vendredi 14 février 2020

Ruth Prawer Jhabvala / James Ivory / Ismail Merchant


La Cinémathèque française propose le cycle « James Ivory / Ismail Merchant » (15 janvier au 15 février 2020). Une rétrospective dont le titre aurait du inclure la romancière et scénariste Ruth Prawer Jhabvala (1927-2013), née dans une famille juive allemande.


Né en 1928 aux Etats-Unis, le réalisateur James Ivory a fondé avec Ismail Merchant, né à Mumbai (Bombay) en 1961 Merchant Ivory Productions. En 1959, tous deux s'étaient rencontrés lors de la projection du documentaire de James Ivory, The Sword and the Flute.

Dès la fin des années 1970, le trio composé du réalisateur James Ivory, né en 1928, du producteur Ismail Merchant (1936-2005) et de la scénariste Ruth Prawer Jhabvala, trois talents complémentaires, a imposé son style dans des films d’époque adaptés de romans, appréciés du public et de la critique. Des films distingués par six Oscar.

Sur cette collaboration, Ismail Merchant avait dit : « C’est un étrange mariage que nous avons à Merchant Ivory Productions… Je suis un Indien musulman, Ruth est une Allemande juive, et Jim est un Américain protestant. Jadis, quelqu’un nous a décrit comme le dieu aux trois têtes. Peut-être, aurait-on du nous appeler le monstre à trois têtes. »

Ruth Prawer Jhabvala
Ruth Prawer Jhabvala (1927-2013) était une femme de lettres distinguée par des Prix (Booker Prize) et une scénariste Oscarisée.

Elle est née dans une famille juive à Cologne. Son grand-père maternel était cantor (chantre) dans la plus grande synagogue de la ville. Son père Marcus, avocat originaire de Pologne, est persécuté par les Nazis qui lui reprochent ses liens avec des communistes. Fuyant l'Allemagne nazie en 1939 après la Nuit de Cristal, la famille Prawer se réfugie en Grande-Bretagne et y subit le Blitz (bombardements allemands durant la Deuxième Guerre mondiale). En 1948, Ruth Prawer obtient la nationalité britannique. 

En 1949, Marcus Prawer se suicide en apprenant que 40 membres de sa famille ont été tués lors de la Shoah. Deux ans plus tard, Ruth Prawer obtient un M.A. en littérature anglaise au Queen Mary College. Le frère aîné de Ruth Prawer, Siegbert Salomon Prawer (1925–2012), expert d'Heinrich Heine et des films d'horreur, a enseigné à Oxford.

En Angleterre, Ruth Prawer rencontre Cyrus Jhabvala, architecte indien parsi (religion liée au zoroastrisme) et l'épouse. Le couple s'installe à New Delhi, en Inde, en 1951. Il a trois filles : Ava, Firoza et Renana.

Ruth Prawer Jhabvala commence alors à écrire des romans et des contes à thématique indienne. Son oeuvre se compose d'une douzaine de romans, de 23 scénarios, et des nouvelles.

"To Whom She Will", son premier roman est publié en 1955. Suivent Esmond in India (1957), The Householder (1960) and Get Ready for Battle (1963). The Householder - Ruth Prawer Jhabvala en tire un scénario adapté au cinéma en 1963 par Merchant et Ivory, et interprété par Shashi Kapoor et Leela Naidu. Elle rédige des scripts pour le duo Merchant-Ivory pour The Guru (1969) et The Autobiography of a Princess (1975). Avec James Ivory, elle collabore pour les scénarios de Bombay Talkie (1970) and ABC After-school Specials: William - The Life and Times of William Shakespeare (1973).

The Householder est suivi par Shakespeare Wallah (1965), Roseland (1977), Hullabaloo Over Georgie and Bonnie's Pictures (1978), The Europeans (1979), Jane Austen in Manhattan (1980), Quartet (1981), The Courtesans of Bombay (1983) and The Bostonians (1984). Pour Heat and Dust (1983), Ruth Prawer Jhabvala a reçu le BAFTA Award de la meilleure adaptation. Pour A Room with a View (1986), elle remporte son premier Oscar du meilleur scénario et pour Howards End son second six ans plus tard. Elle est sélectionnée dans cette catégorie pour The Remains of the Day.

