sincérité du scrutin.
« Remontant au XVIe siècle, aux racines d'un phénomène à la fois omniprésent et méconnu, ce premier volet en retrace la genèse et la mutation décisive qui intervient en 1942, avec la fondation de la National Association of Evangelicals américaine, qui entend reconquérir la société. »
« Avec la guerre froide, le prédicateur Billy Graham va donner à cet objectif un formidable élan. Sillonnant le globe au fil de "croisades" anticommunistes d’évangélisation, il galvanise des meetings géants au service des présidents conservateurs, d'Eisenhower à Nixon. Opposé à la ségrégation, il se tient pourtant à l'écart du mouvement pour les droits civiques emmené par Martin Luther King. Après le Watergate, il se retire de la politique intérieure pour se consacrer au reste du monde, visitant au total 185 pays. »
« Dans son sillage, la dynamique d'expansion se poursuit et les "méga-églises" se multiplient en Corée du Sud, au Brésil ou au Nigeria, où de nouveaux leaders religieux vont récolter ce qu'il a semé. »
« Les évangéliques au pouvoir »
Deuxième volet : « dans les années 1970, sous l'égide de figures américaines plus radicales, comme le télévangéliste Jerry Falwell ou le théologien Francis Schaeffer, l'influence d'une droite chrétienne intransigeante, arc-boutée sur la défense des valeurs familiales rigoristes, favorise en 1980 l'élection de Ronald Reagan. »
« La lutte contre l'avortement devient le fer de lance du combat évangélique contre la sécularisation de la société. Quarante ans après, les élections de Trump et Bolsonaro, en 2016 et 2018, illustrent la puissance du mouvement, notamment au Brésil, qui fut longtemps la plus grande nation catholique au monde. En 2022, le Front parlementaire évangélique y a conquis 35 % des sièges au Congrès. »
« Dieu au-dessus de tout ? »
Troisième volet : « le 6 janvier 2021, certains des insurgés qui prennent d'assaut le Capitole prient et brandissent des pancartes se revendiquant de Jésus. » Il ne s'agit pas d'"insurgés", mais de manifestants qui sont entrés en étant bien accueillis par des forces de l'ordre comme en témoignent des images vidéos.
« Les évangéliques partisans de Trump exportent leur combat en Europe et en Israël, convaincus par leur compréhension millénariste de la Bible que le Christ est sur le point de revenir en Terre sainte. »
« Ils y prennent fait et cause pour les colons et l'extrême droite qui revendiquent au nom de Dieu les Territoires palestiniens. » "Colons" ?! "Extrême-droite" ?! Il s'agit de territoires disputés, de la Judée et de la Samarie, des terres bibliques.
« C'est sous l'influence de son conseil évangélique, installé pour la première fois au cœur de l'exécutif, que Donald Trump a reconnu Jérusalem comme capitale de l'État juif. »
« Réalisateur d’une série documentaire-fleuve sur l'essor des évangéliques, Thomas Johnson met en garde contre un mouvement qui menace nos fondements démocratiques. Entretien. Propos recueillis par Raphaël Badache.
Thomas Johnson : Le christianisme est à la base de notre culture, et l'une de ses composantes, l'évangélisme, est en pleine expansion mondiale. Un être humain sur douze est évangélique. Or, on connaît peu ce mouvement religieux. L'un des objectifs de la série était de laisser parler ses grands idéologues pour comprendre leurs ambitions et leur positionnement. Notre souci permanent, avec mon coauteur le sociologue des religions Philippe Gonzalez, était d’éviter à tout prix certains écueils : ne pas généraliser, ne pas englober tous les évangéliques dans les mouvements les plus réactionnaires. Il existe toujours des courants progressistes, partisans de l'exégèse et historiquement liés à l'idée de séparation de l'Église et de l'État. Ils sont toutefois devenus minoritaires. Or, la droite conservatrice chrétienne américaine, pour qui la Bible est à lire au sens littéral, domine désormais l'ensemble du monde évangélique. Même s'il est difficile d'avancer des chiffres précis, ses idées s’imposent sur tous les continents.
