lundi 13 janvier 2020

Le pogrom de Iași (29 juin-6 juillet 1941)


Le pogrom de Iași a été perpétré du 29 juin au 6 juillet 1941 par des soldats, des policiers et des habitants de cette ville située en Moldavie roumaine. Durant le massacre et dans les deux « trains de la mort », entre 13 000 et 15 000 Juifs, sur les 45 000 Juifs de la ville, ont été tués. France 3 diffusera le 16 janvier 2020 « La mort en face : le pogrom de Iasi », documentaire de William Karel et Nellu Cohn.
      

« Aucun pays, l’Allemagne exceptée, ne participa aussi activement au massacre des Juifs que la Roumanie. » Raul Hilberg (La destruction des Juifs d’Europe)

« En 1939, la communauté juive de Roumanie, cet État aux frontières mouvantes, est la troisième d’Europe. La tradition antisémite qui y prévaut est connue et reconnue. Depuis le début des années 1860, dans les Bulletins de l’Alliance israélite universelle, la Roumanie fait partie de ces pays de malheur régulièrement cités, avec la Russie, la Perse et le Maroc... Alors que l’émancipation des Juifs y est récente, pour partie imposée par les Alliés et entérinée à reculons par la tradition nationale, elle est remise en cause par l’instauration en 1937 du premier véritable régime pronazi d’Europe (Octavian Goga). À l’approbation de l’immense majorité de la population, intellectuels inclus, 120 000 Juifs perdent d’emblée leurs droits de citoyens. Début septembre 1940, le général Ion Antonescu (autopromu maréchal) prend le pouvoir à Bucarest. Son Premier ministre, Sima, est aussi le commandant de la milice fasciste dite Garde de Fer qui poursuit l’exclusion des Juifs de la société roumaine en multipliant les interdictions, professionnelles comme d’autres, telle celle faite aux Juifs en octobre 1940 de fréquenter les bibliothèques publiques. La législation roumaine ne punit plus les actions supposées des Juifs, mais le seul fait d’être juif. Le climat intellectuel et politique de la Roumanie des années 1930 avait été marqué par un antisémitisme quasi obsessionnel », a écrit l’historien Georges Bensoussan (« Éditorial », Revue d’Histoire de la Shoah, vol. 194, no. 1, 2011, pp. 5-15).

Dans un pays démembré par l'Union soviétique et l'Allemagne nazie, le dictateur roumain Ion Antonescu avait rejoint les forces nazis et contribué à la « Solution finale » d’Adolf Hitler. En 1939, 800 000 Juifs vivaient en Roumanie, une des plus grandes populations juives au monde. Entre 280 000 et 380 000 Juifs roumains et ukrainiens ont été tués durant la guerre dans les territoires sous administration roumaine, selon l’Institut Elie Wiesel. En 2019, après la Shoah et l’émigration vers l’Etat d’Israël et d'autres pays occidentaux sous l’ère communiste, moins de 10 000 Juifs y vivent.

Iași (Jassy ou Iassy en français, anglais et allemand, Jászvásár en hongrois, Jassi en italien, Yash en arménien, Yaş en turc, et יאס Yas en yiddish, Isi) - prononcez "Iach" - est une ville située en Moldavie roumaine, près de la frontière avec l’actuelle république de Moldavie et l’Ukraine.

Excentrée au nord est de la Roumanie, la cité a été la capitale du pays en 1916-1918.

Avec 127 synagogues, Iassy  était considérée comme abritant l'une des plus grandes communautés roumaines. En 1936, 45 000 des 100 000 habitants de la ville étaient juifs. La présence de Juifs sépharades remonte à la fin du XVIe siècle. En 1855, la cité a été le foyer du premier journal en yiddish, Korot Haitim, et en 1876 le site de la première représentation théâtrale professionnelle yiddish, par Avraham Goldfaden. Les paroles de la HaTikva, hymne national israélien, ont été écrites par Naftali Herz Imber à Iasi. A Iasi est né Benjamin Fondane (1898-1944), alias B. Fundoianu, né Benjamin Wechsler (ou Wexler),  philosophe, poète, dramaturge, essayiste, critique littéraire, réalisateur de cinéma et traducteur juif athée roumain, naturalisé français en 1938, principalement d'expression française.

« À la suite d’une rumeur selon laquelle des parachutistes soviétiques auraient infiltré la ville (la Roumanie vient d’entrer en guerre contre l’URSS), l’amalgame est opéré : bolcheviks = Juifs, traîtres, espions, etc., dans un contexte de guerre (le 2 juillet 1941, l’armée roumaine lance son offensive contre l’Armée rouge) » (Georges Bensoussan , ibid).

Des habitants de la ville ont mené des mesures antijuives encouragées par le gouvernement. Les juifs ont été victimes de spoliations, d’agressions et d’humiliations. Le « Dimanche noir », sur l’ordre de la police, les juifs se sont rendus à la préfecture. Des milliers ont été assassinés dans la cour de la préfecture, et 4 330 rescapés et d’autres Juifs raflés à Iasi ont été rassemblés dans trains de marchandises dénommés « trains de la mort ». Le premier des deux trains comprenait 33 à 39 wagons où étaient entassés 2 430-2 590 Juifs. Le second transportait dans 18 wagons  1902 Juifs. 

Du 29 juin au 6 juillet 1941, plus de 13 000 Juifs ont été tués lors de ce pogrom survenu avant la conférence de Wansee qui décide de l’extermination des Juifs d’Europe. Parmi les victimes : "le père du peintre Grégoire Michonze a succombé sous les coups des Gardes de fer Roumains, près de Iasi, à la descente d’un des « convois de la mort » de l’été 1941".

« Le pogrom qui a fait des milliers de victimes (13.266 d’après un rapport du Service Spécial ’Informations de 1943, et 14.850, d’après un rapport de la communauté de 1946, le chiffre exact reste inconnu) parmi les 45.000 Juifs de Iaşi a été suivi, en été 1941, par d’autres massacres de Juifs en Bessarabie et en Bucovine du nord, par les troupes germano-roumaines pendant la reconquête de ces provinces, tandis qu’une grande partie des survivants, déportés en Transnistrie, y ont été massacrés ou sont morts (de faim, froid et maladies) ».

« Marcel, a Jewish survivor, told us: "I remember that the real danger for the Jews started on June 29, 1941. It was a big surprise for all the Jews. We were forced to wear the yellow stars of David on our clothes. We could not buy or sell food anymore. For certain hours, we didn’t have access to some public places. At that time there were cellars where Jews hid. It was difficult for the police to search the cellars. So, in order to make us come to the commissariat, they distributed a sort of ticket with the word "Free" written on it in a Jewish district. The Jews thought that if they showed up at the commissariat they could be set free, could again buy commodities. But it was a trap --“Instead of receiving freedom, we met death.” (Witness N°84, met in Iasi, on December 03, 2013 »

Issie Veisfeld est né en 1928 à Iasi. Avec son père, il parvient à se caché pour éviter d’être tué lors des rafles durant le pogrom de Iasi en juin 1941. Les autorités roumaines ont raflé les Juifs, en ont tué un grand nombre, et déporté les rescapés en Transnistrie. Tapissier pour l’Armée roumaine, le père d’Issie avait été prévenu par un officier du pogrom imminent, et la famille a pu se cacher. C’est grâce au réseau du père que la famille a échappé à la Shoah. Mais son père a été tué durant un bombardement des Alliés en 1944, quelques semaines avant la libération de Iasi par l’Armée rouge. « Voyant grandir l’influence des anciens collaborateurs et fascistes au sein du Parti communiste, Issie décide de quitter la Roumanie. Il franchit la frontière entre la Hongrie et l’Autriche illégalement avec sa mère et sa sœur en 1947. Ils arrivent au Canada en 1948. Issie s’installe à Montréal et est un des fondateurs du Centre commémoratif de l’Holocauste à Montréal. Il est aussi président de l’Association des survivants de l’oppression nazie et l’Association des survivants juifs roumains de l’Holocauste ».

Elisabeta Strul (Nicopoi) travaillait dans une usine textile à Iasi. Informée de l’imminence de menaces pesant sur les Juifs, cette jeune femme de 21 ans a alerté immédiatement son collègue Marcus Strul, dans le quartier Podul Roşu. Grâce à elle, cette famille juive et d’autres familles vivant près des Strul ont pu être sauvées. Elisabeta Strul a caché environ 20 personnes dans un entrepôt pendant deux semaines et leur a fourni de la nourriture. Après l’arrestation des hommes contraints au travail forcé, Nicopoi s’est rendue auprès d’eux pour leur donner de la nourriture et des vêtements. Elle a alors été arrêtée, battue et détenue pendant plusieurs jours par la gendarmerie. En 1949, elle s’est mariée, et en 1963 a immigré en Israël. Le 19 mars 1987, elle a été distinguée par Yad Vashem comme Juste parmi les Nations. Elle est morte à Haïfa en 2013. 

En 2019, les autorités militaires roumaines ont ouvert un dossier à la suite de la découverte le 29 juin 2019 de restes humains par l’Elie Wiesel National Institute for the Study of the Holocaust près de Popricani, située aux environs de Iasi. En 2010, une fosse commune avait été trouvée près de la ville de Iasi. Le 30 juin 2019, furent trouvées aussi une grenade et un obus de mortier de 82 mm. 

En 2017, 76 ans après le pogrom, l’ambassadeur Stuart Eizenstat, qui a dirigé l’équipe de négociateurs de la  Claims Conference, a annoncé que l’Allemagne versera une pension aux rescapés du pogrom de Iasi, des « trains de la mort » et de ceux ayant vécu dans les ghettos ouverts de la ville après le massacre qui avait a commencé le 28 juin 1941. Le deuxième jour, le « Dimanche noir », des soldats roumains ont tué 5 000 Juifs arrêtés par la police. En outre, environ 8 000 Juifs de la ville ont été embarqués dans les « trains de la mort », où approximativement 6 000 mourirent de déshydratation, de faim et de suffocation. « Ces rescapés ont subi des souffrances inimaginables. Les Juifs ont été forcés de monter dans des trains qui ont circulé à un rythme incroyablement lent entre les villes, tuant la plupart de leurs occupants par étouffement, déshydratation et folie. Les Juifs à Iasi ont été contraints de vivre dans une partie limitée de la cité constituée en ghetto ouvert, sous couvre-feu, dans la peur constante de la déportation vers les camps de travaux forcés, endurant la cruauté et les coups des soldats roumains et allemands ».

« Cartea Neagra »
« Cartea Neagra. Le Livre noir de la destruction des Juifs de Roumanie 1940-1944 » de Matatias Carp (Denoël, 2009) a été publié à un faible tirage à Bucarest entre 1946 et 1948 et réédité en 1996. 

« J'ai écrit ce livre de sang et de larmes avec mon sang et mes larmes », explique l'auteur de cette extraordinaire chronique clandestine de la tragédie des Juifs de Roumanie, une œuvre unique, élaborée au cœur même de la tourmente. En cela, ce monument littéraire, pour la première fois traduit en français, occupe une place de premier plan dans ce qu'on a appelé « la bibliothèque de la Catastrophe ». 

« Ce livre est une œuvre unique, élaborée au cœur même de la tourmente. Soixante ans après sa parution à Bucarest, entre 1946 et 1948, Cartea Neagra demeure, de fait, la principale source d’information sur l’extermination sauvage, par l’armée et la gendarmerie roumaines, de plus de 350000 Juifs roumains et ukrainiens. Mis à l'index par le régime communiste, il tombera ensuite dans l'oubli. Ce morceau bouleversant d'histoire immédiate lève le voile sur un chapitre encore mal connu de la Shoah à l'est de l'Europe. Ce volume, accompagné d’un très substantiel appareil critique et iconographique, constitue la première traduction intégrale en français du livre de Matatias Carp. D’un intérêt historique comparable au Livre noir sur l’extermination des Juifs en URSS et en Pologne (1941-1945) de Vassili Grossman et Ilya Ehrenbourg, celui de Matatias Carp (1904-1953) se distingue par les conditions extrêmement périlleuses dans lesquelles il a été écrit. Ce jeune avocat juif de Bucarest doublé d’un pianiste de grand talent prend en effet la mesure, dès 1940, de la menace qui pèse sur le judaïsme européen. Il se lance alors, au péril de sa vie et avec sa femme pour seule collaboratrice, dans une folle entreprise : enquêter et collecter en temps réel une sorte d’archive première du génocide. Au fil du récit, le lecteur découvrira un véritable enfer, marqué par la diversité insoupçonnée des méthodes de tuerie : pogroms sanglants, fusillades massives en bordure des villages, Juifs brûlés vifs dans d’immenses porcheries, enfants jetés vivants dans des puits, marches de la mort dantesques, abattage et vente des déportés aux paysans les plus offrants.

Ce livre a été traduit du roumain, avec le soutien de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah, par Alexandra Laignel-Lavastine qui l’a introduit et annoté.

« Journal »
Le « Journal 1935-1644 » de Mihail Sebastian (Stock, 1998), né Iosif Hechter, a été publié aux éditions Stock. « Né en 1907, Mihail Sebastian est un des plus grands écrivains roumains du siècle. Romancier, auteur dramatique, essayiste et journaliste, il a laissé une œuvre qui connaît de nouveau un grand succès dans l’Europe entière. Il est mort le 29 mai 1945, renversé par un camion, alors que, nommé maître de conférences à l’université ouvrière libre de Bucarest, il s’y rendait pour donner son premier cours de littérature universelle ».

« Dans son journal, resté inédit en France jusqu’en 1996, Mihail Sebastian dresse un constat lucide et désespéré de l’engagement à l’extrême droite d’une majorité de l’intelligentsia de son pays pendant l’entre-deux-guerres. Couvrant les années 1935 à 1944, on y retrouve la quasi totalité des grandes figures de la scène intellectuelle roumaine, dont Cioran et Mircea Eliade, frayant gaiement avec la Garde de fer, sous la houlette de Nae Ionescu devenu à partir de 1934 le maître à penser officiel de ce mouvement fasciste. Aussi découvre-t-on à travers ces pages les angoisses et les bonheurs de ce grand nom de la littérature roumaine. Le Journal fourmille de réflexions critiques au sujet de la littérature, de la musique et des arts, tout autant qu’il rend compte du déroulement de la guerre. « La guerre, la guerre, la guerre… On ne parle que de cela (…). La panique s’installe, tout échappe à un jugement rassis. (Qu’allons-nous devenir, nous autres, Juifs ? Quelle sera notre situation militaire en cas de mobilisation générale ?) Visite chez Pippidi cet après-midi, avec Eugène Ionesco. Il nous a lu des pages de Thucydide. On eût dit un pamphlet contre les Allemands. » Nombreux aussi sont les passages où le jeune homme qu’est alors Sebastian confie les déchirements et les inconforts de sa vie amoureuse. Ses doutes et la pudeur qu’il exprime le rendent particulièrement attachant pour le lecteur. Peu sont ceux qui, en Europe occidentale, ont posé un regard aussi lucide sur cette période trouble de l’entre-deux-guerres dans les pays issus du défunt empire des Habsbourg ou de celui du tsar de toutes les Russies. Grand témoin de l’antisémitisme terrifiant de violence et vertigineux de bêtise qui imprégnait alors toute la Roumanie, et en premier lieu ses élites, Mihail Sebastian en fera lui-même les frais puisqu’il sera emprisonné dans les camps. Il a gardé pourtant un ton d’une sobriété percutante pour décrire les absurdités et en rapporter les méfaits. D’autre part, si le Journal de Mihail Sebastian éclaire une partie quelque peu occultée de l’histoire de son pays, il renvoie également à certains épisodes peu glorieux de l’histoire de France, à savoir avant, pendant, et aussitôt après l’Occupation. D’où son indéniable intérêt ».

« The Iasi Pogrom, June-July 1941. A Photo Documentary from the Holocaust in Romania »
« The Iasi Pogrom, June-July 1941. A Photo Documentary from the Holocaust in Romania » par Radu Ioanid, préfacé par Elie Wiesel, a été publié par Indiana University Press  (2017). « More than 13,000 Jews were murdered during nine days in the early summer of 1941 in Romania: in Iaşi (Jassy) and in two death trains. This pogrom is one of the most thoroughly visually documented events of the Holocaust in that members of the Romanian intelligence services photographed the continuing massacre that they themselves were coordinating. German troops, present in the city and involved in the massacre, were allowed to photograph the atrocities and to send those "souvenirs" of the Eastern Front to their family members.  Yet these images are, for the most part, unknown to the general public. Long inaccessible even to scholars, the Romanian archives opened recently under pressure from civil society.  The 127 photographs shown and described in this album, accompanied by survivors' and even perpetrators' testimonies, were collected after the war but most of this evidence remained hidden away for decades. Together they are invaluable and provide unique insight into this monstrous crime committed by the Romanian fascist and brutally antisemitic regime of General Ion Antonescu, a faithful ally of Nazi Germany ». Radu Ioanid est le directeur des International Archival Programs Division du United States Holocaust Memorial Museum. Il est l'auteur de The Sword of the Archangel: Fascist Ideology in Romania, et de The Holocaust in Romania: The Destruction of Jews and Gypsies under the Antonescu Regime, 1940–1944.

« The present volume is the English translation of a 2014 photo album with the same title to which Radu Florian from the US Holocaust Memorial Museum added a narration substantially derived from one of his earlier books on the Holocaust in Romania. After the late Elie Wiesel’s foreword and an introduction by Florian, Radu Ioanid provides seventeen pages of narration, introducing the reader to the Iași pogrom, a genocide involving some 10,000 Romanian Jews in the country’s eastern region of Moldova. The volume also contains hundreds of black and white photos from eye witnesses to the tragedy, similar to the photographs one can see in history books about Auschwitz and other WWII German concentration camps. The Iași Pogrom of late June and early July 1941 was not the first such pogrom of WWII in Romania; there was an earlier one in Bucharest in January 1941, in which over 100 Jews were killed. The Iași Pogrom was an early manifestation of the Holocaust in Romania, occurring only days after the country’s wartime leader, Marshal Ion Antonescu, ordered the invasion of the Soviet Union (part of the Axis Operation Barbarossa) on June 22, 1941, and about seven months before the Wannsee Conference of Berlin (January 1942) that decided upon the Final Solution for Europe’s “Jewish question.” Following the secret Molotov-Ribbentrop Pact of 1939, Romania had lost significant parts of its post-WWI territory to neighboring Hungary and to the Soviet Union. The city of Iași is the birthplace of Romanian fascism and there were many fascists and sympathizers with the Nazis in the city at the time of the pogrom. Antonescu was a Hitler ally who wanted to recover Bessarabia from the Soviet Union and Transylvania from neighboring Hungary on the condition of supporting Hitler in his war against the Soviet Union. The pogrom was ordered verbally by telephone from Bucharest by Marshal Ion Antonescu himself under the pretext that Romania’s Jews were Bolsheviks and Soviet sympathizers and that in Iași they shot at the advancing Romanian and German armies. The Jews of Iași were executed by soldiers, local police, and Romanians who were eager to get rid of their Jewish population and seize their property and businesses. However, the ultimate responsibility rests with Marshal Antonescu and his government. The photographs that were put together in the volume from various archives illustrate the tragedy that unfolded for Iași’s Jewish population. This tragedy was to be repeated in other parts of Romania throughout WWII. It is now documented that some 350,000-400,000 Jews lost their lives in the territories still controlled by Romania’s war-time dictator Marshal Ion Antonescu. The photographs depict various gatherings of Jews who were driven to places where they would be shot, bodies of Jews strewn on the street with onlookers watching them from a distance but not daring to remove them; two Romanian death trains that transported Jews with no precise destination in conditions worse than for cattle in order to cause their death; piles of bodies taken down from the death trains at various locations; mutilated bodies; and other images of unimaginable tragedy that Romanians inflicted on the city’s Jewish population. Each photograph is accompanied by brief explanations, including eye-witness accounts from those who survived. This was a full-blown Romanian-ordered genocide that constituted the prelude to the future genocides that took place in the territories controlled by Romania in WWII. Romania was in denial about the Holocaust having taken place on its territory until 2004 when the country’s President Ion Iliescu officially recognized it based on a comprehensive report produced by a commission under the leadership of Elie Wiesel. The present volume is an excellent illustration of one specific event belonging to the Holocaust. It can successfully be used to teach about the Holocaust in Romania and I recommend it strongly to anyone interested in learning more », a analysé Lucian Turcescu, professeur de Theological Studies à la Concordia University de Montréal, Quebec, Canada.

Ce livre a été édité en français en 2015 sous le titre du « Pogrom de Jassy », avec la préface d'Elie Wiesel, et l’introduction d'Alexandru Florian. « Plus de 13 000 juifs furent assassinés en neuf jours à Jassy (Roumanie). Ce pogrom est un des événements les mieux documentés de l’histoire de la Shoah car les troupes allemandes, présentes dans la ville, étaient autorisées à utiliser un appareil photo pour envoyer des « souvenirs » du front de l’Est à leur famille. Des membres des renseignements roumains, sur place eux aussi, photographièrent également le massacre. Pourtant, ces images sont pour la plupart méconnues du grand public. Les archives roumaines, longtemps restées fermées, s’ouvrent depuis quelques années seulement sous la pression de la société civile. Les 127 photographies de cet album, accompagnées des témoignages des rescapés ou des bourreaux recueillis après la guerre et souvent restés enfouis pendant des décennies dans des cartons, sont d’une valeur historique inestimable et donnent un éclairage sans pareil sur cette tragédie. L’historien Radu Ioanid continue ici son exceptionnel travail de recherche pour mieux faire connaître la Shoah en Roumanie. »

« La mort en face : le pogrom de Iasi » de William Karel et Nellu Cohn
« La mort en face : le pogrom de Iasi » est un documentaire de William Karel et Nellu Cohn.

« Je ne me rappelle pas le moment où ma mère m’a parlé pour la première fois du pogrom perpétré dans ma ville natale, Iasi. Je me rappelle juste que très souvent, elle revenait sur l’histoire de sa tante, la sœur de sa mère, l’histoire de son père qui s’était échappé de justesse, et des deux trains où des milliers de Juifs étaient morts sauvagement assassinés. Je ne posais pas de questions, j’écoutais, encore et encore cette histoire, tout en sachant que je n’avais pas le droit d’en parler à l’extérieur du cercle familial : « C’est interdit et de toutes les façons, ils ne peuvent pas comprendre » me disait-on. Longtemps, j’ai refusé de regarder Shoah, le film de Claude Lanzmann. Cela m’était insupportable. Pendant des années, j’ai eu le même cauchemar : je suis dans un wagon à bestiaux, nous sommes entassés, les gens crient, pleurent, prient, deviennent fous, et moi je connais la fin... Ce cauchemar, s’est arrêté seulement le jour où j’ai visité Auschwitz. Le contexte, les acteurs, l’histoire ne sont évidemment pas comparables, mais en juillet 2014, en plein Paris j’ai entendu des milliers de manifestants crier : "Mort aux Juifs". Depuis ce jour, faire un film sur le pogrom de Iasi est devenu une nécessité », a expliqué Nellu Cohn, compositeur, photographe et réalisateur de documentaires israélien, né en 1956 à Iasi (Roumanie). Ayant grandi dans la Roumanie communiste, il a fait son aliyah en 1975. Il a étudié la musique à la Rubin Academy de Jérusalem et au Conservatoire national supérieur de musique à paris dans les classes de Pierre Schaeffer et Guy Reibel. Il est l’auteur du livre (2009) et film Tel Aviv Live. Il anime une émission sur Radio J depuis 1985 sur l’actualité culturelle.

« Un pogrom est une tuerie de Juifs par des civils tandis que la police laisse faire la foule. Un crime de masse est effectué par l'armée. Ici, c'est les deux... C'est le premier massacre de masse de Juifs de la Deuxième Guerre mondiale. Pour la première fois dans l'histoire des pogroms, il a été perpétré aussi par des couples, maris et femmes. Une autre spécificité, c'est que les soldats, roumains et allemands, ont photographié cette tuerie. Environ 125 photographies de ce massacre ont été faites par des soldats qui les ont envoyées à leurs familles. Il n'y avait pas alors d'interdiction des supérieurs militaires. On n'a pas mis les photographies les plus dures dans le film. Au festival du film d'Histoire de Pessac, la discussion avec le public a été très intéressante. En 2004, la Commission Wiesel a établi la responsabilité de la Roumanie : après l'armée allemande, l'armée roumaine a tué le plus grand nombre de Juifs (215 Juifs/jour). Un Mémorial de la Shoah a été établi à Bucarest ; il n'est pas gardé par des policiers. En Roumanie, il y a des négationnistes, une ou deux statues du maréchal Antonescu... Le travail historique n'est pas fini », a déclaré Nellu Cohn, co-réalisateur du documentaire, sur Judaïques FM le 14 janvier 2020.

« A chacune de mes réalisations depuis Jusqu’au dernier – La destruction des juifs d’Europe, La rafle du Vel d’Hiv, Contre l’oubli, Albums d’Auschwitz à Primo Levi, l’idée de ne consacrer qu’un chapitre à l’histoire du pogrom de Iasi me semblait aberrant. Cette tragédie, effacée, oubliée, et qui n’a pas d’équivalent dans l’histoire de la Shoah, ne pouvait pas être traitée en quelques minutes. Elle méritait un film entier. Aussi, réaliser un documentaire sur ce sujet, et raconter l’histoire de cette « Shoah à la roumaine », était devenu en quelque sorte pour moi « une mission ». Restait la difficulté de faire un film sur cet événement totalement passé sous silence, et dont il reste si peu de traces, puisqu’en Roumanie, les gouvernements successifs ont tout fait pour que cette tragédie sombre dans l’oubli. Les Roumains ont longtemps cherché à minimiser leurs responsabilités dans sa mise en œuvre, alors même qu’il est prouvé qu’ils ont eux-mêmes préparé et orchestré le massacre, dans ses moindres détails, sans la participation des Allemands. Cet épisode dramatique a véritablement ouvert le chapitre le plus tragique de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale. Il constitue le signe précurseur des massacres qui se sont conclus, au cours des trois années suivantes, par l’assassinat de six millions de Juifs », a confié William Karel.

 « Entre le 28 juin et 6 juillet 1941, la Roumanie fut le théâtre d'un crime de masse antisémite d'une violence inouïe. Cet été là, près de 15 000 juifs furent assassinés dans la ville de Iasi, quatrième ville de Roumanie. Au moment des faits, l'extermination programmée des juifs d'Europe n'avait pas encore débuté. À Iasi, il n'y avait ni chambre à gaz, ni four crématoire, mais tout le reste était là : la terreur, les humiliations, les wagons plombés, la famine, les exécutions publiques, la haine. Les ordres venaient d'en haut, et ils ont été appliqués avec enthousiasme par la police, l'armée et la population ». 

« Pendant 60 ans, les gouvernements communistes successifs ont tout fait  pour que le pogrom de Iasi sombre dans l'oubli. Il fallait perpétuer le mythe de la résistance du peuple tout entier contre la tyrannie fasciste et minimiser leurs responsabilités dans le pogrom ». 

« Il fallut attendre novembre 2004 pour que l’État roumain admette pour la première fois sa responsabilité directe dans le pogrom. Des excuses officielles du gouvernement furent enfin présentées à la communauté juive, 60 ans plus tard ». 

« De ce massacre, il ne reste rien, pas le moindre bout de film, juste quelques photographies, la plupart prises par des soldats allemands et roumains qui les envoyèrent à leur famille en guise de souvenir de Roumanie. Et une poignée de témoins. Ils avaient sept, neuf ou douze ans en 1941. Les derniers survivants racontent ».

« Construit avec des images d’aujourd’hui, quelques archives (dont des photographies inédites) et des interviews de survivants, ce film raconte ce prélude de la Shoah, orchestré par le gouvernement roumain. A Iasi, quatrième ville de Roumanie, en 8 jours, du 28 juin au 6 juillet 1941, près de 15 000 Juifs furent assassinés lors d’un effroyable pogrom ».

Le 7 novembre 2019, dans le cadre du Mois du film documentaire 2019, en partenariat avec l’Institut culturel roumain, ce film a été projeté en avant-première au Mémorial de la Shoah, en présence d’Alexandra Laignel-Lavastine.


Interview de William Karel dans l’émission Mémoires vives du 27 octobre 2019

« La mort en face : le pogrom de Iasi » de William Karel et Nellu Cohn
France, Cinétévé, Melting prod Le Studio / France Télévisions, avec le soutien de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah et de la Procirep-Société des Producteurs et de l’Angoa, avec la participation de France Télévisions, du Centre national du Cinéma et de l’Image animée, 2019, 52 minutes
Musique originale : Olivier Depardon
Textes lus par : Beula Beur
Montage : Pauline Pallier
Image et son : Thomas Brémond
Documentaliste : Karim Kamrani 
Sur France 3 les 16 janvier 2020 à 23 h 20 et 24 janvier 2020 à 2 h 40
Visuels :
CNSAS©Consiliul National pentru Studierea Arhivelor Securitatii

©Yad-Vashem-Photo-Archive-Jerusalem

Train
© Historische Archiv der Stadt Koln 

Chava Dror 
Iancu Tukerman
Simha Brailovski 
© Cinétévé 

Articles sur ce blog concernant :

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire