mercredi 31 mars 2021

De la concorde à la rupture. Un siècle de vie religieuse en France (1801-1905)


En 2002, le Centre historique des Archives nationales-Musée de l’histoire de France a évoqué, grâce à des documents exceptionnels, « l’exception cultuelle française » initiée au XIXe siècle par Napoléon Bonaparte (1769-1821), alors Premier consul de la République. Apparaît un Concordat instituant le régime des cultes reconnus, une vitalité plurielle religieuse dans le cadre national et sous le contrôle de l’Etat. Le 22 mars 2021, une majorité du conseil municipal de Strasbourg dirigé par l'écologiste Jeanne Barseghian (EELV) a accordé une subvention de 2,5 millions d'euros pour la construction d'une mosquée dont les promoteurs sont suspectés d'être islamistes. 


Le titre de l’exposition révélait le défi à relever. Ses commissaires ont abordé la vie religieuses sous plusieurs angles : l’organisation politique et administrative matricielle par Bonaparte des cultes catholique, protestants et juif, la pratique quotidienne ou exceptionnelle (processions), essentiellement celle catholique, l’enseignement cultuel, les enjeux politiques, etc. 

« Tableaux, textes originaux et leurs traductions, gravures, caricatures, objets liturgiques, jeux d’enfants, vêtements, souvenirs de processions et de pèlerinages, chromos et photos, etc. restituent un climat religieux » qui s’épanouit « à l’ombre contraignante et protectrice des pouvoirs publics ».

Ce panorama s’achève avec la séparation des Eglises et de l’Etat en 1905, prélude aux débats les plus contemporains sur la laïcité, évoquée par deux documentaires, et l’organisation du culte musulman.

Un livret gratuit reprenait les textes didactiques des panneaux et présentait les pièces exposées. 

La scénographie claire s’avérait particulièrement instructive.

Concordat
Le « 26 messidor an IX, six signatures étaient apposées au bas d'un traité âprement négocié entre le Saint Siège et le Premier consul, celles notamment de Joseph Bonaparte et de Bernier pour Napoléon Bonaparte, de Consalvi avant tout pour Pie VII. Le Concordat était signé mais il n'entrera pas en vigueur avant sa promulgation solennelle, le 18 avril 1802, le jour de Pâques, à Notre-Dame, dans la vieille cathédrale parisienne rendue au culte catholique », a écrit Claude Langlois, directeur d'études à l'École pratique des hautes études-Sciences religieuses.

Entre ces deux dates, « il a fallu mettre à bas deux épiscopats, le constitutionnel et le réfractaire, pour faire la place à un troisième, et faire avaliser les clauses de l'accord par la curie romaine résignée et par les assemblées consulaires rétives. Bonaparte usa pour convaincre ces dernières de l'adjonction, immédiatement dénoncée par Rome, des articles organiques qui réintroduisaient le gallicanisme parlementaire et avalisaient la reconnaissance conjointe des cultes protestants. Pour l'essentiel, par le Concordat, le catholicisme retrouvait sa place dans la société après les déchirures et les violences de la Révolution », a résumé Claude Langlois.

Et de poursuivre : « Bonaparte nommera les évêques comme le faisait » le roi « Louis XVI et contrôlera les affaires de l'Église catholique à la manière de Joseph II. Rome n'avait obtenu en contrepartie qu'une reconnaissance de fait : le catholicisme était la religion d'un Premier Consul, qui n'en avait guère, et celle de « la très grande majorité des citoyens français », constat qui pouvait se lire de deux manières : le catholicisme n'était plus la religion officielle de la France, mais restait, malgré la récente déchristianisation, celle des Français ».

Le Concordat générait paix et stabilité. 

L’annonce de ce Concordat coïncide avec la paix d'Amiens, période de paix qui débute par le Traité d'Amiens signé le 25 mars 1802 entre d'une part le Royaume-Uni, et d’autre part la France, l'Espagne et la République batave (actuels Pays-Bas) et s’achève le 18 mai 1803. Le traité d’Amiens met fin à la guerre entre la France et l’Angleterre. Il confirme que la France possède la Belgique et le port d'Anvers, et récupère ses colonies. L’Empire s’affirme comme puissance mondiale commerciale et politique. 

Elle « précède le plébiscite de l'an X (consulat à vie) où pour la première fois, sans manipulation des résultats, contrairement à ce qui s'était passé en l'an VIII, Bonaparte bénéficia de l'approbation de près de la majorité du corps électoral, score jamais atteint lors d'élections de ce type durant la Révolution et l'Empire ». 

Après la période révolutionnaire mouvementée, le « Concordat, le Code civil, l'Université constituent les masses de granit sur lesquelles est comme posée la société française ».

Le Concordat « aussi, à sa manière, participe à la sécularisation de l'État : celui-ci maintenant ne reconnaît que les cultes, voie médiane, manière administrative. Ce choix s'écarte à la fois de la pratique ancienne, pluriséculaire, qui faisait du catholicisme et de ses croyances la religion du royaume ; mais aussi il prend ses distances vis-à-vis de la nouveauté révolutionnaire, libérale en ses débuts, selon laquelle « nul ne peut être inquiété pour ses opinions mêmes religieuses » (article 10 de la Déclaration des droits de l'homme) ».

L'État « en ne reconnaissant que les cultes, se déclare athée sans le dire, mais à un double titre : il est indifférent aux croyances, n'ayant pas à adhérer à l'une plutôt qu'à l'autre ; il n'a pas surtout à choisir de croire, mais seulement à prendre en considération ceux qui croient, sans contraindre ceux qui ne croient pas ».

Le Concordat inspirera des dirigeants européens, et au début du pontificat de Pie IX, en Amérique latine. 

Selon Claude Langlois, le « système concordataire ou, en termes plus juridiques, le régime des cultes reconnus, s'est développé en prenant appui sur quatre piliers ».

Le « premier est constitué par le renforcement du pluralisme confessionnel, grâce à l'incorporation parmi les cultes reconnus du judaïsme, effectif entre 1807 (réunion du Grand Sanhédrin) et 1831 (rémunération des rabbins) ». 

Le « deuxième, par l'élargissement des bénéficiaires grâce à la prise en compte des congrégations catholiques - avant tout les congrégations de femmes, hospitalières puis enseignantes - reconnues par vagues successives entre 1809 et 1860 ».

Le « troisième pilier est financier : dès la fin des années vingt les dépenses des cultes sont portées à un niveau élevé, supérieur jusqu'en 1880 aux dépenses de l'État pour l'instruction publique; elles comprennent la rémunération des clergés mais aussi l'aide à l'entretien et à la création des édifices cultuels ». 

« Quatrième pilier, le plus visible, la création immédiate d'un ministère des cultes : plus qu'un symbole, une administration ; moins pourtant qu'un vrai ministère puisque, sauf à sa création, celui-ci dépendra toujours d'un autre, l'Intérieur, la Justice ou l'Instruction publique, triangle obligé du contrôle étatique sur la Religion ».

Le Concordat français « aurait pu tôt disparaître - comme tant d'autres ailleurs, plus tard - à la première alarme, plus précisément dès la fin de l'Empire. Il a survécu à la longue querelle » entre le pape Pie VII et l’empereur Napoléon 1er et, « sous la Restauration, à la proclamation du catholicisme comme religion de l'État et à la négociation inaboutie par Louis XVIII d'un autre concordat. Il n'a pas été touché, malgré le tumulte, par le Syllabus et par la radicalisation idéologique d'un catholicisme où l'intransigentisme doctrinal l'emporte pour un long temps sur la capacité d'une papauté affaiblie à passer des accords contractuels ».

Les lois laïques adoptées au début de la IIIe République n’ont pas entamé le Concordat en raison de « la volonté conjointe » du pape Léon XIII (1810-1903) et de Jules Ferry (1832-1893), ministre de l'Instruction publique et des Beaux-arts et Président du Conseil, « de ne pas aller jusqu'à la rupture ». Le Concordat « a seulement sombré en 1905 face à l'exacerbation des passions liées à l'affaire Dreyfus, à la relance de la question scolaire qui conduira à l'interdiction d'enseigner des congrégations (1904), à la volonté radicale d'en découdre, à la riposte romaine de ne pas transiger ».

Ainsi « l'on vint à bout d'un siècle de Concordat même si l'ultime solution trouvée, par Briand ou Jaurès, fut plus modérée que celle imaginée par le petit Père Combes ».

Le Concordat a-t-il entièrement disparu ? « Certes la loi de Séparation est toujours en vigueur, elle qui, dans la formule lapidaire de son article 2 – « La République ne reconnaît, ne salarie, ni ne subventionne aucun culte » - résume parfaitement en quoi justement a consisté le système concordataire : les cultes, leur financement, leur reconnaissance. Et pourtant, depuis 1908, « l'État, les départements et les communes » peuvent engager des dépenses pour entretenir les bâtiments, églises principalement, du culte catholique qui sont passés à leur charge, après le refus de Pie X d'accepter les associations cultuelles ; et pourtant la République, bien qu'une et indivisible, depuis 1919, reconnaît les trois cultes concordataires et salarie leurs représentants en Alsace-Moselle ; et pourtant depuis quelques années le ministre de l'Intérieur se dit aussi avec une insistance suspecte ministre des cultes et n'a de cesse de trouver les manières pour faire « reconnaître » l'islam en France... Impossible retour du Concordat, incontournables pratiques concordataires », a analysé Claude Langlois.

Judaïsme
Sous le règne de l’empereur Napoléon Ier (1804-1814), les Juifs sont évoqués lors de la séance de Saint-Cloud et des débats du Conseil d’Etat du 30 avril 1806.

Le 26 juillet 1806, l’Assemblée des Notables se réunit.

Le 6 octobre 1806 (24 de tisri 5567), l’Adresse de l’Assemblée des députés des Israélites de France et du royaume d’Italie relative à la convocation d’un Grand Sanhédrin loue, en français et en hébreu, « les bienfaits attendus » - « délivrance et félicité » - de l’ouverture d’un grand Sanhédrin « dans la capitale de l’un des plus puissants empires », cet « événement à jamais mémorable pour les restes des persécutés des descendants d’Abraham, un de délivrance et de félicité... une effusion de joie ». 