Comment expliquer la prise de pouvoir de ces évangéliques aux discours virulents, flirtant avec, voire défendant, le suprémacisme blanc ?
Après 1945, la grande expansion évangélique mondiale a été menée par un courant conservateur, avec à sa tête le prédicateur Billy Graham, qui, pendant des décennies, a porté la parole de l'évangile dans ce qu'il appelait lui-même des "croisades". Ce courant a fait corps avec le rêve américain, devenant un des piliers idéologiques de l'individualisme, du capitalisme et du néolibéralisme. Il s'est ensuite infiltré au cœur du pouvoir politique. C'est ainsi que ces évangéliques ont porté Trump et Bolsonaro au pouvoir. Ils connaissent aussi un grand succès en Corée du Sud, et même en Afrique, avec un discours efficace auprès des plus défavorisés… porté par des pasteurs milliardaires : "Si vous nous rejoignez dans notre foi, vous aussi aurez droit au rêve américain ou à la bénédiction matérielle. Et si vous donnez à l'Église, Dieu vous le rendra au centuple."
À travers cette série, souhaitiez-vous aussi alerter le public sur la menace que fait peser le courant évangélique sur nos démocraties ?
Oui. À partir du moment où le mur qui sépare la religion et le politique se fissure, où Dieu devient un acteur politique, la démocratie est en danger. On l'a vu aux États-Unis avec Trump, dont la "conseillère spirituelle", Paula White, était une pasteure évangélique : elle a placé un "directeur de la foi" à la tête de chaque ministère, rompant avec le principe de séparation entre le religieux et le pouvoir. Le même phénomène s’est produit au Brésil avec Bolsonaro. Selon cette vision, Dieu doit pénétrer tous les secteurs de la société : éducation, politique, économie, partout ! On peut clairement parler d'émergence d’une forme d’hégémonie chrétienne qui détruit le pluralisme de nos sociétés et qui les polarise. Cela prouve que nos démocraties sont fragiles. Lorsque le dieu d'une religion donnée décide pour les citoyens, les humains ne sont plus égaux. S'il y a les chrétiens et les autres, nous entrons dans une autre forme de régime politique.
Et en Europe, quel est leur poids ?
On assiste à une alliance entre ces évangéliques, la droite conservatrice et les droites nationalistes européennes. Leur combat commun consiste à diffuser l'idée d'une civilisation judéo-chrétienne en danger d'écroulement, d'un monde qui touche à sa fin, les grands ennemis étant les musulmans. Ils gagnent en Italie, en Hongrie, progressent en Russie. En France, Zemmour incarne ce discours à travers la théorie du "grand remplacement". Cela ne veut pas dire que tous ces leaders, ces idéologues sont chrétiens ou même croyants. Ils utilisent simplement la force du message religieux à des fins politiques. Ils disposent là d’un outil puissant pour séduire, en se fondant sur la colère et la peur. Il s'agit également de diffuser l'idée d'un retour à une identité basée sur des valeurs dites chrétiennes ainsi qu'à une forme de grandeur : "Make America great again", reconstruire la "Grande Russie", "Reconquête" de la France… En cette période de crise, cela fonctionne plus que jamais. »
« Les évangéliques à la conquête du monde » de Thomas Johnson
France, Etats-Unis, 2023
Coauteurs : Thomas Johnson et Philippe Gonzalez
Coproduction : ARTE France, Artline Films
Sur Arte :
1ère partie (53 min) : les 4 avril 2023 à 20 h 55, 19 avril 2023 à 9 h 25
2e partie (52 min) : les 4 avril 2023 à 21 h 45, 19 avril 2023 à 10 h 20
3e partie : (53 min) : les 4 avril 2023 à 22 h 35, 19 avril 2023 à 11 h 10
Disponible du 28/03/2023 au 09/06/2023
Les citations sont d'Arte.
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