samedi 6 mai 2017

« La dernière colonie. Le peuple oublié du Sahara occidental », de Christian Gropper


Arte a diffusé « La dernière colonie. Le peuple oublié du Sahara occidental  » (The Last Colony and the Forgotten People of Western Sahara, Die letzte Kolonie - Das vergessene Volk der Westsahara), documentaire de Christian Gropper (2015). Ancienne colonie espagnole, riche en ressources halieutiques et en phosphate, le Sahara occidental (266 000 km2) est l’enjeu du conflit entre le Front Polisario (Frente Popular de Liberación de Saguía el Hamra y Río de Oro, Front populaire de Libération de la Saguia el Hamra et du Rio de Oro), qui revendique l’indépendance, et le Maroc qui en occupe une grande partie et a érigé un mur. Plus de 100 000 réfugiés sahraouis vivent misérablement dans des camps en Algérie. Le 28 avril 2017, le Conseil de sécurité de l'Organisation des Nations unies (ONU) a adopté "une résolution de soutien à une reprise de négociations sur le conflit au Sahara occidental. Ce texte prolonge également jusqu’au 30 avril 2018 le mandat de la mission de maintien de la paix de l’ONU sur place (Minurso)".


Ancienne colonie espagnole – l’Espagne le quitte en 1975 -, le Sahara occidental figure dans la liste des territoires non autonomes établie par les Nations unies : il est occupé militairement par le Maroc depuis 1975. L’ONU soutient le droit du peuple saharaoui à décider de son statut. Le Conseil de sécurité onusien a demandé le retrait du Maroc.

Pourtant, l’Union européenne et le Maroc ont négocié  et signé en 2013 un projet de traité de pêche qui concerne notamment les côtes du Sahara occidental. Un accord, sans avenant garantissant les droits de l’homme, dénoncé par les pêcheurs sahraouis, craignant la disparition des richesses halieutiques des côtes du Sahara occidental et les dégâts environnementaux : « Cet accord ne respecte ni le droit international, ni le statut de région dégradée en raison de la surexploitation, ni la volonté politique des Sahraouis ». Dans le cadre de cet accord, le Maroc recevra 40 millions d’euros par an. Selon une étude du cabinet-conseil Oceanic Developpement, les eaux bordant le Maroc et le Sahara occidental sont surexploitées par de nombreuses flottes, notamment russes.

"Nous pensons que la voie de la raison est celle du référendum, de l'autodétermination", déclare Nadjat Hamdi, représentante des Sahraouis auprès de l'Union européenne.

En 2013, le Legal Forum for Israel a déclaré : Dans cet accord poussé par la France et l’Espagne, l’Union européenne « reconnaît le droit du Maroc à exploiter les ressources naturelles de la région, et même définit l’autorisation de pêcher « dans toutes les zones sous autorité du Maroc », ce qui comprend les territoires occupés. Il est un exemple du double-standard de l’Union européenne. Alors qu’elle est supposé fondé ses conclusions sur les principes du droit international, l’Union européenne considère que la présence d’Israël en Judée et en Samarie est non légitime. Donc, elle a imposé des sanctions et restrictions sur le commerce et la coopération avec les institutions israéliennes dans les localités Juives, alors qu’en même temps, malgré ces principes, elle encourage le Maroc et coopère dans l’exploitation du territoire occupé par le Maroc ».

Et Eugene Kontorovich, membre éminent de ce Forum, a estimé qu’Israël n’a pas implanté assez d’activités économiques en Judée et en Samarie, et devrait y développer ses industries de pointe, dans les secteurs de la défense et de la technologie.

Le Sahara occidental a été reconnu par environ 40 Etats.

Outre les ressources halieutiques, les gisements de phosphate du Sahara occidental attisent les convoitises.

Soutenu par l’Algérie, le Front Polisario qui représente les Sahraouis - habitants du Sahara occidental -, prône un référendum afin de décider du statut du Sahara occidental.

Le Sahara occidental, dernière colonie ? Le17 mai 2013, l’Assemblée générale des Nations unies a adopté par consensus une résolution inscrivant de nouveau la Polynésie française sur la Liste onusienne des territoires non autonomes à décoloniser qui comprend notamment Gibraltar - territoire cédé à la Grande-Bretagne au XVIIIe siècle et revendiqué par l'Espagne -, le Sahara occidental, les îles Falklands/Malouines, la Nouvelle-Calédonie, les Bermudes, etc.

Camp Smara
« Welcome to Camp Smara » : un panneau en tôle rouillée désigne « l’emplacement d’un camp de réfugiés près de Tindouf, dans l'ouest de l’Algérie ». L'un des cinq camps près de cette ville.

« Plus de 100 000 Sahraouis vivent ici dans un dénuement extrême, comme d’autres membres de leur peuple, répartis dans cinq autres camps. Deux tiers d’entre eux ont moins de 25 ans. Certains ont suivi des études supérieures comme Mohamed Sulaiman, qui a pourtant choisi de revenir au camp pour travailler dans l’échoppe de son père, tailleur » presque aveugle, et "ancien bédouin fier"gardant la nostalgie de son "Paradis". La colère habite la famille Sulaiman. Un "peuple de nomade adapté à la vie dans le désert".

Ce « documentaire remarquable capte le quotidien de ces réfugiés qui croupissent aux portes de leur propre pays, tout en retraçant l'histoire doublement coloniale de la guerre larvée que Rabat livre depuis 1975 à leur principal représentant, le Front Polisario. Ancienne colonie espagnole, le Sahara occidental est en effet depuis quarante ans une colonie marocaine.

Pourrissement
En 1975, après la fin de l’occupation espagnole, le Sahara occidental (266 000 km²) est partagé : « deux tiers au nord pour le Maroc du roi Hassan II, et un tiers au sud pour la Mauritanie, au grand dam des populations représentées par le Front Polisario ».

Fondé en 1973, le Front Polisario proclame l’indépendance du Sahara occidental. Les réfugiés interviewés réclament l'indépendance du Sahara occidental, et le retour dans leur pays.

Réaction du roi Hassan II, le souverain chérifien, qui organise la Marche verte, « envoie des Marocains coloniser ce qu’il considère comme la province méridionale naturelle du royaume, avant de lancer une offensive armée, appuyée par des bombardements massifs, contre les Sahraouis ». 

Un grand nombre de Sahraouis se réfugient en ’Algérie, et « 25 000 personnes périssent au cours de cet exode ». 

En août 1979, le « nouveau gouvernement mauritanien cède au Polisario sa partie, mais le Maroc s’empresse de l’occuper ». 

Le Polisario poursuit sa résistance. En 1991, à l’initiative de l’ONU, est signé un cessez-le-feu (« Plan de règlement », « accords de Houston ») et envoie des casques bleus pour recenser la population et organiser un référendum : autonomie partielle ou indépendance. 

Le Maroc érige « un mur (2700 km) pour isoler les Sahraouis sur les 20% du territoire qu’ils contrôlent. La MINURSO (Mission des Nations Unies pour l'organisation d'un référendum au Sahara occidental) « patrouille depuis dans la zone litigieuse et le référendum est sans cesse repoussé ». 

En mars 2015, « l’envoyé spécial du Secrétaire général des Nations unies est revenu dans les camps de réfugiés pour une mission de bons offices avant une énième réunion du Conseil de sécurité prévue en avril 2015, pour trouver enfin une issue au conflit ».

"Il ne faut jamais perdre espoir. Il est vrai que l'ONU a fait peu de choses pour le peuple Sahraoui", déclare un commandant de l'APLS.

"Cinquante ans après, les Sahraouis croient en la paix. Il faut une solution rapide sinon la situation peut exploser. Personne n'a envie de vivre toute sa vie comme réfugié. Mon peuple lutte pour son identité", conclut Mohamed Sulaiman.

Addendum
Le 29 septembre 2015, un magasin IKEA devait ouvrir à Casablanca (Maroc). Le 28 septembre 2015, l'inauguration a été annulée. La raison officielle serait l'absence d'une formalité administrative. Selon des médias marocains, le Maroc a sanctionné la Suède qui serait sur le point de reconnaître la République sahraouie autoproclamée par le Front Polisario. Ce qu'a démenti la Suède. Le 4 octobre 2015, des milliers de Marocains se sont réunis devant l'ambassade de Suède à Rabat en exprimant leur opposition à ce projet. Le royaume chérifien évoque l'éventuel boycott de produits suédois et une "proposition de loi déposée en septembre 2015 par le parti suédois social-démocrate des travailleurs" et visant à reconnaître la république sahraouie. Il reproche à la Suède de refuser les produits originaires du Sahara occidental. La Suède a indiqué : « Le gouvernement suédois procède actuellement à une analyse interne de la politique de la Suède sur le Sahara occidental, à la lumière de l’intérêt porté pour cette question au sein de la société suédoise. La Suède n’a pas reconnu le Sahara occidental comme un Etat.» Ministère suédoise des Affaires étrangères, Margot Wallström a réitéré cette position. Divers médias soulignent l'absence d'une ambassade du Maroc en Suède, notamment depuis 2014, afin de contrer l'action du Polisario sensibilisant depuis les années 1970 les décideurs politiques, essentiellement socio-démocrates, à sa cause et le positionnement de la Suède comme défendeur des droits de l'homme, notamment ceux des « peuples opprimés » : "Palestiniens" et « peuple sahraoui ». Résultats de ces actions : asile politique accordée en Suède à des personnalités du Polisario, création en 1976 d'un « bureau du Polisario en Suède », vote en 2006 contre l’accord de pêche entre l’Union Européenne et le Maroc, etc. En 2009, le Maroc a convoqué l’ambassadeur de Suède à Rabat et expulsé une conseillère de l’ambassade suédoise en invoquant des « manquement grave aux pratiques diplomatique et erreur professionnelle inadmissible ». Selon Taïb Fassi Fihri, ministre marocain des Affaires étrangères, cette diplomate aurait transmis des documents officiels à « l’Algérie et au Polisario ». En 2010, des parlementaires suédois de l'opposition ont présenté une recommandation en faveur de la reconnaissance du Polisario comme un pays avec lequel la Suède devra négocier. Un texte voté en 2012 et transmise au gouvernement qui l'a rejeté.  Le 3 septembre 2015,  des membres du Parti social-démocrate au sein du Riksdag, Parlement suédois, ont inscrit à l'ordre du jour une proposition de loi favorable à l’octroi d’un statut diplomatique à la représentation du Polisario à Stockholm. Auparavant, au siège de ce parti à Stockholm, le Premier ministre suédois, Kjell Stefan Löfven, avait accueilli une délégation de la Jeunesse socialiste sahraouie.

Le 11 octobre 2015, sur Radio J, Rachida Dati, eurodéputé et maire du VIIe arrondissement de Paris (Les Républicains), née d'un père marocain, a prôné l'arrêt de la colonisation, et s'est indignée de l'instrumentalisation par l'Etat islamique des enfants. Elle demeure silencieuse sur le problème des Sahraouis et la formation militaire donnée aux enfants palestiniens.

Le 21 décembre 2015, Total, groupe français pétrolier, a mis un terme à ses recherches de pétrole au large du Sahara occidental en raison de résultats décevants : "les premières analyses des données sismiques n'ont rien donné". Elle ne sollicitera plus de "prolongation de son autorisation de reconnaissance sur le bloc d'Anzarane", une zone de 100.000 km² en mer. Depuis sa première autorisation de reconnaissance en décembre 2011, Total y a dirigé "des travaux géologiques et géophysiques préliminaires, avant même le stade de l'exploration". "Les résultats des études géologiques menées sur le permis Anzarane, sur lequel Total travaille depuis 2011, ne sont pas encourageants, et l'autorisation de reconnaissance ne sera pas transformée en licence d’exploration", a déclaré un porte-parole de Total à l'AFP. Selon Total, ses travaux dans cette zone n'étaient "juridiquement pas contraires au droit international et à la Charte des Nations Unies".

Depuis 1991, la Minurso veille principalement au respect du cessez-le-feu entre le Maroc et le Polisario.

Le 28 avril 2017, le Conseil de sécurité de l'Organisation des Nations unies (ONU) a adopté "une résolution de soutien à une reprise de négociations sur le conflit au Sahara occidental. Ce texte prolonge également jusqu’au 30 avril 2018 le mandat de la mission de maintien de la paix de l’ONU sur place (Minurso)".


Gropperfilm, 2015, 60 min
Sur Arte les 28 avril 2015 à 23 h 20 

Visuels : © HR/Gropperfilm
Camp Smara en Algérie
Camp Smara en Algérie
Mohamed Sulaiman (à droite) discute avec les femmes du camp
Dans le camp Smara, au coucher du soliel, les jeunes hommes jouent au football
Un jeune saharaoui dans le camp Smara

A lire sur ce blog :
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Les citations viennent d'Arte et du documentaire. Cet article a été publié le 27 avril 2015, puis le 10 octobre 2015.

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