Institué le 10 décembre 1806, le Grand Sanhédrin est une cour suprême juive  qui réunit soixante-et-onze rabbins et est présidé par David Sintzheim, rabbin de Strasbourg, beau frère de Cerf Berr, philanthrope et politicien alsacien. Dans l’Antiquité, le Sanhédrin constituait le principal corps législatif et judiciaire du peuple juif.

L’empereur Napoléon Ier  convoque le Grand Sanhédrin en séance solennelle à l'Hôtel de Ville de Paris le 9 février 1807 pour « donner une sanction religieuse aux principes exprimés par l'Assemblée des notables en réponse aux douze questions qui lui avaient été soumises par le gouvernement ». 

Les douze questions sont les suivantes :
Première question : Est-il licite aux Juifs d'épouser plusieurs femmes ?
Deuxième question : Le divorce est-il permis par la religion juive ? Le divorce est-il valable sans qu'il soit prononcé par les lois contradictoires à celles du Code français ?
Troisième question : Une Juive peut-elle se marier avec un Chrétien et une Chrétienne avec un Juif ?
Quatrième question : Aux yeux des Juifs, les Français sont-ils leurs frères ou sont-ils des étrangers ?
Cinquième question : Dans l'un et dans l'autre cas, quels sont les rapports que leur loi leur prescrit avec les Français qui ne sont pas de leur religion ?
Sixième question : Les Juifs nés en France et traités par la loi comme citoyens français regardent-ils la France comme leur patrie ? Ont-ils l'obligation de la défendre ? Sont-ils obligés d'obéir aux lois et de suivre les dispositions du Code Civil ?
Septième question : Qui nomme les rabbins ?
Huitième question : Quelle juridiction de police exercent les rabbins parmi les Juifs ? Quelle police judiciaire exercent-ils parmi eux ?
Neuvième question : Ces formes d'élection, cette juridiction de police judiciaire sont-elles voulues par leurs lois ou simplement consacrées par l'usage ?
Dixième question : Est-il des professions que la loi des Juifs leur défend ?
Onzième question : La loi des Juifs leur défend-elle l'usure envers leurs frères ?
Douzième question : Leur défend-elle ou leur permet-elle de faire l'usure aux étrangers ?

La Décision du Grand Sanhédrin a été imprimée et publiée dans le Moniteur Universel du 11 avril 1807 (pp. 398-400). Un Préambule précède la réponse argumentée à chaque article.

Pour le Grand Sanhédrin, la question la plus délicate et celle ayant suscité les plus vifs débats en son sein était la troisième concernant les mariages mixtes.

La quatrième question reçut une réponse unanime : « La France est notre patrie, les Français sont nos frères ». 

A la question 6, sans concertation, les membres du Grand Sanhédrin affirmèrent étaient prêts à donner leur vie pour défendre la France.

Concernant la dixième question, ils soulignèrent que la loi juive ne prohibait aucune profession, et que, selon le Talmud, le père de famille qui laisse sans métier son fils est vu comme l'ayant préparé à la vie de voyou.

En ce qui concerne l'usure, l'assemblée a démontré que la loi juive ne l’accepte pas et recourt à un terme signifiant « intérêts », traduit de manière volontairement erronée par usure. Ce qui créer une confusion.

Majoritairement composée de laïcs, l’Assemblée rassure l’empereur Napoléon Ier : la juridiction rabbinique a disparu. 

Les députés des Juifs ont accepté les concessions réclamées par l'Empereur. Sans en évaluer toutes les conséquences sur la vie juive. 

Dans une étude précise (1867), Edouard Moyse (1827-1908), un des premiers peintres de la vie juive en France, illustre librement cette réunion du Grand Sanhédrin en février-mars 1807.

En mars 1808, trois décrets sont promulgués. L’un d’eux concerne la réorganisation du culte israélite.

En 1809, sont organisés les Consistoires israélites en treize circonscriptions.

"L'émancipation (1791) qui fit des Juifs des citoyens ne reconnut que les individus, déduction faite de leur appartenance collective (communautaire), qui se vit donc interdite de Cité. Mais ce moment fut suivi d'un deuxième événement, 16 ans plus tard, avec la convocation du « Grand Sanhédrin » par Napoléon 1er (1807). L'empereur ressuscitait le parlement juif de l'Antiquité, de l'époque du deuxième Temple de Jérusalem (dont l'UNESCO, sous influence islamique, vient scandaleusement de dénier l'existence), 19 siècles après sa disparition, pour y convoquer impérativement rabbins et hommes publics juifs de toute l'Europe napoléonienne (Italie, Hollande, Allemagne, France...) pour leur poser douze questions, supposées très embarassantes et dures. Ces questions annulaient en partie la citoyenneté dispensée par la Révolution, puisqu'elle obligeait les Juifs à se constituer en communauté (par l'obligation d'adhérer collectivement à une nouvelle institution, le Consistoire) tout en mettant en œuvre les modalités de leur intégration dans le corps national. Leur sort a dépendu alors de leurs réponses à ce questionnaire", a écrit Shmuel Trigano (Le Figaro, 30 novembre 2016).

Et de poursuivre : "Les Juifs renoncèrent à toute la partie de leur droit concernant les affaires civiles et politiques pour ne conserver que les lois cultuelles. Les débats du Sanhédrin étaient sous surveillance permanente. Le résultat s'imposait avant même d'être voté. Les Juifs renoncèrent à toute la partie de leur droit concernant les affaires civiles et politiques pour ne conserver que les lois cultuelles. Ils firent de l'obéïssance au Code civil un devoir religieux, allant jusqu'à suspendre les lois de la nourriture cacher pour les conscrits, le temps de leur service. Le tout fut consigné dans un document en français et en hébreu, sous le sceau de l'autorité rabbinique suprême et accepté en masse. La doctrine de l'exil aida les Juifs à répondre positivement à cet interrogatoire: le Talmud statue en effet depuis plus de 20 siècles que «la loi de l'Etat c'est la Loi» et que les exilés doivent rechercher le bien du pays dans lequel ils vivent (Jérémie 29, 7). Cette réforme du judaïsme s'accompagna d'un autre dispositif. Les Juifs se virent contraints d'adhérer à un «consistoire», une sorte de super-préfecture chargée de leur surveillance (dénoncer les vagabonds, ceux qui échappaient à la conscription...) sous gouverne de l'Etat. Napoléon alla encore plus loin, un an après, avec ce que les historiens appellent le «décret infâme», en condamnant pour 10 ans les Juifs à une situation d'exception dans la citoyenneté en matière de liberté économique... Le serment «more judaico» («selon la coutume juive») les obligeant à prêter serment sur leur livre saint pour toute affaire juridique restait toujours valide, entretenant la suspicion à leur égard".

Et d'analyser : "La France impériale se garda bien en ce temps d'appliquer cette procédure aux musulmans en Algérie - le djihad l'aurait menacée!- mais elle l'appliqua aux Juifs locaux, parias de la société ottomane. En 1830, le corps expéditionnaire français, par arrété du 16 novembre 1830, reconnaît l'existence de «la nation hébraïque» et le «Conseil Hébraïque» est créé par l'arrété du 21 juin 1831. L'ordonnance du 10 août 1834 privent les tribunaux rabbiniques d'une partie de leurs attributions, puis ceux ci sont supprimés par l'ordonnance du 28 juillet 1841. C'est au terme donc d'une réforme progressive sur le plan religieux, juridique et civil, dans la foulée du Sanhédrin, que les Juifs d'Algérie accédèrent à la nationalité française par le décret Crémieux en 1871. Une semblable procédure, quoique moins brutale, concerna les catholiques dont la condition fut réglée par une négociation d'Etat à Etat avec le Vatican qui aboutit au «Concordat». Il y avait là, certes, un Etat impérial, un pouvoir dictatorial et conquérant. Toujours est-il qu'ils ont créé une réalité historique. Le moment napoléonien a même donné à la France révolutionnaire une structure qui a perduré jusqu'à la crise de «1968» (précédée, sans doute, auparavant, en 1962, par le reflux d'Algérie). La crise de l'Etat qui a suivi et qui est toujours vivace n'a cependant pas connu, sur le plan de la réalité, quelque new deal que ce soit, si ce n'est la pression fédéraliste de l'Union Européenne que l'on sait. A l'heure actuelle, cependant, il n'y a objectivement pas d'autre France étatique que celle là. En déclin. Si on analyse sur un plan politologique cet épisode historique, on notera un triple enseignement. Il faut noter tout d'abord le fait que la France fut depuis toujours un Etat hyper-centraliste ne souffrant aucune concurrence possible. Si la monarchie fut gallicaniste sur le plan de la religion, Napoléon «mit au pas» les catholiques, la religion dominante, à travers le concordat avec le Vatican dont il dicta les conditions. Le caractère coercitif de son entreprise retentit tout au long du XIX° siècle avec la guerre des deux France, catholique et laïque. Le deuxième enseignement montre que, dans la logique de l'Etat central, l'intégration de religions et de communautés religieuses n'a rien à voir avec une question «idéologique» mais avec la nation, le corps politique étatique, le droit constitutionnel. Dans la nation, il ne doit y avoir qu'un seul «peuple», une seule identité culturelle, tel est l'héritage français, si différent du monde anglo-saxon. Le Sanhédrin et le Concordat visèrent d'abord à mettre un terme à la «nation juive» (exclus de la généralité sous l'Ancien régime, les Juifs étaient juridiquement «esclaves de la Cour» - Servi Camerae) et au clergé (un ordre transnational soumis au Vatican) pour qu'ils ne constituent pas des «Etats dans l'Etat». Cette politique soulève donc un enjeu national et politique. Ce n'est pas un contrat qui est alors passé avec les religions mais un pacte: l'Etat dicte ce qui doit être. Ce pacte vise à régler deux problèmes. C'est d'abord le sort de corps de population, au départ «étrangers» au sein du corps politique, qui est mis en jeu en vue de leur intégration (quoique uniquement comme individus et sujets de droit abstraits, condition pour que la société ne comportent plus d'ordres différents comme sous l'Ancien régime (Napoléon, quoique empereur était effectivement «Empereur des Français»). Le deuxième enjeu concerne la réforme à leur imposer (notamment dans le domaine du droit religieux et de ses retombées politiques) pour entrer dans le corps national. Comme ces corps sont hérités de l'Ancien régime, leur condition et leur réforme sont abordées sous la figure de leur religion mais ce qui est en jeu dans cette dernière, c'est leur rapport à la nation et au pouvoir plus que leur nature intrinsèque. L'enjeu national, politique, juridique fait que seul l'Etat est à même de gérer de façon régalienne ces questions. Les représentants ecclésiastiques et laïques de ces religions sont appelés alors à les réformer et spécialement le droit religieux de façon à mettre en acte leur allégeance exclusive à l'Etat et leur disposition à se fondre dans le corps national et à se régler sur le code civil. Ainsi leur sont posées des questions précises sur les éléments problématiques de leurs livres sacrés, pour voir comment ils les comprennent et si leurs enseignements rendent possible une vie en commun, sous réserve que, s'ils n'étaient pas conformes, ils devraient explicitement y renoncer. Ou s'en aller. Ce dernier aspect prend en France une ampleur considérable dans le cas de l'islam car ses fidèles jouissent souvent de nationalités de pays dont l'islam est la religion d'Etat et qui se sont constitués dans un conflit avec la France, générateur, de surcroît, d'une séparation des populations sur la base de la religion. La précédence du national sur le religieux (et encore plus, le culturel) est, dans ce processus, capital et décisif. C'est ce moment napoléonien qui rendra possible un siècle plus tard la laïcité de la Loi de 1901. Et c'est ce qui est aujourd'hui constamment occulté et dénigré. On veut faire l'économie du moment «national» dans l'intégration de l'islam et des musulmans, alors qu'il en est la condition. Or, c'est le principe de réalité. L'Etat contemporain s'est dénié sa souveraineté en s'avérant incapable, sur le plan de l'Autorité, d'assumer son rôle. Il s'est caché derrière le «dialogue inter-religieux», la régression indue des religions statutaires (catholicisme et judaïsme) à deux siècles en arrière, la quête d'une fraternité sans loi ni droit, ou de pieux souhaits de «convivance» et de wishful thinking".

En 1812, le grand rabbin David Sintzheim décède. La première synagogue consistoriale est inaugurée à Bordeaux.

En 1818, le roi Louis XVIII supprime le « décret infâme ».

En 1819, la première école consistoriale ouvre à Paris.

La prière pour le Roi et son fils est composée et récitée par le Grand rabbin dans la synagogue consistoriale lors de la fête du 29 nissan 5581 (1er mai 1821). Ainsi, les Juifs français marquent leur intégration à la Nation, inscrite dans la devise du Consistoire central « Religion et Patrie ». Un amour pour la patrie jamais démenti.

Le procès-verbal des élections consistoriales dans le ressort du Consistoire israélite de Colmar le 2 mai 1850 indique parmi les élus laïcs du Consistoire central : Adolphe Crémieux (1796-1880).

Les Juifs (re)construisent des synagogues au style néo-classique (Bordeaux, 1812), puis néo-byzantin (rue de la Victoire, 1865-1874) ou hispano-mauresque (Besançon, 1869). Leur aménagement intérieur comporte des éléments permanents - tribunes pour les femmes - ou controversés ou ayant suscité des débats, tels les motifs sculptés, l’orgue, les vitraux colorés, les peintures murales, le déplacement de l’estrade de lecture (bima) du centre de la synagogue vers l’Arche-Sainte, voire sa séparation du reste de l’espace par une balustrade.

Le carton d’invitation à l’installation de J-H Dreyfuss comme grand rabbin de Paris le 29 septembre 1891 (26 eloul 5651) révèle l’alternance des discours et l’usage de l’orgue introduit au XIXe siècle dans la liturgie israélite. 

A l’initiative du ministre de l’Intérieur chargé des Cultes, alors Bernard Cazeneuve, le gouvernement socialiste dirigé par Manuel Valls a songé en 2016 à un Concordat pour l’islam.

Le 22 mars 2021, une majorité du conseil municipal de Strasbourg dirigé par l'écologiste Jeanne Barseghian (EELV) a accordé une subvention de 2,5 millions d'euros pour la construction d'une mosquée promue par des individus suspectés d'être islamistes. "À terme, la mosquée, dotée de ses deux minarets s’élevant à 36 m de haut, doit pouvoir accueillir quelque 2 500 fidèles. La confédération du Milli Görüs est réputée proche du pouvoir turc. Elle est aussi très présente en France, notamment en Ile-de-France et en Alsace. L’organisation revendiquait quelque 150 000 membres il y a trois ans". Le principe de cette subvention a suscité des critiques. 

  
De la concorde à la rupture, Un siècle de vie religieuse en France (1801-1905). 2002. 7,62 €
1807-2007. Bicentenaire du Grand Sanhedrin. 2007. 26 pages. La couverture reproduit Le Grand Sanhédrin des Israélites de l'Empire français et du Royaume d'Italie par de Martrait. La quatrième de couverture est illustrée par une plaque pour la Torah de 1809.

Articles sur ce blog concernant :
Cet article a été publié en une version concise par Actualité juive hebdo. Les citations sur le Concordat sont de Claude Langlois. Cet article a été publié le 3 août 2016.

« Le ciel en héritage » de Patrick Guérin et Gérard Maoui


« Le ciel en héritage », ce beau livre de Patrick Guérin et Gérard Maoui présente avec clarté, précision et quasi-exhaustivité les débuts et l’essor de l’industrie aéronautique en France, dans un contexte mondialisé et caractérisé par des relations parfois ambiguës entre le « politique » et les fabricants. Arte diffusera le 3 avril 2021, dans le cadre d'"Invitation au voyage", "Toulouse" avec notamment un reportage sur l'"épopée de l'Aéropostale".

La naissance d’une industrie vite exportatrice (1908-1958) aborde les entrepreneurs - constructeurs et sous-traitants -, leurs « machines volantes », les motoristes, les premiers missiles tactiques et les balbutiements de la conquête de l’espace.

L’aviation moderne (1958-2000) continue d’embrasser les volets civil et militaire, et décrit l’avènement de la réaction, la conception des missiles comme partie intégrée du système d’arme, le développement de lanceurs et satellites, l’importance des équipementiers et aborde les défis depuis les attentats terroristes islamistes du 11 septembre 2001.

Avions, hydravions et hélicoptères sont étudiés.

Dès les débuts, apparaît le rôle éminent du politique, celui décisif de l’Armée dans la survie et l’essor d’une activité encore quasi-artisanale lors de l’avant-guerre est expliqué, puis ceux de l’OTAN (Organisation du traité de l'Atlantique Nord) et de l’Union européenne expliqués.

Quid des modes de décision politique : programmes militaires souvent modifiés, parfois peu adaptés in fine, etc. ? Quid de la pertinence du choix de très grande capacité du futur avion de transport ?

Doté d’une iconographie très belle, cet ouvrage rassemble en encarts les vies et fusions des fabricants et en annexes les coordonnées des acteurs du secteur. Un index aurait été utile.

"Aviation électrique"
Arte diffusa les 22 janvier à 22 h 25, 25 janvier à 16 h 25 et 28 janvier 2016 à 8 h 55 Aviation électrique. Le nouvel âge des pionniers de l’air, Arno Trümper (2015, 53 min). "Il y a un siècle, l’invention du moteur à combustion interne fut à l’origine du développement de l’aéronautique. Aujourd’hui, le monde est à la veille d’une nouvelle révolution avec l’avion électrique, potentiellement propre, performant et même élégant. À l’image des pionniers de l’aviation moderne, certains tentent de repousser les limites d’une technologie qui prend son envol en créant leur propre avion électrique. C’est le cas de Bertrand Piccard, inventeur du petit modèle Solar Impulse. Ou de l’ingénieur Calin Gologan, avec son monoplace Elektra One, dont le premier vol a eu lieu en 2011. Des essais sont actuellement en cours pour faire de cette création le premier avion électrique produit en série. Le réalisateur Arno Trümper a suivi Calin Gologan pendant deux ans, assistant notamment à la préparation de l’étape ultime, censée prouver la fiabilité de l’engin : la traversée de la Méditerranée. Ce fascinant documentaire relate la minutieuse préparation, en vue de la traversée de la Méditerranée, du prototype conçu par l'ingénieur Calin Gologan".

"Les pionniers de l'avion à réaction"
Arte diffusa les 22 juillet 2018 à 1 h 35 et 7 août 2018 à 10 h 25, Les pionniers de l'avion à réaction (Siegeszug Des Düsenjets)documentaire de Mira Thiel et Birgit Tanner. "Dans les années 1930, un Anglais et un Allemand inventent quasiment en même temps, sans jamais se rencontrer, une technique qui va révolutionner l'aviation : le turboréacteur. Au début des années 1930, le jeune Hans Pabst von Ohain est étudiant en physique. À ses heures perdues, il pilote des planeurs. La première fois qu'il monte dans un avion à hélice, un Junkers Ju 52, il est effaré par le bruit et les odeurs de gaz d'échappement. Il se met immédiatement à réfléchir à un système susceptible d'améliorer la propulsion des avions à moteur et imagine le principe du "réacteur". Mais le premier essai de l'engin fabriqué selon ses indications n'est pas concluant. Et il ignore que dans le même temps, un autre passionné d'aviation tente de mettre au point un système équivalent".

"Le Britannique Frank Whittle, qui a réalisé son rêve d'enfance en devenant pilote dans la Royal Air Force, trouve les biplans de l'armée de l'air beaucoup trop lents. Pour aller toujours plus vite et plus haut, il a lui aussi compris que l'hélice n'est pas le meilleur des propulseurs. Cinq ans plus tôt, il a donc eu la même idée que von Ohain. Mais il n'a que 22 ans, n'est pas ingénieur et son projet de réacteur est rejeté par la hiérarchie militaire. Il faudra à ces deux inventeurs une obstination hors du commun pour imposer leur vision. C'est chose faite le 28 août 1939 pour l'Allemand, avec le vol réussi du Heinkel HE 178, et le 15 mai 1941 pour le Britannique, dont le réacteur est construit non pas en Angleterre, mais aux États-Unis". 

"Parallèlement à l'histoire mouvementée de ces deux pionniers, le documentaire présente la construction d'un turboréacteur de nouvelle génération".

"L'Aéropostale"
Arte diffusa le 3 avril 2021, dans le cadre d'"Invitation au voyage", "Toulouse" avec notamment un reportage sur l'"épopée de l'Aéropostale".

"Dans les rues toulousaines, riches bâtiments et anciens ateliers témoignent de l'aventure de l’Aéropostale. Au début du XXe siècle, sous l’impulsion de l’entrepreneur Pierre-Georges Latécoère, la cité devient un point d’ancrage pour tous ceux qui veulent conquérir le ciel."

Arte évoque sur son site Internet "Guillaumet prisonnier des Andes". "Plus d'une centaine de pilotes, mécanos, radio sont morts en service pour avoir voulu livrer le courrier, coûte que coûte. Ces disparus ont forgés la légende de l'Aéropostale. Mais il faut aussi parler des miraculés, ceux qui ont survécu grâce à une volonté inflexible. C'est le cas du pilote Henri Guillaumet, surnommé l'ange de la Cordillère." 

Arte propose sur son site Internet dans le cadre de ses reportages, "Aéropostale : cap sur l’Afrique". "Dès le mois de mai 1923, les lignes aériennes Latécoère rallient Dakar en faisant étape au Maroc et en Mauritanie. C’est sur ce parcours que des pilotes de légende, Saint-Exupéry, Reine ou Guillaumet, ont fait leurs armes. Un siècle plus tard, les équipages du raid Latécoère-Aéropostale survolent chaque année la Ligne, à la rencontre des habitants et de leurs pays."
"Alors qu’il venait de fonder en 1918 la compagnie qui deviendra l’Aéropostale, Pierre-Georges Latécoère ambitionne déjà de passer les Pyrénées et l’Espagne pour relier la France au continent africain."
"La prouesse est réalisée en moins de cinq ans. Dès le mois de mai 1923, les lignes aériennes Latécoère rallient Dakar et les étapes jalonnent toute la côte Atlantique, du Maroc à la Mauritanie et au Sénégal. C’est sur ce parcours que des pilotes de légende, Saint-Exupéry, Reine ou Guillaumet, ont fait leurs armes."
"Un siècle plus tard, les équipages du raid Latécoère-Aéropostale survolent chaque année la Ligne, à la rencontre des habitants et de leurs pays. Jusqu’à Dakar, porte de l’Atlantique-Sud. Embarquement immédiat aux côtés des équipages du Raid Latécoère."

Arte propose sur son site Internet le reportage "Aéropostale : 100 ans après". « Relier les hommes et les continents par l’aérien ». Il y a 100 ans, naissait l’ambitieux projet de Pierre-Georges Latécoère. Un petit groupe de pionniers se lançait avec ferveur dans un pari insensé : une ligne aérienne, reliant la France à l’Afrique et à l’Amérique du Sud… Ce trajet mythique, un survol de plus de dix pays sur trois continents, rassemble des pilotes de légende : Guillaumet, Saint-Exupéry ou Mermoz et devient le raid le plus long du monde."

"Aujourd’hui, des pilotes passionnés (Français, Suisses, Portugais, Brésiliens, Argentins) participent au Raid Latécoère, animés par l’esprit de cette épopée. Transmettre une mémoire et un héritage communs en ralliant toutes les étapes de l'ancienne ligne, afin de retisser le lien entre les pays et les hommes créé par l'Aéropostale, en distribuant le courrier sur trois continents. L’objectif avoué du Raid Latécoère : faire figurer cette ligne mythique sur la liste emblématique du Patrimoine Mondial de l’Unesco. Embarquement immédiat pour l’Argentine et le Brésil aux côtés des équipages du Raid Latécoère."

"ARTE Junior le Mag -  30 décembre 2018" revient sur l'Aéropostale. "L'Aéropostale était la première compagnie aérienne a distribuer du courrier sur trois continents. Pour fêter ses 100 ans, nous avons accompagné le raid Latécoère Aéropostale - une bande de pilotes passionnés qui a refait la route de l'époque..."

"L’Étoffe des héros" 
Le 10 décembre 2017, Arte diffusa L’Étoffe des héros (1983), chef d'oeuvre réalisé par Philip Kaufman d'après un livre de américain Tom Wolfe, avec Fred Ward, Dennis Quaid, Ed Harris, Scott Glenn, Sam Shepard, Barbara Hershey, Lance Henriksen, Veronica Cartwright.
.
"À la fin des années 1950, les États-Unis se lancent dans la conquête spatiale... Portée par une brochette de comédiens charismatiques (dont Ed Harris, Dennis Quaid et Sam Shepard, récemment disparu), une fresque à grand spectacle, récompensée par quatre Oscars".

"À la fin de la Seconde Guerre mondiale, l'US Air Force mène dans une base du désert californien des essais sur un avion capable de voler à une vitesse supersonique. Après la mort de plusieurs pilotes, le vétéran Chuck Yeager réalise l'exploit de franchir le mur du son. Lorsqu'en 1957 l'Union soviétique lance son premier Spoutnik, une course contre la montre s'engage aux États-Unis. Mis sur pied par la Nasa, le programme Mercury doit permettre d'envoyer dans l'espace un équipage américain. Les sélections débutent pour choisir les "têtes brûlées" qui participeront, au péril de leur vie, à l'aventure…"


"Déroulés sur un peu plus de quinze ans, ces premiers pas de la conquête spatiale américaine sont racontés à la manière d'une épopée tumultueuse. S'attachant autant à la vie privée des intrépides pilotes qu'aux dangers qu'ils bravent au quotidien, Philip Kaufman n'occulte rien des prouesses et des défis technologiques relevés dans la sueur et les larmes. Il ne laisse pas non plus dans l'ombre les méandres de la politique et le grand barnum médiatique qui transforme ces pionniers de l'aéronautique en héros de la nation. Adaptée d'un roman éponyme de Tom Wolfe et servie par des comédiens charismatiques (Sam Shepard, que le film révéla comme acteur, mais aussi Ed Harris, Dennis Quaid…), une fresque de très haute volée".


Patrick Guérin et Gérard Maoui, Le ciel en héritage, un siècle d’industrie aéronautique et spatiale française. Préface de Hubert Curien. Le cherche midi éditeur, 2002. 288 pages. 45 €. ISBN : 2-86274-877-3

France, 2021, 38 min
Sur Arte le  3 avril 2021 à 16 h 25
Disponible du 27/03/2021 au 01/06/2021

Journaliste : Yannick Cador
France, Allemagne, 2018, 5 min
Disponible du 29/09/2018 au 01/10/2038

France, 2018, 26 min
Disponible du 14/12/2018 au 16/12/2021

Auteur : Yannick Cador
France, 2018, 25 min
Disponible du 28/09/2018 au 27/09/2021

France, Allemagne, 2019, 14 min
Disponible du 01/01/2021 au 03/01/2023

Les pionniers de l'avion à réaction (Siegeszug Des Düsenjets)documentaire de Mira Thiel et Birgit Tanner
Sur Arte les 23 juillet et 5 août 2016, 22 juillet 2018 à 1 h 35 et 7 août 2018 à 10 h 25

Visuels
Scène du film : Le retour triomphant des astronautes.
Présentation du casting : Fred Ward, Dennis Quaid, Scott Paulin, Ed Harris...
© Warner Bros

A lire sur ce blog :












Cet article a été publié en une version plus concise par Aviasport et sur ce blog le 12 février 2011, puis le :
- 26 janvier 2014. Histoire a diffusé le 27 janvier 2014 Les pionniers de l'aviation ;
- 20 avril 2015. Histoire diffusera les 21 avril et 1er mai 2015 Les pionniers de l'aviation ;
- 20 janvier et 21 juillet 2016, 10 décembre 2017 et 19 juillet 2018.

lundi 29 mars 2021

L'épopée du canal de Suez. Des pharaons au XXIe siècle


L’Institut du monde Arabe (IMA) présenta l’exposition « L'épopée du canal de Suez. Des pharaons au XXIe siècle ». L’histoire de la voie qui relie Port-Saïd sur la mer Méditerranée à la ville de Suez sur le golfe de Suez (partie au nord de la mer Rouge), en évitant de contourner l’Afrique : percement (1859-1869), rôle de Ferdinand de Lesseps, nationalisation de la compagnie du canal, guerres en 1956 et 1967, réouverture et agrandissement... Le 29 mars 2021, "l’Autorité du canal de Suez (SCA) a proclamé la « reprise du trafic » sur cette voie par où transite entre 10 % et 12 % du commerce maritime international. Tôt dans la journée avait été annoncé la remise à flot du porte-conteneurs géant Ever Given, qui obstruait le canal depuis le 23 mars 2021, provoquant des pertes évaluées à plusieurs milliards d’euros".
« Un peu d’imagination est un bon levain pour la lourde patte des entreprises humaines. »
Ferdinand de Lesseps
« Il n’y a pas plus Canaliste que moi, mais je veux que le Canal soit à l’Égypte et non pas l’Égypte au Canal. »
Le Khédive Ismaïl

Après « Osiris, mystères engloutis d’Égypte », l’Institut du monde Arabe (IMA) présente l’exposition « L'épopée du canal de Suez. Des pharaons au XXIe siècle  ».

« Le premier Canal a été creusé dix-huit siècles avant notre ère. Le 5 août 2015, en assistant aux côtés des présidents des républiques de France et d’Égypte à l’inauguration du doublement du Canal de Suez, je pensais que peu de pays ont, sur une aussi longue durée, pu étonner le monde par le gigantisme de leurs réalisations, à tel point que le mot pharaonique est entré dans l’usage courant pour qualifier tout ce qui est plus grand que la norme… Le Canal [a été] commencé par Sésostris III dix-huit siècles avant notre ère pour unir, en passant par le Nil, la Méditerranée à la mer Rouge, l’Occident et l’Orient. « L’Association des amis du souvenir de Ferdinand de Lesseps et du Canal de Suez » qui gère le patrimoine culturel de l’ancienne compagnie internationale, nous a apporté un soutien total. Notre exposition ne montre pas une histoire française du Cferanal mais une histoire véritablement franco-égyptienne, comme peuvent le faire deux peuples amis, quelles qu’aient pu être les divergences du passé. On partagea de grands moments, comme celui de l’inauguration par le Khédive Ismaïl en présence de l’Impératrice Eugénie d’une œuvre qui symbolisait le renouveau de l’Égypte. On s’affronta aussi, comme en 1956 lors de l’agression conduite par la France, le Royaume-Uni et Israël à la suite de la nationalisation du Canal par le président Nasser », a écrit Jack Lang, président de l’IMA.

L’IMA « retrace l’une des plus passionnantes entreprises humaines : l’Épopée du Canal de Suez. Des Pharaons à Ferdinand de Lesseps, du projet de Bonaparte à la nationalisation sous Nasser, cette saga extraordinaire de plus de 4000 ans est mise en scène dans une exposition-événement réunissant les personnalités puissantes, les défis surhumains, les anecdotes, les temps forts qui ont ponctué l’histoire singulière de ce lieu symbolique, jonction entre trois continents : l’Asie, l’Afrique et l’Europe ».


« Raconter cette histoire, c’est montrer l’Histoire du monde et des grandes civilisations qui se sont alliées et confrontées sur ce point névralgique du commerce entre les hommes, entre le Nord et le Sud, l’Est et l’Ouest. C’est aussi faire voir la renaissance à la fois politique, économique et culturelle du plus vieil État du monde ».

« Objets archéologiques, maquettes, photographies, films d’époques… ponctuent le parcours qui déroule l’Histoire de l’Égypte et celle du monde dans cette exposition fleuve qui part des Pharaons pour entraîner les visiteurs jusqu’aux tous derniers travaux contemporains d’extension et de dédoublement » au XXIe siècle.

« Suivant un principe cinématographique, l’exposition propose une entrée en matière directe et immersive au visiteur en le plongeant au cœur de l’inauguration de 1869, puis lui fait remonter le temps en reprenant le développement historique de cette épopée ».

Déjà les Pharaons… (1850 av. J.-C.)
« C’est le Pharaon Sésostris III qui, en reliant le Nil à la Mer Rouge, va le premier, 18 siècles avant notre ère, rendre la navigation possible entre la Méditerranée et les mers du Sud. Ce Canal antique, ensablé parfois, régulièrement remis en état, va continuer à exister pendant plus de 20 siècles. Après qu’il soit devenu inutilisable, de nouveaux projets apparaissent à Constantinople ou à Venise, sans parvenir à voir le jour ».

« Le canal des pharaons reliait la Mer Rouge au Nil à la hauteur à l’actuelle ville du Caire, de manière, à utiliser la navigation sur le Nil. Le musée historique de Suez montre la reconstitution d’un voilier antique qui pouvait emprunte cette voie navigable. Ce voilier mesure 17 m de long, 5 m de haut et 5 m de large. Soit un volume de 400 m3 permettant le transport de 300 tonnes de marchandises. »

« La navigation fluviale a alors remplacé le transport à dos d’âne (le chameau n’arrive en Égypte qu’au début de l’ère chrétienne). Elle représente une véritable révolution dans le commerce : un âne transporte 100 kilos, un voilier 300 tonnes soit 300 000 kilos. Donc un voilier représente les capacités de 3000 ânes ! »

L’exposition « présente les œuvres antiques qui montrent l’importance du Canal pour l’Égypte : une histoire qui n’a cessé de façonner ce bout de Canal. Grâce à de nombreuses maquettes, le visiteur découvre ce que fut l’audace de ce chantier pharaonique pour lequel des machines sont inventées et mises pour la première fois à l’essai ».






Des pharaons à Venise (-1850 - +1505)
« L’idée de relier la Méditerranée et la mer Rouge remonte aux pharaons. Sésostris III (1878-1762 avant J.-C.) fait relier la mer Rouge au Nil, à Zagazic, dans le delta du Nil, au nord du Caire. Les voiliers mesurent entre 10 et 20 m de long ».

« Une stèle atteste que Darius, l’empereur de Perse, occupant de l’Égypte entre 521 et 486 avant Jésus-Christ, a achevé sa construction et veillé au bon entretien du Canal qui tend à s’ensabler. »

« Le Canal est de nouveau restauré par Ptolémée II vers 250 avant J.-C. »

« Au cours des mille années qui suivent, il est successivement modifié, détruit et reconstruit, notamment par Amru ben al-As en 640, et devient le « Canal du Commandeur des croyants ».

« Il est finalement détruit au VIIIe siècle par le calife Al-Mansur qui veut fermer les accès à la ville de Médine. »

« Au début du XVIe siècle, Venise est confrontée à la concurrence des Portugais dans le commerce avec l’Orient. Vasco de Gama a en effet découvert en 1498 une nouvelle route contournant l’Afrique par le cap de Bonne-Espérance. Les Portugais évitent ainsi de payer les taxes du sultan d’Égypte pour le commerce et le transport des épices ».

« La république de Venise a l’idée de creuser un Canal reliant la Méditerranée et la mer Rouge et envoie en 1504 son envoyé auprès du sultan, mais sans succès ».

« En 1586, un projet entrepris par le sultan de Constantinople est abandonné faute de moyens.

Vers l’Égypte moderne, ou quand le rêve se fait réalité (1797-1849)
« Le Canal de Suez est un projet égyptien parce qu’il prend place dans une Égypte en renaissance ».

« Après avoir été confrontée à la modernité européenne par Bonaparte, l’Égypte reprend vie à partir de 1806 sous le règne de Méhémet Ali et de ses descendants ».

« En 1798, Bonaparte débarque en Égypte. Les ingénieurs qui l’accompagnent étudient la possibilité de percer l’isthme de Suez sans passer par le Nil. Une première simulation de tracé est effectuée ».

« L’idée se poursuit après 1820, avec l’appui des partisans du saint-simonisme. »

« Plusieurs projets de Canal sont présentés aux Égyptiens au début des années 1830, notamment par Prosper Enfantin, ingénieur et économiste français. »

« Le vice-roi d’Égypte, Méhémet Ali, veut « occidentaliser » l’Égypte mais n’est pas intéressé. »

« Les saint-simoniens poursuivent néanmoins le projet et créent en 1846 une Société d’étude pour le Canal de Suez qui démontre que le niveau des deux mers à relier est équivalent, contrairement aux estimations faites en 1798. La différence est si faible qu’un Canal sans écluse devient possible. »

Méhémet Ali « était réservé à l’idée de s’engager dans la construction du Canal de Suez. Il craignait notamment que cette entreprise n’entraine des complications dans les relations entre l’Égypte et les puissances européennes ».

A la mort de Méhémet Ali, « le pouvoir échoit à Saïd Pacha qui n’éprouve pas les mêmes réticences et fait toute confiance à son ami Ferdinand de Lesseps. »

« Ferdinand de Lesseps a commencé une carrière de diplomate avant de devenir le créateur de la compagnie universelle de Suez, et l’homme d’affaires qui a su construire le Canal. Jeune consul de France à Alexandrie, il se lie d’amitié avec le jeune Saïd Pacha dont on dit qu’il fut notamment le précepteur. »

La « construction du Canal tient beaucoup à cette amitié. Elle a été aussi favorisée par un autre ami de Ferdinand de Lesseps, l’émir Abdelkader qui après avoir été emprisonné, est libéré par Napoléon III en 1851 et part en exil à Damas où il sauvera des milliers de chrétiens lors des massacres de 1860. »

Le Canal au cœur des convoitises (1854-1882)
« La nouvelle dynastie, de plus en plus indépendante de l’empire ottoman, modernise le pays à tour de bras en faisant venir des experts français ».

« Parmi ces experts, Ferdinand de Lesseps, un personnage inclassable, diplomate, aventurier de génie, va porter à bout de bras un projet déjà étudié par les ingénieurs de Bonaparte, sur des plans dessinés par l’ingénieur italien Luigi Negrelli (1799-1858), puis par les Saint-Simoniens, mais face auquel Méhémet Ali était resté très méfiant : celui d’un Canal de pleine mer traversant l’isthme de Suez ».

« En 1854, le vice-roi Saïd Pacha décide le lancement d’un projet dont la réalisation est confiée au Français Ferdinand de Lesseps ».

« Ferdinand de Lesseps et Saïd Pacha, souverain moderniste d’Égypte et petit-fils de Méhémet Ali qui a hérité des pouvoirs de son grand père, se lancent seuls dans l’aventure qui se poursuivra jusqu’en 1869 sous l’impulsion du Khédive Ismaïl Pacha, son neveu, qui lui succède en 1863. L’Égypte est en marche vers le progrès ».

« La Compagnie universelle du Canal maritime de Suez de Ferdinand de Lesseps construit le Canal entre 1859 et 1869.Des centaines de milliers d’Égyptiens participent à la construction du Canal dans des conditions extrêmement éprouvantes, et plusieurs dizaines de milliers meurent, principalement du choléra ».

