Le 27 juillet 1938, alors qu’il se trouvait depuis huit mois en Chine pour couvrir la guerre sino-japonaise (1937-1945), Robert Capa écrit à son agence new-yorkaise, pour demander à un ami de lui « faire parvenir douze rouleaux de Kodachrome avec les modes d’emploi ; envoie les "Via Clipper", parce que je tiens une idée pour
». « Aucune de ces pellicules en couleur de Chine n’a été retrouvée – seuls subsistent quatre tirages publiés par
dans son numéro du 17 octobre 1938 –, mais » cela révèle que Capa manifestait de l’intérêt pour « la photographie en couleur avant même qu’elle soit massivement adoptée par les photojournalistes ». Et ce, sans dédain.
En 1941, il « photographie Ernest Hemingway, en couleur, dans sa résidence de Sun Valley, dans l’Idaho, et utilise encore la couleur pour réaliser un reportage sur un cargo accompagnant un convoi allié traversant l’Atlantique, des photos qui seront publiées par le
. Il est certes plus connu pour ses images en noir et blanc du débarquement en Normandie, mais il n’en a pas moins épisodiquement utilisé la couleur au cours de la Seconde Guerre mondiale, notamment en 1943 pour photographier les soldats américains et les régiments français de méharistes stationnés en Tunisie ».
Après 1945, il recourt de manière générale à la couleur pour des reportages publiés dans diverses revues comme
(Italie). « Visibles jusqu’à présent uniquement dans des doubles pages de magazine et montrant aux lecteurs américains et européens des images de gens ordinaires ou de pays lointains, ces photographies sont sensiblement différentes des reportages de guerre qui avaient constitué auparavant l’essentiel de son travail. Son talent et sa technique, conjugués à sa volonté de témoigner des émotions vécues dans ses reportages en noir et blanc d’avant guerre, lui permettaient d’utiliser alternativement la pellicule noir et blanc et la pellicule couleur, intégrant ainsi cette dernière et complétant avec elle les sujets qu’il photographiait ».
« Ces premiers reportages regroupent notamment des photographies de la place Rouge à Moscou réalisées en 1947 lors d’un voyage en URSS avec l’écrivain John Steinbeck, ou de réfugiés et de colons débarquant en Israël dans les années 1949-1950 ». Qui sont les « colons » ? Les Juifs contraints de fuir les pays Arabes ou/et musulmans ? Pourquoi un terme erroné et partial dans le dossier de presse d’une exposition artistique ?
Capa « s’est rendu à Oslo et dans le nord de la Norvège, à Essen et à Paris, pour photographier la vie et les rêves de la jeunesse née juste avant guerre ».
Les « images de Capa offraient également aux lecteurs de la presse magazine un aperçu sur des existences plus mondaines qui dépendaient en partie du charme et de la séduction qu’exerçait la photographie en couleur ». En 1950, Capa « fréquente les stations de ski huppées des Alpes suisses, autrichiennes et françaises, ainsi que des stations balnéaires prestigieuses, comme Biarritz et Deauville, pour couvrir le marché en pleine expansion du tourisme sur lequel capitalisait la revue Holiday. Il s’essaie même à la photographie de mode sur les berges de la Seine et place Vendôme. Mais il photographie aussi des vedettes hollywoodiennes et des cinéastes sur les lieux de tournage de leurs films en Europe, notamment
de John Huston. Parmi d’autres portraits saisissants de cette période, on remarquera ceux de Picasso, à la plage en compagnie de son jeune fils Claude. Ces images en couleur sont indissociablement liées à l’après guerre, aux reconstructions mais aussi à l’exubérance de cette période ».
« Après la guerre, quand il part en reportage, Capa s’équipe systématiquement d’au moins deux appareils, l’un chargé en pellicule noir et blanc, l’autre en pellicule couleur. Il utilise alternativement des pellicules Kodachrome 35 mm et 4 x 5, ainsi que des Ektachrome moyen format, mettant en avant l’importance de ce nouveau médium dans l’évolution de son travail photographique. Il continue à utiliser la couleur jusqu’à la fin de sa vie, notamment en Indochine où il trouve la mort en mai 1954. Les photographies en couleur qu’il réalise à l’occasion de cette dernière campagne annoncent les images en couleur qui allaient dominer la couverture photographique de la guerre du Viêtnam dans les années 1960 ».
Robert Capa initie de nouvelles collaborations avec des magazines récents, notamment
, « l'un de ses grands soutiens. En réadaptant ses compositions à la couleur, Robert Capa touche un public qui aspirait au divertissement et à découvrir par la couleur de nouveaux horizons. »
Les photographies en couleur que Robert Capa prend lors de sa dernière campagne en Indochine, où il décède accidentellement en mai 1954, préfigurent « les images en couleur qui allaient dominer la couverture photographique de la guerre du Vietnam dans les années 1960 ».
Deuxième Guerre mondiale
« Quand Robert Capa embarque à New York en 1941 à bord d’un convoi maritime à destination de l’Europe, se prépare son premier reportage photographique couleur commandé par le Saturday Evening Post et consacré à la traversée de l’Atlantique ».
En Angleterre, il vend ses images à la revue anglaise
Illustrated, « les lectorats respectifs des deux magazines n’étant pas concurrentiels ».
Robert Capa « effectue de nouveau la traversée l’année suivante, emportant cette fois-ci un appareil grand format avec lequel il réalise des portraits plus spectaculaires de l’équipage ».
« A l’époque, Kodak gardant jalousement le secret de sa formule, le traitement des pellicules Kodachrome exigeait un délai de plusieurs semaines : les films exposés devaient être envoyés à un laboratoire de développement Kodak spécialement équipe, ce qui était peu pratique s’agissant de photographies d’actualité. Si la presse magazine ne publia que peu d’images réalisées en couleur au Royaume-Uni, Capa n’en persista pas moins à utiliser cette technique ».
En 1943, « il se rend sur les terrains d’opération d’Afrique du Nord a bord d’un transport de troupes qui l’amène d’Angleterre à Casablanca, puis réalise ses dernières images en couleur de la guerre en juillet de la même année, embarquant en Tunisie à bord d’un navire faisant route vers la Sicile d’où il monte vers Naples avec les troupes américaines au cours des mois suivants ».
Il « semblerait que jusqu’à la fin de la guerre il n’ait plus utilisé de pellicule couleur, sans doute lasse par la faible vitesse d’exposition du film, la durée du traitement et le caractère aléatoire de la réception par la presse magazine de ses images en couleur ».
Etats-Unis
A l’automne 1941, de retour en Angleterre, Robert Capa réalise pour Life à Sun Valley, dans l’Idaho, un reportage sur ses amis les écrivains et journalistes Ernest Hemingway et Martha Gellhorn qu’il avait rencontrés lors de la guerre d’Espagne.
Après 1945, Capa veut fonder « de nouvelles relations avec la presse magazine et trouve dans la revue
Holiday l’un de ses plus importants soutiens ».
« Prestigieux magazine de voyage qui faisait appel a des plumes du calibre de celles du
New Yorker,
Holiday est lancé en 1946 à Philadelphie par la Curtis Publishing Company également propriétaire du
Saturday Evening Post et de
Ladies’ Home Journal. Née en quadrichromie, cette publication ambitionnait de satisfaire, une fois la paix retrouvée, un idéal américain de prospérité ».
En plus de « reportages sur les villes américaines, Holiday publia dès l’origine des articles sur les hauts lieux du chic international, destinations de rêve désormais accessibles au lecteur depuis l’ouverture en 1947 de lignes aériennes transatlantiques directes ».
En 1950, Capa est envoyé par
Holiday à Indianapolis. « Si les images qu’il rapporte d’une famille américaine explorant la ville manquent d’inspiration, il y photographie également un cirque itinérant familial ».
En dépit du faible « enthousiasme de Capa vis-à-vis de la culture américaine, ses photographies en couleur ne jettent pas moins un regard intense sur la vie d’une petite ville américaine ».
URSS
L’année 1947 marque un virage dans la vie de Robert Capa : il crée
Magnum, « agence coopérative de photographes dont il rêvait depuis 1938 et se rend en Union soviétique, un voyage déjà projeté en 1937 puis en 1941, mais qu’il n’avait pu concrétiser dans les deux cas faute d’obtenir un visa ou le soutien d’un magazine ».
Associé à John Steinbeck, Capa « réalise avec le romancier un reportage contrastant avec la rhétorique de la Guerre froide sur les conditions de vie et l’opinion des citoyens russes ordinaires. Leur périple est publié l’année suivante sous la forme d’un livre,
A Russian Journal [Journal russe, trad. française 1949], de même que dans la presse quotidienne et les revues photographiques internationales ».
« Bien que la photographie couleur soit bien représentée dans les magazines et en première de couverture d’un numéro spécial d’
Illustrated, Capa n’a guère réalisé de prises de vues couleur en Union soviétique ; aucune photo en couleur, hormis celle de la couverture, n’est du reste publiée dans
Journal russe ».
« Soit le reporter photographe avait estimé que seuls de rares lieux étaient dignes de la nouvelle pellicule Ektachrome moyen format qui ne nécessitait pas de traitement spécial – principalement Moscou et des kolkhozes d’Ukraine et de Géorgie –, soit il ne disposait que d’une quantité limitée qu’il utilisa avec parcimonie, mais les images de la place Rouge tirent pleinement parti de la pellicule couleur ».
Picasso
« Certains des sujets en couleur de Capa sont sensiblement moins appréciés par la presse que ses reportages en noir et blanc. Tel est le cas de celui qu’il vend à l’origine à
Look en 1948, portant sur les poteries de
Picasso. Mais, ne parvenant pas à photographier l’œuvre céramique du peintre, il opte pour le thème de la
vie familiale de Picasso ».
Robert Capa « avait donné à Maria Eisner, sa consœur chez Magnum, les instructions suivantes : «
Look m’a passé une commande précise, mais sans parler du prix. Tu dois donc exiger 200 dollars la page noir et blanc et 300 dollars la page couleur, plus 250 dollars pour les frais. S’ils ne sont pas d’accord pour payer un prix raisonnable, tu peux déclarer forfait, mais Madame Fleurs Cowles a été si positive sur cette question et les photos sont si exclusives que ça m’étonnerait beaucoup que ça ne marche pas ».
« Fleur Cowles, chez
Look, et Len Spooner, chez
Illustrated, furent tous deux déçus par les images en couleur, mais enchantés par le reportage qui comportait la photographie désormais célèbre montrant Picasso abriter sous une ombrelle Françoise Gilot, sa ravissante et jeune compagne, peintre elle aussi, qui paradait sur la plage ».
Hongrie
En 1948, Holiday envoie Robert Capa à Budapest, « sa ville natale, le photographe étant également chargé de rédiger le texte accompagnant le reportage photo. Le directeur de la rédaction du magazine ne prenait guère de risque en lui demandant d’écrire un long article ».
« L’autobiographie
Slightly Out of Focus [Juste un peu flou] que Capa avait publiée l’année précédente évoque avec autant d’humour que d’autodérision ses exploits durant la guerre et avait reçu de très nombreux éloges ».
Holiday « publie quatre images en couleur dans son numéro de novembre 1949. A la différence des prestigieuses destinations habituellement couvertes par le magazine ou de celles que Capa photographiera plus tard pour cette même revue, les images et l’article qu’elles illustrent, l’un des textes les plus denses qu’il ait écrits à propos d’un lieu, fonctionnent davantage comme une lettre de Budapest ».
Il « y observe, fasciné, mais non sans humour, le choc de la fin d’un empire et du commencement d’un autre, teinte de la douce amertume de la confrontation de sa propre existence avec la réalité, devenu étranger à sa ville natale ».
« Bien qu’ayant vraisemblablement disposé pour ce reportage de plus de pellicule couleur qu’en Russie, il ne l’utilisa que parcimonieusement en raison de son prix et du coût du traitement, de sorte que, pour une scène analogue, les négatifs noir et blanc sont bien plus nombreux que ceux en couleur ».
Maroc
Le voyage de Capa au Maroc en 1949 s’avère « un de ses rares reportages politiques d’après guerre, mais, difficile à vendre, il ne sera pas diffusé par la presse d’information internationale ».
Le « sujet est d’emblée confus, puisqu’il mêle au thème de la politique marocaine ceux des mines de plomb et du tournage de
The Black Rose [La Rose noire] avec
Orson Welles ».
Paris Match « publie en premier quelques-unes des images, à l’occasion d’un article consacré à la tournée annuelle qu’effectue dans son pays le sultan Sidi Mohammed, le futur roi du Maroc. Illustrated fait ensuite paraitre un reportage uniquement illustré d’images noir et blanc, traitant des singulières conséquences du plan Marshall, grâce auquel, en tant que colonie française, le Maroc perçoit l’aide américaine par l’intermédiaire de la France. Certaines des meilleures photographies publiées sont des portraits de Marocains ». Le Maroc était un protectorat français.
Israël
« À la fin des années 1940, Capa réalise un grand reportage géopolitique qui l’amène en Israël. Il s’y rend pour la première fois en 1948 » afin de « couvrir la guerre israélo-arabe, y revient en 1949 pour le compte de
Holiday et d’
Illustrated, accompagné par l’écrivain
Irwin Shaw, puis de nouveau en 1950 ». Pourquoi ne pas indiquer qu'Irwin Shaw est né dans une famille juive américaine ?
Capa « continue à photographier la nouvelle nation dans une phase de transition, se focalisant sur l’afflux de réfugiés venant d’Europe et des pays arabes voisins : destructions matérielles et reconstructions, portraits d’immigrants, travaux dans les champs, kibboutz et fêtes juives ». L'exposition légende ainsi et de manière erronée une photographie de Capa : « Construction de nouvelles colonies pour des travailleurs, désert de Néguev, près de Beer-Sheva, Israël, 1949-1950 » !? Pourquoi "colonie" ?
« S’il n’existe qu’une seule image en couleur de son séjour de 1948, celle de l’
Altalena en flammes au large de la plage de Tel-Aviv, aboutissement d’un conflit qui opposait les partisans de l’Irgoun d’extrême-droite et le gouvernement israélien, il semble que Capa dispose en 1949 d’une quantité suffisante de pellicule couleur ». Survenu en juin 1948 dans l’Etat d’Israël renaissant proclamé le 14 mai 1948, l’épisode tragique de l’
Altaléna a suscité une controverse. La guerre d’Indépendance a éclaté à l’initiative des Etats et entités arabes qui attaquent l’Etat d’Israël dès sa proclamation. Le mouvement d’unification des forces armées juives au sein de Tsahal était inachevé ; les luttes de pouvoir au sein de la direction israélienne perduraient. L’Irgoun avait affrété un bateau rebaptisé
Altaléna, et rempli d’une cargaison d’armes et de munitions, dont une partie donnée par la France, et de 940 Juifs dont le futur historien Saul Friedländer. Ben Gourion, chef du gouvernement provisoire, et Menahem Begin, leader de l’Irgoun, ont négocié le lieu d’arrivée de l’
Altaléna en Eretz Israël et la destination de sa cargaison. Le 20 juin 1948, le bateau est arrivé à Kfar Vitkin. A Tel Aviv, Ben Gourion a adressé un ultimatum à l’Irgoun afin que ce mouvement remette toute sa cargaison d’armes aux Forces de défense israéliennes (IDF), et en cas de refus de l’Irgoun, ordre a été donné d’ouvrir le feu contre ses membres. Un conflit a éclaté entre les partisans de l’Irgoun et ceux des IDF, et s’est soldé le 22 juin 1948 par un cessez-le-feu, seize morts de l’Irgoun et trois de Tsahal, et la condamnation en cour martiale pour insubordination de huit soldats des IDF qui avaient refusé de tirer sur d’autres Juifs. Puis, jeune officier du Palmach, force d’élite de la Haganah, armée officieuse de la communauté juive en Eretz Israël et dénommée Yichouv. Parmi les officiers ayant fait tirer sur des membres de l’Irgoun : Yitzhak Rabin. Favorable à la gauche israélienne, l’historiographie a longtemps présenté de manière biaisée cette tragédie. Et ce, afin de diffamer l’opposition politique au Parti travailliste. Sur la plage de Tel Aviv, un mémorial érigé en 1998 rend hommage aux victimes.
Les reportages en Israël de Robert Capa « sont repris par les grands titres internationaux de la presse magazine illustrée, aiguillonnes par la parution en 1950 de
Report on Israel, un texte d’Irwin Shaw accompagné de photographies signées Capa ».
Norvège
À l’été 1951, Capa séjourne en Norvège à la demande d’Holiday, puis en 1952 y couvre les Jeux olympiques d’hiver.
Capa ramène de Norvège deux sujets qu’il utilisera pour son projet
Génération X.
Capa « écrit avec prescience dans l’article accompagnant ses photographies » : « Durant des années, j’ai photographié et conversé avec des rois, des paysans et des commissaires du peuple et j’ai fini par être convaincu que la curiosité, avec la liberté de voyager et les tarifs peu élevés, c’est ce qui de nos jours ressemble le plus à la démocratie – l’on pourrait peut-être en conclure que la démocratie, c’est le tourisme ».
Deauville et Biarritz
« Encouragé par le succès de son reportage consacré aux sports d’hiver, Capa propose un sujet sur les stations balnéaires françaises. À l’été 1950, il se rend en Normandie, à Deauville, où il fréquente l’hippodrome et le casino ».
Avec des pellicules uniquement en noir et blanc (uniques images éditées par
Illustrated), convaincu « de pouvoir développer cette thématique, il vend le sujet à
Holiday en l’associant à un reportage sur Biarritz ».
En 1951, il retourne à Deauville avec une pellicule couleur afin de « photographier le brassage des classes sociales à l’occasion des courses hippiques, puis il se rend à Biarritz ou son attention est attirée par la plage, la vie nocturne et le folklore basque traditionnel ».
Dans « ce reportage, les photographies noir et blanc et en couleur se complètent les unes les autres, la couleur apportant des détails au noir et blanc qui installe le décor ».
« L’article ne parait qu’en septembre 1953 ; sa mise en page équilibre les images couleur et noir et blanc avec le texte humoristique de Capa qui relate avec une autodérision marquée son séjour dans ces deux villes ».
Rome
« Je suis retourné voir Budapest parce qu’il se trouve que j’y suis né, et parce que c’est une ville qu’on ne peut revoir que pendant la courte saison qu’elle offre. Je suis même allé à Moscou, qui ne se propose habituellement pas d’être revisitée. Mais je continue de revenir à Paris, parce que j’y ai vécu avant la guerre, à Londres, parce que j’y ai vécu durant la guerre, et à Rome, parce que j’étais navré de ne pas y avoir vécu du tout », écrit Robert Capa dans son article pour
Holiday sur la Norvège.
Les photographies de son séjour à Rome pour Holiday en 1951 sont publiées en avril 1952, en illustration d’un texte d’Alan Moorehead.
« Auteur travaillant pour le
New Yorker à l’époque du reportage de Rome, Moorehead avait été correspondant de guerre du quotidien londonien
Daily Express durant le conflit mondial et s’était rendu avec Capa en Afrique du Nord, en Sicile et en Normandie ».
Les « photographies en couleur qui illustrent l’article montrent un Capa traquant une ville prestigieuse et fascinante, peuplée d’une élite élégante et riche vivant dans une fête sans fin, à l’image d’une Rome préservée des destructions de l’après guerre et entrant de plain-pied dans la
Dolce Vita ».
Les sports d’hiver
Chaque année, Robert Capa séjournait pour ses vacances à Klosters, en Suisse. Il y pratiquait le ski, un de ses loisirs préférés, s’y détendait et s’y ressourçait. En 1948, il « ambitionne de monter avec l’équipe de Magnum un sujet consacré à Megève, station de ski prisée des Parisiens », et à sa « double personnalité… de la simplicité de la vie paysanne à la joyeuse frivolité de la vie mondaine ».
Début 1949, Capa réalise pour
Life des photographies à Zurs, en Autriche, mais le magazine ne publiera pas ce reportage.
Fin 1949,
Holiday « lui commande un sujet consacré aux prestigieuses stations de ski d’Autriche, de Suisse et de France ».
« Ce sera l’un des reportages en couleur les plus enjoués et réussis de Capa. On peut en fait soutenir que la couleur l’améliorait, car elle apporte un supplément de glamour et d’humour qui manque souvent au noir et blanc ».
En deux mois, Robert Capa « hante les stations de ski autrichiennes de Kitzbuhel, Sankt Anton, Zurs et Lech, avant de se rendre en Suisse, à Davos, Klosters et Zermatt, puis de franchir la frontière pour séjourner à Val-d’Isère ».
Il « rencontre dans chacune de ces stations des stars qui se laissent photographier : le cinéaste
Billy Wilder, le scénariste et écrivain Peter Viertel, tous deux venus d’Hollywood, de jeunes champions internationaux de ski et nombre de représentants de l’aristocratie européenne, détrônée ou couronnée, notamment la reine et le prince des Pays-Bas, tous florissants et d’humeur joviale, et se prêtant avec confiance et en toute décontraction à son objectif ».
Paris
Paris « fut de fait la résidence de Capa de 1933 à 1939 puis, après guerre, son camp de base, habituellement installé dans une arrière-salle de l’hôtel Lancaster, élégant établissement situé à deux pas des Champs-Elysées et dont le propriétaire était un ami ».
En 1952, Ted Patrick, rédacteur en chef de
Holiday, lui « commande des photographies destinées à illustrer un numéro spécial sur
Paris ; Capa partage ce travail avec quelques uns de ses collègues de Magnum : Cartier-Bresson,
Chim et le jeune Dennis Stock ».
Ce numéro, dont les articles sont signés notamment par Irwin Shaw, Paul Bowles, Ludwig Bemelmans, Art Buchwald et Colette, est une ode romantique à la ville, plantant comme un décor propice aux aventures amoureuses, aux plaisirs de la gastronomie et à la découverte d’une histoire prestigieuse ».
Quelques-unes des meilleures images de Capa publiées dans ce reportage sont les plus décalées, jouant sur les contrastes et oppositions dont le photographe semble se repaître – jeunes et vieux, humain et animal, mondanités et mœurs douteuses –, plus particulièrement dans l’environnement des courses hippiques a propos desquelles il note : « Le sport des rois est aussi celui des concierges ».
Sur les peintres de la butte Montmartre, il observe : « La place du Tertre est un paradis pour peintre. A quelques pas du Sacré-Cœur, nous tombons sur un vieux gentleman, portant barbe et béret, et ressemblant à l’idée que se ferait d’un peintre de Montmartre un producteur de Hollywood ».
Génération X
Fin 1949, « à la veille du demi-siècle », Robert Capa conçoit pour Magnum le projet Génération X, aussi connu sous la dénomination Gen X. le magazine de couture McCall’s le soutient, puis s’éloigne en 1951 en désaccord avec Capa qui souhaite souligner l’aspect politique.
Holiday « appuie le projet jusqu’a sa concrétisation sous la forme d’une série de trois articles publies début 1953 ».
« C’était l’un de ces projets qui naissent le plus souvent dans la tête de ceux qui ont de grandes idées, mais manquent d’argent. Le plus drôle, c’est qu’il a abouti », a observé Capa.
Capa avait confié à divers photographes, dont Chim, Cartier-Bresson et Eve Arnold, de portraiturer un jeune homme et/ou d’une jeune femme du pays où ils travaillaient déjà ou avaient travaillé, « les personnes photographiées devant en outre répondre à un questionnaire biographique détaillé portant sur leurs familles, convictions et objectifs personnels ».
Cette « enquête photographique devait aboutir à la publication de vingt-quatre portraits de jeunes originaires de quatorze pays des cinq continents ».
Capa « avait photographié chacun de ses sujets – une Française, un Allemand et un couple de Norvégiens – en couleur et en noir et blanc, mais seules les photos des Norvégiens furent publiées en couleur ».
Selon Richard Whelan, biographe de Capa, celui-ci se décrit dans le portrait de la Française, Colette Laurent : « Elle mène une existence frivole, artificielle à la surface et n’a prise sur aucune des bons cotés de la vie, sauf sur les choses matérielles ».
Sur les plateaux de tournage
Dans l’exercice de son métier, Capa a photographié de nombreuses stars hollywoodiennes et des cinéastes amis. Il rencontre John Huston à Naples en 1944 alors que celui-ci
réalise des films pour l’Army Signal Corps [régiment des transmissions], puis
Ingrid Bergman en 1945 qui tourne à Paris et nouera avec lui une liaison d’un an.
En 1948, il « complète son séjour au Maroc par un reportage sur le tournage de
The Black Rose [La Rose noire] et sa tète d’affiche,
Orson Welles. Il photographie le plateau de
Beat the Devil [Plus fort que le diable] de John Huston, d’après un scénario de Truman Capote et tourné à flanc de falaise, à Ravello, sur la côte amalfitaine. Toute l’équipe se rend non loin de là, à Amalfi, pour retrouver
Ingrid Bergman, Roberto Rossellini et George Sanders qui tournent
Viaggio in Italia [Voyage en Italie] ; Capa descend plus vers le sud, à Paestum, en compagnie de son amie Martha Gellhorn qu’il photographie telle une caryatide dans les ruines antiques ».
Capa couvre le tournage de
Moulin Rouge, film de John Huston sur le peintre Toulouse-Lautrec, tourné à Paris et dans les studios Shepperton, près de Londres.
« Évitant le gros plan traditionnel, ces portraits en couleur saisissent la diversité des instants et l’atmosphère enjouée qui règne sur le plateau ».
Londres et le Japon
En 1953, avec ses amis Humphrey Bogart et John Huston, Robert Capa va à Londres afin de réaliser un reportage sur le couronnement de la jeune reine Elisabeth II. Ses « photographies couleur de la foule qui patiente, attendant le défilé des invités de la cérémonie, pour lesquelles il utilise une pellicule Kodachrome 35 mm, semblent signaler un nouvel intérêt pour la couleur en tant que telle ».
En 1954, Capa « est invité à séjourner six semaines au Japon par le groupe de presse Mainichi qui lui fournit des appareils japonais et une quantité illimitée de pellicules, lui laissant toute liberté dans le choix de ses sujets, en échange de la publication de ses clichés. Son voyage se déroule sans incident, mais ses photographies couleur manquent de focalisation thématique. Il erre dans les marches, documente les panneaux et affiches en caractères japonais, observe les visiteurs dans les temples et les lieux saints, et photographie la Journée des enfants à Osaka, mais ses photos sont à peine plus intéressantes que des instantanés de touriste. Seules quelques images aux couleurs lumineuses de la fête du Travail à Tokyo expriment un certain engagement du photographe vis-à-vis de son sujet, rappelant ses photographies d’ouvriers français et espagnols dans les années 1930 ».