Le musée d’art et d’histoire du Judaïsme (mahJ) présente l’exposition « Si Lewen, Parade ». Né dans une famille juive en Pologne, ayant passé son enfance en Allemagne, Si Lewen (1918-2016) rejoint avec sa famille New York (Etats-Unis), après un bref séjour en France. Engagé dans l’US Army en 1942, il découvre le camp de concentration de Buchenwald en 1945. Ce dessinateur américain crée « Parade », série de 63 dessins en noir et blanc, « récit à la fois réaliste et allégorique de la montée du nazisme, de la guerre, de la Shoah et de la réconciliation des peuples ».
« Three With A Pen: Lily Renée, Bil Spira, And Paul Peter Porges »
« Publiée en 1957 sous la forme d’un ouvrage tiré à peu d’exemplaires, The Parade est devenue une œuvre rare, jusqu’à sa réédition en 2016 sous la direction d’Art Spiegelman, auteur du roman graphique Maus, admirateur des talents graphiques et narratifs de Si Lewen. »
Le musée d'art et d'histoire du Judaïsme (mahJ) «présente les dessins de la série graphique The Parade de Si Lewen (1918–2016), réalisée en 1950. Peu connu en Europe, cet artiste américain d’origine polonaise a marqué la scène artistique américaine de l’après-guerre avec une œuvre conjuguant dessins, peintures et collages. »
« Né à Lublin (Pologne) dans une famille qui a fui les pogroms au début des années 1920, Si Lewen passe son enfance en Allemagne, où il est témoin de la montée du national-socialisme. »
« En 1935, après un passage par la France, la famille émigre à New York. Lewen s’enrôle dans l’armée américaine en 1942, au sein du Military Intelligence Service, et découvre le camp de concentration de Buchenwald en 1945, peu après sa libération. »
« Cette expérience est une des sources de The Parade, une suite saisissante de soixante-trois dessins en noir et blanc qui forme le récit à la fois réaliste et allégorique de la montée du nazisme, de la guerre, de la Shoah et de la réconciliation des peuples. »
« Je trouve votre œuvre très impressionnante d’un point de vue purement artistique. En outre, je trouve qu’elle a le réel mérite de combattre les tendances belliqueuses par le biais de l’art. Ni les descriptions concrètes ni les discours intellectuels ne peuvent égaler l’effet psychologique de l’art véritable. On a souvent dit que l’art ne devait se mettre au service d’aucune cause politique ou autre. Je ne suis pas de cet avis. » écrit Albert Einstein à Si Lewen en 1951.
« Publiée en 1957 sous la forme d’un ouvrage tiré à peu d’exemplaires, The Parade est devenue une œuvre rare, jusqu’à sa réédition en 2016 sous la direction d’Art Spiegelman, auteur du roman graphique Maus, admirateur des talents graphiques et narratifs de Si Lewen. »
« Dans le cadre de l'exposition, The Parade est publié pour la première fois en français par Flammarion le 3 novembre 2021, complété par L'Odyssée d'un artiste, une biographie et une contribution d'Art Spiegelman. Le 10 novembre, ce dernier accorda à l’auditorium du mahJ un « Grand entretien », tandis qu’une projection, des visites guidées et un atelier de gravure seront proposés autour de l’exposition. »
"The Parade entonne un hymne funèbre déchirant sur les poussées de fièvre guerrière récurrentes de l’humanité. Il est d’une actualité hélas toujours aussi brûlante aujourd’hui", a écrit Art Spiegelman.
