lundi 13 septembre 2021

« Soldats de Dieu » d’Elizabeth E. Schuch et de Kostas Koutsoliatos

Arte diffusera 
le 18 septembre 2021 « Soldats de Dieu » (Soldaten Gottes), série en deux parties - «  Les enfants-soldats » (Sklaverei und Handel) et « Le siège de Malte » (Die Belagerung Maltas) - de Elizabeth E. Schuch et Kostas Koutsoliatos. « À travers le destin de deux enfants-soldats, une immersion dans le conflit qui opposa, au XVIe siècle, chrétiens et musulmans pour la domination de l’Europe. » Je remercie Ilana Ferhadian, Christophe Dard et Radio J de cesser de me plagier, et d'honorer ma note.


"Mare nostrum" ("Notre mer"), la mer Méditerranée fut, dès l'Antiquité, un lieu menacé par des pirates.

Au Moyen-âge et durant des siècles, dans le cadre du djihad, les pirates et corsaires Barbaresques se sont emparés des cargaisons de bateaux commerciaux, des équipages, des pèlerins et commerçants, ont effectué des razzias non seulement sur des côtes méditerranéennes de la péninsule ibérique à des iles grecques, mais jusqu'au nord du continent européen (Islande, Danemark, Scandinavie) 
pour réduire en esclavage hommes, femmes et enfants, et voler des biens.

Salé, Alger, Tunis et Tripoli sont devenus des ports de replis et de commerce - marchés aux esclaves - pour ces Barbaresques - dénommés alors "Maures" ou "Sarrasins" - face à des Etats européens divisés : par exemple, l'alliance instaurée en 1536 entre François Ier, roi de France, et Soliman le Magnifique, sultan de l'Empire ottoman, et durable durant deux siècles et demi.

Khizir Khayr ad-Dîn, dit « Barberousse », (1466-1546), a été un corsaire ottoman durant le règne de Soliman le Magnifique. Il a exercé les fonctions de "sultan, puis beylerbey (gouverneur général) de la régence d'Alger et de Capitaine pacha (grand amiral)". Il a pris aussi "le titre de sultan de Tunis en 1534 après la prise de la ville."

Dans "Captifs en Barbarie" (Payot, 2008), Giles Milton "narre les incroyables aventures de Thomas Pellow qui à l'âge de onze ans, en 1715, quitte sa Cornouailles natale afin de sillonner la Méditerranée comme mousse. Son navire investi, il devient l'esclave de Moulay Ismaïl, terrible souverain marocain, et doit se convertir à l'islam. Mais son ingéniosité attire l'attention du sultan, qui va lui confier la garde de son harem ainsi que des missions militaires. Plus de vingt ans après sa capture, Pellow parviendra à s'évader et sera l'un des rares esclaves européens survivants pouvoir raconter son histoire."

Des ordres catholiques dits rédempteurs sont fondés pour collecter l'argent nécessaire au rachat de leurs coreligionnaires captifs en "terre d'islam" par le paiement de rançons élevées ou l'échange de musulmans captifs. Citons l'ordre de la Très Sainte Trinité et des captifs, dénommé aussi ordre des Trinitaires ou Mathurins, ordre catholique créé vers 1194. En 1581, les Trinitaires libèrent à Alger 53 esclaves dont Miguel de Cervantes (1547-1616), auteur de Don Quichotte de la Manche. A leur retour en France, ces chrétiens libérés participent à des processions.

Quant à l'ordre de Notre Dame de la Merci ou Mercédaires, et l'ordre de Notre-Dame-de-la-Merci (Ordo Beatae Mariae de Mercede redemptionis captivorum en latin et Orden Real y Militar de Nuestra Señora de la Merced y la Redención de los Cautivos plus connu sous le nom de Orden de la Merced en espagnol), ordre militaire puis clérical, il a été créé en 1218.

"Pour effectuer leurs rachats, les rédempteurs devaient se procurer les sommes nécessaires dont une partie était fournie par le produit de leurs quêtes. En France les trinitaires purent installer leurs couvents dans le nord du pays et les mercédaires obtinrent le droit d'avoir des maisons dans le sud. A Marseille par exception on trouve les deux ordres représentés. Bien souvent à partir du XVIIIe siècle, ces deux Ordres organisèrent ensemble leurs missions de rachat en terre africaine, et ensemble ils revenaient en France avec leurs captifs libérés. Dès leur retour, pères et anciens esclaves rendaient grâces à Dieu en accomplissant des processions imposantes, ils recueillaient également ainsi des aumônes qui leur permettaient de préparer d'autres rédemptions.... Les rédemptions réalisées par les deux ordres de la Trinité et de la Merci prirent fin quelques années avant la Révolution ; il semble que la piraterie avait diminué à cette époque, notamment chez les corsaires marocains. La dernière procession d'action de grâces eut lieu en 1785 : trois cent quinze captifs avaient été rachetés à Alger par deux pères trinitaires, les pères Gaspard Perrin, ministre de la maison de Marseille, et Jacques-Cesar-François Camusat, ministre de celle de Lisieux, et deux pères de la Merci, le père Cloud Chevillard, vicaire général à la congrégation de Paris, et le père Joseph Aubanel, commandeur de la maison de Marseille. On fit une première procession de l'abbaye de Saint-Antoine à Notre-Dame de Paris, et comme précédemment, chacun des deux ordres eut sa propre procession : celle des trinitaires eut lieu le 18 octobre et se rendit à  l'église de Notre Dame de la Merci; le lendemain les mercédaires allèrent chez les mathurins. A la fin de l'Ancien Régime, une tradition s'était installée dans la réalisation de ces processions de captifs rachetés : de Marseille à Paris et jusqu'à leurs provinces d'origine, on suivait le même cérémonial dans chacun des villes où l'on passait. L'accueil fait par les autorités ecclésiastiques et civiles était fixé ainsi que l'ordre de marche des pénitents et des rédempteurs. Les deux ordres de la Sainte Trinité et de la Merci, jadis rivaux, avaient fait alliance et avec une fidèle constance échangeaient des processions de politesse réciproque après la procession commune. S'il y eut encore des captifs, la course barbaresque ne s'étant pas arrêtée avec la Révolution française, la tradition des processions d'actions de grâce s'est close avec la fin de l'Ancien Régime", a retracé Chantal de La Veronne Chantal (Quelques processions de captifs en France à leur retour du Maroc, d'Algérie ou de Tunis. In: Revue de l'Occident musulman et de la Méditerranée, n°8, 1970. unica. pp. 131-142)

Quelle différence entre un pirate et un corsaire ? "Un pirate travaille pour son compte, et ne partage son butin avec personne si ce n’est son propre équipage. Un corsaire opère surtout en temps de guerre et sert les intérêts de son pays en s’attaquant aux ennemis de celui-ci. Il agit avec l’autorisation de son État et peut se voir remettre une « lettre de marque » ou « commission », qui définit la durée de sa mission – généralement deux à quatre mois –, et les nations ennemies auxquelles il peut s’attaquer. Lorsqu’il y a capture, le corsaire doit ramener le bateau pris dans un port ami, où la cargaison fait l’objet d’un inventaire en bonne et due forme et où les capitaines des deux navires ainsi que des membres d’équipage sont auditionnés pour connaître les conditions de la capture. En France, dès le XVIIe siècle, ces documents sont envoyés au Conseil des prises, qui décide s’il s’agit d’une « bonne prise » ou d’une « mauvaise prise », faite sur un État allié ou neutre… Cela peut prendre plusieurs semaines. Dans le cas d’une bonne prise, le navire et sa marchandise sont vendus aux enchères, et le produit de ces ventes est réparti entre le roi, qui en récupère 10 %, les veuves de marins et œuvres diverses, et enfin l’équipage et l’armateur du bateau qui se partagent les 80 % restants. Il faut ajouter que pirates et corsaires ne bénéficient pas du même statut juridique s’ils se font prendre. Le pirate est généralement exécuté après un procès rondement mené, le corsaire est lui considéré comme un prisonnier de guerre et, à ce titre, peut être échangé contre d’autres prisonniers de guerre", a distingué Gilbert Buti, professeur émérite d’histoire à Aix-Marseille Université, chercheur à la MMSH-CNRS-TELEMME (Aix-en-Provence), et co-directeur avec Philippe Hrodej de la publication "Histoire des pirates et corsaires, de l'Antiquité à nos jours", (CNRS éditions, 2016).

Et cet historien de préciser
"La course commence à s’institutionnaliser autour du XVe siècle – il existait au Moyen Âge un « droit de représailles » autorisant les navires ayant été dépouillés à se venger sur un navire de même nationalité que leur assaillant – et se précise au XVIe siècle. On connaît tous le nom de Francis Drake, qui a beaucoup fait pour le règne de la reine Élisabeth Ire d’Angleterre en la dispensant de passer par le Parlement pour lever l’impôt – celle-ci a d’ailleurs fini par l’anoblir pour le remercier de ses services. Mais l’âge d’or des corsaires, c’est vraiment le XVIIe siècle et la période du règne de Louis XIV. Trois nations sont particulièrement actives : la France, l’Angleterre et les Provinces-Unies – les actuels Pays-Bas. Les corsaires, pour un État, sont bien souvent le moyen de compenser une marine de guerre insuffisante...
Après la bataille de la Hougue, en 1692, qui a vu l’escadre de Louis XIV battue par les Anglais et les Hollandais, la France n’a plus les moyens de se payer une flotte pour mener une guerre d’escadre et pousse à l’intensification de la guerre de course, qui présente le double avantage d’affaiblir l’ennemi et de fournir des recettes supplémentaires à l’État. Il existe d’ailleurs des « armements mixtes » parmi les navires corsaires. Dans ce cas, c’est directement l’État qui loue ou prête ses bâtiments militaires à un armateur privé. René Duguay-Trouin, le célèbre corsaire malouin, en est une bonne illustration : il a d’abord été corsaire sur des navires de commerce armés pour la course, puis comme officier sur des navires de la marine royale. Il en est de même pour Jean Bart. Surcouf, en revanche, n’a jamais voulu intégrer la marine d’État...
Dans tout corsaire, il y a un pirate qui sommeille… Ainsi, les corsaires « oublient » parfois de respecter les procédures. Par exemple, les corsaires malouins mouillaient devant le cap Fréhel où ils mettaient à l’abri une partie de la cargaison, avant de faire leur entrée officielle à Saint-Malo. Certaines pratiques en mer étaient également à la limite entre course et piraterie. Le « pluntrage » était une habitude qui consistait pour chaque membre d’équipage à se servir sur son alter ego à bord du navire capturé : le pilote s’emparait de la cloche du pilote adverse, le capitaine s’emparait de l’argent et du sabre de son homologue… Mais ce qui était une tolérance connaissait bien des débordements."
« Entre reconstitutions et éclairages d’historiens, ce documentaire-fiction « Soldats de Dieu » (Soldaten Gottesretrace la lutte acharnée que se livrèrent chrétiens et musulmans pour le contrôle de la Méditerranée au XVIe siècle ». 

« À travers le destin de deux soldats, il montre l’expansion de l’Empire ottoman, le mode de recrutement des janissaires et l’influence des puissants ordres militaires chrétiens ». 

« Une plongée dans une époque où les conflits religieux étaient inséparables d'enjeux politiques et économiques majeurs ».

1ère partie : «  Les enfants-soldats » (Sklaverei und Handel)
« Au milieu du XVIe siècle, chrétiens et musulmans ottomans se livrent une guerre sans merci et s’affrontent, notamment, en Méditerranée. »

« Enrôlé de force et converti à l’islam, un jeune paysan grec de 14 ans intègre ainsi, sous le nom de Hasan, le corps d’élite des janissaires de l’Empire ottoman ». 

« Esclaves de la Sublime Porte », s'ils survivent, les janissaires constituent une élite au sein de l'Armée (fantassins) et de l'administration de cet Empire. Ils correspondent au devchirmé (« le ramassage » ou « la récolte », en turc) - « impôt sur le sang » ou « tribut du sang » -, un mode ottoman de recrutement contraint annuel effectué par les armées du sultan qui réquisitionnent des garçons chrétiens, entre l'âge de 8 à 18 ans, vivant dans les Balkans et l'Anatolie.
 
« De son côté, Raymond, un jeune noble français à la foi guerrière, s’engage à Malte dans l’Ordre de Saint-Jean de Jérusalem, dont le prestige découle des croisades ». 

« Quelques années plus tard, le jeune chevalier commande, grâce à sa maîtresse Maria – une riche veuve armatrice – un navire corsaire qui multiplie les raids contre les Ottomans. » 

« Le soldat de la foi et le combattant d’Allah croiseront le fer dans une bataille décisive ».


« Victorieux, Hasan est promu officier janissaire et Raymond, réduit à l’esclavage sur une galère ottomane. »

« En 1565, la flotte de Soliman le Magnifique, qui règne sur près des deux tiers du bassin méditerranéen, quitte Constantinople avec mission de détruire l'Ordre de Saint-Jean et de s’emparer de Malte ». 

« Proche de l’Italie, l’archipel constitue la base navale idéale pour les Ottomans qui ambitionnent de prendre Rome et d'envahir l’Europe par le sud ». 

« Maria, la maîtresse de Raymond, rachète la liberté de ce dernier ».

« Quand les troupes du sultan entreprennent le siège de Malte, le jeune chevalier se porte volontaire pour défendre le stratégique fort Saint-Elme, dont Hasan et ses janissaires vont entreprendre le siège ».



« Soldats de Dieu » d’Elizabeth E. Schuch et de Kostas Koutsoliatos 
Royaume-Uni, 2019, 2 x 52 minutes
Production : Urban Canyons, Paul Parker Films, ZDF, ORF, en association avec ARTE
Sur Arte le 
«  Les enfants-soldats » : le 18 septembre 2021 à 20 h 50 et 28 septembre 2021 à 1 h 50
« Le siège de Malte » : le 18 septembre 2021 à 21 h 45 et 28 septembre 2021 à 2 h 45
Visuels © Sebastian Peiter

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