jeudi 14 mai 2020

« Sans la liberté » de François Sureau


Gallimard a publié « Sans la liberté » de François Sureau. Un court essai plaidant pour que les citoyens cessent d’être apathiques et défendent les libertés face aux atteintes venant des pouvoirs exécutif et législatif, voire de sociétés étrangères.


« La mode est aujourd’hui d’accueillir la liberté d’un rire sardonique, de la regarder comme vieillerie tombée en désuétude avec l’honneur. Je ne suis point à la mode, je pense que sans la liberté il n’y a rien dans le monde ».

Sur cette citation extraite des « Mémoires d’outre-tombe » (1809-1841) de Chateaubriand, s’ouvre « Sans la liberté », essai de François Sureau publié en 2019 dans la collection Tracts de Gallimard.

Une collection voulant « faire entrer les femmes et les hommes de lettres dans le débat, en accueillant des essais en prise avec leur temps mais riches de la distance propre à leur singularité. Ces voix doivent se faire entendre en tous lieux, comme ce fut le cas des grands « tracts de la NRF » qui parurent dans les années 1930, signés par André Gide, Jules Romains, Thomas Mann ou Jean Giono – lequel rappelait en son temps : « Nous vivons les mots quand ils sont justes. » (Antoine Gallimard)
Avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation , romancier, François Sureau entend souligner que « sans la liberté », il n’y a pas de société politique, seulement le néant de ces individus isolés auquel l’État, porté à l’autoritarisme et à l’ordre moral, a cessé d’appartenir ». 

« Nous nous sommes déjà habitués à vivre sans la liberté », écrit l’auteur sur un ton las.

François Sureau a vu « aussi se vérifier une règle simple : les exceptions consenties aux usages, motifs pris de circonstances dramatiques – ici le terrorisme islamiste, seule menace face à laquelle l’emploi d’un armement de ce type peut se justifier – finissent toujours par se trouver étendues aux circonstances ordinaires, celles de la vie courante – ici l’exercice du droit de manifester. Cela vaut des législations comme des pratiques. Nous avons à peu près cessé d’y prendre garde ».

Observateur de la vie politique, l’auteur défend vigoureusement l’Etat de droit, la démocratie, contre tous ceux – gouvernement, Parlement, administration - qui les délitent, dans l’apathie des citoyens devenus sujets. 

« Tel est bien le danger de la démocratie moderne que François Sureau s’emploie ici à désigner tant dans nos mœurs sociales que dans notre vie politique et, sans concession, à la lumière de nos responsabilités individuelles et collectives. L’homme est voué à la liberté ; il lui revient continûment, avec « patience et souffle », d’en reformuler le projet politique et de n’y rien céder. »

« Personne d’autre que le citoyen libre n’a qualité pour juger de l’emploi qu’il fait de sa liberté, sauf à voir celle-ci disparaître. Ainsi la loi ne peut-elle permettre à l’État de restreindre abusivement la liberté d’aller et venir, de manifester, de faire connaître une opinion, de s’informer, de penser pour finir. »

Un appel à la vigilance et à la cohérence entre nos idéaux et nos actes. Et ce pour mettre un terme à l’imposture fondée sur des principes affichés et une acceptation tacite de l’amoindrissement de nos libertés. Curieusement, François Sureau omet d'évoquer la liberté d'entreprendre et le "gouvernement des juges".

Edité en septembre 2019, cet ouvrage précède donc la pandémie de coronavirus  qui illustre dramatiquement la disparition temporaire de libertés fondamentales : libertés de culte, de manifester, etc.

Le vote, le 13 mai 2020, de la loi Avia "contre la haine sur Internet" liberticide aggrave aussi cette situation qui incite certains à évoquer une "démocrature" française.


François Sureau , « Sans la liberté ». Gallimard, collection Tracts (n° 8), 2019. 64 pages, 150 x 210 mm. ISBN : 9782072854217

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Cet article a été publié le 14 mai 2020.

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