mercredi 21 septembre 2016

Une ADIAM problématique


 L’Association d’aide aux Israélites âgés et malades (ADIAM) offre une large gamme de prestations - aide à la toilette et à l’habillage, entretien du logement, prise de médicaments, etc. – assurées par des auxiliaires de vie salariées au domicile des bénéficiaires. Elle est reconnue par les pouvoirs publics. Une affaire récente – vols d’objets appartenant à un octogénaire Juif français, refus d’assurer le ménage chez lui - suscite des questions concernant le recrutement et la formation des auxiliaires de vie par l’ADIAM. Le 21 septembre 2016, l'ADIAM a annoncé à l'un des enfants de ce bénéficiaire juif français qu'elle cessera ses prestations à la fin du mois de septembre 2016 et de lui allouer l'aide qui lui a été accordée par la Claims Conference. Elle m'a envoyé un droit de réponse que je publie - la loi n'impose pas la publication du droit de réponse au-dessus de l'article - et auquel je réponds.
L’Association d’aide aux Israélites âgés et malades (ADIAM) « a été créée pour aider les rescapés de la Shoah, puis les immigrés et les rapatriés d’Afrique du Nord, attachés à leur religion et à leur identité ».

En plus de cette mission, l’ADIAM « dispense aujourd’hui ses services à tous, dans le respect de la liberté et des croyances de chacun. Au cours des dix dernières années, l’ADIAM a développé l’ensemble de ses activités. Elle a diversifié ses services afin de favoriser l’autonomie et le bien-être des usagers qui ont fait le choix de vivre chez eux. Depuis longtemps, ses équipes travaillent à l’accompagnement des pathologies dégénératives comme la maladie d’Alzheimer ou à l’utilisation des technologies de l’information et de la communication pour améliorer le service et la sécurité des personnes âgées ou handicapées ».

« L’expertise de l’ADIAM est reconnue par les Pouvoirs Publics ainsi que par toutes les caisses de retraite, la sécurité sociale, les mutuelles, les tribunaux... » L’Adiam ‘est reconnue dans ses missions et délégations de service public par le Conseil général, les organismes publics, les ministères… »

Les tâches et services proposés par l’ADIAM : « l’entretien du logement (ménage, repassage, lit, vaisselle…), la préparation des repas (en veillant au régime alimentaire et aux prescriptions religieuses le cas échéant), l’aide à la toilette et à l’habillage, l’aide à la mobilité (transferts, déplacements à l’intérieur ou à l’extérieur du domicile), les petites tâches administratives, la prise des médicaments, l’aide à la maîtrise du matériel technique (fauteuils roulants, lit médicalisé, lève-malade…)

Pour assurer ces prestations, l’ADIAM emploie des auxiliaires de vie intervenant au domicile des bénéficiaires.

Un service de soins infirmiers à domicile réputé
Le 10 décembre 2002, l’ADIAM  a célébré à Paris le premier anniversaire de son Service de soins infirmiers à domicile (SSIAD). Dans le respect des valeurs juives, le SSIAD répond à une forte demande.

Installée dans ses locaux depuis cinq ans, l’ADIAM a mis à l’honneur le SSIAD en présence de David Messas, alors grand rabbin de Paris, de Nelly Hansson, alors directrice de la Fondation du Judaïsme français (FJF), de représentants d’élus, de responsables du FSJU, de la DDASS et de la préfecture, et de son équipe. Souffrant, Gérard Baumann n’avait pu être présent. 

« L’ADIAM se débat pour qu’une partie de nos concitoyens ayant perdu leurs jeunesses ne subissent pas l’indifférence et ne se trouvent pas dans le besoin. Elle leur apporte aide et chaleur », indiquait-il dans son discours lu.

Avec le SSIAD, l’ADIAM présentait une offre globale comprenant des fonctions - prestataire, mandataire, gérant de tutelle, intermédiaire - et un espace conseil et écoute. 

Dotée d’un budget d’environ trois millions d’euros, elle dispose de psychologues spécialistes en gérontologie, de conseillères en économie sociale et familiale, d’infirmières, d’aides soignantes, d’ergothérapeute et de juristes. 

Elle s’occupait de 900 personnes dans Paris, les Hauts-de-Seine, la Seine-Saint-Denis et le Val-de-Marne.

Un projet exemplaire
« Le degré de responsabilité d’une communauté se mesure à ses engagements envers les anciens », confiait le grand rabbin Messas. 

« L’ADIAM œuvre dans l’expression des valeurs juives - justice, tsedaka - de la solidarité appliquées à tous. Elle forme ses collaborateurs aux patients juifs pour la cacherout, le shabbat, et en cas de décès. Le SSIAD fonctionne de 8 h à 20 h, 7 jours sur 7, sur prescription du médecin traitant ou de l’hôpital. En « équivalent temps plein », il dispose de 3, bientôt 4 infirmières, et de 9, bientôt 11 ou 12 aides-soignantes. Il fonctionne par des « transmissions quotidiennes de patients vus » de chaque professionnel et des réunions hebdomadaires sur des questions plus générales - comment réagir en cas de défaut de lucidité du patient ?- ou pour mettre en place des projets d’équipes », expliquait Yveline Silvestri Charlotte, infirmière coordinatrice du SSIAD.

Le SSIAD avait ouvert une soixantaine de places. Grâce aux aides essentiellement publiques, il devait porter ce nombre à 75 en janvier 2003. Mais il recevait plus de 200 demandes. 

« Comme l’espérance de vie augmente, les besoins sont immenses », conclut Betty Elkaim, dévouée directrice générale de l’ADIAM.

En 2007, Betty Elkaim a reçu pour l'ADIAM a reçu de Jacques Beslin, directeur délégué de l'AFAQ-AFNOR, le diplôme de certification NF-Service : "Services aux personnes à domicile" (norme NF X 50-056). Membre de l'UNA (Union Nationale de l'Aide, des Soins et des Services aux Domiciles) Paris, elle est la première association à recevoir cette certification à Paris. L'ADIAM dispose de 330 professionnels - infirmières, auxiliaires de vie, ergothérapeute, etc. auprès de 2 000 bénéficiaires parisiens.

Problèmes
L’APA (Allocation personnalisée d’autonomie) permet, « sous conditions d'âge – au moins 60 ans -, de lieu de résidence, des ressources et de dépendance », notamment de « financer des services de maintien à domicile ».

Octogénaire juif français vivant à Paris, M. H. souffre des lourdes séquelles de deux AVC (Accidents vasculaires cérébraux). Il souffre d'incontinence urinaire et vit dans son appartement avec un chien et un chat. Il recourt, dans le cadre de son APA, à l’ADIAM pour assurer des tâches ménagères et d’aides à la toilette à son domicile. Il a obtenu aussi une aide que la Claims Conference lui a allouée et lui verse via l'ADIAM.

Voici quelques mois, une auxiliaire de vie d’origine marocaine a volé chez lui deux oreillers, deux couettes - l'une bleue, l'autre violet - exemptes d'avoir été en contact avec de l'urine, un couvre-lit et une couverture : devant cet octogénaire handicapé, elle a empaqueté ces objets et les a emportés. « Coriace, virulente », une autre auxiliaire de vie d’origine algérienne a refusé d’assurer le ménage, par exemple de nettoyer un lit humecté par de l'urine car elle pensait que l'urine provenait de ses animaux domestiques. D'autres auxiliaires de vie n'assurent pas toutes leurs heures de présence : elles restent une heure au lieu des deux ou trois heures planifiées et payées. Au fil des mois, les enfants H. ont découvert aussi le vol d'un mortier et de son pilon, tous deux en bronze, ayant appartenu à leur mère.

Gênés, les enfants de M. H. se sont plaints au bout de quelques mois auprès de l’ADIAM de ces faits indélicats et choquants.

Ils n’ont pas porté plainte contre l’auxiliaire de vie qui avait dérobé des éléments de la literie de leur père veuf. Mais l’un d’eux s’interroge : « Et si mon père n’avait pas eu d’enfant ou s'il avait de l'argent chez lui, que se serait-il passé ? Cette auxiliaire de vie va-t-elle continuer à voler chez des bénéficiaires âgés, diminués physiquement ? »

Il arrive que des auxiliaires de vie volent des biens appartenant à des personnes âgées vivant chez elle ou en maisons de retraite, ou hospitalisées. Et il ne s'agit pas d'extrapoler à partir de ces exemples. De nombreuses auxiliaires de vie s'avèrent loyales, honnêtes, serviables.

Par sécurité, des associations similaires à l’ADIAM réclament le casier judiciaire des candidats et se renseignent auprès de précédents employeurs de postulants. Et se heurtent parfois aux réticences de leurs homologues à reconnaître les méfaits commis par d'anciens salariés, car c'est révéler leurs failles.

Quelles sont les modalités de recrutement et de formation de l’ADIAM ? Pourquoi cette auxiliaire de vie a-t-elle refusé d’assurer des tâches ménagères ? Manque de formation par l’ADIAM ? Mépris pour une tâche ménagère mal payée ? Autre raison ? Pourquoi les auxiliaires de vies ayant remplacé leurs collègues indélicates ont-elles refusé d'assurer leurs tâches en arguant souffrir d'asthme, ce qui serait contre-indiqué avec la présence de chien et chat. Un moyen d'éviter d'évoquer la qualification d'"impur" accolée au chien en islam ? L'ADIAM va-t-elle indemniser M. H. ?

Dans un secteur certes associatif, mais concurrentiel, avec un nombre de bénéficiaires potentiels en baisse en raison de l'aliyah, l'ADIAM gagnerait à régler ces problèmes, à renforcer ses contrôles sur ses futurs employés, à s'aligner sur les pratiques d'autres associations qui notamment envoient chaque mois le planning des prestations à venir  avec, pour chaque prestation, les noms et prénoms des auxiliaires de vies, vérifient que les auxiliaires de vie ont bien assuré toutes leurs prestations en les contraignant à signaler leur heure d'arrivée et de départ par téléphone, etc.

L'ADIAM doit se souvenir que le public juif français n'est pas captif, et est particulièrement sensible au sort de ses aînés et de ses enfants. Ainsi, l'OSE (Oeuvre de secours aux enfants) a longtemps pâti, et pâtit encore, du fait que des enfants juifs français, qui lui avaient été confiés, avaient été placés dans des familles non-juives, notamment musulmanes.

Le 15 septembre 2016, j’ai interrogé l’ADIAM. Je publierai ses réponses dès réception.

Le 21 septembre 2016, soit deux jours après la publication de mon article, l'ADIAM a annoncé à l'un des enfants de ce bénéficiaire juif français d'une part qu'elle cessera ses prestations à la fin du mois de septembre 2016 et, d'autre part, de lui allouer l'aide qui lui avait été accordée par la Claims Conference. Une attitude qui semble doublement choquante : d'une part, cet arrêt de prestations peut être perçu comme une mesure de rétorsion à l'égard de la victime de vols, et, d'autre part, retenir l'aide de la Claims Conference risque d'être ressenti comme un abus de confiance, a fortiori au détriment d'un coreligionnaire vulnérable et à la situation modeste.

Conseil de l'ADIAM, Me Dahlia Arfi-Elkaïm m'a envoyé ce droit de réponse que je publie in extenso :
"Face à vos accusations stigmatisantes et  inadmissibles, l'ADIAM tient à exercer son droit de réponse.
Vous procédez par voie d'accusation à notre encontre  sans enquête journalistique approfondie préalable puisque vous demandez notre version des faits APRES publication de votre article sur votre blog et non pas AVANT.
L'association ADIAM qui bénéficie d'une compétence hautement reconnue par les pouvoirs publics et d'une certification AFNOR n'a aucun moment été informée par écrit d’un quelconque agissement délictueux de la part d’une  aide à domicile, tel que décrit dans votre article.
Aucune enquête pénale n'est en cours à notre connaissance.Des visites de contrôle à domicile ont été régulièrement effectuées comme systématiquement auprès de tous nos usagers et à aucun moment des faits de cette nature n’ont été portés à notre connaissance par Monsieur H."
Voici mes réponses :
1. Les faits relatés sont exacts et ni l'ADIAM ni son conseil ne les réfutent ;

2. Le 15 septembre 2016, j'ai envoyé le  courrier électronique ci-contre à l'ADIAM en l'interrogeant sur les faits sur lesquels j'avais été informée. Je lui ai indiqué mon intention d'écrire un article et je lui ai adressé six questions précises.
Le 19 septembre 2016, donc quatre jours après cet envoi, j'ai écrit à l'ADIAM pour lui signaler mon article, et de nouveau, je l'ai interrogée.
Dans le courrier de cette avocate, il est fait mention de mon courrier électronique du 15 septembre. Donc, l'ADIAM aurait pu me répondre pour me demander plus de précisions si elle le souhaitait.
Je rappelle que la réponse de l'ADIAM "ne doit pas non plus comporter des assertions contraires à l’honneur ou à la considération du journaliste".

3. L'un des enfants de M. H a informé Madame Cohen, son interlocutrice au sein de l'ADIAM, de ces vols, puis sa remplaçante Madame Hadida du refus de la dernière auxiliaire de vie d'assurer le ménage chez son père.
Le courriel ci-contre du fils de M. H. en date du 7 septembre 2016 s'avère éloquent :
"Nous sommes lassés de rencontrer systématiquement des problèmes avec l'un des membres de votre personnel qui opère chez mon père monsieur H. . Cette personne est venue aujourd'hui (le 7 septembre).
A toutes fins utiles, je tenais à vous rappeler que nous recherchons pour mon pére une aide à domicile susceptible de faire entre autre le ménage...Donc, cette dame se refuse à tous travaux ménagers, ou du moins elle pratique un tri sélectif à sa convenance. . Madame a décidé de ne pas faire le sol des deux chambres inoccupées. Ce choix très aléatoire nous laisse dubitatifs. Nous ne sommes pas la pour subir les désideratas de cette dame. Compte tenu du prix de la prestation et surtout de l'incompétence et l'impertinence de celle ci, je vous remercie vivement de bien vouloir mettre en place  pour les prochaines vacations une autre personne désirant effectuer les taches pour lesquelles elle est employée.  Cela évitera les altercations qui sont nuisibles à l'état de santé de mon père.
Je reste désolé de cet état de fait, mais je n'ai pas d'autre choix de vous aviser de ce manquement".
4. M. H. et ses enfants n'ont pas porté plainte.
L'ADIAM a-t-elle procédé ou va-t-elle procéder à une enquête administrative ?

5. Je regrette que l'ADIAM m'ait mise en cause sans fondement et n'ait pas répondu sur le fond.
Que va faire l'ADIAM à l'égard de ces deux auxiliaires de vie ?
Pourquoi a-t-elle annoncé si sèchement la fin prématurée,dans neuf jours, de ses prestations auprès de M. H ?
Pourquoi a-t-elle annoncé qu'elle retiendrait l'aide versée par la Claims Conference à M. H. ?
Il me semble révélateur que l'ADIAM ait préféré judiciarisé - recours tarifé à Me Dahlia Arfi-Elkaïm ? - ce qui aurait pu se régler par le dialogue.
Mais c'est une préférence fréquente parmi d'importantes associations juives françaises qui le dissimulent à leurs donateurs.



ADIAM. 42, rue le Pelletier, 75009 Paris. Tél. : 01 42 80 34 73. www.adiam.net

Articles sur ce blog concernant :

Cet article a été publié en une version partielle par Actualité juive hebdo. Il a été publié le 19 septembre 2016 sur ce blog.

2 commentaires:

  1. Effectivement Véronique,
    Il me semble révélateur que l'ADIAM ait préféré judiciarisé - recours tarifé à Me Dahlia Arfi-Elkaïm ? - ce qui aurait pu se régler par le dialogue.
    Mais c'est l'option fréquente parmi d'importantes associations juives françaises qui le dissimulent à leurs donateurs.
    C'est vrai qu'il n'y a aucun organisme de contrôle chez nous, soit des attitudes en réponse qui permettent de noyer les poissons plutôt que de nettoyer les eaux.
    l'ADIAM a son lot de pistonnés (on fait rentrer sa fille par exemple ) et de recyclage de membres qui vivent sur la communauté au gré des associations. Sa "réputation" ne résulte que d'une auto satisfaction courante et inacceptable.
    Il n'y a que des gens comme vous qui avez travaillé au coeur de ces institutions qui peuvent dénoncer les abus dans l'intérêt des coréligionnaires qui devraient normalement s'appuyer sur de véritables soutiens communautaires mais qui ne sont pas issus du sérail de l'entre-soi. Vous êtes l'unique garde fou et devriez être soutenu par une subvention communautaire!
    J'espère que cette famille trouvera un solutionnement adéquat au Monsieur PAR L'ADIAM aavant de s'en prendre à vous par lettre d'avocat.

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    1. Bonsoir.
      L'ADIAM a finalement gardé ce bénéficiaire âgé, et a changé certaines auxiliaires de vie qui lui avaient été affectées.
      Mon article a vraisemblablement aidé M. H.
      Il a été parfois relayés, notamment par la LDJ. Mais l'omerta communautaire a prévalu.
      Que je sois "l'unique garde-fou" révèle l'extrême fragilité de cette communauté juive française.

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