Dans la filmographie produite et réalisée respectivement par Merchant et Ivory, elle a collaboré à Mr. and Mrs. Bridge (1990), Jefferson in Paris (1995), Surviving Picasso (1996), A Soldier's Daughter Never Cries (1998) (scénario écrit avec James Ivory), The Golden Bowl (2000) et The City of Your Final Destination (2009). Le Divorce dont elle a signé la scénario avec James Ivory a été le dernier film du trio artistique.

En 1975, le Booker Prize consacre son roman Heat and Dust. Ruth Prawer Jhabvala emménage à New York où elle écrit The Place of Peace. En 1986, elle devient américaine.

Rétrospective
La Cinémathèque française propose le cycle « James Ivory / Ismail Merchant » (15 janvier au 15 février 2020). 

Sur le site Internet de la Cinémathèque française, Wafa Ghermani présente ainsi ce cycle, mais sans mentionner l’origine juive de la scénariste Ruth Prawer Jhabvala et en éludant l’histoire d’amour ayant lié James Ivory et Ismail Merchant pendant 44 ans :
« Derrière le nom Merchant-Ivory se cache un trio créatif qui rassemble, outre James Ivory et Ismail Merchant, l'écrivaine-scénariste Ruth Prawer Jhabvala. De cette collaboration est née, sur plus de quatre décennies, une œuvre transcontinentale (Asie, Europe, Amérique), glissant du passé au présent, traversée par la littérature et la musique.
MERCHANT-IVORY, TENDRESSE ET CRUAUTÉ
Ce qui frappe d'abord, c'est la fascination qu'exercent ces films : sous des dehors classiques, ils sont traversés d'une force subversive souterraine, à l'instar de Maurice (1987), un des premiers films gay mainstream avec une fin heureuse. En second lieu, leur fidélité. À leurs auteurs fétiches (Henry James, E. M. Forster, Kazuo Ishiguro...) ou à leurs collaborateurs. À leurs acteurs et actrices que souvent ils révèlent : Shashi Kapoor, Maggie Smith, Helena Bonham Carter, Emma Thompson, Anthony Hopkins, James Wilby, Hugh Grant...
« A PASSAGE TO INDIA »
Qui aurait pu prévoir que ces trois personnalités, nées sur trois continents différents, allaient s'entendre ? James Ivory est américain, fils d'un propriétaire de scierie, Ismail Merchant est indien, venu à New York pour ses études, et Ruth Prawer Jhabvala est allemande, d'origine polonaise, mariée à un Indien. Leur rencontre se fait à l'intersection de la littérature, du cinéma et de l'Inde : Ivory et Merchant se rencontrent à New York grâce au documentaire d'Ivory sur les miniatures mogholes et rajput (The Sword and the Flute) et leur premier projet est l'adaptation d'un roman de Ruth Prawer Jhabvala, The Householder (1963). Tourné à Delhi, il constitue un hommage à Satyajit Ray, qui les aidera à monter le film et en produira la musique. Ray sera d'ailleurs le compositeur de Shakespeare Wallah (1965). L'Inde et son passé colonial resteront un motif récurrent, dépourvu de nostalgie, mais imprégné de toute son ambiguïté (Autobiography of a Princess en 1975, Chaleur et Poussière en 1983).
TROMPEUSES MINIATURES
À première vue, les films d'Ivory pourraient s'apparenter à une simple série de charmantes miniatures, de jolis tableaux du passé. Mais ce serait oublier que certains s'ancrent dans le contemporain (les premiers films de la période indienne, Jane Austen in Manhattan, Slaves of New York). Si Ivory apporte un véritable soin au décor – il se destinait dans sa jeunesse à devenir décorateur –, c'est que toute la dynamique de ses films vient en permanence de la tension entre un microcosme refermé sur lui-même et le monde extérieur. Ainsi, ils se passent toujours dans une cellule familiale (ou un substitut), dans un ou deux lieux. Il y a même une certaine ironie dans la façon dont, par exemple, la petite communauté anglaise de Chambre avec vue se reconstitue à l'identique à Florence, puis en Angleterre. Le décor apparaît donc comme un leurre, un vernis qui se craquèle rapidement : Savages symbolise le mieux le statut du décor chez Ivory, passant, d'un plan à l'autre, du neuf à la ruine. Le décor soigné sert de contrepoint au regard caustique, souvent tendre (Roseland), parfois cruel (Quartet), mais jamais moralisateur, qu'Ivory pose sur ces microcosmes souvent montrés dans un état d'innocence, au sens d'ignorance du monde extérieur et du changement.
AFFIRMER SON CREDO
Dans ces univers fermés, d'apparence confortables, se trouve toujours un personnage apparemment adapté, mais pourtant en porte-à-faux, qui se révèle par sa rencontre avec un élément extérieur. Cette rencontre et cette confrontation passent essentiellement par le langage : l'enjeu des films d'Ivory est de savoir si le héros ou l'héroïne sera capable d'exprimer son être vrai, son credo, tel George Emerson dans une scène hilarante de Chambre avec vue. Les dialogues deviennent un champ de bataille où s'affrontent en permanence une langue policée par une bonne éducation, et des irruptions de paroles vraies. Ce thème fonde toute l'œuvre d'Ivory et ce dès The Householder, où le jeune marié se débat dans une union malheureuse tant qu'il s'ingénie à jouer la comédie du chef de famille, avant de tomber le masque, et de trouver les mots vrais pour exprimer son amour à son épouse. C'est la trajectoire de Lucy dans Chambre avec vue pour parvenir à ne plus se mentir à elle-même après avoir menti à tous, de Maurice pour affirmer sa sexualité et son désir, de Margareth Schlegel pour abandonner ses réflexes conservateurs dans Retour à Howards End. Si ces personnages vrais atteignent la grâce, Ivory ne délaisse pas pour autant les autres, prisonniers de leur carcan, à qui les mots restent en travers de la gorge et dont la vie est un désert mélancolique (le majordome Stevens dans Les Vestiges du jour).
CORPS EN LIBERTÉ
Avant que le langage puisse (se) libérer, les élans du cœur passent par le corps qui, soudain, échappe à la discipline. À cet égard, il faut noter la place de l'art dans les films d'Ivory : le théâtre (Shakespeare, Jane Austen), la peinture (Chambre avec vue, Surviving Picasso, Quartet), ou la musique. Mais ces arts n'ont pas le même statut libérateur, les deux premiers ont tendance, au contraire à figer les corps. C'est la musique seule, et en particulier le piano joué pour soi-même ou de façon informelle, qui permet aux corps d'exprimer par le jeu ce que la société refuse d'entendre, comme la révolte larvée de Lucy (Chambre avec vue). À l'art répond la nature, qui apparaît toujours comme une échappée arrachée à l'étouffement des intérieurs, où les corps pour un instant retrouvent une liberté de mouvement absolue : telle cette scène de baignade et de course de Freddy, George et Mr. Beebe, nus dans la forêt (Chambre avec vue). Les bois et l'eau sont les décors privilégiés des élans amoureux irrépressibles, volés loin des regards. Tout comme le secret des chambres abrite les amants, corps de femmes, corps d'hommes, nus, enfin révélés au-delà des mots, des conventions, et du monde. »
FILMS RÉALISÉS PAR JAMES IVORY
Autobiographie d'une princesse James Ivory / Grande-Bretagne / 1975 Lu 3 fév 21h30
Bombay Talkie James Ivory / Inde / 1970 Sa 18 jan 22h00Lu 3 fév 16h30
Bostoniennes (Les) James Ivory / Grande-Bretagne-États-Unis / 1984 Me 15 jan 20h00Sa 1 fév 21h30
Chaleur et poussière James Ivory / Grande-Bretagne / 1982 Sa 25 jan 17h00Di 2 fév 16h15
Chambre avec vue James Ivory / Grande-Bretagne / 1985 Sa 25 jan 20h00
City of Your Final Destination (The) James Ivory / États-Unis / 2007 Me 29 jan 17h00Di 2 fév 19h30
Coupe d'or (La) James Ivory / États-Unis-France-Grande-Bretagne / 1999 Je 30 jan 19h00Sa 15 fév 16h30
Delhi Way (The) James Ivory / États-Unis / 1964 Lu 3 fév 21h30
Divorce (Le) James Ivory / États-Unis / 2002 Ve 24 jan 17h00Ve 31 jan 21h30
Esclaves de New York James Ivory / États-Unis / 1988 Je 23 jan 21h15Lu 10 fév 16h00
Européens (Les) James Ivory / Grande-Bretagne / 1979 Me 22 jan 17h00Di 2 fév 19h00
Fille d'un soldat ne pleure jamais (La) James Ivory / France-États-Unis / 1997 Me 29 jan 21h45Ve 14 fév 22h00
Guru (The) James Ivory / États-Unis-Grande-Bretagne / 1968 Sa 18 jan 19h30Me 5 fév 19h00
Householder (The) James Ivory / Inde / 1963 Je 16 jan 19h00Me 5 fév 16h30
Hullabaloo Over Georgie and Bonnie's Pictures James Ivory / Inde-Grande-Bretagne / 1979 Lu 20 jan 17h00Je 6 fév 20h30
Jane Austen in Manhattan James Ivory / États-Unis / 1980 Me 22 jan 19h00Di 2 fév 21h00
Jefferson à Paris James Ivory / Grande-Bretagne, France / 1994 Sa 18 jan 14h30Je 13 fév 16h30
Maurice James Ivory / Grande-Bretagne / 1987 Di 26 jan 14h15Sa 8 fév 14h00
Mr. and Mrs. Bridge James Ivory / États-Unis / 1989 Sa 25 jan 14h30Lu 10 fév 21h30
Quartet James Ivory / France, Grande-Bretagne / 1980 Me 22 jan 21h15Di 2 fév 14h00
Retour à Howards End James Ivory / Grande-Bretagne / 1991 Di 26 jan 17h00Lu 10 fév 18h30
Roseland James Ivory / États-Unis / 1976 Lu 20 jan 19h00
Sauvages James Ivory / Grande-Bretagne / 1972 Di 19 jan 17h30Me 5 fév 21h30
Shakespeare Wallah James Ivory / Inde / 1965 Je 16 jan 21h30Sa 1 fév 19h00
Surviving Picasso James Ivory / États-Unis / 1995 Me 29 jan 19h30Ve 14 fév 19h30
Vestiges du jour (Les) James Ivory / États-Unis-Grande-Bretagne / 1992 Di 26 jan 20h30Me 12 fév 16h00
White Countess (The) James Ivory / Grande-Bretagne-États-Unis-Allemagne-Chine / 2004 Je 23 jan 16h15
Wild Party (The) James Ivory / États-Unis / 1974 Di 19 jan 20h00Sa 1 fév 17h00

FILMS RÉALISÉS PAR ISMAIL MERCHANT
Cotton Mary Ismail Merchant, Madhur Jaffrey / Grande-Bretagne / 1999 Lu 27 jan 16h30Sa 15 fév 14h00
Courtesans of Bombay (The) James Ivory / États-Unis / 1982 Je 23 jan 19h00Ve 7 fév 17h00
In Custody Ismail Merchant / Grande-Bretagne-Inde / 1993 Me 12 fév 19h30
Mahatma and the Mad Boy Ismail Merchant / Grande-Bretagne / 1972 CM Je 23 jan 19h00Ve 7 fév 17h00
Mystic Masseur (The) Ismail Merchant / Grande-Bretagne / 2001 Je 30 jan 21h45Ve 31 jan 19h00
Propriétaire (La) Ismail Merchant, Andrew Litvak / Grande-Bretagne, France, Turquie, États-Unis / 1995 Ve 24 jan 19h30

PROGRAMME DE COURTS MÉTRAGES
Adventures of a Brown Man in Search of Civilization James Ivory / Grande-Bretagne / 1972 Sa 1 fév 14h30
Creation of Woman (The) Charles F. Schwep / États-Unis-Inde / 1960 CM Sa 1 fév 14h30
Sword and the Flute (The) James Ivory / États-Unis / 1959 CM Sa 1 fév 14h30
Venice : Themes and Variations James Ivory / États-Unis / 1957 CM Sa 1 fév 14h30

AUTOUR DE JAMES IVORY ET ISMAIL MERCHANT
Merchant/Ivory: Three Holy Rivers Catherine Berge / France / 2004 Je 13 fév 19h00

RENCONTRES ET CONFÉRENCES
Master class de James Ivory. Présentée par Frédéric Bonnaud et Wafa Ghermani Sa 18 jan 14h30


Du 15 janvier au 15 février 2020
A la Cinémathèque française
51 rue de Bercy. 75012 Paris
Tél. : 01.71.19.33.33

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