"Ce livre au format accordéon renferme deux œuvres dos à dos. D’un côté, The Parade, épopée sans paroles portée par des dessins expressifs. Ce classique oublié a été créé peu après la Seconde Guerre mondiale et publié initialement en 1957. The Parade, restauré d’après les dessins originaux, augmenté de planches inédites réinsérées dans la continuité sur les indications de Si Loewen, était et reste à ce jour une œuvre révolutionnaire, un cri du cœur sur l’éternelle soif de guerre de l’humanité et ses conséquences atroces. Au verso des dessins, L’Odyssée d’un artiste préparée, rédigée et mise en page par Art Spiegelman, comprenant une biographie complète et une mise en perspective dans l’histoire de l’art, fait découvrir au lecteur la vie et l’œuvre singulières de Si Lewen au fil d’une monographie abondamment illustrée de peintures qui ont jalonné la longue et prolifique carrière d’un artiste mort en 2016. Le peintre que l’on redécouvre a renoncé à un succès annoncé dans le New York d’après-guerre pour s’immerger dans son art plutôt que dans le « monde de l’art ». Il a poursuivi un projet formulé dans l’enfance, de disposer ses tableaux les uns à côté des autres pour leur permettre de « parler entre eux », une conception sérielle très en avance sur son temps qui se reflète dans le format exceptionnel de ce livre".
Le Commissariat de l’exposition est assuré par Pascale Samuel, conservatrice de la collection moderne et contemporaine du mahJ, avec Virginie Michel, mahJ.
Autour de l’exposition, à l’occasion de la parution de l’ouvrage The Parade. L'Odyssée d'un artiste, présenté par Art Spiegelman (Flammarion, 2021, trad. Jeanne Bouniort), le mahJ a proposé un « Grand entretien avec Art Spiegelman » en conversation avec Raphaëlle Leyris. « Né en 1948, Art Spiegelman est mondialement célèbre pour son chef-d'œuvre Maus, récit de la déportation de ses parents dans le camp d’Auschwitz-Birkenau et de ses séquelles. Également illustrateur et auteur d’ouvrages pour la jeunesse, Spiegelman a travaillé dix ans durant pour The New Yorker, signant des couvertures restées célèbres. Lié d’amitié avec le peintre Si Lewen (1918- 2016), il a édité en 2016 un ouvrage consacré à son œuvre, achevé quelques jours avant la mort de l’artiste et aujourd’hui publié en français aux éditions Flammarion ».
A aussi été projeté « GI Jews: Jewish Americans in World War II », documentaire de Lisa Ades (États-Unis, 2017, 86 min., version originale non sous-titrée). « Près de 550 000 juifs américains, hommes et femmes, servirent sous les drapeaux durant la Seconde Guerre mondiale. Parmi ces centaines de milliers d’anonymes, nés en Allemagne et germanophones, Mel Brooks, caporal d’infanterie, Henry Kissinger, affecté au renseignement militaire, et un certain Si Lewen, rattaché au groupe des « Ritchie Boys », qui entra dans le camp de Buchenwald quelques jours après sa libération.
Les Ritchie Boys est le surnom donné à une unité américaine spéciale germano-autrichienne d'officiers du Service de renseignement militaire et d'hommes engagés dans l'Armée américaine durant la Deuxième Guerre mondiale. Ils ont été formés au Camp Ritchie, un Military Intelligence Training Center (MITC) situé dans le comté de Washington, Maryland. Beaucoup d'entre eux étaient des immigrants germanophones aux États-Unis, souvent des Juifs qui avaient fui la persécution nazie. Ils ont été utilisés principalement pour l'interrogatoire des prisonniers sur les lignes de front et le contre-espionnage en Europe en raison de leur connaissance de la langue et de la culture allemandes. Ils ont aussi participé aux procès de Nuremberg comme procureurs et traducteurs.
« Si Lewen. Repères biographiques »
« 1918 Naissance de Si Lewen à Lublin en Pologne sous le nom de Yeshaya Lewin ; son père, Samuel Lewin, est un écrivain yiddish renommé ; sa mère, Suzanne, est la descendante d’une longue lignée de rabbins hassidiques.
1919 Fuyant les pogroms, la famille Lewin s’installe en Allemagne, à Berlin ; pendant les trois premières décennies de sa vie, Si Lewen adapte son nom au pays dans lequel il se trouve : il se fera appeler Jesaja en Allemagne, Isaïe en France, Isaia en Amérique. Enfin, il décidera de changer son prénom en Simon, dit « Si ». En 1946, il transforme son nom de famille en Lewen.
1933 Après l’arrivée de Hitler au pouvoir, Si Lewen se réfugie en France avec son frère aîné Isaac ; les deux adolescents passent quelques mois à Paris sous la protection d'André Spire et travaillent dans une exploitation agricole du Loir-et-Cher.
1935 La famille Lewin arrive aux États-Unis avec le statut de réfugiés ; Si reprend ses études d’art à la National Academy Museum et à la School of Fine Arts de New York.
1936 Agressé par un policier antisémite à Central Park, il tente de se suicider ; il est hospitalisé en psychiatrie à Katonah, au nord de New York.
1942 Il s’enrôle dans l’armée américaine et fait ses classes au Camp Ritchie (Maryland), un camp d'entraînement de l’Intelligence and Psychological Warfare, où 19 000 jeunes réfugiés germanophones sont formés aux actions de démoralisation des troupes allemandes.
1944 Neuf jours après le D-Day, le sergent Simon J. Lewen débarque en Normandie avec les Ritchie Boys ; sa mission est de convaincre les soldats allemands de capituler, puis de les interroger.
1945 Il entre dans le camp de concentration de Buchenwald peu après sa libération.
1946 Retour aux États-Unis ; il suit les cours de l’Art Students’ League ; la prestigieuse institution compte parmi ses élèves Barnett Newman, Jackson Pollock, Robert Rauschenberg, James Rosenquist, Mark Rothko et Georgia O’Keeffe.
1949 Première exposition personnelle à la Roko Gallery de New York.
1951 Albert Einstein, après avoir découvert The Parade, lui envoie une lettre élogieuse qui servira de préface à la future édition du livre.
1953 Exposition de The Parade à la galerie de la photographe Lotte Jacobi à New York.
1954 Participe à une exposition collective de jeunes artistes américains au MoMA.
1957 Publie The Parade. A Story in 55 Drawings chez H. Bittner & Co ; participe à l’exposition annuelle du Whitney Museum of American Art.
1960 Il devient professeur de sculpture à la Cooper Union ; à partir des années 1970, il enseignera aussi le collage, le dessin et la peinture à la New School, institution qui accueille notamment en tant que professeurs Hannah Arendt, Claude Lévi-Strauss, Arnold Schönberg et John Cage ; il commence à travailler sur plusieurs séries, notamment Procession, et Millipede.
1962-1981 Une dizaine d’expositions personnelles lui sont consacrées aux États-Unis ; dès les années 1970, il déclare « l’art n’est pas une marchandise » et cesse de vendre ses œuvres.
2002 Il commence à travailler sur Odissey, une autobiographie visuelle.
2006 Fait don de toutes ses œuvres à l'International Institute for Restorative Practices de Bethlehem, Pennsylvanie.
2007 Nouvelle édition de The Parade (publiée par IIRP) pour le cinquantième anniversaire de sa publication.
2008 Il commence la série Ghosts.
2009 Il reçoit la Légion d’honneur pour sa participation à la libération de la France.
2011 Exposition personnelle « Si Lewen: A Journey » au James A. Michener Museum à Doylestown.
2013 Rencontre avec Art Spiegelman ; l’œuvre de Si Lewen est exposée lors de la performance itinérante Wordless!, conçue par l'auteur de Maus et Philip Johnston au Sydney Opera House.
2014 Il tente de se couper la main droite en janvier ; il continue à peindre et sculpter avec sa main gauche.
2015 À l’âge de 97 ans, il déclare être « fini — n'être plus un artiste » ; il lègue ses pinceaux et son matériel à son petit-fils Damon.
2016 Décès de Si Lewen ».
« Art Spiegelman sur sa rencontre avec Si Lewen »
« C'était en 2011 ou 2012, je faisais alors des recherches dans le cadre d’un projet de présentation sur un genre de romans graphiques, encore méconnu, apparu entre les deux guerres mondiales : les romans graphiques sans paroles, avec en général une image par page, chaque image faisant avancer l'histoire progressivement. Il s’agissait souvent de gravures sur bois. Et c'est en cherchant dans les tréfonds d'internet, que j'ai fini par tomber sur une référence à Si Lewen, qui m’était jusque-là inconnu. J’ai trouvé des images de The Parade quelque part en ligne... Ça avait l’air intéressant et je l’ai commandé d'occasion sur un site. Je voulais inclure Si dans ma sélection ; c’était le dernier de cette première vague d'artistes inspirés par Frans Masereel ayant créé des histoires graphiques sans paroles.
