« Elser, un héros ordinaire », par Oliver Hirschbiegel
« Heinrich Himmler. The Decent One » par Vanessa Lapa
« Phoenix » par Christian Petzold
« Heinrich Himmler. The Decent One » par Vanessa Lapa
« Phoenix » par Christian Petzold
Né de parents juifs à Stuttgart, Fritz Bauer (1903-1968) a été un étudiant brillant. En 1920, ce docteur en droit, juge assesseur a adhéré au Parti social démocrate (SPD). Ce fervent démocrate est devenu au début des années 1930 un des dirigeants du Reichsbanner Schwarz-Rot-Gold.
Après l’échec d’une grève générale contre les Nazis dans la région de Stuttgart, il est interpellé par la Gestapo en mai 1933, détenu au camp de concentration de Heuberg durant huit mois, avant d’être libéré.
Victime des lois anti-juives, Bauer est contraint de quitter son travail.
En 1935, il a fui au Danemark, puis en 1943 en Suède. Là, avec Willy Brandt, Bauer a fondé le journal Sozialistische Tribüne (Tribune socialiste).
En 1949, Bauer a rejoint la République fédérale allemande (RFA), où il a repris une carrière de fonctionnaires dans l’institution judiciaire. En 1956, il est nommé procureur général de la Hesse - un des seize länder - à Francfort. Une fonction exercée jusqu’à son décès en 1968.
« De retour en RFA en 1949, il a organisé les premiers procès d'anciens gardiens du camp d'Auschwitz avant d'être un élément clé du dispositif qui permettra que se tienne, en 1961, le procès d'Adolf Eichmann en Israël ». Bauer a du surmonter de nombreux obstacles. Le chancelier Adenauer avait déclaré qu’il était temps de « tirer un trait et de laisser le passé derrière soi ». « Se confronter à notre passé signifie nous juger nous-mêmes, juger les aspects dangereux de notre société et enfin, juger tout ce qui a été inhumain » affirmait cet humaniste, ce moraliste lors d’une conférence le 9 juillet 1962.
Fritz Bauer a contribué aussi à ce que les victimes du régime nazi obtiennent des indemnisations, a réhabilité les résistants au nazisme, a renforcé le caractère indépendant de l’institution judiciaire allemande, et a participé à la réforme de la loi et de la juridiction pénales allemandes. Il a déclaré : « Dans le système judiciaire, je vis comme en exil ».
En 1952, lors "de sa première affaire en tant que Procureur Général, il avait fait sensation à travers tout le pays en accusant l’extrémiste de droite Otto Ernst Remer de diffamation. Remer avait affirmé, lors d’un discours électoral, que Von Stauffenberg et les combattants résistants du 20 juillet 1944 étaient des traîtres, parce qu’ils avaient brisé leur serment de loyauté envers Hitler. Bauer, de son côté, avait construit son argumentation sur le fait qu’un tel serment de loyauté était illégitime. Ses arguments étaient résumés ainsi : « Un Etat injuste, qui commet chaque jour des dizaines de milliers d’assassinats, donne à chaque individu le droit d’utiliser l’auto-défense ». Avec cet argument, Bauer a contré l’excuse la plus fréquente que les nazis donnaient en disant « qu’ils n’avaient fait qu’exécuter les ordres donnés, conformément à leur devoir ». Les juges donnent raison à Fritz Bauer et condamnent Remer à trois mois de prison. Ce jugement spectaculaire a officiellement réhabilité l’organisation tant décriée qui avait tenté d’assassiner Hitler. Pour la première fois, une cour de justice allemande affirmait clairement que le régime d’Hitler n’était pas « un Etat constitutionnel mais un Etat injuste ».
En 1957, Fritz Bauer "reçoit une lettre de Lothar Hermann, un juif émigré en Argentine, qui affirme savoir à quel endroit se cache Eichmann, grâce à sa fille qui est tombée amoureuse du fils d’Eichmann. Fritz Bauer a l’intelligence de ne pas communiquer cette information aux autorités allemandes : il avait déjà constaté à plusieurs reprises que les nazis recherchés parvenaient toujours à en être informés juste avant leur arrestation. Au lieu de cela, il informe les services secrets israéliens ainsi que Georg-August Zinn, son ancien camarade du SPD et Président de la Hesse. Afin de brouiller les pistes, Bauer fait paraître une série d’articles expliquant que la traque d’Eichmann se concentrait désormais au Koweit. Ainsi, le Mossad parvient à enlever Eichmann et à le conduire en Israël. Le souhait le plus cher de Fritz Bauer (pouvoir traduire Eichmann devant la cour de justice de Francfort) ne s’est pas réalisé, le gouvernement fédéral allemand n’ayant jamais réclamé l’extradition d’Eichmann. Il faudra attendre dix ans après sa mort pour découvrir le rôle crucial de Fritz Bauer dans la traque et l’arrestation d’Eichmann."
Le "procès Eichmann a été, à tous points de vue, un début. Et Fritz Bauer n’aura de cesse de tenter d’amener devant la justice allemande les anciens criminels nazis. Avec le gigantesque procès d’Auschwitz, dans lequel comparaissent plus de 21 anciens membres de la garnison SS du camp de concentration, Bauer réussit enfin à monter son plus grand dossier. La preuve la plus spectaculaire lui a été fournie par Thomas Gnielka, un éditeur du quotidien « Frankfurter Rundschau ». Il avait mis la main sur un dossier qu’un survivant de l’Holocauste avait trouvé parmi les ruines du poste de police de Breslau (actuellement Wroclaw, en Pologne)."
"Ces documents, signés du chef de camp Rudolf Höss, faisaient apparaître, sous forme de liste, quels prisonniers avaient été tués par quels SS. Grâce à cette liste, Bauer put finalement obtenir des éléments tangibles sur les coupables et poursuivre son enquête. Les efforts de Fritz Bauer ont conduit à la décision de justice de la cour fédérale de Karlsruhe qui a désigné la cour de justice de Francfort comme étant la seule compétente pour toutes les plaintes déposées contre les tortionnaires d’Auschwitz. Ainsi, Fritz Bauer put superviser toutes les enquêtes sur Auschwitz depuis Francfort. Ces enquêtes, étalées sur deux ans, étaient extrêmement complexes : le camp d’Auschwitz était très peu connu, les survivants de l’Holocauste étaient difficiles à retrouver et il fallait les persuader de faire le voyage jusque dans le pays de leurs tortionnaires pour y témoigner."
"Le premier procès d’Auschwitz à Francfort débute en décembre 1963 et sera le plus grand procès criminel de l’Allemagne d’après-guerre. En termes judiciaires, le procès n’est pas très probant : la plupart des accusés ne seront pas reconnus coupables mais uniquement complices de meurtres et ils seront remis en liberté après quelques années en prison."
"Mais à long terme, le but de Fritz Bauer, qui est de faire de ce procès un « procès éducatif » pour les Allemands, sera une réussite. « Ce procès doit montrer au monde entier que la nouvelle Allemagne est déterminée à préserver la dignité de chaque individu ». Grâce aux témoignages bouleversants des rescapés, pour la première fois, la réalité sur Auschwitz est rendue public. Auschwitz cesse d’être un pan vierge dans la mémoire collective. Le vœu de Fritz Bauer est enfin exaucé : le silence lugubre de l’ère Adenauer est définitivement brisé.
Fritz Bauer est décédé d’un arrêt cardiaque à l’âge de 64 ans.
Il a créé en 1968, avec le journaliste Gerhard Szczesny l’Union humaniste. Celle-ci a créé le Prix Fritz Bauer.
Fondé en 1995, l’Institut Fritz Bauer a pour mission la défense des droits civils et se concentre sur les effets de la Shoah.
La traque d’anciens Nazis par des procureurs allemands, dont Joachim Kügler, Georg Friedrich Vogel, Gerhard Wiese – qui ont induit notamment le « second procès d’Auschwitz » tenu à Francfort contre 22 membres de la direction du camp (décembre 1963-août 1965) - a inspiré plusieurs films allemands, dont « Le Labyrinthe du silence » (Im Labyrinth des Schweigens) coécrit par le réalisateur Giulio Ricciarelli (2014) avec Elisabeth Bartel, et « Fritz Bauer – et « Un héros allemand », co-écrit par le réalisateur Lars Kraume et l’essayiste Olivier Guez.
Sur ce lent processus de travail de mémoire, la journaliste Géraldine Schwarz a écrit en 2017 l’essai « Les Amnésiques ».
« Fritz Bauer - Un héros allemand »
« Fritz Bauer - Un héros allemand » (Der Staat gegen Fritz Bauer) est un film réalisé par Lars Kraume (2014). « Mis en scène comme un film d'espionnage à l'ancienne, un état des lieux saisissant de l'Allemagne d'après-guerre » et de ses difficultés à affronter son passé nazi.
« République fédérale allemande (RFA), fin des années 1950. Intègre procureur général de Francfort-sur-le-Main, Fritz Bauer se démène pour que soient jugés les criminels nazis. Dans un pays engagé sur la voie de la reconstruction et où les fonctionnaires du régime hitlérien ont retrouvé leurs anciens postes, son opiniâtreté suscite une sourde hostilité ».
« Lorsqu'il est informé qu'Adolf Eichmann, l'un des principaux responsables de la mise en œuvre de la solution finale, se cacherait à Buenos Aires, Bauer bataille pour obtenir son extradition. Mais tous les moyens sont bons pour l'empêcher d'y parvenir, y compris en piégeant son jeune collègue Karl Angermann pour homosexualité, encore condamnée par la loi. Résolu à ne pas céder aux pressions, Fritz Bauer se tourne vers les services secrets israéliens », le Mossad, « pour s'emparer d'Eichmann... »
« En retraçant le combat de cet homme d'exception, magistralement incarné par Burghart Klaußner – et dont la mort, en 1968, demeure suspecte –, Lars Kraume met en lumière les limites de la dénazification entreprise outre-Rhin après le rétablissement de la démocratie ».
« Portant un soin particulier à la reconstitution historique, il met habilement en scène l'obscure mécanique destinée à saper le travail de la justice contre les criminels nazis et leurs complices ».
« Le film raconte l’histoire vraie de Fritz Bauer qui contribua à la capture d'Adolf Eichmann au terme d'une traque haletante. Le film dresse aussi le tableau de l’Allemagne de l’après-guerre et critique les entraves à la dénazification et l’amnésie collective qui entoure les crimes commis durant le 3e Reich. Il dénonce aussi la répression de la prostitution homosexuelle à l'époque ».
« Aussi pédagogique sur le fond qu'exemplaire sur la forme, un état des lieux saisissant de l'Allemagne d'après-guerre ».
Ce film a été distingué par cinq Lola, équivalents allemands des César, notamment dans les catégories de Meilleur film et Meilleur scénario.
« Le procès d’Auschwitz, la fin du silence »
À l’occasion du cinquantenaire de la mort de Fritz Bauer (1er juillet 1968), deux films, deux hommages, reviennent sur le parcours du procureur allemand.
Le 17 juin 2018 à 16 h 30, le Mémorial de la Shoah a proposé la projection en avant-première du documentaire « Le procès d’Auschwitz, la fin du silence » de Barbara Necek (France, 52 mn, 13 Productions, France Télévisions, Toute l’Histoire, 2017. Avec le soutien de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah). En présence de la réalisatrice Barbara Necek et de Guillaume Mouralis, chargé de recherche, CNRS.
En 1947, les Alliés ouvrent le procès des camps de la mort nazis à Cracovie, en Pologne. Plus de quinze ans plus tard, le 20 décembre 1963, à Francfort en Allemagne de l'Ouest, débute le «second procès d'Auschwitz», une vingtaine d'anciens SS vont répondre de leurs crimes commis au camp de concentration et d'extermination nazi installé à côté du village polonais Oświęcim, en allemand « Auschwitz ». Ce documentaire raconte ce procès historique à l'aide d'interviews des derniers témoins, d'images d'archives et d'enregistrements sonores des séances, classés depuis octobre 2017 au patrimoine immatériel de l'Unesco.
Après l’échec d’une grève générale contre les Nazis dans la région de Stuttgart, il est interpellé par la Gestapo en mai 1933, détenu au camp de concentration de Heuberg durant huit mois, avant d’être libéré.
Victime des lois anti-juives, Bauer est contraint de quitter son travail.
En 1935, il a fui au Danemark, puis en 1943 en Suède. Là, avec Willy Brandt, Bauer a fondé le journal Sozialistische Tribüne (Tribune socialiste).
En 1949, Bauer a rejoint la République fédérale allemande (RFA), où il a repris une carrière de fonctionnaires dans l’institution judiciaire. En 1956, il est nommé procureur général de la Hesse - un des seize länder - à Francfort. Une fonction exercée jusqu’à son décès en 1968.
« De retour en RFA en 1949, il a organisé les premiers procès d'anciens gardiens du camp d'Auschwitz avant d'être un élément clé du dispositif qui permettra que se tienne, en 1961, le procès d'Adolf Eichmann en Israël ». Bauer a du surmonter de nombreux obstacles. Le chancelier Adenauer avait déclaré qu’il était temps de « tirer un trait et de laisser le passé derrière soi ». « Se confronter à notre passé signifie nous juger nous-mêmes, juger les aspects dangereux de notre société et enfin, juger tout ce qui a été inhumain » affirmait cet humaniste, ce moraliste lors d’une conférence le 9 juillet 1962.
Fritz Bauer a contribué aussi à ce que les victimes du régime nazi obtiennent des indemnisations, a réhabilité les résistants au nazisme, a renforcé le caractère indépendant de l’institution judiciaire allemande, et a participé à la réforme de la loi et de la juridiction pénales allemandes. Il a déclaré : « Dans le système judiciaire, je vis comme en exil ».
En 1952, lors "de sa première affaire en tant que Procureur Général, il avait fait sensation à travers tout le pays en accusant l’extrémiste de droite Otto Ernst Remer de diffamation. Remer avait affirmé, lors d’un discours électoral, que Von Stauffenberg et les combattants résistants du 20 juillet 1944 étaient des traîtres, parce qu’ils avaient brisé leur serment de loyauté envers Hitler. Bauer, de son côté, avait construit son argumentation sur le fait qu’un tel serment de loyauté était illégitime. Ses arguments étaient résumés ainsi : « Un Etat injuste, qui commet chaque jour des dizaines de milliers d’assassinats, donne à chaque individu le droit d’utiliser l’auto-défense ». Avec cet argument, Bauer a contré l’excuse la plus fréquente que les nazis donnaient en disant « qu’ils n’avaient fait qu’exécuter les ordres donnés, conformément à leur devoir ». Les juges donnent raison à Fritz Bauer et condamnent Remer à trois mois de prison. Ce jugement spectaculaire a officiellement réhabilité l’organisation tant décriée qui avait tenté d’assassiner Hitler. Pour la première fois, une cour de justice allemande affirmait clairement que le régime d’Hitler n’était pas « un Etat constitutionnel mais un Etat injuste ».
En 1957, Fritz Bauer "reçoit une lettre de Lothar Hermann, un juif émigré en Argentine, qui affirme savoir à quel endroit se cache Eichmann, grâce à sa fille qui est tombée amoureuse du fils d’Eichmann. Fritz Bauer a l’intelligence de ne pas communiquer cette information aux autorités allemandes : il avait déjà constaté à plusieurs reprises que les nazis recherchés parvenaient toujours à en être informés juste avant leur arrestation. Au lieu de cela, il informe les services secrets israéliens ainsi que Georg-August Zinn, son ancien camarade du SPD et Président de la Hesse. Afin de brouiller les pistes, Bauer fait paraître une série d’articles expliquant que la traque d’Eichmann se concentrait désormais au Koweit. Ainsi, le Mossad parvient à enlever Eichmann et à le conduire en Israël. Le souhait le plus cher de Fritz Bauer (pouvoir traduire Eichmann devant la cour de justice de Francfort) ne s’est pas réalisé, le gouvernement fédéral allemand n’ayant jamais réclamé l’extradition d’Eichmann. Il faudra attendre dix ans après sa mort pour découvrir le rôle crucial de Fritz Bauer dans la traque et l’arrestation d’Eichmann."
Le "procès Eichmann a été, à tous points de vue, un début. Et Fritz Bauer n’aura de cesse de tenter d’amener devant la justice allemande les anciens criminels nazis. Avec le gigantesque procès d’Auschwitz, dans lequel comparaissent plus de 21 anciens membres de la garnison SS du camp de concentration, Bauer réussit enfin à monter son plus grand dossier. La preuve la plus spectaculaire lui a été fournie par Thomas Gnielka, un éditeur du quotidien « Frankfurter Rundschau ». Il avait mis la main sur un dossier qu’un survivant de l’Holocauste avait trouvé parmi les ruines du poste de police de Breslau (actuellement Wroclaw, en Pologne)."
"Ces documents, signés du chef de camp Rudolf Höss, faisaient apparaître, sous forme de liste, quels prisonniers avaient été tués par quels SS. Grâce à cette liste, Bauer put finalement obtenir des éléments tangibles sur les coupables et poursuivre son enquête. Les efforts de Fritz Bauer ont conduit à la décision de justice de la cour fédérale de Karlsruhe qui a désigné la cour de justice de Francfort comme étant la seule compétente pour toutes les plaintes déposées contre les tortionnaires d’Auschwitz. Ainsi, Fritz Bauer put superviser toutes les enquêtes sur Auschwitz depuis Francfort. Ces enquêtes, étalées sur deux ans, étaient extrêmement complexes : le camp d’Auschwitz était très peu connu, les survivants de l’Holocauste étaient difficiles à retrouver et il fallait les persuader de faire le voyage jusque dans le pays de leurs tortionnaires pour y témoigner."
"Le premier procès d’Auschwitz à Francfort débute en décembre 1963 et sera le plus grand procès criminel de l’Allemagne d’après-guerre. En termes judiciaires, le procès n’est pas très probant : la plupart des accusés ne seront pas reconnus coupables mais uniquement complices de meurtres et ils seront remis en liberté après quelques années en prison."
"Mais à long terme, le but de Fritz Bauer, qui est de faire de ce procès un « procès éducatif » pour les Allemands, sera une réussite. « Ce procès doit montrer au monde entier que la nouvelle Allemagne est déterminée à préserver la dignité de chaque individu ». Grâce aux témoignages bouleversants des rescapés, pour la première fois, la réalité sur Auschwitz est rendue public. Auschwitz cesse d’être un pan vierge dans la mémoire collective. Le vœu de Fritz Bauer est enfin exaucé : le silence lugubre de l’ère Adenauer est définitivement brisé.
Il a créé en 1968, avec le journaliste Gerhard Szczesny l’Union humaniste. Celle-ci a créé le Prix Fritz Bauer.
Fondé en 1995, l’Institut Fritz Bauer a pour mission la défense des droits civils et se concentre sur les effets de la Shoah.
La traque d’anciens Nazis par des procureurs allemands, dont Joachim Kügler, Georg Friedrich Vogel, Gerhard Wiese – qui ont induit notamment le « second procès d’Auschwitz » tenu à Francfort contre 22 membres de la direction du camp (décembre 1963-août 1965) - a inspiré plusieurs films allemands, dont « Le Labyrinthe du silence » (Im Labyrinth des Schweigens) coécrit par le réalisateur Giulio Ricciarelli (2014) avec Elisabeth Bartel, et « Fritz Bauer – et « Un héros allemand », co-écrit par le réalisateur Lars Kraume et l’essayiste Olivier Guez.
Sur ce lent processus de travail de mémoire, la journaliste Géraldine Schwarz a écrit en 2017 l’essai « Les Amnésiques ».
« Fritz Bauer - Un héros allemand »
« Fritz Bauer - Un héros allemand » (Der Staat gegen Fritz Bauer) est un film réalisé par Lars Kraume (2014). « Mis en scène comme un film d'espionnage à l'ancienne, un état des lieux saisissant de l'Allemagne d'après-guerre » et de ses difficultés à affronter son passé nazi.
« République fédérale allemande (RFA), fin des années 1950. Intègre procureur général de Francfort-sur-le-Main, Fritz Bauer se démène pour que soient jugés les criminels nazis. Dans un pays engagé sur la voie de la reconstruction et où les fonctionnaires du régime hitlérien ont retrouvé leurs anciens postes, son opiniâtreté suscite une sourde hostilité ».
« Lorsqu'il est informé qu'Adolf Eichmann, l'un des principaux responsables de la mise en œuvre de la solution finale, se cacherait à Buenos Aires, Bauer bataille pour obtenir son extradition. Mais tous les moyens sont bons pour l'empêcher d'y parvenir, y compris en piégeant son jeune collègue Karl Angermann pour homosexualité, encore condamnée par la loi. Résolu à ne pas céder aux pressions, Fritz Bauer se tourne vers les services secrets israéliens », le Mossad, « pour s'emparer d'Eichmann... »
« En retraçant le combat de cet homme d'exception, magistralement incarné par Burghart Klaußner – et dont la mort, en 1968, demeure suspecte –, Lars Kraume met en lumière les limites de la dénazification entreprise outre-Rhin après le rétablissement de la démocratie ».
« Portant un soin particulier à la reconstitution historique, il met habilement en scène l'obscure mécanique destinée à saper le travail de la justice contre les criminels nazis et leurs complices ».
« Le film raconte l’histoire vraie de Fritz Bauer qui contribua à la capture d'Adolf Eichmann au terme d'une traque haletante. Le film dresse aussi le tableau de l’Allemagne de l’après-guerre et critique les entraves à la dénazification et l’amnésie collective qui entoure les crimes commis durant le 3e Reich. Il dénonce aussi la répression de la prostitution homosexuelle à l'époque ».
« Aussi pédagogique sur le fond qu'exemplaire sur la forme, un état des lieux saisissant de l'Allemagne d'après-guerre ».
Ce film a été distingué par cinq Lola, équivalents allemands des César, notamment dans les catégories de Meilleur film et Meilleur scénario.
« Le procès d’Auschwitz, la fin du silence »
À l’occasion du cinquantenaire de la mort de Fritz Bauer (1er juillet 1968), deux films, deux hommages, reviennent sur le parcours du procureur allemand.
Le 17 juin 2018 à 16 h 30, le Mémorial de la Shoah a proposé la projection en avant-première du documentaire « Le procès d’Auschwitz, la fin du silence » de Barbara Necek (France, 52 mn, 13 Productions, France Télévisions, Toute l’Histoire, 2017. Avec le soutien de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah). En présence de la réalisatrice Barbara Necek et de Guillaume Mouralis, chargé de recherche, CNRS.
En 1947, les Alliés ouvrent le procès des camps de la mort nazis à Cracovie, en Pologne. Plus de quinze ans plus tard, le 20 décembre 1963, à Francfort en Allemagne de l'Ouest, débute le «second procès d'Auschwitz», une vingtaine d'anciens SS vont répondre de leurs crimes commis au camp de concentration et d'extermination nazi installé à côté du village polonais Oświęcim, en allemand « Auschwitz ». Ce documentaire raconte ce procès historique à l'aide d'interviews des derniers témoins, d'images d'archives et d'enregistrements sonores des séances, classés depuis octobre 2017 au patrimoine immatériel de l'Unesco.
Face à eux, près de 360 témoins, dont 211 survivants d’Auschwitz. Dans une Allemagne hostile à la vérité, ils vont confronter pour la première fois le pays avec les crimes de son passé et révéler au monde l’horreur d’Auschwitz.
Un document essentiel pour comprendre le contexte de l'époque, les coulisses du procès et ses répercussions. La narration, fluide, met l'accent sur l'impact considérable de ce procès sur l'opinion publique. Les témoignages, difficilement soutenables, disent l'horreur à l'état pur. Indispensable.
Arte diffusa le 28 mai 2019 à 22 h 30 "Fritz Bauer, un procureur contre le nazisme" (Fritz Bauer - Generalstaatsanwalt. Nazi-Jäger) de Catherine Bernstein. "Dans l'Allemagne de l'Ouest des années 1960, le combat obstiné du procureur Fritz Bauer pour briser le silence sur les crimes du IIIe Reich, faire juger les criminels nazis et rendre justice à leurs innombrables victimes."
"Francfort-sur-le-Main, 20 décembre 1963. Pour la première fois depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, une cour fédérale allemande s'apprête à juger d'anciens criminels nazis. Au terme d'une instruction dirigée pendant cinq ans par Fritz Bauer, 22 prévenus sont sur le banc des accusés. En poste au camp d'extermination d'Auschwitz, ils étaient SS, membres de la Gestapo, médecin, dentiste ou encore kapos. Dans un pays désormais divisé et où le miracle économique va de pair avec une politique de l'oubli, le procureur général du Land de la Hesse veut confronter l'Allemagne à son passé. Jusqu'en août 1965, 360 anciens déportés vont relater les atrocités dont ils ont été victimes ou témoins. Avec effroi, les jeunes Allemands découvrent alors l'ampleur des crimes commis par la génération de leurs parents."
"Adhérent du parti social-démocrate et de confession juive, le juge Fritz Bauer a été poussé à l'exil en 1935, après avoir été interné deux ans en camp de concentration et exclu de la fonction publique. À son retour en Allemagne après-guerre, nommé procureur général à Francfort en 1956, il lance plusieurs procédures afin de retrouver d'anciens criminels de guerre nazis en fuite, notamment le docteur Mengele. Empêché de mener à bien ses enquêtes, il se résoudra à livrer aux services secrets israéliens les informations qui permettront l'enlèvement puis le procès à Jérusalem, en 1961, d'Adolf Eichmann, le "logisticien" de la "solution finale". Les éclairages de spécialistes (historiens, juristes, biographes de Fritz Bauer) et de nombreuses archives retracent son combat obstiné pour mettre en lumière l'échec de la dénazification, briser le silence sur les crimes du IIIe Reich et rendre justice à ses innombrables victimes."
"Le labyrinthe du silence"
Le 26 mai 2019 à 22 h 55, RMC Story diffusa "Le labyrinthe du silence", de Giulio Ricciarelli avec Alexander Fehling, André Szymanski, Friederike Becht. "1958. Alors que l'Allemagne veut oublier son passé et que des centaines de fonctionnaires nazis ont été réintégrés dans l'administration, un jeune procureur décide de faire juger, pour la première fois sur le sol allemand, d'anciens SS ayant servi à Auschwitz."
Allemagne, à la fin des années 1950. Jeune procureur ambitieux et fier de sa fonction au parquet de Francfort, Johann Radmann ne s'occupe pour le moment que d'affaires sans grand intérêt. Bientôt, un journaliste attire son attention sur le fait qu'un rescapé des camps de concentration aurait reconnu Alois Schulz, un ancien officier SS en poste à Auschwitz. Ce dernier serait actuellement enseignant au lycée Goethe de la ville. Alors que ses supérieurs et ses collègues choisissent d'ignorer ces allégations, Radmann décide de ne pas négliger l'affaire. Il découvre rapidement plusieurs pièces cruciales qui permettraient l'ouverture d'un procès d'envergure.
Après avoir étudié longuement, avec Olivier, la biographie de Fritz Bauer, nous avons décidé de nous concentrer sur la traque d’Adolf Eichmann car c’est une période particulièrement haletante de sa vie et surtout elle montre bien ce que Fritz Bauer cherchait, et en quoi sa personnalité était hors du commun. Nous voulions raconter l’histoire d’une rédemption : celle d’un homme brisé et pessimiste, qui revient en Allemagne après la Seconde Guerre Mondiale et qui sera transformé grâce à son combat contre l’oubli collectif.
Dans l’émission de télévision : « Heute abend KellerKlub » faite pendant la période du procès Eichmann et reproduite dans le film, Fritz Bauer explique, de formidable manière, aux jeunes du « KellerKlub » ce qu’est l’esprit de la démocratie. Vous comprenez qu’il était un véritable humaniste. Il est convaincu que les Allemands nés après la Seconde Guerre mondiale ont la possibilité de construire une nouvelle société. En fait, il a ouvert de nouvelles perspectives à la génération post-Adenauer, parce qu’il a osé lever le voile et briser le silence. C’est en cela qu’il est devenu par la suite une inspiration importante lors des révoltes des étudiants.
C’était un début parfait pour le film, parce Fritz Bauer y explique très simplement ce qui le motive. Il pense que l’avenir de son pays natal dépend fondamentalement de la manière dont les jeunes générations vont gérer leur passé. Il est prêt à donner tout ce qu’il possède pour cela. Il a même risqué sa vie pour cette idée.
Nous avons lu beaucoup de livres et en premier lieu toutes les biographies de Fritz Bauer. Nous avons aussi eu la chance de rencontrer Gerhard Wiese, qui est le dernier survivant de l’équipe des procureurs de Fritz Bauer. C’est un homme très vif, brillant et à l’esprit alerte qui nous a raconté ce que cela représentait, à cette époque, d’être procureur général à Francfort et quel genre d’homme son patron était. Il a été d’une grande aide. De plus, nous avons eu de nombreuses conversations avec les employés de l’institut Fritz Bauer. Ces échanges étaient denses et très instructifs. Peu de temps avant le début du tournage, il y a eu une grande exposition organisée au musée juif de Francfort.
Les rapports de la police danoise sur les contacts que Fritz Bauer avait avec des homosexuels étaient exposés là, au public, pour la première fois. Il a été prouvé que lorsque Fritz Bauer était en exil au Danemark, il a été arrêté en compagnie de prostitués hommes. On peut seulement imaginer comment il a dû gérer sa sexualité quand il a été nommé procureur général du Hesse. Nous avons essayé de traiter ce sujet dans le film de la manière la plus délicate possible. Mais aborder le sujet de l’homosexualité était important pour nous pour deux raisons : d’abord pour le développement dramatique de l’histoire car à cette époque le « paragraphe 175 » du Code Civil était toujours en vigueur. Ce paragraphe rendait illégales les « activités lubriques » entre hommes et donnait aux détracteurs de Fritz Bauer un prétexte pour provoquer sa chute. Et ensuite, pour montrer la tyrannie qui régnait pendant l’ère Adenauer : ce « paragraphe homo », qui avait été renforcé quand les nazis étaient au pouvoir, n’a été aboli en Allemagne qu’en 1994 ! C’est un exemple criant de toutes ces années durant lequelles les idées les plus injustes de l’ère nazi sont restées en place en R.F.A.
Presque tous les personnages du film ont réellement existé, à l’exception de Karl Angermann, qui représente l’idéalisme d’une jeune génération de procureurs généraux qui se battent au côté de Fritz Bauer par conviction. Nous l’avons imaginé à partir de plusieurs personnages ayant existé de manière à créer une figure attachante qui évolue aux côtés de Fritz Bauer, et bien sûr, pour amener le sujet de l’homosexualité dans l’intrigue.
Burghart Klaussner et moi, on ne se connaissait pas. Notre directrice de casting Nessie Nesslauer me l’a recommandé. Il a immédiatement saisi la personnalité de Fritz Bauer et l’a interprété de manière incroyablement juste. On pouvait voir dès le début à quel point il était connecté à son personnage - et aussi quel point il lui ressemblait. Le même âge, le même physique, l’esprit vif, la maturité émotionnelle, la rage innée - et aussi l’humour. Mon plus grand souci était d’éviter de faire un film moralisateur et hypocrite. C’est pour cela qu’il était fondamental que mon personnage principal ait un côté acerbe, avec un humour nonchalant. Burghart Klaussner le joue extrêmement bien. Il a toujours le ton juste quand il fait dire par exemple à son personnage « J’ai un revolver - si je me suicide il n’y aura aucune rumeur ».
Le meilleur souvenir du tournage ? Je pense que c’est la manière dont Burghart Klassner a insufflé tant de vitalité à un personnage qui était un peu en retrait, en lui apportant de nombreuses nuances. Il a accepté avec gratitude ce que le scénario pouvait lui offrir et m’a régulièrement surpris avec de nouveaux détails, comme par exemple son léger rire espiègle en fin de phrase.
Au XXIe siècle, un individu doit avoir le courage de se consacrer toute sa vie à une cause et de poursuivre un but, quelle que soit la forme de résistance qu’il rencontre. Fritz Bauer a dû faire face à de nombreuses oppositions pour avoir été « un Juif habité par la vengeance » et il a été constamment encerclé d’ennemis puissants. Aucune autorité allemande ne souhaitait coopérer avec lui ; ils ont dressé des obstacles les uns après les autres devant lui. Cette phrase célèbre est de lui : « Quand je sors de mon bureau, j’entre en territoire ennemi ». Finalement, son combat a prévalu. Pour moi, c’est un véritable héros ».
« Le procès d’Auschwitz, la fin du silence » de Barbara Necek
France, documentaire, 13 Productions, France Télévisions, Toute l’Histoire, 2017. Avec le soutien de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah, 52 mn
Sur Toute l'histoire les 26 mai 2019 à 15 h et 30 mai 2019 à 12 h 30.
"Le labyrinthe du silence", de Giulio Ricciarelli
Allemagne, 2014, 125 minutes
Avec Alexander Fehling, André Szymanski, Friederike Becht, Johannes Krisch, Hansi Jochmann, Johann Von Bülow, Robert Hunger-Bûhler, Lukas Miko, Gert Voss
Sur RMC Story me 26 mai 2019 à 22 h 55
France, 2016, 57 min
Sur Arte le 28 mai 2019 à 22 h 30
Visuels :
Fritz Bauer procureur à Francfort, 1963
Credit : © D.R
Procès d'Auschwitz à Francfort, 1963
Credit : © D.R.
Portrait de Fritz Bauer
Credit : © Siegfried Träge/ Fritz Bauer
Visuels :
Fritz Bauer procureur à Francfort, 1963
Credit : © D.R
Procès d'Auschwitz à Francfort, 1963
Credit : © D.R.
Portrait de Fritz Bauer
Credit : © Siegfried Träge/ Fritz Bauer
« Fritz Bauer - Un héros allemand » de Lars Kraume
Allemagne, 2014, 95 min.
Image : Jens Harant
Montage : Barbara Gies
Musique : Julian Maas, Christoph M. Kaiser
Producteur/-trice : Thomas Kufus
Réalisation : Lars Kraume
Scénario : Lars Kraume
Acteurs : Burghart Klaußner, Ronald Zehrfeld, Lilith Stangenberg, Laura Tonke, Sebastian Blomberg, Jörg Schüttauf
Auteur : Lars Kraume
Sur Arte le 25 avril 2018 à 20 h 55
Sur OCS City les 29 mai 2020 à 18 h 13 et 31 mai 2020 à 10 h 50
Sur Arte le 25 avril 2018 à 20 h 55
Sur OCS City les 29 mai 2020 à 18 h 13 et 31 mai 2020 à 10 h 50
Visuels :
© Zero One Film/Martin V. Menke
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Les citations sont d'Arte et du dossier de presse du film. Cet article a été publié le 25 avril 2018, puis le 26 mai 2019.
Les citations sont d'Arte et du dossier de presse du film. Cet article a été publié le 25 avril 2018, puis le 26 mai 2019.
A l'heure où la carte de la France devient brune,( voir résultats des élections) il faut voir et faire voir ces films pour ne pas banaliser cette montée de l'extrême droite avec ses éléments néo-nazis.
RépondreSupprimerTant qu'il est encore temps ou "Le ventre est encore fécond..." (Bertold Brecht)
Laurent Weill
1. Je pense que vous évoquez les résultats des élections européennes.
SupprimerJe ne perçois pas de montée de l'extrême-droite en France.
Je trouve plus pertinent de qualifier - attaché à la souveraineté nationale, hostile à une Europe fédérale, favorable à un rapprochement avec la Russie, etc. - le Rassemblement national plutôt que de l'étiqueter.
Ce mouvement a obtenu 23% des suffrages exprimés avec un taux d'abstention de 49,8%.
Il n'a pas de réservoir de voix.