dimanche 19 janvier 2020

« Les expérimentations médicales à Auschwitz. Clauberg et les femmes du bloc 10 » par Sonya Winterberg et Sylvia Nagel


Arte diffusera les 21 et 27 janvier 2020 « Les expérimentations médicales à Auschwitz. Clauberg et les femmes du bloc 10 » (Medizinversuche in AuschwitzClauberg und die Frauen von Block 10 ; Made in Auschwitz: The Untold Story of Block 10) par Sonya Winterberg et Sylvia Nagel. « Les crimes à Auschwitz du gynécologue Claus Clauberg, qui prônait la stérilisation forcée. Un documentaire éprouvant sur les expérimentations médicales nazies. »

Issu d'un milieu modeste composé d'artisans, soldat durant la Première Guerre mondiale, médecin gynécologue, membre du parti nazi dès 1933, le Dr Claus Clauberg (1898-1957) se voit attribuer un grade dans la SS - il obtiendra le titre de Gruppenführer -, et reçoit le badge nazi en or. Ce qui atteste de son implication dans le projet nazi d'extermination des "races inférieures".

En 1937, professeur de gynécologie à la faculté de Königsberg, il dirige des expériences médicales sur des animaux, puis sur des être humains ; il élabore des traitements contre la stérilité féminine et le "test de Clauberg" pour la dépister.

Sa fonction de chef de clinique dans l'hôpital pour femmes de Sainte-Hedwige à Königshütte (Haute-Silésie) lui procure de substantiels revenus. Sa célébrité croît avec la publication d'essais médicaux.

Les Nazis veulent procéder à la stérilisation de masse des races dites inférieures. Dans ce cadre, la "méthode Clauberg" consiste "à injecter des produits corrosifs", dont le formaldehyde, "dans l'utérus". En 1940, Heinrich Himmler autorise Clauberg à mener "un projet d'études et d'expériences de stérilisation de masse dans un camp".

"De sa propre initiative, et sans avoir été sollicité ou réquisitionné par son gouvernement, Clauberg écrivit, à Himmler le 30 mai 1942 une lettre dans laquelle il "prenait la liberté de proposer que des expériences de stérilisation soient pratiquées au camp de concentration d'Auschwitz " et déclarait qu' "il serait extrêmement heureux de travailler à la tête d'un institut d'expérience dirige exclusivement par vous (Himmler)... et dont le matériel humain (sic) serait fourni par une annexe du camp ".

"En décembre 1942, Clauberg  part pour le camp d'Auschwitz et s'installe dans le Bloc n°10 surnommé Bloc « Clauberg ». Là, débutent les expériences. "Himmler ayant insisté sur le fait que les femmes doivent être stérilisées à leur insu, Clauberg prétend à ses victimes procéder à une insémination artificielle. Sans anesthésie, Clauberg et ses assistants (dont le docteur Johannes Goebel injectent d'importantes quantités de produits toxiques, notamment des acides, dans l'utérus de ses cobayes. Les effets des traitements expérimentés sont particulièrement douloureux pour les sujets des expériences, principalement des femmes ayant été mères, tziganes ou juives, d'un âge situé entre 20 et 40 ans. Les douleurs causées par les divers composés introduits dans leurs corps sont souvent telles qu'elles meurent par arrêt cardiaque. Dans la majorité des cas, ces femmes finissent dans les chambres à gaz du camp de concentration. Dans une lettre du 7 juin 1943 à Himmler, Clauberg prétend pouvoir avec dix assistants stériliser jusqu'à 1 000 femmes par jour".

Les convois de la déportation amènent au docteur Clauberg de nouveaux êtres humains pour ses expériences. Clauberg et son équipe procèdent régulièrement à l'ablation des ovaires des femmes décédées pour analyser les conséquences des acides.

Le Dr Clauberg est intéressé par les travaux du Doktor Horst Schumann qui stérilise en recourant aux rayons X.

Le 7 juin 1943, en dépit des échecs qu'il a enregistrés et de la mort d'approximativement 300 femmes, le professeur Carl Clauberg rédige un rapport laudatif sur ses travaux et destiné à Himmler. Il y exprime sa conviction de la proximité de l'objectif fixé : trouver une méthode simple et peu coûteuse pour stériliser le plus rapidement possible le nombre le plus élevé de femmes. Clauberg annonce que "sa méthode est pratiquement au point et qu'il lui sera possible de stériliser mille personnes par jour avec un médecin entraîné et dix assistants". Or, les jeunes femmes décèdent en nombre croissant à la suite de ses opérations."

