mercredi 5 juillet 2017

« O.J. Simpson: Made in America » par Ezra Edelman


La série documentaire « O.J. Simpson: Made in America » est réalisée par Ezra Edelman. Cette « fresque documentaire magistrale », oscarisée, en cinq volets, « met à nu le destin d’une star déchue,  Orenthal James (O. J.) Simpson, célèbre joueur de football américain, qui a cristallisé les démons de l’Amérique, et en premier lieu la question raciale ».


Le 12 juin 1994, vers minuit, la police découvre dans le quartier chic de Brentwood de Los Angeles, le corps de Nicole Brown Simpson – ancienne deuxième épouse du populaire footballeur  Orenthal James (O. J.) Simpson qui avait demandé le divorce en 1992 en invoquant des violences conjugales et qu'il avait abusé d'elle -, son cou coupé jusqu'aux vertèbres cervicales, et d’un ami, Ronald Goldman, serveur juif américain de restaurant, le corps frappé par trente coups de couteau. 

Les enfants du couple divorcé dorment dans leurs chambres. 

Les policiers vont au domicile d'O.J. Simpson pour l’informer de la tragédie. 

En l’absence de ce sportif, ils repèrent dans son jardin un gant en cuir ensanglanté. Des analyses déterminent qu'il s'agit du sang d'O.J. Simpson et de son ex-épouse. Les soupçons de culpabilité de Simpson se renforcent car le gant fait partie de la paire dont l’autre gant a été retrouvé sur les lieux des meurtres. En outre, la poignée de portière et le sol de la Ford Bronco du footballeur retraité sont tachés de sang.

S'engage une course poursuite entre les policiers et O. J. Simpson, en fuite.

En 1995, au terme de près de neuf mois d’un procès pénal médiatisé et controversé – jury composé essentiellement de femmes et de nombreux Afroaméricains, choix du lieu du tribunal, accusation de racisme porté à l’égard du policier Mark Fuhrman, etc. -, O J Simpson, accusé des meurtres de Brown et Goldman, est déclaré non coupable.

Un verdict accueilli par la joie parmi des Afro-américains et par la stupéfaction par nombre d’Américains non Afro-américains. 

Les jurés semblent s’être fondés sur des failles dans l’enquête policière pour faire bénéficier O.J. Simpson du doute, et n’avoir pas eu connaissance d’un faisceau d’indices – déclaration à la police, passeport et déguisement dans la Bronco, etc. - convergeant vers sa culpabilité. 

En 1997, un tribunal déclare Simpson responsable civilement de la mort de Ronald Goldman, ainsi que de coups et blessures sur Ronald Goldman et Nicole Brown. O.J. Simpson est condamné à payer plus de 33 millions de dollars de dommages et intérêts aux familles des deux victimes. La loi californienne interdisant la saisie des rentes ou pensions, Simpson n’est pas affecté dans son train de vie par ce jugement. Sa carrière de commentateur sportif et d’acteur prend fin.

En 2000, O. J. récupère la garde de ses enfants, Sydney et Justin, et s’installe à Miami (Floride). Dans l'État de Floride, la loi préserve de saisies les biens, en particulier la résidence principale, des personnes.

En 2007, les droits d’auteur du livre If I Did It (Si je l’avais fait), signé par Simpson, sont perçus par la famille de Goldman, comme partie des indemnités qui leur sont dues. Cet argent finance la Fondation Ron Goldman qui alloue des bourses à des organisations et programmes aidant les victimes et survivants de crimes violents. La famille Goldman publie le livre en mettant en petits caractères "If" inscrits dans la lettre "I" pour affirmer la culpabilité de O. J. Simpson.

En 2007-2008, O. J. Simpson est condamné pour divers délits, dont vols à main armée, et est emprisonné pour 33 ans. 

« Depuis l’enfance d'O. J. Simpson dans un ghetto déshérité de San Francisco jusqu'à sa condamnation à trente-trois ans de prison en 2008, pour une pitoyable attaque à main armée qui n'a pas fait de victime, ce feuilleton documentaire restitue l’incroyable dimension collective d’un procès-fleuve qui a cristallisé la division raciale de l’Amérique. En mettant à nu le destin de la star déchue, mais aussi le contexte dans lequel il s’inscrit, ce récit choral  impressionnant de maîtrise et d’ampleur montre comment O.J. représente un concentré des dérives du pays : la discrimination raciale, notamment au travers des violences policières, l’injustice sociale, mais aussi le culte de la célébrité et du spectacle ». Et le traitement choquant dont il a bénéficié malgré les violences commises sur sa deuxième épouse, ainsi que la violence entre délinquants afro-américains.

« Vingt ans après le procès-fleuve d'O. J. Simpson et son acquittement spectaculaire, « O.J. Simpson: Made in America », fresque documentaire magistrale réalisée par Ezra Edelman, met à nu le destin d’une star déchue qui a cristallisé les démons de l’Amérique, et en premier lieu la question raciale » par le biais d’archives, d’interviews de sociologues, de proches des principaux protagonistes, de jurés, de procureurs, dont Marcia Clark, etc. La question raciale semble avoir longtemps préservé O. J. Simpson : malgré les appels de Nicole Brown Simpson, victime de violences conjugales, le populaire O. J. Simpson a bénéficié d’une grande tolérance de la part de la police.
Le tout dans le contexte de Los Angeles où demeure vivace le souvenir de l’Afro-américain Rodney King, battu par des policiers en 1991, de l’acquittement de ces policiers en 1992 et des émeutes pendant six jours à Los Angeles.

Le documentaire « O.J. Simpson: Made in America » occulte le racisme et la violence d’Afro-Américains suprématistes à l’égard des Blancs.

« O.J. Simpson: Made in America » a été montré en avant-première au Festival du film de Sundance en janvier 2016 ainsi qu’au Tribeca Film Festival et au Hot Docs Canadian International Documentary Festival à Toronto en avril 2016, et diffusé dans des salles de cinéma et des chaines de télévision.

« Mon but n’était pas de savoir [si O.j. Simpson] était coupable mais de comprendre comment il est devenu un symbole. Le film repose sur les souvenirs de tous ces gens qui ont participé aux événements, ont vécu à travers eux. Il n’était pas question de manipuler leur point de vue, ni de réécrire l’histoire », a déclaré Ezra Edelman. 

Louée par la presse, cette série documentaire primée a reçu en février 2017 l’Oscar du Meilleur documentaire remis à Ezra Edelman, réalisateur, et Caroline Waterlow, productrice, lors de la 89e cérémonie des Oscar. Ezra Edelman a alors dédié son Oscar à Nicole Brown Simpson et Ronald Goldman, puis aux « victimes de la violence policière, racialement motivée, et à l’injustice criminelle ».

Quelques mois plus tard, l'Academy of Motion Picture Arts and Sciences a réformé les critères de sélection. Ceux-ci interdisent désormais de sélectionner les séries documentaires, telle « O. J. Simpson: Made in America ». Ces films en plusieurs volets ne seront plus éligibles aux Oscar.

« Je ne suis pas noir, je suis O. J. »
« En 1967, un jeune athlète noir affamé de gloire devient la star de l’université USC de Los Angeles grâce à sa capacité hors norme à percer les lignes ennemies sur un terrain de football américain ».

 "Athlète d'exception", O. J. Simpson "grand, puissant, endurant, courant vite" aspirait à la célébrité et à "être le meilleur". O.J. Simposon est entré en 1967 à l’université USC de Los Angeles, qui se distingue de Berkeley par son intérêts pour le football et non la politique.

En 1968, « trois ans après les émeutes du quartier de Watts, qui ont ravagé la ville et secoué l’Amérique, un nombre croissant de sportifs afro-américains mettent en danger leur carrière pour s’engager dans le combat en faveur des droits civiques ». Ces émeutes dans un quartier pauvre de Los Angeles ont été retransmises à la télévision. 

« Mais ce prodige aux allures de gendre idéal s’en tient prudemment à distance, pour devenir le chouchou d’une Amérique blanche pourtant encore ouvertement raciste. « Je ne suis pas noir, je suis O. J. », résume-t-il ». Il veut être jugé sur ses qualités sportives, et "non pas se mettre en avant parce qu'il est noir".

Un anti-Mohamed Ali, boxeur qui dénonçait les discriminations raciales. L’antithèse des deux athlètes afro-américains Tommie Smith et John Carlos, levant leurs poings gantés de noir lors des Jeux Olympiques de 1968 à Mexico. « O. J. voulait éliminer la race comme facteur déterminant de son existence. C'est sur cette base que la société blanche l’a non seulement accepté, mais adopté », explique  le sociologue Harry Edwards.

« À la fin des années 1970, quand il prend une retraite précoce après plusieurs années de records au sein de l’équipe de Buffalo, O. J. Simpson, alias « The Juice », semble une parfaite incarnation du rêve américain ». 

« Devenu célébrissime, notamment grâce à des spots publicitaires pour les voitures de location Hertz qui ont décuplé sa renommée sportive, il entame une carrière de comédien et emménage à Brentwood, un quartier huppé de Los Angeles avec sa nouvelle compagne : une toute jeune femme blonde nommée Nicole Brown ».

Dans cette ville de violences policières
« Le deuxième volet raconte Los Angeles dans les années 1980 et ses deux mondes, déroule le conte de deux cités qui ne se rencontrent jamais. Dans la première, qui se félicite de compter parmi ses concitoyens l'irrésistible O. J. Simpson, la célébrité est synonyme de pouvoir. La seconde, pauvre et noire, subit depuis des décennies une violence policière passée largement sous silence ».

« De la mort d'une jeune veuve nommée Eula Love, tuée par balle devant ses enfants en 1979, au passage à tabac, en 1992, de Rodney King, un automobiliste noir en excès de vitesse, la violence de la police de Los Angeles envers les Afro-Américains adresse à ceux-ci un message sans ambiguïté : ils restent des citoyens de seconde zone ».

« Alors que l'acquittement des policiers agresseurs de Rodney King provoque des émeutes meurtrières dans la ville, O. J. Simpson, star adulée et voisin aimé de tous, vit un scénario exactement contraire : qu'il triche au golf ou que sa jeune épouse terrifiée appelle la police, au premier jour de 1989, parce qu'il vient de la rouer de coups, rien ne semble pouvoir ternir son image… »

Une défense sans scrupules
« À l’annonce de l’atroce double meurtre de l’ex-épouse d’O.J. Simpson et du serveur Ronald Goldman, un lynchage médiatique est lancé contre l’ancien footballeur ». 

« C’est le début d’un chapitre marquant de l’histoire américaine, qui met à nu les réalités des rapports de pouvoir et de race à l’œuvre dans le pays, mais en dit aussi long sur son système judiciaire et médiatique ».

O. J. Simpson s'implique entièrement dans sa défense. Rabroue ses avocats qui s'éloignent de la ligne fixée. Recourt à son expérience d'acteur pour peaufiner son image quand la caméra est fixée sur lui - le procès est filmé et retransmis à la télévision. Joue de son charisme à l'égard des jurés féminins afroaméricaines. Recrute les meilleurs avocats, une "dream team" composée de Robert Shapiro, Johnnie Cochran, Robert Kardashian, Barry Scheck, F. Lee Bailey, Alan Dershowitz, Carl Douglas, et Peter Neufeld.

Cyniquement, les avocats de O. J. Simpson jouent la carte raciale. Alors que ce sportif ne s'est jamais engagé en faveur des Afro-américains, il est présenté comme le héraut de la communauté noire. Et cela marche ! En outre, ces avocats détruisent méthodiquement les preuves accusant O. J. Simpson, et décrédibilisent les témoins de l'accusation. A commencer par Mark Fuhrman accusé sans fondement d'avoir déposé le gant taché du sang des victimes derrière la maison d'O. J. Simpson le soir du crime. Par ailleurs, un enregistrement audio ancien révèle son usage du mot "nigger" dénigrant les Afroaméricains. Or, le soir du crime, Mark Fuhrman ignorait que le prévenu n'avait pas d'alibi, n'avait jamais agi de manière raciste et ses anciens propos étaient dénués de lien avec l'affaire. O. J. Simpson avancera aussi trois explications différentes aux blessures dans sa main. Tout cela n'ébranle pas le jury.

Et l'un des avocats, un juriste afro-américain spécialisé dans les affaires raciales, de cette "dream team" stigmatise Mark Fuhrman en dressant un parallèle choquant avec Hitler et la Shoah.

Face à eux, par inexpérience, par naïveté, par maladresse, l'accusation multiplie les fautes majeures : l'essai du gant par le prévenu, etc. O. J. Simpson avait arrêté un traitement médicamenteux, ses mains avaient enflé et les gants enfilés difficilement, exhibés théâtralement devant le jury, ne correspondaient pas à la taille du prévenu.

Un gant tient le monde en haleine
« Les nombreux témoins et protagonistes de l’affaire O.J. Simpson nous font revivre un procès surmédiatisé ». 

« Son plaidoyer final éclaire d’une lumière crue la réalité des enjeux en présence : il rend visible la discrimination que subissent les Noirs et l’existence d’une gigantesque fracture raciale – non seulement dans les quartiers pauvres de Los Angeles, mais dans l'ensemble de la société américaine ».

C’est occulter la bourgeoisie Afro-américaine, les violences entre gangs Afro-américains, les dégâts des familles disloquées afro-américaines, les effets de la discrimination positive, etc.

Un acquittement par étapes
« À l’issue d'un long et épuisant procès, O.J. Simpson est finalement acquitté en octobre 1995. Pour la plupart des Américains blancs, il s'agit d'un verdict scandaleux, illustrant le pouvoir que confèrent l’argent et la célébrité aux États-Unis, mais démontrant aussi le caractère explosif de l'« argument racial » employé sans retenue par la défense ». 

« Dans une spectaculaire euphorie collective, l'immense majorité des Noirs, en revanche, fête la libération d'O. J. Simpson comme une victoire historique, au nom des innombrables victimes afro-américaines des violences policières comme de la machine judiciaire ».

Une des jurés, vingt ans après le verdict, reconnaît  que O. J. a été en partie acquitté « pour venger Rodney King ». Un aveu aussi affligeant qu'est terrifiant le récit de la nuit des crimes commis par O. J. Simpson par jalousie de l'indépendance retrouvée de son ex-épouse qui s'oriente vers une carrière de photographe, de sa relation avec Marcus Allen, jeune footballeur dont Simpson est le mentor.  

Une histoire tragique mêlant des ingrédients spécifiques aux Etats-Unis : sport, tensions raciales, luxe, célébrité, sexe, argent, crimes, justice, famille, divorce tumultueux, médias, champion déchu… 

Et qui occulte les victimes : Nicole Brown Simpson, que l'on voit si affectueuse et prévenante à l'égard de ses deux enfants, Ron Goldman, les deux garçons Simpson privés brutalement de mère.

Dans ce documentaire, O. J. Simpson apparaît doté d'un caractère complexe : intelligent - il s'adapte aisément aux nouveaux milieux auxquels sa célébrité lui donne accès -, ambitieux, déterminé, égocentrique, vaniteux, violent, vulgaire, se désintéressant de ses enfants, coureur, pervers, cynique, haineux à l'égard des homosexuels - son père était homosexuel -, etc.

Le 20 juillet 2017, à l'unanimité, une commission des libérations conditionnelles a décidé qu'O.J. Simpson sera libéré par anticipation en octobre 2017, après avoir passé neuf années en prison dans le Nevada. Condamné pour vol à main armée commis à Las Vegas en 2007 à 33 années de prison, il est âgé de 70 ans.

« J’ai fait mon temps », a plaidé l’ancien footballeur, lors d’une visioconférence avec les membres de la commission des libérations conditionnelles. « Si j’avais fait preuve d’un meilleur jugement à l’époque, rien de tout cela ne serait arrivé », a-t-il ajouté, à propos du vol pour lequel il a été condamné. O. J. Simpson a bénéficié du témoignage de l’une des victimes de ce vol, Bruce Fromong, qui a plaidé, jeudi, en sa faveur, appelant à « lui donner une seconde chance. (…) C’est un homme bon qui a fait une erreur. »

« C’était un crime grave. Vous méritez d’avoir été envoyé en prison (…). La question est de savoir si vous y avez passé suffisamment de temps pour ce dossier », a déclaré Tony Corda, l’un des membres de la commission, avant d’accorder son vote en faveur d’une libération anticipée. O. J. Simpson avait déjà obtenu une liberté conditionnelle en 2013, pour certains volets de sa sentence, la commission du Nevada a examiné, jeudi, les condamnations restantes".

Le 1er octobre 2017, O. J. Simpson "est sorti de prison - pénitencier de Lovelock», dans l'État du Nevada (ouest) - et bénéficie désormais du régime de liberté conditionnelle, après neuf ans passés derrière les barreaux pour vol à main armée". Il "avait été condamné en 2008 à une peine de neuf à 33 ans de prison pour le braquage à main armée de deux marchands de souvenirs sportifs à Las Vegas " en 2007. "L'ancien joueur des Buffalo Bills devait initialement purger jusqu'à 33 ans de prison pour ces faits qualifiés d'enlèvement, cambriolage et vol à main armée, mais s'est vu accorder une remise de peine pour une partie de ses condamnations. En juillet dernier, il est parvenu à raccourcir davantage sa sentence, en convainquant la commission des libertés conditionnelles du Nevada de ses bonnes facultés de réinsertion. Les autorités redoutaient ce week-end une nouvelle médiatisation extrême autour du détenu libéré".

« O.J. Simpson: Made in America » par Ezra Edelman
Etats-Unis, ESPN Films , 2016, 467 min
Sur Arte :
1er volet : « Je ne suis pas noir, je suis O. J.!  » (Ich bin nicht schwarz, ich bin O.J.!) : le 7 juillet 2017 à 20 h 50 (91 min)
2e volet : Dans cette ville de violences policières (In der Stadt der prügelnden Polizisten) : le 7 juillet 2017 à 22 h 25 (96 min)
3e volet : Une défense sans scrupules (Eine Verteidigung geht über Leichen) : le 8 juillet 2017 à 20 h 50 (94 min)
4e volet : Un gant tient le monde en haleine (Ein Handschuh hält die Welt im Atem) : le 8 juillet 2017 à 22 h 25 (93 min)
5e volet : Un acquittement par étapes (Ein Freispruch auf Raten) : le 9 juillet 2017 à 0 h 00
                 
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Les  citations sur le documentaire proviennent d'Arte.

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