« Le creusement du Canal est évoqué dans l’exposition par les nombreuses archives de l’Association du souvenir de Ferdinand de Lesseps et du Canal de Suez : sculptures, photographies, plans, gravures, peintures, dessins… »

« La construction du Canal ne tarde pas à créer des tensions. Les Britanniques s’opposent à sa réalisation, qui renforcerait l’influence française sur cette région située sur la route des Indes. Les Anglais font arrêter les travaux à plusieurs reprises : en octobre 1859 avec l’appui de l’Empire ottoman, puis à la mort de Saïd Pacha en 1863. Ismaël Pacha reprend la construction grâce au soutien de Napoléon III. »

La « percée dans le désert que fut le Canal à ses débuts est représentée par un plan-relief créé pour l’exposition universelle de 1878, mais aussi par des modèles réduits des machines et des bateaux de l’époque, des gravures et des photographies, en même temps que des films qui reflètent la vision contrastée que les Égyptiens et les Européens se feront beaucoup plus tard de cette réalisation. »

« À la fin des travaux, l’Égypte détient 44 % du capital de l’entreprise, le reste étant détenu par 21 000 actionnaires français. »

« Ismaël Pacha veut faire de l’inauguration du Canal de Suez en 1869 un événement mondial. Il engage une rénovation complète de la ville du Caire sur un modèle européen, passe commande de la construction d’un opéra… L’opéra ne sera prêt qu’en 1871… »

« Le sculpteur Bartoldi , amoureux de l’Égypte, partage cet enthousiasme et imagine une sculpture colossale marquant le débouché du Canal dans la Mer Rouge à Suez. Bartoldi fait l’esquisse d’une paysanne égyptienne drapée dans ses voiles et tendant un flambeau au bout de son bras. Et le projet de sculpture sera abandonné… Mais rapidement repris par Bartoldi pour en faire la statue de la Liberté offerte par la France à la ville de New York. Ainsi en va-t-il du destin des grandes idées ». Les historiens sont partagés sur le modèle du visage de cette statue. Pour certains, le sculpteur s’est inspiré de sa mère, de déesses antiques, ou aurait opéré une synthèse entre plusieurs visages de femmes. Selon Nathalie Salmon, l’Américaine Sarah Coblenzer, future épouse de l’ami et fondé de pouvoir Adolphe Salmon, a posé pour le sculpteur lors d’un séjour en Europe ».

Le « Canal est officiellement inauguré le 17 novembre 1869 par l’impératrice Eugénie ».

« 1869 : le Khédive Ismaïl accueille pour l’inauguration du Canal de Suez des représentants de toutes les familles royales d’Europe, des envoyés du Sultan, mais également l’empereur d’Autriche et surtout l’hôte d’honneur, l’impératrice Eugénie ».

« C’est sur cette scène grandiose – présentée à la fois par des tableaux, de vastes écrans animés et un diorama que débute l’exposition, au son des trompettes d’Aïda (opéra commandé par le Khédive à Verdi pour l’occasion). Le Canal ouvert à la circulation, Le Caire rénové sur le modèle d’une ville européenne : la renaissance égyptienne est en marche. Le Canal de Suez rentre de plain-pied dans l’Histoire. Une histoire qui a débuté près de 4000 ans plus tôt. »

« Eugénie de Montijo, épouse de Napoléon III, est apparentée à la famille de Ferdinand de Lesseps. L’inauguration du Canal est pour ce dernier une réussite française. L’empereur « souffre de la maladie de la pierre et ne peut guère se déplacer. C’est donc Eugénie qui est chargée de présider les manifestations de l’inauguration ».

« Le voyage de l’impératrice prend des couleurs très politiques. Elle embarque à bord d’un navire à vapeur dénommé l’Aigle, par référence à Bonaparte encore si présent en Égypte. Elle est reçue en grandes pompes par le sultan à Constantinople. Son navire va précéder le cortège des cent bâtiments qui vont d’abord se réunir à Port Saïd le 15 novembre 1869 avant de joindre Ismaïlia le 17 novembre, puis Suez le 19 novembre. Elle va, au préalable, faire une excursion à Louxor accompagnée par Mariette, le grand égyptologue. Elle logera dans un palais de style arabe, composé de structures de fonte coulées en France et transportées par voie maritime. Ces morceaux d’architecture sont actuellement visibles dans l’hôtel Marriott du Caire. Quelques mois plus tard, l’Empereur français est battu à Sedan par les Prussiens ».

« Les Anglais ne voient pas le Canal d’un très bon œil car il risque, pensent-ils, de les priver du contrôle de la route des Indes. La reine Victoria ne viendra pas ».

« Le Khédive a trop dépensé et devra bientôt céder ses actions de la compagnie de Suez… »

« Tout de suite après cette inauguration, le Canal devient le cœur des rivalités franco-anglaises ».

« En 1875, l’Égypte, dont le budget est devenu déficitaire, doit vendre ses parts au Royaume-Uni qui retrouve son influence sur la route des Indes ».

« À l’époque d’optimisme où Ismaïl Pacha croit pouvoir dire que son pays « n’est plus en Afrique mais en Europe » va succéder une période plus noire. Banqueroute, mainmise étrangère, occupation militaire anglaise à partir de 1882 ».

« En 1882, après la guerre anglo-égyptienne, les Britanniques remplacent les Ottomans comme tuteur du pays. Ils parviennent ainsi à prendre le contrôle du Canal ».

« Le Canal devenu une œuvre mythique pour les Européens, devint pour les Égyptiens un symbole de servitude où pourtant la vie continue, les villes se construisent, la campagne reverdit ».

« Cette mémoire contrastée est montrée à travers des images, des films, des tableaux. La zone du Canal de Suez devient, en Égypte un monde à part, extraterritorial, avec son mode de vie propre, son cosmopolitisme différent de celui du Caire et d’Alexandrie. Le visiteur peut sur un très beau panorama mobile traverser le Canal comme on le faisait encore en 1920 sur la route des Indes ou de l’Extrême Orient et rêver au charme des voyages au long cours. »

« Le 29 octobre 1888, afin de remédier aux querelles entre puissances mondiales, la convention de Constantinople affirme la neutralité du Canal, déclaré « libre et ouvert, en temps de guerre comme en temps de paix, à tout navire de commerce ou de guerre, sans distinction de pavillon ».

Le Canal et les deux guerres mondiales : les aspirations de l’Égypte à l’indépendance (1914-1945)
Durant la Première Guerre mondiale (1914-1918), « les Britanniques coupent avec les liens avec l’Empire Ottoman et proclament leur protectorat sur l’Égypte ».

« Après la Première Guerre mondiale, les Egyptiens se révoltent en 1919, contre la présence de la Grande Bretagne qui proclame en 1920 une indépendance partielle, ainsi qu’une constitution parlementaire ».

« En 1936, lors du traité de Londres, le royaume d’Égypte accède à une indépendance internationalement reconnue : la protection du Canal de Suez reste sous monopole britannique pour vingt ans seulement. »

« En 1936, lors du traité de Londres, le royaume d’Égypte accède à une indépendance presque complète : la protection du Canal de Suez reste sous monopole britannique pour vingt ans ».

« De 1940 à 1945, le Canal de Suez est fermé à toute navigation en dehors de celle des alliés de la Grande-Bretagne ».

Nasser, la fin de la présence étrangère (1952-1970)
« Le 8 octobre 1951, le Premier ministre égyptien Moustapha el-Nahhas Pacha dénonce le traité anglo-égyptien de 1936. Le Royaume-Uni refuse et renforce ses effectifs à terre. Il s’en suit des émeutes violentes et des actes de guérillas de la part des Frères musulmans, des communistes et de la police égyptienne contre les Britanniques. On comptera plusieurs centaines de victimes de part et d’autre. Le retrait militaire britannique s’achèvera en juillet 1956. »

« En 1952 l’armée, renverse le roi Farouk et suscite l’adhésion de l’immensité du peuple égyptien. Le 23 juillet 1952, un groupe d’officiers libres s’empare du pouvoir. Au sein de ce groupe, Gamal Abdel Nasser s’affirme rapidement comme le leader. »

« Le « mandat » des Britanniques sur le Canal de Suez arrive à sa fin, sous la sérénité apparente le monde arabe aspire à son indépendance, la révolte gronde, tandis que l’Algérie entre dans la guerre en 1954. Nasser soutient le FLN contre le gouvernement français. »

« 1956 : Après avoir été accueilli dans l’exposition par le faste théâtralisé de l’inauguration de 1869, le visiteur se retrouve désormais en immersion au cœur de la grande scène populaire de 1956 : celle du discours où Nasser annonce le jour de la fête nationale à une foule emportée par l’enthousiasme que le Canal de Suez est nationalisé. »

« Le 26 juillet 1956, il nationalise le Canal et transfère le patrimoine de la compagnie du Canal à la Suez Canal Authority. Cette opération a pour but de financer la construction du barrage d’Assouan après que les États-Unis et la Banque mondiale aient refusé d’accorder des prêts pour le financer. Les avoirs égyptiens sont aussitôt gelés et l’aide alimentaire supprimée, à la suite des protestations des principaux actionnaires, alors britanniques et français. En même temps, Nasser dénonce la présence coloniale du Royaume-Uni au Proche-Orient et soutient les nationalistes dans la guerre d’Algérie » qui « se poursuivra jusqu’en 1962 ».

« Soyez les bienvenus ; nous sommes une partie de la nation arabe. Nous irons de l’avant, unis, formant un seul bloc, un seul cœur, une seule main pour la pose des bases et des principes de la liberté, de la gloire et de la dignité, et pour réaliser l’indépendance politique et l’indépendance économique en même temps », déclare Gamal Abdel Nasser, dans un discours à Alexandrie, le 26 juillet 1956.

« L’exposition consacre un vaste espace à ce moment clef, à la mise en pratique de cette décision, aux souvenirs qu’elle suscite chez ceux qui en ont été témoins et enfin à l’opération militaire engagée par les Français, les Britanniques et les Israéliens, et le fiasco qui a suivi. »

La Grande-Bretagne, comme puissance maritime et la France, comme puissance coloniale en Afrique du Nord se sentent directement agressées. « Le 29 octobre 1956, le Royaume-Uni, la France et Israël se lancent dans une opération militaire, baptisée « opération Mousquetaire ». Elles réagissent en organisant un débarquement militaire avec la participation d’Israël à Port Saïd. »

« L’opération dure une semaine. L’URSS et les Etats Unis désapprouvent cette intervention devant le conseil de sécurité de l’ONU. Les Nations unies condamnent l’expédition franco-israélo-britannique qui se solde par un fiasco diplomatique et militaire. Devant la réprobation générale, et l’impasse dans laquelle elles se trouvent, la France, l’Angleterre et Israël se retirent. C’est un fiasco total incarné par les personnages d’Antony Eden et de Guy Mollet ».

« Des négociations entre l’Egypte et la Compagnie aboutissent toutefois au remboursement d’indemnités sur la base desquelles se constitue la Compagnie financière de Suez. La concession allait en effet jusqu’en 1968. »

« Au début des années soixante le développement du mouvement palestinien accentue les tensions entre Israël et les pays arabes ».

« Dans une escalade verbale, L’Égypte annonce le 10 juin 1967 le blocus du détroit de Tiran aux navires israéliens. Israël attaque l’Égypte, la Syrie et la Jordanie le 5 juin. Dès le premier jour l’aviation égyptienne est clouée au sol. Israël s’empare du Golan de la Cisjordanie, de la bande de Gaza et de tout le Sinaï. Le Canal de Suez est fermé. La guerre ne dure que six jours mais le long du Canal une guerre d’usure lui fait suite. »

« Le 6 octobre 1973, le Président Sadate qui a succédé au Président Nasser mort en 1970, lance ses troupes contre la ligne Bar Lev et parvient à leur faire franchir le Canal de Suez. Quelques jours plus tard, Israël le franchit à son tour. En Syrie, Israël brise le front du Golan et s’approche de Damas. La guerre dure jusqu’au 26 octobre. La situation est mûre pour une négociation sur des bases plus équilibrée, l’Égypte ayant fait la preuve de ses capacités guerrières. Le 5 mars 1974, Israël retire ses troupes du Canal de Suez qui peut être ouvert à la navigation le 5 juin 1975. »

Un nouveau monde émerge (1956-1975)
« Le fiasco de l’expédition franco-anglo-israélienne de 1956, contrecarrée par les Américains et les Russes, marque la fin de l’impérialisme colonial européen, alors que Russes et Américains régentent l’Europe centrale ou l’Amérique latine ».

« Le Canal désormais égyptien continue à fonctionner, les contentieux politique et financier sont apurés. Mais très vite le Canal redevient une zone de guerre : celle des six jours d’abord, en 1967 suivie de la fermeture du Canal et de six ans de combats sporadiques mais meurtriers, puis celle de 1973 avec le franchissement du Canal par les Égyptiens. Le résultat final de cet exploit, largement illustrée dans l’exposition, va être la reprise de la navigation puis les accords de paix israélo-égyptiens. »

« Onze ans plus tard, en juin 1967, lors de la guerre des Six Jours, Israël occupe le Sinaï et la rive orientale du Canal, qui va rester fermé pendant 8 ans, jusqu’en juin 1975. Israël construit une ligne de défense sur la rive orientale : la ligne Bar-Lev. »

« En octobre 1973, l’Égypte et la Syrie attaquent Israël par surprise : c’est le début de la guerre du Kippour. La zone du Canal redevient une zone de combats. L’armée égyptienne franchit le Canal et pénètre profondément dans le Sinaï avant que les forces israéliennes, après quelques jours, ne reprennent le dessus et franchissent à leur tour le Canal. Une force de maintien de la paix de l’ONU reste sur place jusqu’en 1974. Pendant cette longue fermeture, les pétroliers s’adaptent en renforçant la création de supertankers qui contournent l’Afrique sans contraintes de gabarits. »

« Après 15 mois de travaux de déminage du Canal et de ses abords, le Canal est officiellement rouvert le 5 juin 1975 par le président Anouar el-Sadate qui le descend de Port-Saïd à Ismaïlia. Le lendemain, le premier convoi franchit le Canal vers la Méditerranée. »

Le Canal du futur (1975-2018)
« Entre 1975 et 2015 le Canal est considérablement élargi, approfondi, modernisé. Il devient une des principales sources de devises pour l’Egypte qui, en 2015, se lance dans un nouveau projet pharaonique : celui du doublement ainsi que de la création d’une vaste zone industrielle et d’urbanisation appelée à attirer vers elle des millions d’habitants ».

« C’est cette Égypte du futur que découvre alors le visiteur avant de pouvoir rêver à nouveau d’un grand voyage toujours possible, même si le décor en a changé, tel que le montrent les images filmées qui viennent clore l’exposition, parcourant aujourd’hui les 193 kilomètres de la mythique voie d’eau. »

« À la fin des années 2000, l’augmentation de la piraterie autour de la Corne de l’Afrique conduit le commerce mondial à explorer de nouvelles routes. Mais les revenus assurés par le Canal sont vitaux pour l’Égypte. Avec 5 milliards de dollars par an (chiffre 2013), ils représentent 20 % du budget de l’État. »

« Le 5 août 2014, le Président Al Sissi annonce son intention de creuser un deuxième Canal parallèle au Canal de Suez sur sa partie orientale, afin de permettre de supprimer la circulation alternée des convois. Ce nouveau Canal a une longueur de 72 km et coûte environ trois milliards d’euros. Ce projet réduit le temps d’attente maximale de passage pour les bateaux de 11 à 3 heures. Les travaux impliquent l’approfondissement et l’élargissement du Canal existant sur 35 km, ainsi que le creusement d’un nouveau Canal de 37 km au niveau de la ville d’Ismaïlia. L’ouverture du nouveau Canal a lieu le 6 août 2015. Le Canal de Suez rapporte en 2015 environ 5,3 milliards de dollars par an à l’Égypte. Il devrait rapporter annuellement 13,2 milliards de dollars en 2023. Il devient l’épine dorsale de l’Égypte de demain. »


Le 29 mars 2021, "l’Autorité du canal de Suez (SCA) a proclamé la « reprise du trafic » sur cette voie par où transite entre 10 % et 12 % du commerce maritime international. Tôt dans la journée avait été annoncé la remise à flot du porte-conteneurs géant Ever Given, qui obstruait le canal depuis le 23 mars 2021, provoquant des pertes évaluées à plusieurs milliards d’euros".

LES PERSONNAGES QUI ONT FAIT L’HISTOIRE DU CANAL
Par Claude Mollard, commissaire général, et Gilles Gauthier, commissaire scientifique

« Le 5 août 2015, lorsque s’ouvre à la navigation un nouveau Canal parallèle au Canal historique de Suez, c’est une épopée de près de 4000 ans qui se poursuit. Au XIXe siècle avant notre ère, sous le règne le Pharaon Sésostris III, l’influence de l’Égypte s’étend de Byblos jusqu’au sud de la Nubie. Sur cet espace qui met en contact le Proche-Orient et l’Afrique, circulent marchandises et marchands de toutes origines. C’est alors qu’est creusé le premier Canal qui unit la Méditerranée à la mer Rouge. Certes la liaison n’est pas directe : sur une partie du trajet la navigation emprunte le cours du Nil. Parfois ce Canal s’ensable, mais périodiquement, les maîtres de l’Égypte le remettent en état. Des monuments témoignent de la volonté de chaque puissant monarque - égyptien, perse, grec, ou arabe - de préserver cet instrument de prospérité et de pouvoir. Jusqu’à sa fermeture au VIIIe siècle de notre ère pour des raisons stratégiques.
Avec les temps modernes, la nécessité d’un Canal se fait à nouveau sentir. Au XVIe siècle, pour lutter contre la concurrence du Portugal dont le commerce emprunte la voie océanique passant par le sud de l’Afrique, Venise et l’Empire ottoman élaborent des projets qui n’aboutissent pas. Les savants qui accompagnent Bonaparte en Égypte en 1798 conduisent la première étude de ce qui deviendra le Canal moderne. Mais pour que le projet se réalise, il faut que l’Égypte renaisse.
Après trois millénaires de gloire au temps des pharaons, après l’effervescence culturelle de l’Alexandrie des Ptolémées, l’un des plus vieux États du monde est devenu chrétien, puis a accueilli l’islam dont la civilisation rayonne sous les califes fatimides, les Ayyoubides, les sultans esclaves Mamelouk. Mais en 1517 l’Égypte devient une province ottomane loin des centres de décision. En 1798 la secousse produite par l’expédition de Bonaparte fait sortir le vieux pays de sa torpeur. Les conditions sont mûres pour que Méhémet Ali, venu du nord de la Grèce actuelle, y conquière le pouvoir et entreprenne de lui rendre sa gloire. De France il fait venir les experts qui modernisent le pays dans tous les domaines : l’armée, la marine, la médecine, l’éducation, l’agriculture, l’archéologie.
Pourtant Méhémet Ali n’adhère pas au projet de Canal maritime élaboré par l’ingénieur Saint-Simonien Barthélémy Prosper Enfantin.
Le vice-roi d’Égypte craint les convoitises que suscitera une voie d’eau internationale. Mais Ferdinand de Lesseps, aristocrate, bon cavalier, ancien consul à Alexandrie est l’ami de son fils Saïd Pacha qui lui succède à la tête du pays. Les deux hommes se lancent seuls dans l’aventure.
Contre eux : l’Empire ottoman auquel l’Égypte est nominalement rattachée, l’Angleterre qui craint de perdre le contrôle de la route des Indes, une partie des élites égyptiennes qui restent méfiantes et l’opinion publique internationale choquée par le travail forcé imposé aux paysans égyptiens. La France, elle, attend que les travaux soient lancés pour s’impliquer.
Le Saint Simonisme est une doctrine sociale, économique et politique fondée par Claude Henri de Rouvroy de Saint-Simon (1760-1825) qui estime que, au moment où commence la révolution industrielle, la société doit passer de l’âge théologique et féodal à l’âge positif et industriel. Les hommes doivent se regarder comme frères, s’associer et s’entraider. Une génération plus tard c’est Barthélémy Prosper Enfantin (1796-1864) qui prend le relais après avoir rencontré Saint-Simon quelques mois avant sa mort. Enfantin transforme le Saint-Simonisme en religion dont il devient le chef suprême.
Le 22 mars 1844, Enfantin part pour l’Égypte où il reste trois ans. À cause de ses idées réformatrices, il est d’abord bien accueilli par Mehemet Ali.
Pour Enfantin et les « frères » qui l’accompagnent ou qui s’y trouvent déjà présents, c’est en Égypte que la spiritualité orientale et la science occidentale se féconderont mutuellement pour le salut de l’humanité.
Convaincus que les voies de communication servent à la compréhension universelle, les Saint-Simoniens reprennent le projet, étudié par les savants français de l’expédition d’Égypte, de creusement d’un canal dans l’isthme de Suez. Mais le vice-roi d’Égypte ne veut pas d’une réalisation dont il pense que l’importance géostratégique suscitera les convoitises des grandes puissances et sera fatale à son projet de faire de l’Égypte un pays indépendant. Il décide donc d’utiliser les compétences des Saint-Simoniens – parmi lesquels se trouvent de nombreux polytechniciens dont Enfantin lui-même – pour construire un barrage sur le delta du Nil qui, lui-même ne verra pas le jour. C’est la fin du rêve Saint-Simonien en Égypte où Ferdinand de Lesseps reprendra le projet de canal d’une façon plus pragmatique. Cependant, débarrassé de ses excès mystiques, le Saint-Simonisme irriguera toute la pensée politique, économique et sociale du XIXème siècle soit en Europe, soit dans les pays comme l’Égypte où les élites on fait le pari de la modernité.
Mais l’histoire du Canal n’est pas seulement politique, elle est aussi celle d’une révolution des techniques : sans la machine à vapeur qui fait avancer les navires et tourner les dragueuses, le Canal de Suez n’existerait pas. Il a réussi car les industriels et les banquiers ont cru à ces innovations. Ces progrès techniques vertigineux se mesurent en trois chiffres : aujourd’hui un tanker transporte 500 000 tonnes, soit 2 000 fois plus qu’une barque et 5 millions de fois plus qu’un âne qui transporte 100 kilos.
La construction du Canal fait l’objet d’une mise en scène favorisée par l’apparition des premiers médias : la photographie et le dessin de presse se conjuguent pour rendre compte de ce que les contemporains savent être un temps fort de l’histoire. En 1869 l’ouverture du Canal est célébrée par des fêtes somptueuses, dont l’exposition de l’IMA rend compte en immergeant les visiteurs dans la croisière de l’impératrice Eugénie et des autres têtes couronnées invitées par le Khédive Ismaïl. C’est pour cette Égypte au coeur du monde que Bartholdi propose de dresser à l’entrée du Canal la statue monumentale d’une paysanne égyptienne éclairant l’humanité, même si c’est finalement à New York que le projet aboutit sous le nom de statue de la liberté.
L’opéra Aïda de Giuseppe Verdi fut commandé au compositeur par le Khédive Ismaïl Pacha sur la base d’une idée d’Auguste Edouard Mariette, fondateur avec Champolion de l’égyptologie. On lui doit la découverte des sphinx à proximité de Saqqarah et de nombreuses autres merveilles antiques. Il est enterré au Caire.
Cet opéra qui met en scène Aïda, esclave éthiopienne au service du roi d’Égypte, qui pour remercier son capitaine Radames de sa bravoure lui offre sa fille en mariage. Mais Radames préférera aimer Aïda, ce qui causera la perte des deux amants. La pièce devait être jouée dans le nouvel opéra du Caire ouvert le 1er novembre 1869, quelques jours avant l’inauguration du Canal de Suez, par une représentation de Rigoletto. Celle d’Aïda n’aura lieu que le 24 décembre 1871, en raison du siège de Paris où Mariette se trouvait bloqué avec les décors et les costumes. Elle rencontra un immense succès.
L’exposition est cinématographique, comme les temps modernes qui s’annoncent, avec travellings, gros plans sur les personnalités et sur les foules, et flash-back, pour reprendre le cours de l’histoire.
Dès lors, le Canal qui a rétréci le monde fait partie de l’imaginaire universel. Il est un de ces lieux rêvés du voyage. Il nourrit l’imaginaire des écrivains, des cinéastes. Sur ses rives désertiques, des villes naissent où se rencontrent des populations venues d’Égypte, de France, d’Italie, de Grèce. En dépit des injustices et des inégalités, une forme particulière de cosmopolitisme voit le jour dont persiste la nostalgie.
Cette aventure de quatre mille ans atteint un moment crucial au XIXe siècle, alors que l’industrie et le commerce propulsent l’Europe au-dessus du reste du monde malgré les efforts de certains pays d’Asie et d’Afrique pour entrer dans une course de vitesse où la plupart (sauf le Japon) succombent. C’est l’apogée de l’impérialisme, dont la première conséquence est l’échec politique du projet de renaissance de la nation égyptienne. Cela a pourtant bien commencé : en 1869, au moment de l’inauguration, le gouvernement égyptien possède 44% des actions de la compagnie de Suez. Mais, trop endetté, le khédive est contraint en 1875 de vendre cette participation à l’Angleterre qui, dépassant sa méfiance initiale, s’investit dans le Canal au point d’occuper militairement le pays en 1882. Dès lors le Canal devient un des premiers enjeux de la lutte pour l’indépendance en même temps que le point focal des affrontements stratégiques internationaux.
Le 14 février 1945, quelques semaines avant sa mort (le 12 avril 1945), Roosevelt rencontre le roi Ibn Saoud, fondateur du royaume d’Arabie saoudite, à Ismaïlia, à bord du navire Le Quincy. Le président américain revient de Yalta. Sont également présents l’empereur d’Ethiopie Haïlé Sélassié et le roi Farouk d’Egypte. Roosevelt n’obtient pas l’appui du roi pour la création d’un foyer national juif en Palestine. Mai, à l’insu des Anglais, les deux souverains concluent un pacte, dit pacte de Quincy, garantissant à la monarchie saoudienne une protection militaire en échange d’un accès privilégié à son pétrole. Le leardership de l’Arabie saoudite fait désormais partie des « intérêts vitaux » des États-Unis.
Le royaume saoudien garantit l’essentiel de l’approvisionnement des Etats Unis en pétrole. La société Aramco bénéficie d’un monopole d’exploitation du pétrole pour une durée de 60 ans. Ces accords ont été renouvelés pour une nouvelle durée de 60 ans en 2005 par le président George W. Bush.
La suite est attendue : le 26 juillet 1956, quatre-vingt-sept ans après son ouverture, Gamal Abdel Nasser décide la nationalisation du Canal. L’Égypte, toutes classes confondues, exulte. Mais c’est le début d’une série de guerres dont témoigne l’exposition à travers photos, témoignages oraux et films de fiction. Cette période troublée, souvent tragique, prend fin en 1975. Dès lors, le Canal régulièrement approfondi, élargi, équipé, devient une des principales sources de devises de l’Égypte. La population du pays augmente, l’urbanisation se poursuit et le Canal, autrefois creusé au milieu du désert, se trouve désormais aux portes de la capitale (dont ne le séparent que 130 km en grande partie occupés par des villes nouvelles).
Le 5 août 2015, le Président égyptien, en présence du Président de la République française, invité d’honneur, inaugure le doublement du Canal sur une partie de son parcours, ce qui permet la navigation dans les deux sens et raccourcit de onze heures le temps de traversée. Le Canal se retrouve au centre des enjeux de l’Égypte. Situé sur la plus importante route commerciale du monde reliant les marchés asiatiques et européens, il présente des conditions exceptionnelles pour que s’y développe une zone économique d’importance internationale. Ainsi, l’histoire du Canal, concentrée sur un petit espace de près de 200 km de long, mais dilatée à l’échelle du monde, se termine sur l’Égypte en devenir, avec dans la zone qui va d’Alexandrie au Sinaï et de la Méditerranée au Caire, une des plus fortes concentrations au monde d’habitants, d’activités et - espérons-le - de prospérité.
Pour nous, l’aventure du Canal de Suez est aussi celle de l’équipe des experts français et égyptiens qui nous ont prodigué leurs conseils. Ensemble nous avons tenu à parvenir à la même vision historique d’une aventure inégalement partagée par nos pays respectifs.
L’automne prochain une partie de l’exposition de l’IMA se déplacera à Marseille, ville partenaire. Ensuite, les gouvernements français et égyptien ont décidé qu’elle serait présentée au Caire, à l’occasion du cent cinquantième anniversaire de l’inauguration. Ce sera l’occasion de célébrer la profondeur du lien entre nos deux pays ».


Du 28 mars 2018 au 5 Août 2018
A l’Institut du monde arabe
1 rue des Fossés Saint-Bernard. 75005 Paris
Tél. : + 33 (0)1 40 51 38 38
Du mardi au vendredi de 10 h à 18h. Les samedis, dimanches et jours fériés de 10 h à 19 h

Visuels :
Vers les mers du Sud © GG

Vue panoramique de l’isthme de Suez et tracé direct du Canal des deux mers (Linant de Bellefonds, 1855). © BNF

Fragment de la stèle égyptienne portant le nom de Darius 1er donnant l’ordre de creuser le Canal
© RMN-Grand Palais Musée du Louvre / Franck Raux

Giulio Carlini, Les Vénitiens présentent leur projet de Canal au sultan, 1869 © Engie

Gravure sur cuivre, d’après un dessin d’André Dutertre. Tiré de Description de l’Égypte, vol. 1,
collection particulière (détail) © AKG-Images

Drague à déversoir, H. Arnoux © Archives nationales du monde du travail (Roubaix),
dépôt du Souvenir de Ferdinand de Lesseps et du Canal de Suez

Portrait de Ferdinand de Lesseps, XIXe siècle © Souvenir de Ferdinand de Lesseps et du Canal de Suez / Lebas Photographie Paris

Le dernier coup de pioche donné par Ismaïl Pacha le jour de la jonction des eaux, le 15 août 1869 (huile sur toile, XIXe s. artiste inconnu) © Souvenir de Ferdinand de Lesseps et du Canal de Suez / Lebas Photographie Paris

Edouard Riou, Eugène Cicéri, La Tribune des Souverains © Souvenir de Ferdinand de Lesseps et du Canal de Suez / Lebas Photographie Paris

L’inauguration du Canal de Suez, 1869

Portrait de l’Impératrice Eugénie, XIXe siècle
© Souvenir de Ferdinand de Lesseps et du Canal de Suez / Lebas Photographie Paris

Théodore Frère, Promenade de l’Impératrice Eugénie en chameau dans le désert, 1869
© Souvenir de Ferdinand de Lesseps et du Canal de Suez / Lebas Photographie Paris

Photographie du Khédive Ismaïl, 1868

Nasser nationalise le Canal de Suez en 1956. D.R.

Traffic sur le nouveau Canal de Suez

Auguste Edouard Mariette, auteur du livret d’Aïda, par Nadar, vers 1861

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Les citations proviennent du dossier de presse. Cet article a été publié le 27 juillet 2018.