Si Lewen était différent des autres et son travail était... magnifique. J'ai découvert l'existence d'un musée Si Lewen. Je les ai appelés pour demander comment obtenir les droits de reproduction des images pour ma présentation. Ils m’ont dit : « Aucune idée, appelez Si... » et m’ont donné le numéro et le mail de Si Lewen.
Je l’ai donc contacté. Il était charmant au téléphone, c’était un plaisir de parler avec lui.
Je lui ai dit qu’on avait peu de budget pour les droits, il m’a dit : « Art... Je ne veux pas d’argent, l’art n'est pas une marchandise ! » avec son accent allemand...
J’ai fini par le rencontrer et j’ai utilisé son œuvre en la mettant à l’honneur dans ma présentation. Puis nous sommes devenus de véritables amis. [...]
Quand je l’ai rencontré il était déjà très âgé, c’était trois ans avant sa mort, dans sa maison de retraite, et il m’a dit : « Vous savez, Art, ce qui me maintient en vie depuis si longtemps ? La curiosité ! Je veux savoir ce que je vais peindre demain ! »
Il était surpris tous les jours et cette curiosité lui permettait d’avancer.
Je me souviens qu’à la mort de Si, j’étais sous le choc, j'étais en France à ce moment-là, à Solliès-Ville. J’ai reçu un appel de sa famille. Ils m’ont dit : « ... Si est mort... » Et moi je l’avais vu à peine dix jours plus tôt... Ensuite, j’ai essayé de contacter des gens au New York Times, de trouver quelqu’un pour écrire sa nécrologie. Ils en ont parlé entre eux et ils m’ont dit : « Il n’a pas vraiment marqué l’art du XXe siècle... Alors si on lui consacre une nécrologie, c'est surtout parce que Art Spiegelman aime son œuvre »
J’aimerais pouvoir enfin leur donner tort, ils n'ont pas compris : je n'ai jamais dit qu'il avait marqué le XXe siècle mais qu'il était crucial maintenant, au XXIe siècle. Comme je l'ai écrit dans mon introduction : « The Parade est comme un requiem de free jazz bouleversant qui dépeint cette maladie chronique de l’humanité qu'est la guerre et qui garde hélas toute sa pertinence aujourd'hui. »
Même si l’on vit en ce moment dans un monde relativement en paix, je ne saurais dire combien de guerres font encore rage... C’est une sorte de fièvre, de folie grandissante, qui est dépeinte dans le livre et qui conduit à la disparition de l’empathie, cette capacité de s’identifier à autrui, dans un contrat social. Le monde devient de plus en plus dangereux, on mène une guerre contre l'environnement qui risque de nous tuer. Il essaye maintenant de se débarrasser de nous, le parasite qui le menace et il faudrait qu’on s’unisse face à ce combat...
Certains tableaux de Si parlent d'écologie, de ces autres combats à mener... The Parade se concentre sur le thème de la guerre et, avec l'effondrement actuel du monde, c'est une œuvre qui nous parle au présent mais surtout, malheureusement, au futur ».
Extrait de l’entretien filmé de Art Spiegelman diffusé dans l'exposition « Si Lewen, Parade »
Un film réalisé par Cyril Bérard en 2020
Si Lewen, The Parade. L’Odyssée d’un artiste. Une édition de Art Spiegelman. Flammarion, 2021. 150 pages, 150 illustrations, 65 €
Hôtel de Saint-Aignan
71, rue du Temple. 75003 Paris
Tél. : 01 53 01 86 53
Mardi, jeudi, vendredi : 11 h-18 h. Mercredi : 11 h-21 h. Samedi et dimanche : 10 h-19 h
Visuels
Si Lewen, The Parade © mahJ, photo Christophe Fouin © IRRP
Articles sur ce blog concernant :
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire