vendredi 25 octobre 2019

Le Bagel


Le bagel est un pain associé à la gastronomie juive ashkénaze. Arte diffuse sur son site Internet, dans le cadre d’Invitation au voyage (Stadt Land Kunst), « À New York, le pain de la discorde » (New York: Ein Brot als Zankapfel).

Le bagel est un petit pain en forme d'anneau, résultant d'une pâte au levain cuite dans de l'eau puis enfourné. Outre sa version nature, il est souvent apprécié parsemé de graines de sésame, de carvi, de pavot, à la cannelle, aux oignons frits, ou au raisin. Il est agrémenté de saumon fumé, de fromage blanc, de feuilles de salades, de cornichons...

La plus ancienne mention d'un bagel semble dater de 1610 par des Juifs de Cracovie (Pologne) qui l'offraient aux femmes ayant accouché.

Originaire de l'Europe centrale et orientale, le bagel a été amené par les Juifs ayant émigré en Amérique du nord : Etats-Unis et Canada.

« À New York, le pain de la discorde »
« À New York, les immeubles de briques rouges et les escaliers de secours suspendus aux façades incarnent l’âme du Lower East Side ».

« Ce quartier cosmopolite abrite un trésor culinaire prisé par la communauté juive new-yorkaise. Un petit pain rond ardemment protégé par les boulangers du coin ».

France
Dans les années 2010, de nombreuses boutiques ont introduit les Bagels en France : une offre variée, préparée avec des produits frais devant l'acheteur et consommable sur place ou à emporter.

Selon une enquête de CHD Expert, le bagel "tente de faire son trou, tout en tenant un pari osé : tenir tête aux autres produits de la restauration rapide eux aussi composés de pain : sandwich, burger, panini, ou encore pizza… Ainsi, 1 Français sur 4 aurait consommé au moins un bagel sur le mois de Mai 2017. Les Français sont encore peu « initiés » au bagel, notamment par le fait que les points de vente proposant ce produit restent encore relativement limités en France & concentrés sur les grandes villes. De ce fait, il est normal que 3 français sur 4 préfèrent manger un sandwich plutôt qu’un bagel."

Une des enseignes les plus célèbres de bagel est Bagelstein, co-fondée par Gilles Abecassis en 2011 à Strasbourg. Le samedi 9 février 2019 au matin, a été découvert, sur la vitrine d'un restaurant aux allures de boutique Bagelstein dans la capitale française, le graffiti "JUDEN !" (JUIF, en allemand). Le restaurant est situé sur l'île Saint-Louis, un quartier calme, touristique et résidentiel, dans le centre de Paris.

"Certains commentateurs ont accusé directement les Gilets jaunes d'être à l'origine du tag antisémite, car ils manifestaient la même journée dans la capitale. Mais le graffiti a été réalisé avant la manifestation" hebdomadaire, et dans un lieu en dehors des itinéraires des Gilets Jaunes.

« Nous avons découvert ce tag samedi matin. Il a probablement été fait dans la nuit de vendredi à samedi », a expliqué Gilles Abecassis, précisant que des graffitis similaires ont déjà été découverts sur d'autres vitrines. Pour Gilles Abecassis, il n'est pas évident « que ce soit des Gilets jaunes qui aient réalisé ce tag ». « Ils ont écrit ça en jaune, mais ça peut être pour l'étoile de David » que l'Allemagne nazie imposait aux juifs de porter, a-t-il souligné.

« La plainte a été déposée samedi [par les gérants du restaurant]. La police est venue sur place », a ajouté le responsable de l'enseigne. "Déplorant "une surenchère depuis quelques temps sur les actes antisémites en France", Gilles Abecassis a fermement condamné ce genre d’attaques : "Chaque type d'acte de ce genre doit être puni et il ne faut pas laisser passer ça". "Une source judiciaire a indiqué à l'AFP, dimanche, que le parquet de Paris avait ouvert une enquête pour dégradations volontaires aggravées et provocation à la haine raciale, confiée à la Brigade de répression de la délinquance contre la personne (BRDP).

Ce graffiti antisémite a suscité l'indignation de membres du gouvernement dirigé par le Premier ministre Edouard Philippe, des partis de droite et de gauche, d'acteurs, du CRIF (Conseil représentatif des institutions juives de France) et de Joann Sfar.

Le 12 février 2019, sur son compte Twitter, Bagelstein a répondu à l'agression antisémite par une photographie de la devanture surmontée par "SALUT L'ARTISTE : ON A FINI LE TRAVAIL POUR TOI". Sur la vitre, le "JUDEN" a été modifié ironiquement en GUTEN  TAG".

Le 9 février 2019 après-midi, le dessinateur et réalisateur français juif Joann Sfar a posté sur Facebook un long texte sur ce graffiti antisémite :
"Je garde un silence de tombe depuis cette histoire de gilets jaunes. Car je sais ce qu'on va me répondre. C'est bizarre ce moment où l'on se dit qu'il est inutile de parler. On ne parvient même pas à se souvenir du nombre de banderoles ou cris ou graffitis antijuifs qui ont explosé depuis le début du mouvement. Jamais une formation ou un syndicat n'a aussi unanimement refusé de réprouver de tels débordements. Il y aurait eu de tels graffitis antisémites à un défilé de n'importe quel grand parti ou syndicat, ça aurait fait un scandale justifié. Même à un défilé du Front National, ils auraient eu trois procès et Marine Le Pen aurait exclu du monde!!! Ici, non. Ici, personne n'a rien vu, n'y est pour rien, n'en pense rien. Jamais la culture de l'excuse ne s'est aussi bien portée. Personne n'est représentant ni responsable ni comptable de rien. Je suis davantage inquiet par la multitude qui se satisfait de telles explications que par les quelques ordures qui tiennent effectivement la bombe de peinture. Et cette légende qui a cours en ce moment, selon laquelle la colère de la foule serait un moment sacré qui ne débouche que sur du vrai, du bien et du beau! La foule a accompagné sans coup férir tous les changements de régimes, des plus bénéfiques aux pires. Le peuple, oui, c'est une notion que je comprends et que je respecte. Le peuple français, ce sont soixante millions de personnes. La foule, c'est autre chose, c'est une occasion, aussi, de montrer ce qu'on a de plus laid. Cette idée que l'on est légitime dès lors qu'on est violent, et qu'on a raison puisqu'on souffre, ce fut le combustible des pires meurtres du siècle passé. On se dit sans doute que les garde-fous ont sauté, une génération plus jeune est là, qui a oublié, ou qu'on manipule plus facilement. Soyez certains que ceux qui jouent avec votre haine et votre désespoir n'ont rien oublié. Celui qui a choisi d'écrire "JUIF" en allemand sur cette boutique sait très bien qu'il pense aux vitrines de la nuit de cristal. Il faut se taire, je crois, parce que plus personne n'a envie d'entendre.N'importe quelle alerte grave ne débouche aujourd'hui que sur une controverse twitter. La culpabilité sociale est telle sur nos chaines de télé et chez les commentateurs que n'importe quelle réaction sensée face à ces dérives passe pour un soutien au gouvernement Macron. Oui, on a le droit d'être en opposition totale avec de nombreuses décisions du gouvernement actuel tout en ne trouvant aucune excuse à ceux et celles qui utilisent le désespoir des gens pour attiser, une fois encore, la haine raciale, le fantasme sur le juif, sur le franc-maçon, prétendument tous riches et puissants bien entendu, ou la haine de l'immigré. Tout ça, c'est inacceptable. Je ne comprends pas ceux qui participent à ces manifestations et choisissent depuis le début de ce mouvement de minimiser son contenu raciste et antisémite. ce n'est pas un ou dix, ce sont des centaines de graffitis ou de tweets anti-juifs depuis le début de cette histoire. Et il faut encore subir les durs d'oreille qui m'expliquent que ce n'est pas représentatif. Pas représentatif? C'est une constante depuis les origines de ce mouvement. Ce qui est représentatif, c'est la lâcheté de ceux qui regardent ailleurs, y compris parmi les commentateurs, trop contents de s'acheter une caution peuple. L'écrivain installé, le comique ou le comédien qui en fait des caisses sur "nous le peuple", en général il fait silence radio sur ces graffitis. Vous en avez pas marre de cette constante du "ces éléments ne sont pas représentatifs du mouvement"? ce qui est représentatif, ce sont tous ces gens qui regardent ailleurs quand on écrit "JUDEN" sur une vitrine. A croire que le connard qui taguait a fait ça à quatre heures du matin et pas pendant une manif noire de monde. Moi je ne pourrais pas faire UN PAS dans la rue aux côtés d'une clique qui ne loupe jamais une occasion de s'en prendre un coup aux migrants, un coup aux juifs, un coup aux francs maçons. Tous ceux que "ça ne dérange pas", ou qui "considèrent que le peuple a des choses à dire et tant pis si ça fait pas plaisir", vous avez un sacré mépris pour le peuple! Si vous croyez que le peuple, ce sont ces ordures, vous avez une bien basse idée du peuple français".
Le 10 février 2019, Joann Sfar, auteur du Chat du rabbin, postait un deuxième texte sur sa page Facebook :
"Je dois vraiment répondre aux "fact-checkers" qui annoncent l'heure et le lieu où a été trouvé le tag "JUDEN" sur une vitrine? A savoir la nuit précédent la manifestation hebdomadaire des gilets jaunes, et sur l'ïle Saint louis? Et donc, m'écrit-on, "nul ne peut incriminer les gilets-jaunes". On peut d'autant moins les incriminer qu'ils n'ont ni représentants, ni parti, ni ligne idéologique, ni horaires ni parcours de manifestation. On fait vraiment semblant de ne pas comprendre de quoi je parle? Depuis le mois de Novembre, le lâchage est total dans les attaques contre les migrants, les francs-maçons, les juifs. L'obsession Rothschild à longueur de tweets, les quenelles, l'extrème droite au grand complet qui se mèle aux cortèges sans que grand monde y trouve à redire. Et comment pourrait-on les faire taire dans un mouvement sans service d'ordre ni représentants légitimes? les gilets-jaunes, c'est tout le monde et c'est personne, c'est l'inauguration d'un mouvement où personne n'est responsable de rien, puisque le seul ciment de ceux et celles qui participent au mouvement, c'est leur colère, sans doute légitime, et leur rage, dont les manipulateurs de tous poils savent bien quoi faire. Et on ose me dire que dans ce climat un tag "JUDEN" sur une vitrine n'a rien à voir avec le mouvement? Je ne crois pas qu'un tel tag aurait été possible en France avant le mois de Novembre. J'aurais pu écrire le même message sept jours plus tôt, tandis que les fidèles de la synagogue de Strasbourg subissaient des injures antijuives au sortir de leur prière. Ou chaque samedi depuis le début de ce mouvement à l'occasion des innombrables saillies contre ces catégories qu'il est convenu d'accabler en temps de colère: les migrants, les juifs, les francs maçons. Je n'ai rien écrit car ainsi que je le disais dans mon texte d'hier, "je sais ce qu'on va me répondre". "Ca n'est pas représentatif". "ce ne sont pas les gilets jaunes". Ca ne peut jamais être les gilets jaunes puisque les gilets jaunes c'est personne en particulier. Je regrette de n'avoir pas inclus dans mon message précédent l'heure et le lieu où l'on a écrit "JUDEN" sur la vitrine d'une enseigne de nourriture. Et je laisse les fact-checkers à leur certitude qu'on ne peut incriminer personne. J'incrimine pour ma part ceux et celles qui depuis le mois de Novembre se taisent, par peur sans doute, mais aussi par culpabilité sociale, ou par démagogie. Et puisqu'il faut répéter des évidences, je n'ai JAMAIS dit que les gilets jaunes étaient antisémites. J'ai dit qu'un mouvement qui a pour seul ciment l'addition des colères et refuse de se doter de représentants prête le flanc à toutes les récupérations. La constance avec laquelle les divers gilets-jaunes refusent de dénoncer les extrémistes qui marchent avec eux fait le lit de tous les débordements. Merci aux fact-checkers de m'avoir expliqué que ce que nous vivons depuis le mois de Novembre n'a en rien ouvert la porte à des "JUDEN" sur les vitrines. Sans doute souhaitez-vous attendre que les actions ressemblent davantage à la nuit de cristal pour mesurer ce que depuis des semaines vous tolérez avec un relativisme effarant."
Le 12 février 2019, Le Monde a publié la tribune de Delphine Horvilleur, rabbin, intitulée « La parole antisémite ne dit rien du mouvement des “gilets jaunes”, mais ne lui est pas non plus étrangère ». "Le mouvement des « gilets jaunes » a généré un appel d’air dans lequel se sont engouffrés les plus virulents acteurs antidémocratiques et extrémistes, estime, dans une tribune au « Monde », la rabbin libérale et féministe".
"Mais qui peut bien taguer « Juden » sur la vitrine d’un marchand de bagels, un samedi de février 2019 en plein Paris ? La question hante les réseaux sociaux et se brise comme du cristal sur les consciences de ceux qui refusent l’amnésie.
Les opinions s’affrontent : « C’est la faute des “gilets jaunes” », disent les uns, et d’autres leur répondent : « rien à voir. » Pour certains : « On veut leur faire porter le chapeau », et pour d’autres : « La responsabilité d’un mouvement complaisant est engagée. »
La réalité est plus complexe, et pour la décrire, il faut sans doute accepter d’énoncer une phrase paradoxale : la libération de la parole haineuse, et plus spécifiquement antisémite, ne dit rien du mouvement des « gilets jaunes », mais ne lui est pas non plus étrangère.
La haine des juifs (ou la haine tout court) n’est pas ce qui met ces hommes et ces femmes dans la rue… mais ce mouvement n’est tout de même pas sans lien avec le déferlement sauvage d’une parole qui n’est ni emblématique ni anecdotique.
Article réservé à nos abonnés Lire aussi  Antisémitisme : en France, les différents visages d’une haine insidieuse et banalisée
C’est ce qu’on pourrait appeler la « philosophie du bagel », si ce petit pain rond et troué pouvait énoncer une théorie politique. Le mouvement des « gilets jaunes », comme tout mouvement de contestation, a su créer un espace politique, un « trou » qui agit comme un appel d’air et dans lequel s’engouffrent depuis des semaines les plus virulents acteurs antidémocratiques, extrémistes et antirépublicains.
Précurseur d’une haine généralisée
La libération de la parole antisémite à travers des slogans, des tags ou des pancartes en est l’expression. L’antisémite n’en veut pas au juif pour ce qu’il fait, ce qu’il a, ni même ce qu’il est. La preuve : il lui en veut encore quand il n’est plus. Ici, on balafre d’une croix gammée le visage de Simone Veil, et là, on arrache un arbre à la mémoire d’Ilan Halimi.
Cette haine qui veut « faire la peau » même aux morts raconte qu’elle ne s’arrêtera pas aux juifs qu’elle vise toujours d’abord. Elle agit, comme toujours, en précurseur d’une haine généralisée, qui frappe le juif sous la forme d’une répétition générale. « Quand vous entendez dire du mal du juif, disait Frantz Fanon, tendez l’oreille, on parle de vous ! »
Il ne faut donc pas s’y méprendre : le bagel n’a pas le goût de son trou, mais il se doit d’être conscient du vide que crée sa pâte, et dans lequel pourrait bien se glisser un goût rance. En cela, il existe pour lui une responsabilité particulière : la vigilance imposée à celui qui peut – même malgré lui – abriter le pire.
Tout mouvement de contestation politique est légitime et constitue le fondement même de notre régime démocratique, la possibilité d’être interrogé. Mais quand, chez certains, la contestation du pouvoir s’énonce en des termes de dénonciation d’« élites », de culpabilité des « riches » ou de « complot » des puissants, il convient d’écouter quelle langue est en train de se parler, un langage ancestral qui fut dans l’histoire celui de l’antisémitisme.
Forces obscures
Dès lors, le digne exercice de la contestation oblige ceux qui le mènent d’une façon très particulière. Il rend ceux qui l’énoncent davantage responsables des dérives haineuses et des ignominies que l’espace politique qu’ils créent risque de contenir.
C’est ce défi que les « gilets jaunes » ont le devoir de relever, faire taire immédiatement et sans ambiguïté les voix qu’ils abritent, s’ils ne veulent être rongés par les forces obscures qui feront de leur mouvement une chambre d’écho ou une vitrine.
Je ne sais pas qui a tagué celle du magasin de bagels le 9 février 2019. Mais étrange coïncidence : si vous tapez ce mot sur Internet, vous découvrirez que, depuis quelques années, il existe une « journée internationale du bagel » (!) et qu’elle a été fixée au… 9 février. De ce hasard troublant et grotesque, certains construiront sans doute des théories complotistes. Mais les autres jugeront que, quand l’histoire leur fait signe, il est temps d’être à la hauteur de leurs responsabilités".

France, 2019, 7 min
Sur Arte du 18/10/2019 au 18/10/2021

Articles sur ce blog concernant :
Articles in English
Les citations proviennent d'Arte.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire