dimanche 13 septembre 2015

Paul Durand-Ruel. Le pari de l’impressionnisme : Manet, Monet, Renoir


Le Philadelphia Museum of Art présenta l’exposition Discovering the Impressionists: Paul Durand-Ruel and the New Painting. Marchand d’art français, Paul Durand-Ruel (1831-1922) a défendu et soutenu, financièrement et artistiquement, avec une intuition sûre, avec talent et persévérance, les impressionnistes, dont Camille Pissarro, alors méprisés et ostracisés. Le pari audacieux d’un précurseur innovateur, organisant des expositions dans le monde entier, en particulier dans ses galeries à Paris, Londres, Bruxelles et New York, sur les artistes de l’Ecole de Barbizon et des Impressionnistes.
« J’arrive à mon grand crime, celui qui domine tous les autres. J’achète depuis longtemps et j’estime au plus haut degré les œuvres de peintres très originaux et très savants dont plusieurs sont des hommes de génie et je prétends les imposer aux amateurs. J’estime que les œuvres de Degas […], de Monet, […] de Pissarro et de Sisley sont dignes de figurer dans les plus belles collections .» (Paul Durand-Ruel en 1885)

Après avoir été présentée par le Musée du Luxembourg (Paris) sous le titre Paul Durand-Ruel. Le pari de l’impressionnisme : Manet, Monet, Renoir (9 octobre 2014-8 février 2015) et été accueillieInventing Impressionism. How Paul Durand-Ruel created the Modern Art Market  - à la National Gallery de Londres  (4 mars-31 mai 2015), l’exposition Discovering the Impressionists: Paul Durand-Ruel and the New Painting est présentée au Philadelphia Museum of Art. Elle est organisée par la Réunion des musées nationaux - Grand Palais en collaboration avec le musée d’Orsay, la National Gallery, Londres et le Philadelphia Museum of Art. Au musée du Luxembourg (Paris), elle a attiré «  240 945 visiteurs, soit 1 974 visiteurs/jour en moyenne ».

Cette exposition est « la première consacrée au grand marchand des impressionnistes, Paul Durand-Ruel (1831-1922), également considéré comme le père du marché de l’art moderne. Elle se propose, dans le sillage des récentes manifestations dédiées à des marchands influents, tels Theo Van Gogh, Ambroise Vollard ou Henri Kahnweiler, de mettre en lumière le rôle d’une figure éminente de l’impressionnisme dont les choix et les goûts radicaux ont été déterminants pour la reconnaissance des artistes et la constitution de notre panthéon de la peinture moderne ». 

La « plupart des grandes collections impressionnistes publiques et privées se sont en effet constituées auprès de la galerie Durand-Ruel au tournant du XXe siècle. Les collections des musées d’Orsay, de Londres et de Philadelphie comptent près de 200 œuvres passées par sa galerie. Encore aujourd’hui, nulle vente impressionniste qui n’ait lieu sans que des tableaux autrefois passés par la galerie n’y figurent. De sa découverte de l’impressionnisme au début des années 1870 jusqu’au succès du début du XXe siècle, Paul Durand-Ruel  a acheté, vendu, exposé des milliers d’œuvres de Manet, Monet, Renoir, Degas, Pissarro, Sisley, Morisot et Cassatt. Cette histoire ne s’est pas déroulée sans heurt et, s’il est maintenant salué comme un marchand visionnaire, Durand-Ruel a bel et bien fait le pari de l’impressionnisme. C’est ce chapitre de l’histoire de la galerie et du parcours d’un homme que l’exposition » étudie à la lumière de recherches récentes. 

« Reflétant le rayonnement international de la galerie au XIXe siècle, cette exposition évoque avec Paul Durand-Ruel une figure centrale de l’impressionnisme ». Elle « réunit plus de 80 tableaux, notamment des paysages de Camille Pissarro (1830-1903), et des documents, provenant de musées et de collections particulières du monde entier. Elle retrace, entre la fin des années 1860 et 1905, les moments-clés d’une autre histoire de l’impressionnisme, où la réception des œuvres, leur diffusion, leur circulation sont considérées comme un élément de leur meilleure compréhension ». 

Ironie de l’Histoire. Cette exposition a été montrée au Musée du Luxembourg « qui abritait au temps de Paul Durand-Ruel le musée des artistes vivants, où les impressionnistes ont été difficilement et lentement acceptés. Afin d’offrir une vision alternative de l’art de son époque, le marchand ouvrait son appartement à la visite. L’évocation de cet « appartement-musée » constitue le point de départ de l’exposition qui aborde au fil de cinq autres sections, le goût du marchand pour la « belle école de 1830 » (Delacroix, Rousseau, Corot, etc.), ses premiers achats aux impressionnistes et à Manet, à Londres et à Paris, les années de crise à travers l’exemple de l’exposition impressionniste de 1876, la promotion des artistes avec l’essor des expositions particulières autour du cas de Monet en 1883 et en 1892, pour se clore sur la diffusion de l’impressionnisme aux Etats-Unis et en Europe, avec un accent sur l’exposition historique des Grafton Galleries à Londres en 1905, encore à ce jour le plus important rassemblement de tableaux impressionnistes ».

Paul Durand-Ruel « est un homme paradoxal. Contraste étonnant en effet entre le marchand novateur, que son indiscutable flair, ses goûts avancés et la conviction de mener un juste combat inclinent à prendre des risques, et la vie bourgeoise que mène ce père dévoué de cinq enfants, veuf à l’âge de 40 ans, fervent catholique et monarchiste convaincu. Ce « vieux chouan », comme le surnomme Renoir, soutient le communard Courbet, l’anarchiste Pissarro ou les républicains Manet et Monet. Durand-Ruel rassemble, au-delà des exigences de la vie de sa galerie, une collection personnelle de tableaux impressionnistes, qu’il présente dans son appartement du 35, de la rue de Rome à Paris. Ouvert aux visiteurs, il est salué comme « le plus merveilleux musée de peinture contemporaine qui soit en France » (Lecomte), par opposition au musée du Luxembourg, alors musée des artistes vivants, qui ne reconnaît que tardivement l’impressionnisme ».
  

31 octobre 1831 : « Naissance de Paul Durand-Ruel à Paris. Son père, Jean Durand, et sa mère, Marie Ruel, exposent dans leur papeterie parisienne les œuvres d’artistes tels que Géricault et Delacroix. Jean vend et loue des tableaux. La papeterie devient rapidement un point de rencontre pour les artistes et les collectionneurs, et se transforme en galerie.
1839 : La galerie déménage dans un quartier plus élégant de Paris, au n°103 rue des Petits Champs, à coté de la Place Vendôme.
1848 : La révolution de février interrompt l’ascension des affaires.
1851 : Reçu à l’Ecole Spéciale Militaire de Saint Cyr, Paul Durand-Ruel démissionne de l’armée pour travailler auprès de son père. Dans les années qui suivent, il voyage en province et en Europe.
1855 : Paul Durand-Ruel, qui connaît et apprécie les œuvres de Delacroix, a un choc émotionnel devant l’ensemble des tableaux de l’artiste exposés lors de l’Exposition Universelle à Paris.
1862 : Paul Durand-Ruel épouse Eva Lafon qui lui donnera cinq enfants.
1863 : Napoléon III crée le Salon des Refusés afin que les artistes dont les œuvres sont refusées au Salon puissent exposer leur travail et que le public juge par lui même. Paul Durand-Ruel a alors 32 ans et assume pour la première fois le rôle d’expert aux côtés d’un commissaire priseur lors d’une vente publique.
1865 : Disparition de Jean Durand-Ruel. Paul Durand-Ruel va alors progressivement établir sa politique de marchand basée sur quelques principes innovateurs :
- Protéger et défendre l’art avant tout,
- L’exclusivité du travail des artistes,
- Des expositions individuelles et internationales,
- Un réseau de galeries internationales,
- L’accès gratuit aux galeries ainsi qu’à son appartement,
- Promouvoir le travail des artistes par le biais de la presse,
- Associer le monde de l’art à celui des finances.
1865-1874 : Paul Durand-Ruel défend Delacroix, les artistes de l’École de 1830 : Corot, Daubigny, Diaz de la Pena, Jules Dupré, Millet, Théodore Rousseau… ; ainsi que Daumier et Courbet ; et joue un rôle essentiel dans leur reconnaissance par le public.
1870-71 : Paul Durand-Ruel ouvre une galerie à Londres, et une à Bruxelles.
1871 : Eva, épouse de Paul Durand-Ruel, s’éteint à l’âge de 30 ans, le laissant seul parent de 5 enfants.
1871-1873 : Paul Durand-Ruel découvre le travail de Boudin, Monet, Pissarro, Sisley, Degas, Renoir, Manet, Puvis de Chavannes, et plus tard Morisot et Cassatt.
1874 : Ces artistes exposent pour la première fois tous ensembles dans l’atelier du photographe Nadar, et c'est à cette occasion qu’ils reçoivent ironiquement le nom d’Impressionnistes. Renié par ses clients, Paul Durand-Ruel traverse une première crise financière.
1876 : Paul Durand-Ruel organise la seconde exposition des artistes impressionnistes dans sa galerie. L’exposition est excessivement mal accueillie par le public qui qualifie alors sa galerie de « maison de santé mentale ».
1878 : Paul Durand-Ruel organise une exposition des œuvres des artistes de l’École de 1830, en réaction au Salon qui refuse d’exposer leur travail cette même année.
1880-1886 : Paul Durand-Ruel soutient moralement et financièrement les artistes impressionnistes. Il est le seul à acheter leurs œuvres de manière régulière, ainsi qu’à les exposer, en dépit de la deuxième crise financière qu’il traverse.
1883 : Paul Durand-Ruel présente, sans grand succès, des expositions à Berlin, à Londres et Boston. A Paris, il organise pour la première fois des grandes expositions monographiques successives : Boudin, Monet, Renoir, Pissarro et Sisley.
1886 : Paul Durand-Ruel est complètement exsangue financièrement ; James F. Sutton et l’American Art Association l’invitent à organiser une exposition à New York. C’est un succès et la première reconnaissance officielle des artistes impressionnistes, c’est également le début de l’implantation de Paul Durand-Ruel à New York et aux Etats-Unis.
1890-1893 : C’est la reprise de l’activité de la galerie parisienne, la reconnaissance de Renoir et de Pissarro, et la confirmation du succès de Monet.
1890-1914 : Paul Durand-Ruel expose à travers le monde et dans plus de dix villes allemandes, marquant ainsi l’origine des collections d’œuvres impressionnistes en Allemagne.
1905 : Paul Durand-Ruel organise une très grande exposition comportant près de 300 tableaux à Londres, à la Grafton Galleries. C’est l’exposition impressionniste la plus exceptionnelle qui a jamais eu lieu.
1910 : Renoir immortalise son ami et marchand, Paul Durand-Ruel, en peignant son portrait après plus de trente ans d’amitié.
5 février 1922 : Paul Durand-Ruel s’éteint après avoir été décoré de la Légion d’Honneur deux années auparavant mais, ironiquement, non au titre des Beaux-Arts mais à celui du Commerce Extérieur.
Entre 1891 et 1922, Paul Durand-Ruel achète près de 12.000 tableaux. Parmi ces œuvres, on trouve plus de 1.000 Monet, environ 1.500 Renoir, plus de 400 Degas et autant de Sisley et de Boudin, environ 800 Pissarro, près de 200 Manet et près de 400 Mary Cassatt.
A 89 ans, Paul Durand-Ruel réalise qu’ « Enfin les maîtres impressionnistes triomphaient comme avaient triomphé ceux de 1830. Ma folie avait été sagesse. Dire que si j’étais mort à soixante ans, je mourais criblé de dettes et insolvable, parmi des trésors méconnus… »


Du 24 juin au 13 septembre 2015
Au Philadelphia Museum of Art
Dorrance Galleries, first floor
2600 Benjamin Franklin Parkway, Philadelphia, PA 19130
Tel. : 215-763-8100
Du mardi au dimanche de 10 h à 17 h, mercredi et vendredi jusqu’à 20 h 45.

Visuels
Affiche de l’exposition
© Affiche Rmn-Grand Palais, Paris 2014

Camille Pissarro
Le Carrefour, Pontoise, ou Place du vieux cimetière, Pontoise
1872
Huile sur toile, 55 x 94 cm
Pittsburgh, Carnegie Museum of Art
© Image courtesy Carnegie Museum of Art, Pittsburgh

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Les citations proviennent du dossier de presse.

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