mercredi 30 septembre 2020

« Mésopotamie, une civilisation oubliée » de Yann Coquart et Luis Miranda

Arte diffusera le 3 octobre 2020 « Mésopotamie, une civilisation oubliée » (Kurdistan, Schatzkammer Mesopotamiens) de Yann Coquart et Luis Miranda. « Dans le Kurdistan irakien, région encore peu explorée, une formidable aventure archéologique, où le savoir scientifique se fait réponse à l’oubli. Ce documentaire retrace les dernières découvertes effectuées et dévoile une part inestimable du patrimoine de la Mésopotamie, berceau de l’humanité. »  

L’aventure des écritures 

« Mésopotamie, une civilisation oubliée » de Yann Coquart et Luis Miranda

Le Seyfo, génocide des Assyriens 

Mésopotamie signifie en grec « le pays entre les fleuves », le Tigre et l'Euphrate. La Mésopotamie antique correspond grosso modo  à l'Irak actuel. 

La civilisation mésopotamienne (12 000-330 avant l'ère commune) a créé l'écriture cunéiforme, s'est distinguée par ses cités monumentales et ses cités-Etats, son économie fondée sur le commerce, et  ses perfectionnements de systèmes d’irrigation, du tissage, de la roue, de la voûte, etc..

Hébreux, Judaïsme, Bible hébraïque

Certains ont localisé le Jardin d'Eden de la Bible hébraïque en Mésopotamie. Dans ce Jardin, se trouvaient l'Arbre de la Vie, l'arbre de la connaissance du bien et du mal et une végétation permettant à Adam et Ève de subvenir à leurs besoins.

"C’est également [en Mésopotamie] que l’on trouve les plus anciens récits du Déluge auquel survit un certain Uta-Napishtim, ancêtre de Noé. De même, la tour de Babel est inspirée des ziggurats ou tours à étages qui caractérisaient les grandes villes mésopotamiennes, et plus particulièrement de celle de Babylone. Cette dernière devint elle-même mythique, avec ses palais, ses murailles ou ses jardins suspendus classés parmi les sept merveilles du monde antique. L’imaginaire collectif reste aussi frappé par les noms de la ville « divinement grande » de Ninive (Jonas III, 3) comme par les monstres qui en gardaient les passages et qui semblent avoir directement inspiré la vision d’Ezéchiel (Ezéchiel I, 6-11)", souligne Ariane Thomas, commissaire de l'exposition L'Historie commence en Mésopotamie.

Premier patriarche du peuple Juif, Abraham était originaire de Mésopotamie. Il a quitté Sumer pour la Terre de Canaan.

En 722 avant l'ère commune, le royaume Israël est détruit par les Assyriens. En 586 avant cette ère, le royaume de Juda est vaincu par les Babyloniens. 

Après avoir conquis Jérusalem en 587 (ou 586) avant cette ère, Nabuchodonosor II contraint ses habitants à l'exil à Babylone. 

"Sur les fleuves de Babèl, nous habitions là. Nous pleurions aussi, en mémorisant Siôn. (note : Zion)

Sur les saules, en son sein, nous suspendions nos lyres.

Oui, nos geôliers nous demandaient les paroles d’un poème ; nos pillards, de la joie : « Poétisez-nous un poème de Siôn ! »

Quoi, poétiser le poème de IHVH-Adonaï (note : = Jah, etc.) sur une glèbe étrangère ?" (Psaume 137, Livre des Psaumes, traduction de André Chouraqui).

Troisième opéra de VerdiNabucco relate l’esclavage des Hébreux à Babylone. 

Ces Judéens exilés constituent l'une des plus anciennes diasporas juives, et certains d'entre eux ont contribué de manière majeure à l'histoire du Judaïsme. 

Durant l'ère des Gueonim, les académies talmudiques de Babylonie détiennent une autorité spirituelle sur les Juifs de la diaspora, de la fin du VIe siècle à la première moitié du XIe siècle (589 à 1038). 

Après la prise de Babylone en 539, Cyrus, qui a fondé l'empire Perse, autorise les Judéens à retourner à Jérusalem et à y reconstruire le Temple. Fin érudit de la Torah, Ezra, ou Esdras, et Néhémie mènent une partie de ces Israélites à Jérusalem. 

Illustre représentant du judaïsme rabbinique, Hillel l’Ancien, Hillel le Sage (Hillel Hazaken) ou le Babylonien est le dernier président du Sanhédrin de l'ère des Zougot, binômes de Sages d'Israël.

Vers le VIe siècle de l'ère commune, des rabbins de Babylonie ont rédigé le Talmud de Babylone. Fondement de la Halakha (Loi juive), le Talmud est constitué de la Mishna et de la Guemara, 

La deuxième moitié du XXe siècle a vu l'exil contraint des Juifs irakiens.

"Epopée archéologique"

« Si l'État islamique a déclaré la guerre au patrimoine archéologique en Irak et en Syrie, au Kurdistan irakien, l'une des seules régions à avoir pu repousser les djihadistes, les archéologues des plus prestigieuses universités mondiales poursuivent inlassablement leurs recherches ». 

« Ici, ils prospectent et fouillent un paysage vierge de toute exploration, dont le sol dissimule encore les vestiges des civilisations anciennes ». 

« Il y a environ cinq mille ans, la zone appartenait à l’empire d’Assyrie qui contrôlait, au moyen de ses capitales de Ninive, Khorsabad et Nimrud, tout le Proche-Orient ». 

« Au sud d’Erbil, les chercheurs ont récemment fait une découverte surprenante : celle d’une cité antique dénommée Idu, ensevelie sous un village ».

« En restaurant ces monumentales ruines assyriennes et islamiques, les scientifiques français, italiens, polonais ou encore américains éclairent leur extraordinaire histoire et s’emploient à transmettre leur savoir aux équipes locales, kurdes et irakiennes ». 

« Également nourri d’images d’archives qui retracent les premières tentatives de fouilles au XIXe siècle, ce documentaire à l’allure d’épopée archéologique retrace les dernières découvertes effectuées ».  

les autorités juives halakhiques faisant suite aux Savoraïm (Sages qui avaient fixé le Talmud de Babylone), et rashei yeshiva (directeurs) des deux grandes académies talmudiques de Babylonie, Soura et Poumbedita.

CHRONOLOGIE DE LA MÉSOPOTAMIE

(Extraite du dossier de presse de l'exposition L'Histoire commence en Mésopotamie)

Période proto-urbaine dite « d’Uruk » (vers 3800 - 2900 avant J.-C.)

Apparition des premières villes au sud de la Mésopotamie. Uruk est la plus importante.

Apparition de l’écriture cunéiforme à Uruk vers 3200 avant J.-C.

Période sumérienne dite « des Dynasties archaïques » (vers 2900 - 2340 avant J.-C.)

Apparition des premiers rois et des premières dynasties historiques.

Le pays est divisé en une quinzaine de petits royaumes parmi lesquelles Eridu, Lagash, Larsa, Uruk, Ur ou encore Kish. Chacune domine un modeste territoire avec à sa tête son dieu tutélaire et son roi. Le dieu possède de vastes domaines administrés par le souverain qui est son représentant sur terre et qui doit lui bâtir des temples.

Particulièrement bien connu, le royaume de Lagash fondé par le roi Ur-Nanshe connait alors une grande prospérité.

Période d’Akkad (vers 2340 - 2180 avant J.-C.)

Premier essai impérial : Sargon, roi fondateur d’Akkad, unifie pour la première fois le pays vers 2340 avant J.-C. Il conquiert les principales villes sumériennes mais aussi Mari, Ebla (Syrie actuelle) et la région de l’Elam (Iran actuel).

Akkad devient la nouvelle capitale et donne son nom à toute sa région.

Période néo-sumérienne (vers 2150 - 2004 avant J.-C.) 

Les royaumes sumériens retrouvent leur indépendance. 

Lagash redevient prospère. Son souverain Gudea est un grand bâtisseur. Sa plus importante réalisation est le temple de Ningirsu à Girsu.

C’est surtout le royaume d’Ur qui domine très vite la Mésopotamie et ses voisins comme Suse, reprenant à son compte les ambitions impériales d’Akkad. Shulgi, le fils du fondateur, a lui aussi laissé plusieurs témoins de ses constructions pieuses.

Épanouissement de la production littéraire. L’Épopée de Gilgamesh, le plus célèbre texte de la littérature mésopotamienne, commence à être mis par écrit à cette époque (mais la première version complète sera rédigée dans le royaume de Babylone au cours du millénaire suivant).

Période amorrite (2004 - 1595 avant J.-C)

La chute d’Ur marque la disparition définitive des Sumériens sur le plan politique.

Peuple nomade venu de l’ouest, les Amorrites se sédentarisent et instaurent des royaumes.

Babylone devient une grande puissance sous le règne de Hammurabi (1792 - 1750 avant J.-C.), qui parvient à dominer l’ensemble de la Mésopotamie.

Le célèbre Code de Hammurabi est un recueil de décisions de justice prises par le souverain et destinées à être des modèles pour les princes à venir. C’est l’une des premières formes de jurisprudence.

Période du Bronze récent (1595 - 1100 avant J.-C)

En 1595, Babylone est prise par les Hittites, un peuple venu d’Anatolie.

Les Kassites, un peuple asiatique dont l’origine est encore incertaine, s’installent alors en Babylonie dans le sud de la Mésopotamie, assimilant les traditions mésopotamiennes.

Au nord, l’Assyrie devient une grande puissance autour de sa capitale religieuse Assur, notamment sous le règne glorieux de Tukulti-Ninurta I.

Période néo-assyrienne (934 - 610 avant J.-C) 

Expansion de l’Assyrie, notamment sous les règnes de Sargon II et d’Assurbanipal. 

L’Assyrie s’étend de l’Iran oriental à la mer Méditerranée, et de l’Anatolie au nord du désert d’Arabie. Après Nimrud et Khorsabad, sa dernière capitale, Ninive, est alors l’une des plus grandes villes du monde.

À la mort d’Assurbanipal en 627, commence un conflit de succession qui précipite la disparation de l’empire assyrien en 610, sous les coups des Babyloniens alliés aux Mèdes. 

Période néo-babylonienne (vers 1000 - 539 avant J.-C) 

Après une longue période plus ou moins en retrait de l’Assyrie, une nouvelle dynastie est fondée en 625 avant de reprendre à son compte le territoire dominé par les Assyriens.

Babylone se transforme profondément et connait son apogée sous le règne de Nabuchodonosor II (605 – 562 avant J.-C.). La cité devint la plus célèbre de tout le Proche-Orient. L’empire babylonien s’étend des frontières de l’Égypte à l’Asie mineure et jusqu’aux abords de la Perse.

Période perse (539 - 331 avant J.-C.)

En 539 avant J.-C., Babylone et la Mésopotamie tombent sous domination perse avec la conquête de Cyrus II le Grand. Babylone et sa région restent très admirées et continuent de prospérer dans l’espace de paix que constitue l’empire perse.

Avec la conquête de l’empire perse par Alexandre le Grand en 331 avant J.-C., la Mésopotamie s’hellénise et la culture mésopotamienne décline peu à peu.

Aux alentours de notre ère, la dernière tablette écrite en cunéiforme est attestée."

« Mésopotamie, une civilisation oubliée » de Yann Coquart et Luis Miranda

France, 2017

Sur Arte les 3 octobre 2020 à 20 h 50 et 22 octobre 2020 à 10 h 25


Articles sur ce blog concernant :

Les citations sur le documentaire sont d'Arte.

Eran Riklis


Eran Riklis est un 
réalisateur, producteur et scénariste israélien né en 1954 à Beer-Sheva (Israël). En 2010, il a reçu un Ophir pour son film Le Voyage du directeur des ressources humaines. Arte diffusera le 4 janvier 2021 « Le dossier Mona Lina » (Aus nächster Distanz) d’Eran Riklis.

Fils d'un père diplomate, Eran Riklis grandi aux Etats-Unis et au Brésil.

Adolescent de 16 ans, il retourne en Israël pour y étudier le cinéma à l’Université de Tel-Aviv. 

Il débute comme documentariste - Borders (1998) -, puis réalise des longs métrages de fiction souvent inspirés de la situation au Proche-Orient : La Fiancée syrienne (2004), Les Citronniers (2008), Le Voyage du directeur des ressources humaines (2010), Playoff (2011), Zaytoun (2013), Mon fils (Dancing Arabs) en 2014, Le Dossier Mona Lina (Shelter) en 2017...

En 2014, Eran Riklis particupe au moyen métrage Love Letter to Cinema (Michtav Ahava LaKolnoa).

« Mon fils » 
« Mon fils » (Mein Herz tanzt ; Dancing Arabs) s'avère un film gênant réalisé par Eran Riklis (2014). 

De la première guerre au Liban (1982) à celle du Golfe (1991), « le parcours initiatique d'un jeune Arabe israélien à Jérusalem... Eran Riklis (« Les citronniers ») dépeint les déchirements de son pays et signe une réflexion vertigineuse sur l'identité et l'ostracisme ». 

Un film sur les apprentissages, les passages.

1982. « Élève surdoué, Eyad a grandi dans un village palestinien », non arabe « en Israël, dont les habitants, citoyens de seconde zone de l'État juif » - Arte diffuse la propagande antisémite mensongère contre Israël -, « n'éprouvent à l'égard de ce dernier aucune loyauté ». Pourquoi généraliser ?

« Mais ses parents, conscients qu'il s'agit pour lui d'une chance rarissime, ne le poussent pas moins à partir lorsqu'il est accepté comme interne dans le plus prestigieux lycée de Jérusalem ». Son père lui a dit : « Mêle-toi à eux pour les vaincre » et manifeste, lors de la Première guerre d’Israël au Liban, au cri de « Que Dieu protège Arafat ! » La profession du père de Eyad ? « Terroriste », répond Eyad. Uniquement par bravade ? La scène "drôle" du déjeuner du condisciple juif d'Eyad dans la famille d'Eyad semble inspirée de celle de L'Incompris, film de Luigi Comencini.

Seul Arabe de l'établissement » - ou seul musulman ? -, « en butte à un racisme plus ou moins déguisé, Eyad survit grâce à l'amitié qu'il noue avec un autre réprouvé : atteint d'une maladie dégénérative incurable et privé de l'usage de ses jambes, Yonatan vit avec sa mère avocate, Edna, qui accueille à bras ouverts le premier ami invité par son fils… » Que de poncifs invraisemblables !

Une idylle avec Naomi, adolescente juive israélienne, se greffe sur cette histoire d'apprentissages.

Le réalisateur israélien de gauche Eran Riklis a adapté « Les Arabes dansent aussi » (2002) - proverbe juif ? Allusion aux réjouissances d’Arabes israéliens quand les missiles irakiens de Saddam Hussein s’abattaient en Israël lors de la Première guerre du Golfe ? - et « La deuxième personne » (2010), de Sayed Kashua, coscénariste du film.

« La plus grande difficulté a consisté à les mêler harmonieusement, ce qui nous a pris beaucoup de temps et a donné lieu à plusieurs versions avant qu’on soit tous les deux satisfaits du scénario. C’est une histoire personnelle qui est, à bien des égards, autobiographique pour Sayed, et je voulais conserver cette dimension. Mais un film est une oeuvre à part entière, qui a sa propre logique, et dont les personnages sont indépendants des livres. Sayed en était conscient, et une fois que le scénario a été finalisé, il ne s’est plus du tout mêlé du tournage », a déclaré Eran Riklis.

Né en 1975 dans un village de Galilée, élève au prestigieux Israel Arts and Science Academy, Sayed Kashua a étudié la philosophie et la sociologie à l’université hébraïque de Jérusalem. Il est éditorialiste humoristique à Haaretz et pour l’hebdomadaire HaIr. Cet écrivain arabe israélien musulman écrit en hébreu. Il est l’auteur de Avoda Aravi (Travail d’Arabe, en hébreu), sitcom satirique diffusée en partie en arabe sur Aroutz 2. En 2011, Sayed Kashua a été fait chevalier de l’Ordre des Arts et des Lettres à la résidence de France à Jaffa.

En juillet 2014, pendant l’opération défensive israélienne Bordure protectrice contre le Hamas, il « a décidé, l'année même de la production du film de quitter Israël » avec son épouse et leurs trois enfants, « pour émigrer aux États-Unis », car selon le dossier de presse il aurait ressenti « qu’il n’arrivera pas à faire changer les mentalités des Juifs israéliens envers les Arabes par ses écrits et qu'une « majorité désespérément déterminante dans le pays ne reconnaît pas à l’Arabe le droit de vivre, en tout cas pas dans ce pays ». Cet auteur s’était vu offrir un pont d’or pour enseigner à l’université de l’Illinois, qu’il a accepté en imputant son départ à Israël !? Comme de Français musulmans quittent la France pour des raisons professionnelles ? Pourquoi Sayed Kashua n’a-t-il pas émigré dans l’Autorité palestinienne, en Jordanie ou en Arabie saoudite ?

Dans une lettre intitulée Toutes les raisons pour lesquelles je quitte Israël et publiée dans divers journaux dans et hors d’Israël (The Guardian, Libération), Sayed Kashua écrivait :
« Vingt-cinq ans pendant lesquels je n’ai pas eu beaucoup de raisons d’être optimiste mais j’ai continué à croire que c’était encore possible que, un jour, ce lieu où vivent des juifs et des Arabes puisse connaître une histoire qui ne nie pas l’histoire de l’autre. Qu’un jour, les Israéliens cessent de nier la Nakba, l’occupation, et qu’ils cessent de fermer les yeux devant la souffrance du peuple palestinien. Qu’un jour, les Palestiniens se montrent disposés à pardonner, et qu’ensemble nous bâtissions un lieu où il soit agréable de vivre, exactement comme dans les romans à happy end.
Vingt-cinq ans que j’écris en hébreu, et rien n’a changé. Vingt-ans que j’écris et que j’essuie des critiques hostiles des deux camps mais, la semaine dernière, j’ai renoncé. La semaine dernière, quelque chose s’est brisé en moi.
Quand de jeunes juifs exaltés se sont répandus en hurlant «mort aux Arabes !» et ont attaqué des Arabes juste parce qu’ils étaient arabes, j’ai compris que j’avais perdu ma minuscule bataille personnelle.
J’ai écouté alors les politiciens et les gens des médias et j’ai su que ceux-là faisaient la différence entre un sang et un autre, entre un être humain et un autre être humain. Des individus, devenus la force dominante du pays, clamaient à voix haute ce que la plupart des Israéliens pensent : « Nous sommes meilleurs que les Arabes.»
Dans les tables rondes auxquelles j’ai participé, on affirmait que les juifs étaient un peuple plus éminent, plus digne de vivre. Une majorité désespérément déterminante dans le pays ne reconnaît pas à l’Arabe le droit de vivre, en tout cas pas dans ce pays.
Après lecture de mes derniers articles, certains lecteurs ont suggéré de m’expédier à Gaza, de me briser les os, de kidnapper mes enfants.
J’habite à Jérusalem et j’ai de merveilleux voisins juifs, et j’ai des amis écrivains et journalistes merveilleux, mais je ne peux pas envoyer mes enfants dans des colonies de vacances ou des centres aérés avec leurs copains juifs.
Mon aînée, furieuse, a protesté, affirmant que personne ne saurait qu’elle est arabe à cause de son hébreu impeccable mais je n’étais pas disposé à l’écouter. Elle s’est enfermée dans sa chambre, en pleurs ».
Sayed Kashua occultait les manifestations antisémites pro-Hamas dans le monde, les tirs de roquettes du Hamas contre les civils israéliens, etc.

I don't need Jewish historians to tell me about the NakbaJe n’ai pas besoin d’historiens juifs pour me parler de la Nakba »). Tel est le titre d’un éditorial de Sayed Kashua publié dans Haaretz (29 octobre 2016) dans lequel l’auteur a stigmatisé une prétendue malhonnêteté israélienne.

Ainsi que l’a démontré CAMERA (Committee for Accuracy in Middle East Reporting in America), Kashua a déformé les événements de 1948 pour occulter les attaques commises par les habitants de Tira, village de son père, contre le kibboutz Ramat Hakovesh, et de Miska, bourgade des parents de son épouse, contre le kibboutz Ramat Kavosh et d’autres communautés juives dans la région du Sharon. CAMERA a fustigé le révisionnisme de Kashua imputant aux Israéliens le meurtre de deux Arabes israéliennes dont l’une a été assassinée par son frère, et l’autre semble-t-il par son époux suspecté par la police. 

« Comme toujours, c'est par le prisme complexe de l'individu qu'Eran Riklis (« Les citronniers », « La fiancée syrienne ») dépeint les déchirements de son pays et l'interminable guerre qui le ronge ». 

« Partagé entre l'amertume et la tendresse, la noirceur et l'humanisme, le film parvient finement à faire ressentir les ambiguïtés, racisme ordinaire ou préjugés inconscients, d'une société dont 20 % des citoyens sont arabes, mais aussi les vacillements de l'identité auxquels sont confrontés ces derniers ». Les problèmes d’identité d’Arabes israéliens proviennent en partie de la faiblesse de l’Etat d’Israël à s’affirmer en Etat juif, à clamer son Histoire et à combattre la propagande haineuse visant à le délégitimer, à l’oscraciser et à le détruire. Ce qui fait naître des craintes chez certains Arabes israéliens et des espoirs chez d’autres. Un « racisme ordinaire », et pas d’« antisémitisme ordinaire » arabe ou/et islamique ? Un « racisme » qui n’a pas entravé des parcours à la Cour suprême, dans la diplomatie, etc.

« La qualité de l'interprétation, notamment celle de Tawfeek Barhom (vu plus récemment dans « Le chanteur de Gaza ») et de Yaël Abecassis (« Hatufim »), transmue ce que la démonstration pourrait avoir de pesant en une émotion de plus en plus puissante ».

L'un des points les plus choquants du film, outre sa partialité dénigrant les Israéliens juifs, est qu'il illustre le remplacement du juif par le musulman, de l'Israélien Juif par l'Israélien/Palestinien Arabe : affublé de toutes les qualités, Eyad usurpe l'identité de Yonatan - auprès de la banque, lors de l'examen -, et ce, avec l'approbation tacite d'Edna, mère de Yonatan. Pour exister, Eyad doit se faire passer pour Juif, et pour que son stratagème soit couronné de succès, il lui faut la mort physique de Yonatan et l'accord d'Edna, une "mère juive". Pas de meurtre risquant de ternir l'image d'Eyad "le-dévoué-qui-se-sacrifie-par-amour" : l'intrigue se noue autour de la maladie incurable de Yonatan. Et elle résulte de la collaboration scénaristique d'un Juif et d'un musulman, tous deux Israéliens !?

Le prénom de Yonatan est-il fortuit ? Personnage biblique, prince du royaume d'Israël dont son père Saül est roi, Jonathan se lie d'amitié avec David qui succédera à Saül. La propagande ant-israélienne présente souvent l'enfant palestinien lançant des pierres contre le soldat israélien comme David usant de sa fronde contre Goliath. Mais, nulle homosexualité présumée dans le film qui souligne la virilité, le charme de l'adolescent Eyad qui séduit Naomi, l'ambitieuse ingrate.

En remplaçant officiellement Yonatan auprès d'Edna et de l'Etat d'Israël, Eyad fait figure d'Ismaël, ancêtre des Arabes, et Edna est assimilée à une Sarah qui aurait accepté le fils d'Agar et du patriarche Abraham, "père de multiples nations". Exit Isaac. Notons la disparition du judaïsme dans la scène de l'enterrement qui islamise contre son gré le défunt juif.

La déclinaison cinématographique de la théologie chrétienne de la substitution selon laquelle le christianisme se serait substitué au judaïsme - celui-ci n'ayant pas reconnu Jésus comme le Messie - comme le "véritable Israël" ? Une variante de la "théologie chrétienne de la libération de la Palestine" par la mort programmée du Juif /Israël qui laisserait la place au "Palestinien/musulman" ?

Autant de symboles instrumentalisés de manière inquiétante dans ce film co-produit par la chaine publique franco-allemande Arte.

Oui, un film pour le moins gênant et choquant.
                 
« Le dossier Mona Lina »
Arte diffusa le 4 janvier 2021 « Le dossier Mona Lina » (Aus nächster Distanz) d’Eran Riklis. 

« Une "baby-sitter" du Mossad est envoyée à Hambourg pour protéger une agente double libanaise ciblée par le Hezbollah... Par Eran Riklis ("La fiancée syrienne", "Les citronniers"), un captivant thriller d’espionnage au féminin avec Golshifteh Farahani et Neta Riskin ».  

« Après avoir livré au Mossad des informations sur Naim Qassem, l'un des chefs du Hezbollah libanais, l’agente double Lina Haddad – nom de code "Mona" –, désormais "grillée", est exfiltrée de Beyrouth en urgence par les services secrets israéliens. Mise en sécurité dans une planque à Hambourg, elle subit une opération de chirurgie plastique afin d'endosser une nouvelle identité. Deux ans après avoir été contrainte d’arrêter ses missions, Naomi, une agente israélienne, est envoyée sur place pour assurer sa protection... et sa surveillance ». 

« Dans le cocon de l’appartement hambourgeois où elles sont recluses, Golshifteh Farahani (Paterson, Un divan à Tunis, coproduit par ARTE France Cinéma) et Neta Riskin (Une histoire d’amour et de ténèbres) se toisent et s’apprivoisent tandis qu’au dehors espions américains et israéliens ainsi qu'exécuteurs du Hezbollah s’apprêtent à rebattre les cartes… »

« Eran Riklis (La fiancée syrienne, Les citronniers) signe un captivant thriller d’espionnage au féminin, tiré d’une nouvelle de l’écrivaine Shulamith Hareven ». 

« Après Mon fils, sur l’amitié de deux étudiants, l’un arabe, l’autre juif, le réalisateur israélien aborde sous un angle nouveau la situation conflictuelle au Proche-Orient en superposant la complexité des relations humaines à celle de la géopolitique ». 

« Ménageant le suspense, il orchestre un mélancolique face-à-face entre deux femmes que tout sépare, pareillement dévastées par une guerre qui les dépasse ». 



« En 1982, la guerre du Liban a éclaté : c’était un conflit décisif et traumatisant pour Israël, et une époque marquante et douloureuse pour l’OLP et donc pour tous les Palestiniens vivant en Israël ou dans les territoires. En 1991, la guerre du Golfe est un conflit majeur et traumatisant pour toute la région, et pour le monde entier. Comme Iyad grandit pendant ces guerres, et dans la période qui les sépare, sa personnalité, ses choix – et ceux de ses parents –, son identité et son parcours sont marqués par ce contexte. Du coup, la fusion entre identité individuelle et identité nationale est parfaitement pertinente, et c’est ce que je recherche toujours chez mes personnages et dans mes décors. Par ailleurs, le fait de situer l’histoire dans le passé permet de prendre du recul et de porter un regard sur les événements sans ressentiment, mais plutôt avec compréhension et compassion ».

« Nous voulons tous faire partie de la société où nous vivons. Mais aujourd’hui, la plupart des Arabes ont le sentiment d’être exclus du corps social au sens large. Ce ressenti a fini par se banaliser, il y a un grand sentiment de malaise entre les deux peuples. C’est un élément fondamental de cette histoire ».

« Israël est surtout dépeint comme un pays complexe, qui réunit des points de vue, des idées et des comportements très différents. Certes, comme on le voit dans le film, on y trouve des autocollants anti Arabes sur des cabines téléphoniques qui sont le fait d’imbéciles extrémistes. Mais Israël est un pays à la fois généreux et hostile, ouvert et craintif, accueillant et indifférent à l’égard de sa minorité arabe. Comme le montre le film, on ne peut pas être manichéen, et la situation est très nuancée. Car pour chaque brute épaisse, on trouve un être bienveillant, pour chaque mère craintive – comme celle de Naomi –, on trouve une Edna (Yaël Abecassis), et pour chaque acte de violence, on trouve un acte de compassion. Israël, à cet égard, n’est pas si différent de la plupart des pays européens, et même de la plupart des pays du monde entier. Mais, bien évidemment, Israël est constamment observé à la loupe en raison du poids de l’histoire, de la politique et de l’importance géopolitique de la région ».

« Ce n’est pas facile d’être un Arabe en Israël, et que ce n’est pas facile d’appartenir à une minorité dans n’importe quelle société, et dans n’importe quel pays. L’Europe en offre d’innombrables exemples et on peut faire le même constat en France. Mais je crois profondément que PERSONNE ne devrait dissimuler son identité, mais que, parfois, les minorités y sont contraintes par la majorité, car elles éprouvent le besoin de se faire accepter et apprécier, et de survivre ».
  

« Le dossier Mona Lina » d’Eran Riklis
 
Israël, Allemagne, France, 2017, 86 min
Auteur : Shulamith Hareven
Scénario : Eran Riklis
Production : Eran Riklis Productions, Heimatfilm, MACT Productions, ZDF, ARTE
Producteurs : Bettina Brokemper, Antoine de Clermont-Tonnerre, Michael Eckelt, Eran Riklis
Image : Sebastian Edschmid
Montage : Richard Marizy
Musique : Yonatan Riklis
Avec Golshifteh Farahani (Mona), Neta Riskin (Naomi), Yehuda Almagor (Avner), Doraid Liddawi (Naim Quassem), Haluk Bilginer (Ahmet), Lior Ashkenazi (Gad), Mark Waschke (Bernhard), Dagmar von Kurmin (Madame Herrmann)
Sur Arte le 4 janvier 2021 à 22 h 35
Disponible du 04/01/2021 au 10/01/2021


« Mon fils » par Eran Riklis
United Channel Movies, Riva Filmproduktion, Heimatfilm, MACT Productions, Alma Film Produktion, ZDF/ARTE, Allemagne, France, Israël, 2014, 97 minutes
Auteur : Sayed Kashua
Image : Michael Wiesweg
Montage : Richard Marizy
Musique : Yonatan Riklis
Producteurs/-trices : Chilik Michaeli, Michael Eckelt, Antoine de Clermont-Tonnerre, Avraham Pirchi, Tami Leon, Bettina Brokemper
Scénario : Sayed Kashua
Avec Tawfeek Barhom, Razi Gabareen, Yaël Abecassis, Michael Moshonov, Ali Suliman, Danielle Kitzis, Marlene Bajali, Laëtitia Eïdo
Sur Arte le 2 août 2017 à 20 h 55
Sur le site d'Arte, disponible du 27/09/2020 au 03/10/2020
Visuels :
Tawfeek Barhom et Yaël Abecassis
Danielle Kitzis et Tawfeek Barhom 
Danielle Kitzis 
Tawfeek Barhom et Danielle Kitzis
© Riva Filmproduktion/Mact Productions/Heimatfilm/Alma Film Productions/New Lineo

Articles sur ce blog concernant :
Articles in English
Les citations sont extraites du dossier de presse. Cet article a été publié le 1er août 2017, puis le 30 septembre 2020.

jeudi 24 septembre 2020

Amedeo Modigliani (1884-1920)


Peintre, sculpteur, Amedeo Modigliani (1884-1920) est un 
artiste italien Juif de l’École de Paris né à Livourne, port en Toscane. Le Jewish Museum présenta l'exposition Modigliani Unmasked. Le 27 septembre 2020, Arte diffusera, dans le cadre de "L'amour à l'oeuvre" (Liebe Am Werk), "Jeanne Hebuterne et Amedeo Modigliani" (Jeanne Hebuterne und Amedeo Modigliani) par Delphine Deloget. 


« Un enfant des étoiles ». C’est ainsi que Léopold Zborowski, « l’élégant poète et marchand d’origine polonaise, ami de Modigliani », décrit « avec subtilité celui qui incarne encore le mythe de l’artiste maudit à Montparnasse, quand il brille en effet au firmament de l’École de Paris ». (Daniel Marchesseau, conservateur général du Patrimoine, directeur honoraire du Musée de la vie romantique, Paris)


Modigliani et l'Ecole de Paris
En collaboration avec le Centre Pompidou (Paris) et des collections suisses, la Fondation Pierre Gianadda a présenté l'exposition Modigliani et l’École de Paris réunissant une centaine d’œuvres, dont des chefs d’œuvres : les « emblématiques portraits et nus de Modigliani, ainsi que des œuvres des figures principales de l’École de Paris qui furent ses amis et parfois ses inspirateurs », et soulignant la singularité et la variété – influences du cubisme, des « arts primitifs », art africain et art Khmer - de l’œuvre figurative – tableaux, sculptures - de cet artiste italien Juif.

Cette exposition « est centrée sur le développement de l’œuvre d’Amedeo Modigliani (1884-1920) de son arrivée à Paris en 1906 jusqu'à sa mort en 1920. Retraçant la trajectoire de cet artiste majeur, la commissaire de l’exposition, Catherine Grenier, directrice-adjointe du Musée d’art moderne, Centre Pompidou, met son évolution esthétique singulière en vis-à-vis des œuvres des artistes qui lui sont le plus proches ».


 Sa thèse : montrer l’œuvre de Modigliani  comme « la synthèse des deux cultures et des deux univers formels à l’articulation desquels il évolue : d’une part, la tradition du portrait, maintenue vivace par les artistes cosmopolites de l’École de Paris, d’autre part la révolution esthétique du cubisme ».

 L'exposition évoquait aussi l’amitié de Modigliani et de Constantin Brancusi. Le jeune Modigliani « est en effet très vite captivé par le personnage singulier et radical du sculpteur roumain, dont la volonté de vérité et de dépouillement inspirera sa recherche de « la plénitude ».


Une salle entière de l’exposition, était consacrée aux sculptures de ces deux artistes et de leurs amis modernistes, Jacques Lipchitz, Ossip Zadkine  et Henri Laurens ». 



L’exposition faisait dialoguer les œuvres de Modigliani avec celle des autres artistes de l’École de Paris, peintres et sculpteurs, souvent Juifs, venus pour la plupart d’Europe centrale dans cette ville-lumière à la charnière des XIXe et XX siècles, et qui ont contribué au rayonnement artistique de Paris en explorant des voies avant-gardistes, tels Chaïm Soutine, Jules Pascin, Marc Chagall  ou Moïse Kisling, dont les œuvres « véhiculent des esthétiques différentes, marquées par l’expressionnisme et un primitivisme inspiré de leur culture populaire locale ».

Malgré son interdiction par des avant-gardes artistiques, la pratique du portrait – d’amis artistes, de membres de la famille ou de galeristes – demeure importante. Un genre artistique dans lequel Modigliani se spécialise et excelle. Bien que toujours figurative, l’œuvre de Modigliani est influée par le cubisme. Une initiation au cubisme favorisée par la proximité de son premier atelier et du Bateau Lavoir, où se retrouvent les cubistes. Sans adhérer au cubisme, Modigliani s’éloigne de l’influence de Toulouse Lautrec prégnante dans ses premières œuvres parisiennes, et va « engager un processus de schématisation et de stylisation ». 

Il partage aussi leur intérêt pour les « arts primitifs », art africain et art Khmer qu’il découvre au musée ethnographique du Palais du Trocadéro. 


L’indépendance et l’absence d’esprit de chapelle de Modigliani se révèle par la variété de ses amis, rencontrés dans ses ateliers de Montmartre puis de Montparnasse. Suzanne Valadon et son fils, Maurice Utrillo, André Utter, Jules Pascin, Gino Severini, Constantin Brancusi, Amadeo de Souza Cardoso, Max Jacob, Jacques Lipchitz, Ossip Zadkine, Moïse Kisling, Chaïm Soutine, Georges Kars, Marc Chagall, Diego Rivera, André Derain, Ortiz de Zarate, et Pablo Picasso qu’il fréquente surtout après la guerre. 

Modigliani « traverse le moment où les avant-gardes se solidarisent, puis le temps des déchirements et des défections, sans dévier de sa route qui s’apparente à un processus progressif de purification. De plus en plus désincarnés, ses portraits à la schématisation célèbre, avec leurs yeux sans pupilles colorés d’un bleu irréel, deviennent comme des masques se découpant dans un décor de peinture pure, comme les marionnettes d’un théâtre métaphysique ».  


Un « enfant des étoiles »

Amadeo Modigliani naît le 12 juillet 1884, à Livourne, port franc – exempté de droits de douane - toscan situé sur la côte Ligure, à quelques kilomètres au sud de Pise dont un canal le relie. Livourne est hérissé de fortifications militaires édifiées face à la mer, de quatorze églises catholiques datant de la Renaissance et abrite la grande synagogue juive, deuxième en Europe par sa taille et ses trésors. Ville où a grandi Leonetto Cappiello, qui deviendra un maître de l’affiche à Paris. Depuis la fin du XVIe siècle, Livourne, cosmopolite - Arméniens, Grecs, Hollandais, Anglais, Allemands -, bénéficie d’un édit de tolérance réunissant les « lois de constitution livournaise » promulguées par le grand-duc Ferdinand Ier de Médicis en 1593. Cet édit garantit, notamment, et en particulier aux Juifs, la liberté de culte et d’exercice.

Ainsi dès la fin du XVIe siècle, hors ghetto, prend son essor une importante communauté séfarade venue d’Espagne, après en avoir été chassée par le décret d’Alhambra signé sous l’Inquisition par la reine de Castille, Isabelle Ière la Catholique en 1492.


Installée à Livourne sous le nom de « Gorneyim », dite aussi « Gorni » ou « Grana », cette « nation hébreu » compte ainsi parmi ses membres les plus distingués, les familles paternelle, d’Isaac Modigliani et celle, maternelle, d’Isaac Garsin, d’Amedeo Modigliani.


Malgré des difficultés financières dues à des faillites industrielles et commerciales, ces deux familles offrent une éducation aimante et ouverte au quatrième et dernier enfant du ménage Modigliani. A la naissance d’Amedeo, le couple a déjà trois enfants : Emanuele, âgé de douze ans, futur brillant avocat et député socialiste, Margherita, âgée de dix ans, qui enseignera le français et sera la mère adoptive de sa nièce Jeanne Modigliani, puis Umberto, âgé de six ans, futur ingénieur des mines.

Le père, Flaminio Modigliani, originaire d’un village éponyme près de Rome, « effacé et piètre gestionnaire, s’absente souvent du foyer familial pour diriger ses affaires en Sardaigne ». Née à Marseille en 1855, dans une famille d’origine livournaise aux racines tunisiennes et espagnoles, sa jeune épouse, Eugénie Garsin, « appartient à une haute lignée israélite méditerranéenne affiliée, dit la tradition, à la parentèle du philosophe Spinoza ». Polyglotte - français, anglais, italien -, elle transmet à ses enfants son goût de la littérature et de la philosophie.


Amedeo Clemente naît « dans la belle bâtisse à deux étages que les familles Modigliani et Garsin se partagent, 38 Via Roma, l’une des artères principales du centre – ce que rappelle une plaque apposée sur la façade en 1959 ». Rapidement, Eugénie doit élever sa famille seule et faire « l’apprentissage de la gêne ». Elle gagne sa vie en donnant des cours particuliers.


Surnommé « Dédo », Amedeo est « choyé, tant par son grand-père maternel Isaac Garsin qui lui donne le goût de la lecture jusqu’à l’intellectualisme, que par ses oncles et tante. De santé fragile, l’enfant est élevé à la maison jusqu’à l’âge de dix ans dans une tradition judaïque libérale et dans un souci austère de formation à l’étude ».


Il « lit ainsi très tôt Dante, puis Nietzsche mais aussi, dit-on, Baudelaire et les premiers textes du jeune d’Annunzio que sa mère traduit en français. De cette adolescence protégée, il gardera une inclination naturelle pour la poésie et la déclamation ».


Âgé de 14 ans, après une grave fièvre typhoïde, il fait part de sa vocation de peintre à sa mère qui l’encourage.  Ne restent que peu d’œuvres de sa jeunesse, « ses esquisses de 1898 dans l’atelier du paysagiste livournais Guglielmo Micheli à la Villa Baciocchi, comme celles exécutées en 1903 à La Scuola libera di Nudo de l’Accademia di Belle Arti à Florence dirigée par le professeur – également livournais – Giovanni Fattori, avant Venise (Scuola libera di Nudo du Regio Istituto de Belli Arti) où il séjourne trois ans ».