"Nous savons par le témoignage des doctoresses Hautval et Kleinova, anciennes déportées, ce qui se passa entre ces deux lettres au block 10 d'Auschwitz, qui contenait jusqu'à cinq cents " cobayes ", jeunes filles juives " parquées là dans une indicible atmosphère d'angoisse et d'horreur... Les expériences de stérilisation pratiquées par Clauberg consistaient en l'introduction intra-utérine sous pression d'un liquide caustique destiné à provoquer l'obstruction des trompes. Les séances étaient répétées à intervalles d'un à plusieurs mois chez le même sujet, et furent suivies des souffrances et des complications - parfois mortelles - que l'on imagine. Clauberg effectua d'autre part, en collaboration avec le chimiste Goebbel, de Berlin, une série d'expériences grassement rétribuées par l'industrie chimique allemande et pour lesquelles il payait aux SS un prix d'achat pour chaque femme utilisée. L'iode manquant à l'époque en Allemagne, l'objet de ces expériences était la découverte d'un substitut du lipiodol pour les examens aux R. X. Pratiquées sous contrôle radiographique, elles consistaient en l'injection intra-utérine au moyen d'une pompe électrique d'un épais ciment blanc et furent suivies dans de nombreux cas de péritonites mortelles ou de réactions inflammatoires qui stérilisaient à jamais les victimes", a écrit M.-C. Escoffier-Lambiotte (Le Monde, 15 février 1957).

« Auschwitz, 1943. Leny Adelaar, 24 ans, est "sélectionnée" à Auschwitz au sein d'un groupe de femmes. Les célibataires sont séparées des femmes mariées : les premières sont gazées aussitôt, les secondes vont devenir les cobayes du médecin criminel Carl Clauberg ».

« Il va tester sur elles ses nouvelles méthodes de stérilisation sans chirurgie ».

À la fin de 1944, craignant l'arrivée prochaine de l'Armée rouge, le professeur Clauberg et son équipe abandonnent le Bloc n°10. Ils se rendent au camp nazi de Ravensbrück où ils poursuivent leurs expériences sur des tziganes. L'avancée des Alliés les force à fuir.

« Injections dans les ovaires, trompes de Fallope bouchées par processus inflammatoire, parties d'utérus prélevées… : si un certain nombre d'entre elles survivent à ces expérimentations, la plupart subissent d'atroces souffrances et certaines deviendront stériles ».

"Environ 400 jeunes femmes vont subir les expériences de ce médecin sadique qui les a torturées dans les camps d'Auschwitz et de Ravensbrück".

Le 8 juin 1945, Carl Clauberg est arrêté par les Alliés dans le Schleswig-Holstein et est remis aux forces de l'Union soviétique. Jugé en 1948 en URSS, il est condamné à 25 années d'emprisonnement.

« À la fin de la guerre, Clauberg passe dix ans dans les prisons russes ».

En 1955, Caluberg s'installe en République fédérale d'Allemagne (RFA). Il se vante de ses expériences au camp nazi d'Auschwitz. Il est reconnu par d'anciennes victimes. Une association de victimes juives porte plainte contre lui. Clauberg décédera deux ans plus tard avant un nouveau procès ». Et sans remord.

En août 2010, le musée d'Auschwitz a déclaré "avoir reçu un legs de plus de 150 instruments médicaux" du camp d'Auschwitz. S'il estime que ces objets ont appartenu à Carl Clauberg, il n'écarte pas que d'autres médecins nazis, Eduard Wirths, Horst Schumann ou Bruno Weber, qui eux aussi ont effectué  des expériences sur des déportées.

« Les historiens ont aujourd'hui reconstitué le parcours du gynécologue et obstétricien criminel, considéré avant-guerre comme une sommité et soutenu par l'industrie pharmaceutique (dont Siemens et Schering ».

« Ses anciennes victimes, rescapées du bloc 10, et dont la parole emplie de dignité porte ce film, soulignent que c'est Himmler qui a personnellement apporté à Carl Clauberg les moyens qu'il réclamait ». Des témoignages bouleversants. Des précisions horribles sur le sadisme du Dr Carl Clauberg, sur ses prélèvements et leur analyse par des laboratoires. Par miracle, deux rescapées, dont l'une en Israël, ont pu enfanter.

« Paradoxe : ce dernier peut être considéré comme l'inventeur de la pilule contraceptive ».

« Et le groupe Bayer, qui a racheté le laboratoire Schering, fait d'immenses bénéfices grâce à ses travaux sur les hormones de synthèse ».

Ce documentaire a été présenté dans divers festivals juifs aux Etats-Unis.


Allemagne, Israël, 2019, 1 h 12
Production : Medienkontor Winterberg & Nagel, Saxiona Entertainment, Cinephil, ZDF/Hot8, en collaboration avec ARTE
Visuels © Arved Von Zur Mühlen
Sur Arte les 21 janvier 2020 à 22 h 25 et 28 janvier 2020 à 1 h 50, 31 janvier 2023 à 0 h 00
Disponible du 20/01/2020 au 27/01/2020

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Les citations sur le film sont d'Arte.

2 commentaires:

  1. de quel livre viennent ces phrases SVP ? "« Paradoxe : ce dernier peut être considéré comme l'inventeur de la pilule contraceptive ».
    « Et le groupe Bayer, qui a racheté le laboratoire Schering, fait d'immenses bénéfices grâce à ses travaux sur les hormones de synthèse ».

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    1. Bonjour,
      Les citations sur le film proviennent d'Arte qui n'a pas explicité.
      Cordialement,
      Véronique Chemla

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