Peintre israélienne, Ruth Barabash a étudié la philosophie à l'université de Tel Aviv. Un regard critique et désillusionné sur la société contemporaine. Dans son atelier à La Ruche, célèbre cité d'artistes à Montparnasse (Paris), Barabash crée des œuvres picturales faussement douces ou naïves.
Née à Petah Tikva (Israël) en 1963, Ruth Barabash a étudié la philosophie à l’université de Tel Aviv.
Diplômée avec les félicitations du jury de l’Ecole nationale supérieures des Beaux-arts (Ensb-a) de Paris en 1995, elle se partage entre la France et Israël, et expose depuis 1993 notamment en France, en Italie et en Suisse, en Allemagne, en Pologne, en Chine.
En 2003, la Galerie Eric Dupont avait présenté des œuvres de Ruth Barabash qui peignait, d’après photographies, l’image projetée par la société via des jouets ou des mannequins. Cette artiste israélienne y a présenté des cartes européocentristes, des poupées-enfants vêtues, coiffées et maquillées comme des adultes ou des avions. Ses gouaches étaient assemblées comme les éléments d’un puzzle...
Ce qui surprenait, c’était le contraste entre la candeur des couleurs ainsi que la simplicité des dessins et la violence du propos, la transposition dans le monde de l’âge tendre d’un univers guerrier et la fragilité des supports papier.
« Chaque image, motif ou espace recréé par l’artiste semble lentement émerger ou bien, se rendre là, à la surface du papier, sans jamais se définir tout à fait. Ce n’est pas une question de flou, encore moins d’inachevé. On pourrait appeler cela une qualité d’incertitude qui rend chaque « sujet » si présent, quand bien même il ne perçoit que quelques tâches posées l’apparence de la désinvolture. Les gouaches s’abandonnent sous nos yeux, elles se liquéfient parfois au point de devenir de simples évocations d’un monde que nous connaissons et qu’elle réinvente avec justesse. Ruth Barabash nous restitue une vision absente ou disparue sans nommer d'histoire(s) : ses « Top model » évoquent le monde de la mode et des défilés ; ils possèdent une puissance évocatrice d’une violence sourde, une violence que l’on ressentait déjà dans ses paysages d’Israël ou dans ses grandes compositions où des enfants jouent à côté d’un hélicoptère. Ses sujets, ses jouets par exemple, ne sont pas seulement des jouets, mais des machines de guerre. Ses grandes Mappemondes colorées (168 x 228 cm) deviennent des lieux énigmatiques, ouverts au sens, ils témoignent de notre univers en complète mutation », écrivait le galeriste Eric Dupont en 2003.
Paradis rêvé
Ruth Barabash « assemble différents petits formats formant des compositions dont les éléments se répondent. Par exemple, lorsque les phrases d'une chanson (No Matter What I Do, I'm Still In Love With You) inscrites au marqueur sur du plastique transparent côtoient une carte touristique de Cuba et un dessin de papillon. Leur mise en présence évoque notamment l'aveuglement touristique, avec un amour inconditionnel pour ces destinations lointaines cependant si évanescent — comme le papillon », analysait Marie-Jeanne Caprasse lors de l’exposition Sweet Dreams are Made of these Fears, en 2004.
L’évolution de sa technique ? « Alors que dans mes précédents travaux, je rassemblais des feuilles de papier pour élaborer une seule peinture, le travail actuel réunit différents supports et techniques. J’utilise la toile, plusieurs qualités de papier mais aussi le plastique. J’emploie différentes techniques comme la peinture à l’huile, les encres, les feutres et puis de la peinture pour vitrail et pour céramique. Procéder ainsi me permet par ailleurs de détruire les frontières entre les matériaux nobles et ordinaires (j’utilise même des assiettes en plastique), entre les durables et les éphémères ».
A l'occasion de la FIAC 2004 et pour le 6e prix Fondation d'entreprise Ricard, celle-ci a présenté à l'Espace Paul Ricard l’exposition collective Prosismic, avec notamment des œuvres de la peintre israélienne Ruth Barabash et d’Adel Abdessemed. « Bien qu'elle implique des artistes aux parcours et démarches différents, tous sont animés d'une sensibilité commune de réaction aux complexités et contradictions de la réalité qu'ils traitent dans une gamme d'expressions aussi distinctes et variées que la peinture, la sculpture, l'installation, la vidéo, la photographie, la performance, l’action de rue ou encore la musique ».
« Il s’agit en fait de la même approche présentée sous un angle différent. Si j’ai peint pendant deux ans des machines de guerre à partir d'images trouvées dans les catalogues de jouets pour enfants, c’est parce que ceux-ci expriment selon moi les valeurs et le vrai désir de nos sociétés. Aujourd’hui, je me sers de cartes postales et d'images de catalogues de vente de vacances parce qu'elles véhiculent la même contradiction. Ce monde sur papier glacé vendu par l'industrie du tourisme, avec ses clichés hautement séduisants et léchés est le monde que nous habitons, celui des conflits, des guerres, des violence et misère sociales. Un monde utopique en quelques sortes, construit de toutes pièces et dans des contextes parfois très pauvres afin d’attirer des milliers de touristes et les arracher à leur quotidien. C’est tout ce paradoxe que j’essaie de montrer dans ma série actuelle. Les paroles de chansons d'amour qui accompagnent les peintures ont la même fonction. Ce sont des chansons que j’ai pu entendre pendant que je travaillais, captées sur les ondes radio les plus populaires. Comme les paysages de vacance, comme les papillons qui agrémentent aussi cette série, elles renvoient à l'utopie, à l'effet de mode, à l’éphémère », a confié Ruth Barabash le 22 juillet 2004 à Evelyne Jouanno, critique d’art et commissaire de l’exposition Prosismic.
Et d’ajouter : « Israël des années 70 était noyé dans l’utopie. On nous a élevés avec des valeurs socialistes en matière d'écologie, de partage, d’égalité et de fraternité (sans comparaison avec le slogan français). C'était une éducation très patriotique basée sur l’amour de notre pays. On nous a appris le nom de chaque oiseau et de chaque plante, chaque colline était admirée pour son appartenance à Israël. Il s'agissait d'une utopie mêlée d'une grande naïveté puisque pour les enfants, Israël était présenté comme un vrai paradis. Une construction purement imaginaire, de fait, qui n'a bien sûr rien à voir avec la réalité et que seul le touriste pourra trouver en découvrant Israël, depuis l’extérieur. C'est pourquoi j'ai ajouté « beautiful Israël » sur cette peinture. Une ironie en effet, qui renvoie à celle des médias et à la manière qu'ils ont de nous imposer un regard « mystificateur » sur le monde. Repeindre ces images d'un monde présenté comme idyllique par nos sociétés me permet ainsi de pousser à l'extrême l'ironie qu'il y a derrière le mythe, et par là, de le « démystifier ». Regarder mes paysages ne pourra se faire sans que la réalité vienne s'y coller, dans la conscience de chacun. Il s'agit en même temps d'interpeller le rêve de territoire parfait que chacun de nous a en soi ».
Dans son atelier à La Ruche, célèbre cité d'artistes à Montparnasse (Paris), pendant les vacances scolaires 2015, Ruth Barabash crée ces œuvres picturales faussement naïves, mais doucement profondes.
Dans son atelier à La Ruche, célèbre cité d'artistes à Montparnasse (Paris), pendant les vacances scolaires 2015, Ruth Barabash crée ces œuvres picturales faussement naïves, mais doucement profondes.
Du 12 octobre 2004 au 19 novembre 2004
12, rue Boissy d'Anglas. 75008
9, rue Royale. 75008 Paris
Galerie Royale 2
9, rue Royale. 75008 Paris
Galerie Royale 2
Tél. : 01 53 30 88 00
Du mardi au samedi de 11h à 19h
Visuels :
Ruth Barabash, "Chaatnez Fata-Morgana", 2004, technique mixte sur rouleau de papier, 152 cm x 12 m, Courtesy Galerie Eric Dupont, Paris
Ruth Barabash, sans titre, gouache/papier, 116/160
Ruth Barabash, sans titre, gouache/papier, 224/370
Ruth Barabash, sans titre, gouache/papier, 160/220
Ruth Barabash, I remember how you use to love me, 56/76, vitrail/papier glacé
Ruth Barabash, You told me you love me how did you..., gouache/papier, 40/60
Ruth Barabash, "Chaatnez Fata-Morgana", 2004, Technique mixte sur rouleau de papier, 152 cm x 12 m, Courtesy Galerie Eric Dupont, Paris
Ruth Barabash, La Havane, 56/76, céramique/papier glacé
Ruth Barabash, "Beutifull Israel", 40/50, gouache/papier
Ruth Barabash, sans titre, gouache/papier, 116/160
Ruth Barabash, sans titre, gouache/papier, 224/370
Ruth Barabash, sans titre, gouache/papier, 160/220
Ruth Barabash, I remember how you use to love me, 56/76, vitrail/papier glacé
Ruth Barabash, You told me you love me how did you..., gouache/papier, 40/60
Ruth Barabash, "Chaatnez Fata-Morgana", 2004, Technique mixte sur rouleau de papier, 152 cm x 12 m, Courtesy Galerie Eric Dupont, Paris
Ruth Barabash, La Havane, 56/76, céramique/papier glacé
Ruth Barabash, "Beutifull Israel", 40/50, gouache/papier
A lire sur ce blog :
Articles in English
Cet article avait été publié en une version concise dans Actualité juive. Il a été publié sur ce blog le 6 novembre 2014.
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