En 1901, âgé de 17 ans, Amado effectue, à l’initiative de sa mère, son premier séjour dans le Mezzogiorno, au Sud de la péninsule italienne. A la suite de l’hémorragie tuberculeuse dont souffre son fils, elle décide de compléter l’éducation visuelle de son fils à Naples, Capri et Amalfi, puis à Rome et à Florence, afin de découvrir les primitifs avant les maîtres du classicisme et de la tradition baroque, l’art étrusque et l’architecture gréco-romaine. Enthousiasmé par ses visites de musées – musées de Rome, Musée archéologique de Naples, Palazzo Pitti et Galleria di Uffizi à Florence – d’églises et de basiliques (Saint-Pierre de Rome), le jeune Amedeo sent sa « vocation souveraine qui le pousse irrésistiblement à peindre, et à peindre dans la joie ». En outre, il est influencé par la fréquentation à Florence « des amis de Fattori, regroupés sous les couleurs des Macchiaioli (« tachistes », terme choisi par dérision). Les échanges à Venise dès 1904 avec son jeune ami et cadet de trois ans, Manuel Ortiz de Zárate – dont il croquera plus tard les traits à Paris – comme ses visites de la Biennale le conduisent également à progresser. La palette vériste en vogue dans le Nord de l’Italie, en opposition au néoclassicisme, au purisme académique tout comme au romantisme du XIXe siècle, l’incite à user d’un traitement contrasté entre les taches de couleurs et le chiaroscuro. Ses premières huiles procèdent d’un impasto chromatiquement puissant ». 


À l’hiver 1906, au rebours du « grand tour » en Italie prisé par les Romantiques, Amedeo Modigliani, âgé de vingt-deux ans, quitte Livourne pour s’installe Paris. Dix ans lui suffisent pour s’imposer au sein de la communauté artistique de Montmartre et Montparnasse.

Modigliani « se souviendra toujours de sa ville natale au glorieux passé, et de l’éducation très libérale reçue de ses parents issus de la meilleure bourgeoisie juive locale. Nourri de ses racines judéo-latines, comme Constantin Brancusi de ses traditions orthodoxes de Transylvanie, il s’affranchit cependant de toute pratique religieuse, comme nombre de ses contemporains à l’orée du nouveau siècle, tout en sublimant l’interdit de la représentation par son génie de l’image ».  Grâce à l’aide financière de sa mère, Modigliani arrive à Paris en hiver 1906, « quelques mois après le scandale de la « cage aux fauves » et l’épanouissement du fauvisme auquel il n’adhère pas ».


À Montmartre, il s’installe près du Bateau-lavoir et fréquente, mais rarement, les peintres Pablo Picasso, André Derain, Maurice Utrillo et le jeune Diego Rivera, les poètes et critiques Max Jacob, Guillaume Apollinaire et André Salmon.

En automne 1907, âgé de 24 ans, il est émerveillé par la première rétrospective posthume du peintre Cézanne au Salon d’automne – avant l’exposition de 1909 chez Bernheim Jeune.


Rencontre amicale décisive : celle avec Paul Alexandre, un jeune médecin de trois ans son aîné qui, de 1907 à 1914, est « son seul vrai confident, son principal acheteur et commanditaire, et son plus fraternel soutien ». Leur « connivence est capitale dans la création du peintre, mais aussi – surtout ? – entre 1910 et 1914 dans l’envol du dessinateur – dont on connaît les très nombreuses études de têtes et de cariatides au trait de contour sur papier – et du sculpteur, puisque Modigliani se destine alors en priorité à cette discipline – il s’y était déjà intéressé trois ans plus tôt à Pietrasanta, près de Carrare, non loin de Livourne ».


C’est « un joyeux et jubilatoire phalanstère que le docteur Paul Alexandre met à la disposition de ses amis artistes au 7 rue du Delta, proche de l’Hôpital Lariboisière et de la Gare du Nord. S’y retrouve un petit groupe d’artistes amis que rejoint bientôt le sculpteur Constantin Brancusi, récemment arrivé à pied de Roumanie, et qui venait de quitter l’atelier de Rodin. Modigliani y trouve à son tour un havre chaleureux, propice au travail comme au débat ».



Parmi « les tableaux de sa jeunesse parisienne, on relève ainsi ses premières effigies masculines, en particulier les diverses commandes de la famille de son ami Paul Alexandre brossées dès 1909 : d’abord le père, Jean-Baptiste, puis Paul dont il exécute trois portraits (deux autres suivront en 1911-1912), et enfin le frère, Jean, qui s’occupe alors du « Delta » avant de mourir de tuberculose en juin 1913. Jean et Modigliani étaient suffisamment liés pour qu’il dédicace cette même année 1909 « à Jean Alexandre » la peinture La Mendiante exécutée pendant l’été à Livourne ». 

Les premières œuvres de Modigliani portent l’empreinte d’Henri de Toulouse-Lautrec et de son ami de la Butte, Théophile Alexandre Steinlen. Bien qu’il ait découvert Les Demoiselles d’Avignon dans l’atelier de Picasso, rue Ravignan, Modigliani demeure à distance du cubisme. De même, il se distingue des « futuristes italiens à Paris qui exaltent le monde moderne, les machines et la vitesse, à travers le manifeste publié par l’écrivain Marinetti (Le Figaro, 20 février 1909), et dont font partie les peintres Balla, Carrà, Russolo et Severini, et le sculpteur Boccioni ».

Par l’intermédiaire de Brancusi, rencontré en 1909 au « Delta », Modigliani s’installe dans un atelier mitoyen au rez-de-chaussée du 14 cité Falguière, derrière Montparnasse, et s’initie à la pierre.


En sculpture, les maitres de Modigliani sont l’Italien Medardo Rosso et Auguste Rodin qui vient de s’installer dans l’hôtel Biron.


« Rodin et Rosso, qui ont expérimenté le plâtre et la terre, l’argile et la cire, sont suivis par Matisse et Picasso, qui à leur tour s’essaient au modelage – contrairement à Modigliani qui reprend, sous la férule de Brancusi, la taille directe, exigeante technique de tradition latine ». Il « existe une différence sensible dans les approches physique et esthétique entre la ronde-bosse, d’une part, qui façonne un matériau à modeler, plâtre ou terre, et l’outil, d’autre part, qui dégage et fait apparaître un sujet à partir d’un bloc de bois ou de grès, traverse de chemin de fer ou pierre d’Euville.

Entre 1910 et 1914, Modigliani se consacre principalement à cette discipline exigeante et rude pour qui n’a pas été formé en apprentissage ». Demeurent vingt-cinq rondes-bosses de sa main, essentiellement des têtes. « Nourrie de culture méditerranéenne, la statuaire de Modigliani (de 1910 à 1913 environ) offre une plastique originale participant tout à la fois de l’ellipse chère à Brancusi comme du synthétisme des arts premiers, mais aussi de l’art des Cyclades, des effigies égyptiennes admirées au Louvre et de la mystérieuse déesse ibère, La Dame d’Elche, entrée au Louvre en 1897 ».


 Après la vogue du japonisme à la fin du XIXe siècle, l’avant-garde découvre au tournant du siècle l’art primitif, et se nourrit d’« art nègre » provenant d’Afrique comme d’Océanie ».  A 25 ans, Modigliani « s’en imprègne chez ses camarades Derain, Vlaminck, Picasso, Braque, mais aussi à travers la collection de sculptures baoulé réunie par Paul Alexandre. Il visite le Musée ethnographique du Trocadéro – futur Musée de l’homme – et le Musée Guimet sur la colline de Chaillot, et se lie aux sculpteurs Jacques Lipchitz et Henri Laurens, également passionnés de fétiches, qu’il fera bientôt poser devant son chevalet ».

Fragilisé par les maladies dans son enfance, Modigliani consomme alcool et drogue. « C’est sans doute l’une des raisons pour lesquelles il abandonne la taille directe de la pierre qu’il pratique avec difficulté dans un certain isolement, sans le soutien de praticiens confirmés. La pénibilité du travail, la poussière minérale qui encombre les poumons, l’indifférence de la critique lorsqu’il présente Têtes, ensemble décoratif au Salon d’automne en 1912, ainsi que la misère grandissante conduisent Modigliani à retourner à la peinture, qui sera désormais son medium et son (modeste) gagne-pain durant toute la période de la guerre ».


1er août 1914, la guerre contre l’Allemagne est déclarée. Modigliani est réformé par l’État français pour raisons de santé. Il demeure à Paris, alors que Paul Alexandre est mobilisé en première ligne dès le 3 août. Les Montparnos « instaurent une atmosphère créative et libertaire ». Modigliani crée des portraits de ses amis à l’huile et au crayon, rarement à l’encre. A Montparnasse, les artistes se rencontrent parfois à la cantine ouverte par la peintre russe Marie Vassilieff près de son atelier, avenue du Maine.  »


Participant de sa misère matérielle et de sa détresse morale, Modigliani continue d’abuser de l’alcool – l’absinthe, « la fée verte », n’est prohibée en France qu’en 1915 – et de paradis artificiels, puisqu’il prend depuis longtemps du haschich avec Paul Alexandre et de l’opium avec André Salmon – qui publie en 1910 son recueil de poésies Le Calumet.


Cela ne l’empêche cependant pas de brosser avec fermeté, selon une facture légère et enlevée, quelques trois cents portraits à l’huile en moins de cinq ans. Il choisit ses modèles aussi bien pour leur intensité personnelle et les complicités intellectuelles, artistiques et religieuses qu’il noue avec eux, que pour le charme de leur mise, la modestie d’une servante ou la franchise du regard chez un fils de concierge.


Ainsi a-t-il laissé une galerie unique, passionnante et bouleversante de toute une communauté marginale d’artistes de toutes origines et toutes appartenances : d’Amérique du Sud, le Mexicain Diego Rivera et le Chilien Manuel Ortiz de Zárate ; d’Espagne, Pablo Picasso, Juan Gris et Celso Lagar ; de Lituanie, Chaïm Soutine ; de Pologne, Moïse Kisling avec sa femme Renée, Simon Mondzain, Pierre-André Baranowski, Henri Hayden et sa femme Odette ; de Russie, Marie Vassilieff, Oscar Miestschaninoff et Léon Bakst ; de Lituanie, Jacques Lipchitz ; de Biélorussie, Léon Indenbaum, Ossip Zadkine et Pinchus Krémègne ; de Finlande, Léopold Survage… Tous ses camarades figurent ainsi dans le corpus de ses peintures et dessins, hormis Chagall, qui reste bloqué en Russie de juillet 1914 à 1922 ».

En 1916, Modigliani « retrouve avec émotion le poète d’origine suisse Blaise Cendrars. Engagé dans l’armée française comme volontaire étranger, celui-ci vient de perdre au combat son bras droit – sa main d’écrivain – qui est amputé au-dessus du coude. Son portrait, ascétique, est poignant. Cendrars écrira d’une main gauche encore malhabile les vers de la plaquette de la seule exposition personnelle de Modigliani qui s’est tenue de son vivant ».


Parmi « les trente-deux toiles présentées à la galerie Berthe Weill en 1917, plusieurs nus sont saisis par la police le jour de l’inauguration pour atteinte à la pudeur. Mais les vers ne purent être interdits : Max Jacob, réformé depuis 1897, vient également à Montparnasse. Modigliani en laisse en 1916 deux admirables portraits, alors que le poète prépare l’édition à compte d’auteur de son recueil Le Cornet à dés (1917) qui lui vaudra la notoriété.
Juif de naissance, Max Jacob, profondément troublé par une première apparition de l’image du Christ en octobre 1909 sur le mur de sa chambre près du Bateau-lavoir, est gagné par une foi chrétienne fulgurante après une deuxième apparition dans un cinéma en décembre 1914. Il reçoit le baptême catholique en la petite chapelle de la congrégation Notre-Dame de Sion, sise rue Notre-Dame des Champs, en plein cœur de Montparnasse, le 18 février 1915, avec Picasso pour témoin. Modigliani, dont la culture juive est intacte et les liens d’amitié étroits avec nombre d’artistes amis juifs, ashkénazes pour beaucoup, est sensibilisé au plus haut point par le poète tant admiré au charisme prenant, devant l’expression de son cœur soudain mis à nu ».

La même année, « traverse en météore ce cercle parisien bohème, amené par Max Jacob, le jeune et brillantissime Jean Cocteau, causeur infatigable et dandy élégant. Entre deux permissions, Modigliani, comme Kisling, en brosse un important et séduisant portrait après de nombreux croquis ». 


Modigliani « travaille beaucoup, en particulier à la demande du très jeune Paul Guillaume, que lui a présenté Max Jacob, et qui est son défenseur le plus actif et marchand exclusif de 1914 à 1916. Celui qu’il surnomme « Novo Pilota - Stella Maris » dans l’un des quatre portraits peints qu’il laisse du jeune marchand, alors que ce dernier n’a pas même vingt-cinq ans. Paul Guillaume, étonnamment précoce, doit sa réputation, alors naissante, à sa clairvoyance et à son flair, et impose auprès de collectionneurs choisis maints peintres du début du siècle. De Matisse à Picasso, de Soutine à Derain, de Chirico à Marie Laurencin, il sait promouvoir leurs talents pendant et après la Grande Guerre.

Si Paul Durand-Ruel, Ambroise Vollard ou Daniel-Henry Kahnweiler – que Modigliani ne fréquente jamais directement – sont aujourd’hui bien connus grâce à leurs souvenirs et entretiens, Paul Guillaume, disparu brutalement à quarante-deux ans en 1934, n’a guère laissé de documents de ses initiatives. Mais la collection offerte au Louvre par sa veuve, Mme Domenica Walter Guillaume témoigne de son extraordinaire sens de la qualité et de son amitié indéfectible. Le peintre trouve en celui qui est par ailleurs un des premiers à imposer l’art africain, un soutien rare et une stabilité financière salvatrice ».

Léopold Zborowski, « poète en exil arrivé en 1910, prend le relais fin 1916 et devient son marchand comme il sera celui de Foujita et de Soutine. Sa femme Hanka et la très jeune Paulette Jourdain posent naturellement, comme lui, à plusieurs reprises dans l’atelier de Modigliani qu’il a mis à la disposition du peintre, rue Joseph Bara, au cœur de Montparnasse, derrière le restaurant La Closerie des Lilas. C’est Zborowski, à l’élégance racée, qui organise sa première exposition personnelle chez Berthe Weill, rue Taitbout, dans le quartier des galeries ».

Charmant, fougueux, Amedeo Modigliani « connaît en une quinzaine années de nombreuses et tumultueuses passions, souvent déréglées par l’alcool », et évoquées dans La Vie passionnée de Modigliani d’André Salmon, ami du peintre de ses débuts jusqu’à sa disparition, et la biographie Modigliani sans légende, écrite par sa fille Jeanne Modigliani.


Inspiratrices, muses et consolatrices, trois femmes ont « compté pour Modigliani, ce génie séducteur, magnétique et fragile : la journaliste et poétesse anglaise Beatrice Hastings de cinq ans son aînée, dont il fait de nombreux tableaux et dessins et avec qui il a, entre 1914 et 1916, une liaison orageuse ; Lunia Czekowska, sans doute sa grande amie de cœur pendant la guerre, et enfin Jeanne Hébuterne, qu’il rencontre en 1917 par l’entremise de son amie, sculpteur d’origine ukrainienne, Chana Orloff. La jeune fille, alors âgée de dix-neuf ans – Modigliani en a trente-trois –, étudie la peinture à l’académie Colarossi. Ils s’installent rapidement ensemble rue de la Grande Chaumière, dans un logement prêté par Zborowski. Jeanne, éperdument amoureuse, au talent prometteur, à la douceur angoissée, apporte à son aimé une paix relative ». Le couple a une fille, Giovanna, appelée aussi Jeanne, née le 29 novembre 1918 à Nice.

De chacune de ses égéries, il laisse de nombreux portraits comme de leurs proches Hanka ou Paulette Jourdain. Les grands nus, sensuels et chauds selon la tradition classique, évocatrice mais réservée, semblent quant à eux avoir été brossés d’après des modèles de Montparnasse qu’il connaissait naturellement intimement – parmi lesquelles Elvira ou la belle Gaby – mais non d’après ses compagnes Beatrice et Jeanne. Son dernier nu couché, particulièrement âpre et moderne, sans doute inachevé, transcende, par la puissance du pinceau, la volupté toute italianisante des précédents ».


Dès mars 1918, en raison de « sa mauvaise hygiène de vie, des privations dues à la guerre et des bombardements sur Paris, son état de santé s’aggrave. Zborowski, tenant également compte de l’imminente deuxième maternité de Jeanne, envoie le couple sur la Côte d’Azur entre Nice et Cagnes où la famille Hébuterne aurait eu une maison. Le littoral comme l’arrière-pays montagneux et la belle lumière méditerranéenne rappellent au peintre la Riviera de son enfance. Il s’en inspire pour quatre petits paysages, les seuls de toute sa carrière, qui évoquent sa province natale, la Toscane voisine ».  »

Autour de la Promenade des Anglais, le couple retrouve Foujita et sa femme Fernande, Chaïm Soutine, Léopold Survage et sa compagne Germaine Meyer, Anders Osterlind et sa femme Rachel. Osterlind, paysagiste français d’origine suédoise, connait depuis son enfance l’illustre et vieillissant Renoir qui, comme ses parents, habite Cagnes. C’est grâce à lui que Modigliani est reçu dans son vaste domaine des « Collettes » et d’y voir à l’atelier du maître deux de ses derniers nus. Mais aucun dialogue ne fut possible entre eux. Curieusement les deux peintres devaient disparaître à quelques semaines d’intervalle, Renoir dans sa soixante-dix-neuvième année le 3 décembre 1919, Modigliani six semaines plus tard à l’âge de trente-cinq ans ».


A Paris, Modigliani achève en janvier 1920, « à la veille de sa mort, sa dernière toile – son seul et unique autoportrait. L’artiste, pressentant sa disparition imminente, voulait laisser pour l’éternité une image de lui qui soit unique, élégante, secrète, intemporelle, comme l’ultime salut d’un héros romantique moderne ».


Le 24 janvier 1920, souffrant d’une méningite tuberculeuse, il est amené en urgence à l’Hôpital de la Charité, rue des Saints-Pères à Saint-Germain-des-Prés – détruit en 1935, l’immeuble est remplacé par la nouvelle Faculté de médecine -, où il décède le soir même.

Enceinte de huit mois, Jeanne Hébuterne se suicide le lendemain en se défenestrant de l’appartement de ses parents, à quatre heures du matin.


 Amedeo Modigliani est enterré le 27 janvier au cimetière du Père-Lachaise à Paris, en présence de ses amis. Depuis 1930, la dépouille de Jeanne Hébuterne est inhumée à ses côtés.

Fille de l’artiste, Jeanne Modigliani (1918-1984) a donné à Christian Parisot, les archives de Modigliani  et le droit d’autoriser les reproductions d’œuvres de ce peintre et sculpteur. M. Parisot a alors fondé l’Institut légal des archives de Modigliani à Rome, et a organisé des expositions dans des musées nationaux, etc. Et ce, « malgré des controverses  » qu’il a suscitées. 

Dès 2002, Hébuterne, petit-neveu de Jeanne Hébuterne, a accusé M. Parisot d’avoir créé de faux dessins de cette artiste. En 2008, un tribunal a condamné M. Parisot à une amende et à deux ans de prison, mais la Cour d’appel l’a relaxé. 

En 2010, la police italienne a confisqué des œuvres lors d’un spectacle sur Modigliani. Il s’avéra que 22 de ces œuvres étaient des faux Modigliani. Après une enquête de deux ans, la police a reproché à M. Parisot d’avoir reçu des biens contrefaits et de les avoir faussement authentifiés. M. Parisot a clamé qu’il « était toujours clair que ces œuvres étaient des reproductions ». 

En janvier 2014, un tribunal italien a rejeté les demandes de Laure Nechtschein Modigliani, petite-fille de Modigliani née en 1951, visant à récupérer ces archives, car il estimait que sa mère les avait légalement confiées à M. Parisot, qui, par son catalogue raisonné, avait renforcé le patrimoine de l’artiste.

Le 6 février 2014, Christian Parisot a comparu devant un tribunal romain pour avoir authentifié en toute connaissance de cause 22 œuvres faussement attribuées à Modigliani.

Le « théâtre métaphysique de l’art »

« Frais émoulu de l’École des beaux-arts de Venise, Modigliani arrive à Paris à un moment crucial. L’année 1906, date à laquelle le jeune artiste italien s’installe dans le quartier de Montmartre, correspond en effet à une période de transformation radicale de la scène et des enjeux artistiques. Le Salon d’automne, cette même année, révèle au public les expérimentations des artistes fauves, dont la liberté et la vigueur font scandale. L’année suivante, dans le secret de son atelier, l’artiste espagnol Pablo Picasso, installé à Paris depuis 1900, achève Les Demoiselles d’Avignon, qui crée un séisme inégalé dans l’histoire de l’art. L’exposition rétrospective posthume de l’œuvre de Paul Cézanne lors du Salon d’automne de 1907 fait sensation parmi les artistes, qui découvrent par ailleurs avec fascination les masques africains et la richesse plastique de l’art traditionnel non occidental ». (Catherine Grenier, commissaire de l’exposition )

Parallèlement aux innovations techniques, à la découverte de civilisations lointaines, les « ateliers partagés et les « cités d’artistes » se développent à Paris créent des réseaux d’amitié et encouragent les confrontations et les échanges ».


« L’ordonnancement rétrospectif des mouvements artistiques de cette époque fait souvent oublier le caractère hétérogène et anarchique ainsi que l’esprit d’émulation qui règnent alors dans les ateliers. Ce qu’on désigne plus tard par le terme générique d’« École de Paris » est en fait une communauté composite où des artistes espagnols, italiens, portugais, russes, roumains, bulgares, allemands, anglais, américains, mexicains, brésiliens, japonais, etc., s’amalgament aux artistes et aux courants artistiques français, dont ils vont modifier profondément le panorama comme le mode de vie ». Modigliani s’installe dans son premier atelier parisien rue Caulaincourt, près du Bateau-lavoir, un « ensemble d’ateliers où les adeptes du cubisme sont réunis autour de Picasso et Juan Gris ». Il est reçu par Manuel Ortiz de Zárate, rencontré en 1902 en Italie. Il multiplie les rencontres avec des artistes dans les cafés de Montmartre et à l’académie Colarossi où il travaille d’après modèle.


En 1908, par l’intermédiaire du Dr Paul Alexandre, son premier mécène, il rencontre en particulier Henri Le Fauconnier, Maurice Drouard et surtout Constantin Brancusi.


Dans ses peintures comme dans ses dessins, Modigliani « opère une hybridation qui n’est sans rappeler celle pratiquée par son ami le peintre bulgare Jules Pascin, qui a fait sa signature d’un expressionnisme adouci et adapté à la description des scènes et personnages de la vie parisienne. Comme lui, Modigliani s’intéresse à l’univers du spectacle et fréquente les théâtres – l’un de ses rares autoportraits le montre sous les traits d’un Pierrot costumé. Mais il puise surtout son inspiration dans le monde et les amitiés qui l’entourent, et dans une revisitation de l’histoire de l’art. La simplicité et la pureté qui caractérisent son travail sont en fait le produit d’une synthèse, qu’il pousse petit à petit à son stade ultime. C’est ce qu’il appelle « atteindre la plénitude », résultat auquel il n’accède pour chaque œuvre qu’au prix d’une multitude d’étapes préparatoires, dont attestent les centaines de dessins qu’il a réalisées, alors que sa production picturale est beaucoup plus limitée ».


Bien que fréquentant des artistes aux styles très divers - Ortiz de Zárate, Suzanne Valadon et son fils, Maurice Utrillo, André Utter, Pascin, Severini, Brancusi, Amadeo de Souza-Cardoso, Jacques Lipchitz, Ossip Zadkine, Moïse Kisling, Chaïm Soutine, Georges Kars, Marc Chagall, Diego Rivera et André Derain -, Modigliani demeure inclassable. Gino Severini se souvient de son refus en 1910 de signer le manifeste des peintres futuristes, malgré ses relations avec les artistes italiens à Paris. Malgré l’aura de Picasso, qu’il fréquente surtout après la Première Guerre mondiale, Modigliani ne rejoint pas les rangs des cubistes.


Modigliani rencontre ces artistes à Montmartre puis à Montparnasse, où il s’installe en 1909, dans la très animée cité Falguière, et ensuite à la Ruche, ainsi que dans les cafés et cabarets qu’il fréquente assidûment. Parmi les poètes, Max Jacob, Blaise Cendrars et Jean Cocteau font partie de son entourage proche.


Modigliani « traverse le moment où les avant-gardes se solidarisent, puis le temps des déchirements et des défections, sans dévier de sa route, qui, malgré des évolutions stylistiques successives, est d’une linéarité quasi absolue ».


Si la carrière brève de Modigliani révèle des évolutions majeures, elle évolue selon « un processus progressif de purification. Après la guerre, les traces de l’expressionnisme et du symbolisme présentes dans ses premières œuvres s’effacent progressivement, pour laisser place à une planéité et à une schématisation du motif qui devient sa marque personnelle, le très célèbre « style Modigliani ». « Art de composition et de synthèse, qui se double d’une autoanalyse et d’un processus de purification : ainsi pourrait-on qualifier la démarche et l’originalité de Modigliani » qui façonne son style à partir d’éléments hétérogènes.


« Kisling, Soutine, Kars et Chagall prolongent dans une plastique actualisée une tradition du portrait qui n’est pas liée à l’exigence de la commande – les mécènes sont très rares –, mais plutôt à la dimension familiale et communautaire au sein de laquelle se développe leur création artistique. Autoportraits, portraits des membres de la famille, des amis, d’autres artistes ou portraits de groupes caractérisent la production de ces artistes, qui adaptent cette iconographie aux différents crédo modernes auxquels ils se rattachent. C’est ce trait qui a engagé certains critiques à évoquer la proximité artistique de Modigliani avec les artistes juifs de l’École de Paris qui, à la Ruche, forment une communauté très vivante. Si stylistiquement Modigliani est très éloigné de ces artistes, le choix de ses sujets et l’adoption quasi exclusive d’un modèle de portrait hiératique l’en rapprochent.

Ses premiers tableaux exposés, La Juive (1908) ou La Mendiante (1910), mais aussi Le Joueur de violoncelle (1909) et le Portrait de Drouard (1910), sont une adaptation du style de Toulouse-Lautrec aux registres du quotidien et de l’intimité. Traversés de cézannisme, tant dans la gamme des couleurs que dans la construction des volumes, ces tableaux se centrent sur la figure. À la différence de nombre de ses amis, comme Utrillo qui en fait un thème exclusif, le paysage n’a pratiquement aucune place dans son œuvre, qu’il soit naturel, urbain ou domestique. Tout au long de sa carrière, le portrait reste son sujet de prédilection, ce qui fait de lui un exceptionnel mémorialiste de la communauté artistique de son temps.


 Aucun autre peintre de son époque n’a en effet portraituré un nombre aussi important d’artistes : Brancusi, Soutine, Kars, Kisling, Pinchus Kremegne, Celso Lagar, Gris, Lipchitz, Cocteau, Oscar Miestchaninoff, Léopold Survage, Picasso, Rivera, entre beaucoup d’autres, passent par son atelier ». Cependant, « à la différence des peintres de l’École de Paris, les tableaux de Modigliani ne restituent rien du contexte ou de l’ambiance environnants. Ses personnages sont autonomes et révèlent très peu de leur temps et de leur environnement, si ce n’est par des détails vestimentaires ou de coiffure. Plus sa facture évolue, plus ces détails tendent à se simplifier, voire à s’effacer, afin que toute l’attention se concentre sur la figure et le fait pictural ».


En 1909, Modigliani rencontre le sculpteur roumain Brancusi dont il visite l’atelier.


Il « a créé très peu de sculptures dans l’ensemble de sa carrière, mais celles-ci figurent parmi ses œuvres les plus abouties. Ortiz de Zarate rapporte que, dès leur rencontre, Modigliani aspire à travailler la pierre. Mais ce n’est qu’à partir de ses échanges avec Brancusi, qui l’invite à venir travailler dans son atelier, que l’artiste se confronte véritablement à la discipline et aux exigences plastiques de la sculpture. Adoptant le principe de la taille directe, ses sculptures de pierre à la figuration très schématisée forment une synthèse entre la puissance brute qu’il a appréciée dans les objets d’art africain et le raffinement dont il trouve l’exemple dans la statuaire archaïque comme dans les sculptures khmères qu’il admire au musée du Trocadéro. Ce mélange de rudesse primitive et de sophistication extrême caractérise l’œuvre de Brancusi, qui allie de même la volonté d’un art sauvage à une large érudition ».

L’œuvre sculptée de Modigliani ne dépasse pas trente pièces, mais l’exercice de cette discipline joue un rôle déterminant dans l’art de cet artiste et l’affirmation de son style : « l’affirmation d’un impératif de vérité, en corrélation avec une volonté de simplicité ». Le « modelage est une « perversion », seule vaut la taille directe, qui ne ment pas. La dimension architectonique, également primordiale, trouve des développements multiples dans ses très nombreux dessins de cariatides réalisés avant la guerre, ainsi que dans l’ensemble de peintures qu’il crée de 1916 à sa mort en 1920. L’allongement vertical et les déformations qu’il fait subir à la figure, l’amplification du cou qui devient semblable à un tronc, le ciselage des arrêtes du nez et de la bouche, sont autant des caractéristiques qui rappellent la plastique de ses sculptures, à peine dégagées du fût de la pierre ».

Lipchitz se souvient : « La première fois que nous nous sommes rencontrés c’est quand Max Jacob m’a présenté Modigliani et que ce dernier m’a invité dans son atelier de la cité Falguière. Il exécutait à ce moment-là une sculpture, et bien évidemment ce qu’il faisait m’intéressait au plus haut point. Lorsque je suis allé le voir dans son atelier – c’était au printemps ou en été – il travaillait dehors. Quelques têtes de pierre – cinq peut-être – étaient à même le sol sur le ciment de la cour devant son atelier. Il procédait à des finitions, allant de l’une à l’autre. Je le vois encore comme si c’était aujourd’hui, penché sur les têtes tout en m’expliquant qu’il les avait toutes conçues comme un seul ensemble. Je crois que ces têtes ont été exposées un peu plus tard cette même année au Salon d’automne, disposées par palier, un peu comme des tuyaux d’orgue pour émettre cette musique spéciale qu’il souhaitait. »


Ce geste sculptural épuré, le peintre l’applique dès la fin de l’année 1909 à la peinture. « S’il partage la pratique du genre du portrait avec ses amis de l’École de Paris, le traitement plastique qu’il réserve à la figure convoque tout à la fois les apports du modernisme et son intérêt pour l’art ancien : ainsi se superposent et se croisent dans ses figures le schématisme de la sculpture, la relation complexe du plan et du volume que le cubisme a introduite et le rappel de la peinture primitive italienne et l’intérêt pour les arts primitifs. La synthèse des formes rejoint la synthèse des cultures. Les figures deviennent de plus en plus atemporelles, privées de psychologie, apatrides et, dans ses dernières œuvres, abstraites. Les quelques nus qu’il réalise sont marqués des mêmes caractéristiques : peu sensuels parce que désincarnés, laissant le moins de développement possible aux volumes et aux détails du corps, un corps réifié qui occupe intégralement l’espace comme une surface découpée ».


En 1916, des photographies montrent Modigliani avec Picasso et d’autres amis de ce dernier, dont Ortiz de Zarate. En 1915, il peint un portrait de Picasso, ainsi qu’un portrait de Rivera, un ami commun. Les cubistes sont divisés, marqués par le « scandale Rivera ». Certains, dont Pierre Reverdyn reprochent à Rivera d’avoir peint des portraits. Rivera gifle Reverdy, et le poète décrit le peintre comme un traitre et un lâche. Picasso « réhabilite lui aussi le portrait et la peinture figurative ».


« Acclamé après sa mort comme un génie par les foules, émues par sa destinée tragique mais aussi par ses œuvres, dont le succès ne se dément pas, il a été longtemps boudé par la critique et l’institution. Jugé trop populaire et pas assez radical dans ses choix plastiques, il fait l’objet de peu d’études et ne se trouve distingué que comme le peintre le plus connu de l’École de Paris. Pourtant, il est l’un des seuls artistes à avoir vraiment tenté d’opérer la synthèse entre le monde cosmopolite et multiculturel de l’École de Paris et les avancées les plus déterminantes de l’art des avant-gardes. Le bagage intellectuel avec lequel il arrive à Paris – il est notamment lecteur de Friedrich Nietzsche et de Gabriele d’Annunzio – s’est frotté aux réalités d’une communauté à la fois bouillonnante de vitalité et minée par les incertitudes de l’exil et de la précarité ». Paul Alexandre racontait que Modigliani aime les acteurs qu’il surnommait des « marionnettes » – l’une de ses œuvres représente une marionnette actionnée par des fils.


Modigliani-Brancusi

Les relations entre ces deux artistes « s’inscrivent dans le climat artistique qu’Apollinaire décrit comme une « longue révolte contre la routine académique pour poursuivre à la face de l’univers la logique des grandes traditions ».

Par l’entremise du Dr Paul Alexandre, Modigliani, qui veut s’initier à la pratique de la taille directe en sculpture, rencontre vers 1908 Brancusi. Brancusi, qui « jusqu’à cette date ne pratiquait que la sculpture par modelage, commence alors à façonner des petites têtes taillées directement dans la pierre, l’une d’entre elles figurant dans une photographie dédicacée à Paul Alexandre. C’est aussi à cette époque que le sculpteur amorce une remise en question des critères académiques de Salon, fondés sur la représentation réaliste du corps humain. Ainsi, dans sa première œuvre de commande importante en 1907, un groupe funéraire destiné à la ville de Buzau en Roumanie, sur lequel il travaille plus de trois ans par modelage, nous pouvons discerner dans la figure principale, intitulée La Prière, des formes très simplifiées, presque géométriques. Lorsqu’il l’expose en Roumanie en 1910, il présente également deux autres sculptures, taillées directement dans la pierre : La Sagesse de la terre et son premier Baiser (Craiova), qui trouvent aussitôt des acquéreurs roumains, sensibles à ce travail et au message qu’il communique ». (Alexandra Parigoris, chercheur invité, School of Fine Art and History of Art, Université de Leeds)


Modigliani a vraisemblablement assisté à leur réalisation à Paris, car il vit depuis 1909 dans un studio rue Falguière, que Brancusi lui avait déniché. « L’esquisse du portrait de Brancusi, au revers du Violoncelliste (1909) – exposée au Salon des indépendants de 1910 – atteste du fait qu’ils se fréquentent à l’époque ». 


Le second Baiser de Brancusi, « une stèle funéraire qu’il érige en 1911 au cimetière de Montparnasse sur la tombe d’une jeune femme qui s’était donné la mort, nous fournit une clef. Cette œuvre marque un vrai tournant dans sa carrière, qu’il citera toujours comme son « chemin de Damas ». Les deux corps enlacés, dressés comme une colonne s’élançant vers le ciel, font référence à la tradition secrète du Zohar, que Papus (Gérard Encausse) avait rendu accessible à travers ses études sur la Kabbale à la fin du XIXe siècle. L’union sexuelle est un symbole d’essence mystique et abstraite de la forme primordiale de la création divine, force rayonnante et créatrice par excellence. Ainsi, « l’accouplement » en plein cimetière acquiert par sa situation une signification beaucoup plus mystique et transcendantale. Cette idée est également présente dans la théosophie d’Édouard Schuré (Les Grands Initiés, 1899), chez Dante et, de façon peut-être moins explicite, dans toute la littérature symboliste, que Modigliani connaît bien ».


Brancusi, « son aîné de huit ans, armé d’une solide formation académique de sculpteur, vient d’un milieu modeste de paysans roumains. Paul Alexandre se souvient de lui s’exprimant dans un français hésitant, « peu cultivé dans le sens “intellectuel” du terme mais doté d’une âme sensible et religieuse » Modigliani, issu quant à lui d’une famille intellectuelle d’origine juive séfarade, arrive à Paris en ayant beaucoup plus lu que peint. La lecture de Nietzsche, dans sa jeunesse, encourage sa croyance dans sa destinée d’artiste. À Paris, il côtoie Max Jacob et s’intéresse comme d’autres artistes et intellectuels aux sciences occultes, ce qui explique probablement l’intérêt qu’il porte à l’art égyptien, que l’on considère alors comme emblématique d’un art dont le message, caché dans des hiéroglyphes mystérieux, n’est accessible qu’aux initiés ».



La seconde sculpture de Modigliani dans l’exposition « appartient au groupe des Têtes sculptées aux visages minces et aux cous allongés qu’il expose d’abord en 1911 dans l’atelier du peintre portugais Amadeo de Souza-Cardoso, également ami de Brancusi, puis en 1912 au Salon d’automne dans la salle dédiée au cubisme. Les nombreux dessins préparatoires qui subsistent montrent que Modigliani est influencé par l’art africain aussi, bien que l’expression définitive de ses Têtes s’inspire de l’art égyptien. Le titre, Tête, ensemble décoratif, que Modigliani inscrit dans le catalogue, est révélateur: le terme « décoratif », pourrait être ici compris dans le sens symboliste d’un art subjectif, dans lequel la forme n’est que le signe dont se revêt l’idée. Il est aussi tentant d’établir, dans la réflexion de Modigliani, un rapprochement avec l’aspect mystérieux des temples égyptiens. Par un heureux hasard, les Têtes sont regroupées sous l’immense tableau abstrait de František Kupka, Amorpha, fugue à deux couleurs (1912), à proximité de toiles qu’Apollinaire qualifie d’« orphiques ». Il est fort possible que ce soit Modigliani qui transmette ces idées à Brancusi, qui crée durant cette période son premier oiseau, Maïastra (1910-1912), dont la forme s’inspire de l’art égyptien. Le thème de l’oiseau d’or, tiré du folklore roumain, évoque l’illumination révélatrice ».

Le sculpteur américain Jacob Epstein les rencontrent début 1912, « peu après l’installation au cimetière du Père-Lachaise de son tombeau d’Oscar Wilde (1911), qui partage également une thématique occulte. Par l’entremise d’Epstein, Modigliani vend une de ses Têtes (1912, Tate Modern) au peintre anglais Augustus John. Dans un article paru en 1914 dans la revue anglaise d’avant-garde Blast, Henri Gaudier-Brzeska inclut Brancusi et Modigliani dans liste des « moderns », les artistes qui luttent pour l’art moderne ».


 Pour des raisons de santé, Modigliani doit renoncer à la sculpture. Les arts khmer et indien du Musée Guimet inspirent Brancusi, Souza-Cardoso et Modigliani. On « retrouve dans les têtes définies de manière assez générique des portraits de Modigliani les volumes simples de sa sculpture, qu’il traduits en aplats dans sa peinture. Ces visages, dépourvus de ressemblance physique avec un modèle précis, sont souvent comparés à des masques. Cette même approche caractérise le portrait de Mlle Pogany par Brancusi. Le buste présenté dans l’exposition, Mlle Pogany III, datant de 1930 – bien après la mort de Modigliani en 1920 –, représente l’étape finale de la série. Les yeux en amande de la première version ont disparu, et seuls quelques éléments évoquent encore un visage : la découpe en forme de « v », qui tranche sur l’arrondi de la tête, se lit comme une arcade sourcilière, et la chevelure en cascade qui confère au buste un aspect lunaire ».

Dernier exemple des rapports entre Brancusi et Modigliani : les « esquisses des courbes voluptueuses de la série des Cariatides (1914-1915) de Modigliani et la silhouette de la Princesse X (1916) de Brancusi, qui provoque un scandale lors de son exposition au Salon des indépendants de 192022. Tous deux font preuve dans ces œuvres d’un intérêt pour la sculpture indienne en haut-relief dont les volumes sensuels se retrouvent notamment dans les courbes du buste de Brancusi ». Pour beaucoup, c’est un phallus, mais le sculpteur « explique qu’il s’agissait à l’origine d’un buste en marbre assez naturaliste, affiné au cours d’un long travail… La simplification du buste à quelques signes n’a fait qu’accroître la charge érotique de la statuaire indienne étudiée dans les musées ».

Une relation Brancusi-Modigliani significative et bénéfique pour les deux artistes.


Hommages

Le 6 février 2014, Christian Parisot, président de l’Institut légal des archives de Modigliani à Rome, a comparu devant un tribunal romain pour avoir authentifié en toute connaissance de cause 22 œuvres faussement attribuées à Modigliani.

Histoire et le MAHJ ont rendu hommage à Modigliani les 14 et 15 juin 2014.


Le 23 mars 2015, Arte diffusa Les authentiques fausses têtes de Modigliani, documentaire de Giovanni Donfrancesco : "Été 1984 à Livourne, ville natale d'Amedeo Modigliani. Sous l'impulsion de Vera Burdé, conservatrice du musée de la ville, la mairie décide de draguer le fond du canal. Elle espère découvrir des sculptures de Modigliani, qui les y aurait jetées soixante-quinze ans plus tôt, vexé, dit la légende, par les remarques désobligeantes de ses amis. Les pelleteuses sont installées et les Livournais, mi-fascinés, mi-goguenards, observent les ouvriers à l'œuvre. On repêche un pot de peinture ("C'est le pot de peinture de Modigliani !" s'écrient les badauds), un vélo, une mobylette ("C'est la mobylette de Modigliani !"), quelques revolvers mais pas de sculpture. Les recherches infructueuses se prolongeant, trois étudiants décident de façonner leur propre tête, avant de la jeter, la nuit tombée, dans le canal. Dès le lendemain, leur œuvre émerge des eaux, immédiatement saluée par les critiques et les historiens de l'art comme une découverte exceptionnelle. Mais une deuxième tête, puis une troisième, sont repêchées. La ville et le monde de l'art entrent en ébullition…Vingt-cinq ans après, Giovanni Donfrancesco ressuscite cette épopée burlesque grâce aux images filmées alors et au récit de ses principaux protagonistes. Un régal".


Le 9 novembre 2015, à New York, lors de la vente The Artist's Muse: A Curated  Evening SaleNu couché (Reclining Nude), toile majeure (1917-1918) d’Amedeo Modigliani évaluée à 100 millions de dollars, a été adjugée par Christie's pour 170,405 millions de dollars hors frais (158,5 millions d’euros) et hors commission de 12% perçue par la maison de vente aux enchères, soit un total de 179,4 millions de dollars. Vendu par une famille italienne résidant en Suisse et descendante de Gianni Mattioli, Nu couché n'avait jamais présenté aux enchères. Ce montant constitue un record pour Modigliani, et le deuxième prix le plus élevé jamais versé  pour une œuvre d’art mise aux enchères. Le précédent record pour un Modigliani concernait une sculpture vendue en novembre dernier pour 70,7 millions de dollars.

Huile sur toile, Nu couché est l'un des nus de Modigliani dans sa période parisienne, et un tableau peint pour Leopold Zborowski. Exposées alors par la galeriste parisienne Berthe Weill (1865-1951), "ces œuvres avaient fait scandale, au point que la police avait ordonné leur retrait".

"Au cours des dernières années, nous avons créé des relations très signifiantes avec des collectionneurs en Chine, et nous sommes ravis de confirmer que le Long Museum a acheté notre premier lot de la soirée, Nu couché de Modigliani", a expliqué Jussi Pylkkänen, président général de Christie’s après avoir dirigé cette vente aux enchères animée. Situé à Shanghaï, le Long Museum a été fondé par Liu Yiqian et son épouse Wang Wei. Mmilliardaire chinois né en 1963, président de la société d’investissement Sunline, Liu Yiqian est "très actif sur le marché de l’art".


L’œil intérieur

"En collaboration avec la Réunion des musées nationaux (RMN), le LaM (Lille Métropole Musée d'art moderne, d'art contemporain et d'art brut) a présenté au printemps 2016 une rétrospective exceptionnelle consacrée à l’œuvre d’Amedeo Modigliani et intitulée Amedeo Modigliani. L'Oeil intérieur".

Cette exposition s'intéresse à "trois aspects d’une carrière tout à la fois brève et féconde : le dialogue que le jeune artiste italien, de formation classique, a entretenu avec la sculpture antique et extra-occidentale, sa pratique du portrait et la relation singulière qui lie l’œuvre de Modigliani au collectionneur Roger Dutilleul : entre 1918 et 1946, ce dernier fit l’acquisition d’une trentaine de tableaux et de très nombreux dessins de l’artiste, toutes périodes confondues, ce qui fait de lui, avec Jonas Netter, l’un des plus importants collectionneurs de l’œuvre du peintre".


"Peintre et sculpteur italien, Modigliani connut une carrière tout à la fois brève et féconde. Le musée conserve l’une des plus belles collections publiques françaises du célèbre artiste de Montparnasse : pas moins de 6 peintures, 8 dessins et une rare sculpture en marbre réunis par Roger Dutilleul et Jean Masurel, fondateurs de la collection d’art moderne du LaM. Collectionneur passionné, Roger Dutilleul croise la route de Modigliani en 1918, moins de deux ans avant la mort prématurée de l’artiste. Autour de cette rencontre, le LaM orchestre une exposition événement qui réunira ce fonds exceptionnel et de nombreux prêts inédits. Une centaine de peintures et dessins de l’artiste est présentée, aux côtés d’œuvres de Constantin Brancusi, Pablo Picasso, Jacques Lipchitz, Chaïm Soutine, Moïse Kisling, Henri Laurens, André Derain…"

L’exposition "propose une traversée de l’œuvre d’Amedeo Modigliani en explorant trois aspects d’une carrière tout à la fois brève et féconde. En premier lieu, l’exposition mettra en lumière le dialogue que le jeune artiste italien, de formation classique, a entretenu avec la sculpture antique et extra-occidentale. Autre dimension centrale de son œuvre, sa pratique du portrait occupera une place prépondérante dans le parcours. Seront mis en exergue les portraits qu’il fit de ses amis, pour la plupart acteurs eux aussi de l’avant-garde parisienne. Enfin, l’exposition sera l’occasion de mieux comprendre la relation singulière qui lie l’œuvre de Modigliani au collectionneur Roger Dutilleul : entre 1918 et 1946, ce dernier fit l’acquisition d’une trentaine de tableaux et de très nombreux dessins de l’artiste, toutes périodes confondues, ce qui fait de lui, avec Jonas Netter, l’un des plus importants collectionneurs de l’œuvre du peintre".


Aux sources de la sculpture

"Après avoir suivi l’enseignement de plusieurs écoles d’art à Florence et Venise, Amedeo Modigliani quitte l’Italie pour Paris en 1906. Il y fait la connaissance de Guillaume Apollinaire, Pablo Picasso, André Derain et Diego Rivera. À la fin de l’année 1907, il rencontre le Docteur Paul Alexandre, qui devient son mécène et lui ouvre les portes de sa colonie d’artistes. Encouragé par sa rencontre avec Constantin Brancusi vers 1908, Modigliani se concentre sur la sculpture. Visiteur assidu des musées du Louvre et du Trocadéro, il regarde avec attention les reliefs de l’Égypte antique, les statuettes de la Grèce archaïque, les masques de Côte d’Ivoire et les fragments du temple d’Angkor. Le patient travail d’analyse et d’absorption qu’il opère alors – allonger ou aplatir la figure, moduler les traits du visage, jouer sur le déhanchement ou les ornements – se révèle à travers ses études en séries. Pour rendre compte de ce long travail d’élaboration, l’exposition réunit un ensemble significatif de sculptures et d’études de têtes et cariatides, motifs qui occupent presque exclusivement Modigliani de 1910 et 1914. Ces œuvres prennent place auprès d’une Tête de femme sculptée – seule version en marbre connue à ce jour – acquise par Jean Masurel".

Portraitiste de l’avant-garde

L’état de santé de Modigliani, ainsi que des soucis financiers, l’obligent à renoncer à la sculpture en 1914 ; il se consacre alors exclusivement au dessin et à la peinture.

Les années de guerre lui permettent de se rapprocher des autres artistes d’avant-garde restés à Paris, en particulier ceux du cercle de Picasso".


"L’un d’entre eux, l’écrivain Max Jacob, le présente au marchand Paul Guillaume en 1915".


Le "portrait reprend alors la première place dans son travail. Croquant sans relâche, Modigliani utilise la physionomie des artistes qui l’entourent pour mettre au point un vocabulaire du portrait radicalement nouveau. Bien que parfaitement reconnaissables, les visages s’unifient en masques symétriques où, souvent, l’un des yeux apparaît sans pupille. Il parvient à combiner avec maîtrise la véracité du portrait – exécuté de mémoire – et un style tout à fait personnel".


"Cette période constructive fut particulièrement prisée de Roger Dutilleul : les portraits de Moïse Kisling, Viking Eggeling et Jacques Lipchitz font partie de la collection du LaM. Ils donnent un aperçu d’un ensemble qui comprenait aussi ceux d’Henri Laurens et Léopold Survage. Au-delà des relations amicales, ces portraits révèlent parfois des échanges artistiques dont témoigne une sélection d’oeuvres réalisées par les peintres et sculpteurs qui furent aussi les modèles de Modigliani".


Les dernières années

"Dès 1916, le poète d’origine polonaise et courtier amateur Léopold Zborowski met toute son énergie à faire connaître l’oeuvre de Modigliani".

"Après une série de nus, exposés à la galerie Berthe Weill en décembre 1917, Modigliani, dont la santé décline, réside dans le sud de la France du printemps 1918 au printemps 1919. Il y poursuit son travail de portraitiste et perfectionne le style qui fera son succès : le cadre s’élargit, la palette s’éclaircit sous l’influence de Cézanne, la matière s’allège, toute contenue dans une ligne qui serpente, tandis que la composition s’unifie dans une peinture apaisée".

"Pendant ces quelques années, Lunia Czechowska, amie du peintre, Hanka Zborowska, épouse de son marchand, et sa célèbre compagne Jeanne Hébuterne, la mère de sa fille, sont ses modèles privilégiés. C’est au début de cette période que Dutilleul fait la connaissance de Modigliani, par l’intermédiaire de Zborowski. L’amateur éclairé devient l’un de ses principaux acheteurs, réunissant plusieurs nus et portraits de la période niçoise, avant de constituer une collection plus exhaustive dans les années qui suivent. Il devient aussi l’un de ses modèles en 1919, lorsqu’il prend la pose pour un portrait qui appartient aujourd’hui à une collection privée américaine et que le LaM présente à nouveau dans ses salles".


Modigliani Unmasked

Le Jewish Museum présenta l'exposition Modigliani Unmasked. "The Jewish Museum presents an exhibition of early drawings by Amedeo Modigliani—many of which are being shown for the first time in the United States. Acquired directly from the artist by Dr. Paul Alexandre, his close friend and first patron, these works illuminate Modigliani's heritage as an Italian Sephardic Jew as pivotal to understanding his artistic output".

"Always speak out and keep forging ahead. The man who cannot find a new person within himself is not a man." Amedeo Modigliani


"Modigliani Unmasked considers the celebrated artist Amedeo Modigliani (Italian, 1884-1920) shortly after he arrived in Paris in 1906, when the city was still roiling with anti-Semitism after the long-running tumult of the Dreyfus Affair and the influx of foreign emigres. Modigliani’s Italian-Sephardic background helped forge a complex cultural identity that rested in part on the ability of Italian Jews historically to assimilate and embrace diversity. The exhibition puts a spotlight on Modigliani’s drawings, and shows that his art cannot be fully understood without acknowledging the ways the artist responded to the social realities that he confronted in the unprecedented artistic melting pot of Paris. The drawings from the Alexandre collection reveal the emerging artist himself, enmeshed in his own particular identity quandary, struggling to discover what portraiture might mean in a modern world of racial complexity".

"The exhibition includes approximately 150 works, those from the Alexandre collection as well as a selection of Modigliani’s paintings, sculptures, and other drawings from collections around the world. Modigliani’s art will be complemented by work representative of the various multicultural influences—African, Greek, Egyptian, and Khmer—that inspired the young artist during this lesser-known early period".

"Among the works featured are a mysterious, unfinished portrait of Dr. Alexandre, never seen before in the United States; impressions of the theater; life studies and female nudes, among them the Russian poet Anna Akhmatova; and drawings of caryatids and heads, which are telling of Modigliani’s sculptures, which he created over a five-year period from 1909 to 1914".


Les Heures chaudes de Montparnasse

Le 11 août 2017 à 8 h,  Histoire diffusa, dans le cadre des Heures chaudes de MontparnasseEnquête sur la vie, l'oeuvre et le destin de Modiglianide Jean-Marie Drot (1992). "Au début des années 1960, Jean-Marie Drot avait mené une enquête sur la vie, l'oeuvre et le destin d'Amedeo Modigliani en recueillant les témoignages de nombreuses personnalités et de sa fille, Jeanne Modigliani. En 1981, profitant de l'exposition "Modigliani" au musée d'Art moderne, il réactualise ce portrait en filmant en couleur les toiles et les sculptures de l'artiste, tout en conservant les interviews d'époque en noir et blanc".

Modigliani - Le corps et l'âme mis à nu

Le 10 décembre 2017, Arte diffusa "Modigliani - Le corps et l'âme mis à nu" (Der zärtliche Blick - Die Akte von Modigliani), documentaire de Hilka Sinning. "Peintre et sculpteur phare du début du XXe siècle, Amedeo Modigliani s’est surtout rendu célèbre pour ses portraits qui, aux dires de ses modèles, mettaient leur âme à nu. Ses nus féminins, aux corps sensuels, suscitent plus que jamais l’admiration. Un documentaire lumineux, à l’occasion de l'exposition Modigliani à la Tate Modern de Londres".

"Peintre et sculpteur phare du début du XXe siècle, Amedeo Modigliani s’est surtout rendu célèbre pour ses portraits qui, aux dires de ses modèles, mettaient leur âme à nu. Ses nus féminins, aux corps lumineux et sensuels, suscitent plus que jamais l’admiration. En 2015, son "Nu couché" a été cédé aux enchères pour une somme record. À l’automne 2017, c’est la Tate Modern qui met l’artiste à l’honneur, près d’un siècle après sa disparition, en 1920. En compagnie de l'écrivain et brillant critique d'art britannique John Berger, ce documentaire explore l’énigme des nus de Modigliani, qui offrent au spectateur une sensation d’intimité inégalée. Pour Berger, ce mystère réside avant tout dans le sentiment amoureux, qui permet à l’artiste de fixer en la magnifiant l’image de la personne aimée. Une thèse qu’il a développée dans un essai, "Modigliani's Alphabet of Love".

Modigliani a peint aussi ses amis peintres, dont Pablo Picasso. Il a peint une trentaine de nus qui éclipsent ses autres œuvres. Il "rompt avec la tradition académique du nu, genre artistique majeur. Comme les maîtres italiens de la Renaissance, il cherche une forme idéale dans le nu, suit les poses classiques. Mais il renonce au cadre mythologique". La pilosité de la femme représentée par Modigliani choque les passants déambulant devant la galerie de Berthe Weill. "Une femme", résume Marc Restellini.

Simplification et complexité. C'est cette curieuse alliance que réussit le peintre qui a beaucoup de mécènes. Modigliani ne peint pas les atrocités de la Première Guerre mondiale, mais ses amis restés à Paris : par exemple, Haim Soutine, méprisé par certains, en soignant les mains : un symbole d'une tribu d'Israël. Modigliani "découvre de nouvelles simplifications". "Tout commence par la peau et ce qui l'entoure". Ce qui est inhabituel est que les femmes soient maquillées.

"Les secrets de Modigliani"
Arte diffuse sur son site Internet "Les secrets de Modigliani" (Modiglianis Geheimnisse) de la journaliste Frédérique Cantù.

"S’il est un des artistes les plus populaires de l’histoire de l’art, Amedeo Modigliani est aussi l’un des plus méconnus. Pour pallier ce manque, le LaM de Villeneuve d’Ascq a lancé un projet de recherche scientifique d’envergure, en partenariat avec le CNRS et le Centre de Recherche et de Restauration des Musées de France. Toutes les œuvres de l’artiste conservées dans les collections publiques vont être passées au crible afin de percer les secrets de sa technique."

"À Livourne, poisson d’avril à l’italienne"
Arte diffuse sur son site Internet, dans le cadre d'Invitation au voyage (Stadt Land Kunst), "A Livourne, poisson d’avril à l’italienne" (Livorno: Aprilscherz auf Italienisch).
 
"Sur la côte toscane, le réseau de canaux et de douves des anciennes fortifications font le bonheur des touristes qui viennent goûter aux charmes de Livourne, la ville natale de Modigliani. En 1906, le célèbre artiste quitte la ville, laissant derrière lui une légende qui va donner des idées à certains habitants."

"L'amour à l'oeuvre"
Le 27 septembre 2020, Arte diffusera, dans le cadre de "L'amour à l'oeuvre" (Liebe Am Werk), "Jeanne Hebuterne et Amedeo Modigliani" (Jeanne Hebuterne und Amedeo Modigliani) par Delphine Deloget.

"D’elle, on connaît ce beau visage énigmatique, peint jusqu’à l’obsession par Amedeo Modigliani. Mais Jeanne Hébuterne, muse et amante, était aussi une artiste de talent, dont l’œuvre, d’une délicate mélancolie, a sombré dans l’oubli. En quelque trois ans, entre passion déchirante et intense création, ces deux âmes, liées par l’amour et l’art, vont se consumer jusqu’à la mort. Réalisée avec un soin inventif, cette collection documentaire plonge au cœur du parcours intime de couples d’artistes dont les amours tumultueuses ont irrigué la créativité. Une vibrante histoire de l’art pour (re)découvrir les œuvres et restituer leur place aux femmes, souvent restées dans l’ombre".


France, Allemagne, 2019, 3 min
Disponible du 16/02/2019 au 18/02/2039

France, 2019, 8 min
Disponible du 01/04/2019 au 01/04/2021

"Jeanne Hebuterne et Amedeo Modigliani" par Delphine Deloget
France, 2018, 27 min
Sur Arte les 7 avril 2019 à 19 h 15 et 27 septembre 2020 à 10 h 50
Disponible du 20/09/2020 au 25/11/2020

Du 15 septembre 2017 au 4 février 2018
Au Jewish Museum
1109 5th Ave at 92nd St
New York, NY 10128 DIRECTIONS
Tel. : 212.423.3200
Amedeo Modigliani, Paul Alexandre, c. 1909. China ink on paper. 10⅝ x 8¼ in. Private collection, courtesy of Richard Nathanson, London. Image provided by Richard Nathanson, photographed by Prudence Cuming Associates, London

"Modigliani - Le corps et l'âme mis à nu", documentaire de Hilka Sinning
Allemagne, 2017, 55 minutes
Sur Arte le 31 décembre 2017 à 12 h 10
Visuels
Détail de "Nu féminin allongé" de Modigliani, 1917, Musée Guggenheim, New York
Détail de "Portrait de Jeanne Hébuterne avec un grand chapeau" de Modigliani, 1917
Détail de "Portrait d'Antonia", Modigliani, 1915, Paris, Musée de l'Orangerie
Détail de "Nu assis avec une chemise", Modigliani, 1917
© Medea Film

Enquête sur la vie, l'oeuvre et le destin de...   de Jean-Marie Drot
France 2, 55 minutes 
Sur Histoire les 14 juin 2014, 27 avril 2017 à 22 h 45, 11 août 2017 à 8 h
Le 15 juin 2014, aMAHJ 
 "Au début des années 1960, Jean-Marie Drot avait mené une enquête sur la vie, l'oeuvre et le destin d'Amedeo Modigliani en recueillant les témoignages de nombreuses personnalités et de sa fille, Jeanne Modigliani. En 1981, profitant de l'exposition "Modigliani" au musée d'Art moderne, il réactualise ce portrait en filmant en couleur les toiles et les sculptures de l'artiste, tout en conservant les interviews d'époque en noir et blanc".

Du 27 février au 5 juin 2016
Au LaM
1 allée du Musée. 59650 Villeneuve d’Ascq
Tél. : +33 (0)3 20 19 68 68 / 51
Du mardi au vendredi de 11 h à 18 h, le samedi de 10 h à 21 h et le dimanche de 10 h à 18 h.

 Jusqu’au 24 novembre 2013
Rue du Forum 59 1920 Martigny, Suisse
Tel : + 41 27 722 39 78
Tous les jours de 10 h à 19 h 

Visuels :
Affiche
Amedeo Modigliani
Nu couché, les bras derrière la tête
1916
Huile sur toile
65 x 87 cm
Fondation Collection E.G. Bührle, Zurich

André Derain
Portrait d Alice Derain
1920-1921
Huile sur toile
Centre Georges Pompidou, Musée national d’art moderne
© 2013, ProLitteris Zurich. / Collection Centre Pompidou, Dist. RMN /

Marc Chagall
Le Couple ou la Sainte Famille
1909
Huile sur toile de lin
91 x 103 cm
Centre Georges Pompidou, Musée national d’art moderne
©2013, ProLitteris Zurich. / Collection Centre Pompidou, dist. RMN /

Amedeo Modigliani
Gaston Modot
1918
Huile sur toile marouflée sur bois
92,7 x 53,6 cm
Centre Georges Pompidou, Musée national d’art moderne
© Collection Centre Pompidou, dist. RMN /

Moïse Kisling
Femme au châle polonais
1928
Huile sur toile
100 x 72,5 cm
Centre Georges Pompidou, Musée national d’art moderne
© Collection Centre Pompidou, dist. RMN /

Amedeo Modigliani
Maternité
1919
Huile sur toile
130 x 81 cm
Centre Georges Pompidou, Musée national d’art moderne
© Collection Centre Pompidou, dist. RMN /

Maurice Utrillo
Le Lapin agile
1910
Huile sur toile
50 x 6&,5 cm
Centre Georges Pompidou, Musée national d’art moderne
© 2013, ProLitteris, Zurich / Succession Utrillo / Centre
Pompidou, MNAM-CCI, Dist. RMAN-Grand Palais / Betrand Prévost

Pascin
La belle anglaise (titre attribué : Hermine David en rouge)
1916
Huile sur toile
72 x 60
Centre Georges Pompidou, Musée national d’art moderne
© Collection Centre Pompidou, Dist. RMN /

Suzanne Valadon
Utrillo sa grand-mère et un chien
1910
Huile sur carton
70 x 50 cm
Centre Georges Pompidou, Musée national d’art moderne
© Collection Centre Pompidou, dist. RMN /

Suzanne Valadon
Madame Kars
1922
Huile sur toile
73,5 x 54 cm
Centre Georges Pompidou, Musée national d’art moderne
© Collection Centre Pompidou, dist. RMN /

Henri Matisse
Tête blanche et rose
1914
Huile sur toile 75 x 47 cm
Centre Georges Pompidou, Musée national d’art moderne
© Succession H. Matisse. / 2013, ProLitteris Zurich / Collection
Centre Pompidou, dist. RMN /

Fernand Léger
Le pot à tisane
1918
Huile sur toile
61 x 50 cm
Centre Georges Pompidou, Musée national d’art moderne
©2013, ProLitteris Zurich. / Collection Centre Pompidou, dist. RMN

Juan Gris
Nature morte au livre
1913
Huile sur toile
46 x 30 cm
Centre Georges Pompidou, Musée national d’art moderne © Collection Centre Pompidou, dist. RMN

Pablo Picasso
Femme assise dans un fauteuil
1910
Huile sur toile
100 x 73 cm
Centre Georges Pompidou, Musée national d’art moderne
© Succession Picasso - Gestion droits d'auteur. / Collection Centre Pompidou, Dist. RMN /

Chaïm Soutine
Portrait du sculpteur Oscar Mietschaninoff
1923-1924
Huile sur toile
83 x 65 cm
Centre Georges Pompidou, Musée national d’art moderne
© 2013, ProLitteris Zurich. / Collection Centre Pompidou, dist. RMN /

Raoul Dufy
La dame en rose
1908
Huile sur toile
81 x 65 cm
Centre Georges Pompidou, Musée national d’art moderne
©2013, ProLitteris Zurich. / Collection Centre Pompidou, dist. RMN /

Amedeo Modigliani
Nu debout (Elvire)
1918
Huile sur toile
Kunstmuseum Berne, Schenkung Walter und Gertrud Hadorn
© Kunstmuseum Berne

Amedeo Modigliani
Nu couché, les bras derrière la tête
1916
Huile sur toile
65 x 87 cm
Fondation Collection E.G. Bührle, Zurich

Amedeo Modigliani
Jeanne Hébuterne assise
1918
Huile sur toile
Collection Merzbacher

Jacques Lipchitz
Masque mortuaire de Modigliani
1920
Bronze patine verte
23 x 14 x 12 cm
Centre Georges Pompidou, Musée national d’art moderne
© Estate of Jacques Lipchitz, New York. / Collection Centre Pompidou, dist. RMN /

Amedeo Modigliani
Tête de femme
1912
Pierre
58 x 12 x 16 cm
Centre Georges Pompidou, Musée national d’art moderne
© Centre Pompidou, MNAM-CCI, Dist. RMN-Grand Palais /
Philippe Migeat

Amedeo Modigliani
Cariatide
1913-1914
60 x 54 cm
Huile et crayon de couleur sur carton
Centre Georges Pompidou, Musée national d’art moderne © Collection Centre Pompidou, dist. RMN

Amedeo Modigliani
Tête de femme (au chignon)
Grès
57.2 x 21.9 x 23.5 cm
Collection Merzbacher

Constantin Brancusi
Mle Pogany III
1933
Bronze patiné, pierre (calcaire)
44,5 x 19 x 27 cms
Centre Georges Pompidou, Musée national d’art moderne
©2013, ProLitteris Zurich. / Collection Centre Pompidou, dist. RMN /

Constantin Brancusi
Princesse X
1915-1916
Plâtre
61,5 x 28 x 25 cm
Centre Georges Pompidou, Musée national d’art moderne
©2013, ProLitteris Zurich. / Collection Centre Pompidou, dist. RMN /

Catalogue
Amedeo Modigliani
Nu debout (Elvire)
1918
Huile sur toile
Kunstmuseum Berne, Schenkung Walter und Gertrud Hadorn
© Kunstmuseum Berne

Affiche
Amedeo Modigliani
Femme assise à la robe bleue,
1918-1919.
Moderna Museet, Stockholm.
Donation d’Oscar Stern, 1951.
Photo : Moderna Museet, Stockholm

Amedeo Modigliani
Portrait de Roger Dutilleul,
juin 1919.
Huile sur toile 100,4 x 64,7 cm.
Collection particulière, États Unis.
Photo : Sotheby’s / Art Digital Studio

Amedeo Modigliani
Tête de femme,
1913.
Marbre, 50,8 x 15,5 x 23,5 cm.
Dépôt du Centre Pompidou -
Musée national d’art moderne / Centre de création industrielle, Paris, au LaM, Villeneuve d’Ascq.
Photo : Philip Bernard.

Amedeo Modigliani
Portrait de l’artiste en costume de Pierrot,
1915.
Huile sur carton, 43 x 27 cm.
Copenhague, National Gallery
of Denmark.
Photo : SMK Photo

Amedeo Modigliani
Garçon en culotte courte,
vers 1918.
Huile sur toile, 99,69 x 64,77 cm.
Dallas Museum of Art, don de
la Leland Fikes Foundation, Inc.
Photo : courtesy Dallas Museum of Art

A lire sur ce blog :
Articles in English

Les citations proviennent du dossier de presse, de Catherine Grenier et de Alexandra Parigoris.
Cet article a été publié les 24 novembre 2013, 11 février et 14 juin 2014, 22 mars et 10 novembre 2015, 26 avril, 11 août et 7 décembre 2017, 5 avril 2019.