Moses Vorobeichic, dit Moï Wer puis Moshé Raviv-Vorobeichic (1904-1995), était un peintre, photographe et graphiste d'avant-garde devenu israélien. Le Centre Pompidou consacre une rétrospective à Moï Ver.
Né dans une famille juive à Vilnius (alors dans l'empire russe, et actuellement en Lituanie), Moses Vorobeichic étudie au Bauhaus (1928-1930) ; il est l'élève de Paul Klee, Josef Albers et Vassily Kandinsky.
Il complète sa formation en photographie à Paris.
En 1931, Jeanne Walter publie Paris, livre de photographies de Moï Ver préfacé par Fernand Léger.
En 1932 l'hebdomadaire La Vie Parisienne envoie Moshé Raviv effectuer un reportage photographique en Palestine mandataire.
Il illustre des livres.
En 1934, sioniste, Moï Ver fait son aliyah en Palestine mandataire.
A Safed, il co-fonde un groupe d'artistes.
Sous le nom de Moshé Raviv-Vorobeichic, il travaille comme graphiste et peintre, puis se consacre uniquement à la peinture dès les années 1950.
"Ci-contre. 110 photos de Moï Wer"
Dans le cadre du Mois de la photo 2012, la Fondation Henri Cartier-Bresson présenta l’exposition "Ci-contre. 110 photos de Moï Wer" consacrée au photographe lituanien devenu israélien Moses Vorobeichic, dit Moï Wer puis Moshé Raviv (1904-1995).
Un « artiste brillant à la croisée de la Nouvelle Vision et des recherches cinématographiques les plus avancées de l'époque ».
Pour la première fois en France, les 110 tirages originaux
du livre Ci-contre. tirages originaux de Moï Wer, extrêmement rares
dans les collections des musées ou galeries, ont été présentés.
Cet « ensemble important de tirages d'époque permet de
découvrir le génie artistique de ce photographe à l'itinéraire insolite ».
Moses Vorobeichic naît le 5 décembre 1904 à
Lebedevo, près de Vilna (Vilnius en russe ; la ville est située alors dans
l'Empire russe).
Dès 1924, il étudie la peinture au département des Beaux-arts
de l'université Stefan-Batory de Wilno (Vilnius en polonais. La ville devient
polonaise à la fin de la Première Guerre mondiale. Elle redeviendra la capitale
de la Lituanie en 1940).
En 1927, Moses Vorobeichic est admis dans la classe
préparatoire de Joseph Albers au Bauhaus (Dessau). Les thèmes : la
construction et les matériaux, leur apparence et leur représentation. I
Moses Vorobeichic suit également les cours de Paul Klee,
Wassily Kandinsky et Hinnerk Scheper jusqu'à la fin de l'été 1928.
Ils s’intéresse à El Lissitzky, aux films de SergejEisenstein et aux photomontages de John Heartfield, et se dirige vers la
photographie plutôt que la peinture.
Il admire aussi le travail de László Mohaoly-Nagy,
professeur au Bauhaus et auteur de Malerei, Fotografie, Film (Peinture,
Photographie, Film).
À l'automne 1928, Moses Vorobeichic s’installe à
Paris, en pleine effervescence artistique. Il écrit à son père en lui disant
qu'il en apprendra plus en un jour à Paris qu'en un an à Dessau. Au Louvre, il
copie les peintures des grands maîtres. Il suit les cours de l'Ecole technique
de photographie et de cinématographie rue de Vaugirard ainsi que ceux de Fernand
Léger à l'Académie Moderne.
Photographe indépendant, Vorobeichic « retourne à
Vilnius en mars 1929 pour réaliser un reportage sur le quartier Juif de
sa ville d'origine ».
« Exposées lors du Congrès sioniste de l'été 1929 à
Zurich, les photographies attirent l'attention d'Emil Schaeffers, alors
directeur de la collection « Das Schaubuch » aux Editions Orell-Füssli, qui
propose de les publier ».
Ce livre, Ein Ghetto im Osten, Wilna (Un ghetto à l'Est, Vilnius) parait
en 1931, et
sera réédité par Hentrich – Frölich & Kaufmann en 1984. Il
raconte en photos le mode de vie de la communauté juive. « J'ai tout
simplement laissé aller mon Leica, c'est comme ça que j'ai conçu le livre sur
Vilnius. La mise en page et les montages sont bien évidemment inspirés du
cinéma ». Publié en plusieurs langues (hébreu/allemand et
hébreu/anglais), cet ouvrage est destiné au grand public. Vorobeichic « montre
la misère du ghetto, mélange les vues des rues étroites avec les portraits.
Cette vision du quartier juif est contrastée par la mise en page, traitée avec
une pensée moderne et novatrice héritée des cours d'Albers au Bauhaus.
Vorobeichic superpose, colle et agrandit les images ».
Une fois la maquette du livre sur Vilnius achevée,
Vorobeichic se consacre au deuxième projet photographique majeur de sa carrière :
Paris. « Sa
vision avant-gardiste reste la même, mais le rendu est différent car le sujet a
changé. Les rues figées de Vilnius ont fait place au rythme effréné de la
capitale française. Les mouvements, les foules, les automobiles s'agitent au
fil des pages, et Vorobeichic, devenu Moï Ver nous renvoie à la vision qu'il a
de la métropole : encombrée, fourmillante, vivante ».
Publié en 1931 à 1000 exemplaires numérotés par les
éditions Jeanne Walter (1), le livre connaît
le succès ; il est salué par la critique, notamment par Florent Fels qui,
dans un numéro de L'Art Vivant de 1931 qualifie le livre de « simple
mais précieux document de l'art d'aujourd'hui ».
Moï Ver devient un photographe très prisé. A Berlin, il remet
à Moholy-Nagy un exemplaire de l'album préfacé par Fernand Léger.
Paris attire alors des artistes étrangers, dont beaucoup se
fixent dans le quartier de Montparnasse. La Ville Lumière « fascine et les
publications se multiplient. En 1929, Germaine Krull publie 100 x Paris, un
panorama complet de la ville. En 1932, Brassaï met en avant la vie nocturne
avec son Paris de nuit. En 1934, parait Paris vu par André Kertesz.
Moï Ver travaille comme photographe de presse à l'agence
Globe-Photo, spécialisée dans le reportage international. Il collabore aussi à Vu,
Paris Soir, Arts et Métiers graphiques (n°22 et 23) et Bifur (n°8).
En 1931, Ci-Contre est le troisième grand projet
de Moï Ver qui, de nouveau, modifie son nom pour Moï Wer. Après trois mois de
travail, il adresse « la maquette définitive du projet, composée de 110
tirages en vis-à-vis, à Franz Roh. Professeur d'histoire de l'art à Munich,
directeur de la collection Fotothek, Roh est également l'auteur du livre Foto-auge
qui accompagnait l'exposition Film und Foto présentée à Stuttgart
en 1929 ». Roh cherche un éditeur pour le projet qui ne sera pas publié en
raison des bouleversements politiques. Franz Roh garde la maquette.
En 1933, Moï Wer perd le contact avec Roh. Vers 1940-1945,
pensant la maquette perdue, il « tente de reconstituer la série de
mémoire. Alors que la première maquette se concentre sur la nature et
l'architecture, ces 30 doubles-pages mettent l'accent sur les personnages ».
Moï Wer note que « la première version porte encore l'empreinte du
Bauhaus et d'Albers. L'aspect nature morte domine. La deuxième, quant à elle,
est pleine de vie ».
En 1932, Moï Wer est envoyé à Tel Aviv, alors en Palestine
mandataire, pour couvrir la Maccabiah, l'Olympiade juive. Les photographies sur
cet évènement sportif sont montrées dans l’exposition Palestine d'hier et
d'aujourd'hui à la Galerie d'art contemporain (Paris).
Moï Wer s'installe en Palestine mandataire en 1934. Il
devient Moshe Raviv. Il travaille comme graphiste publicitaire et photographe
indépendant.
En 1937, il retourne en Europe centrale réaliser un
reportage sur les fermes collectives juives. Il
photographie les communautés juives, leurs activités (agricoles et manuelles),
leurs habitations et leurs loisirs. En 1950, un portfolio intitulé Polen
(Pologne) d'une douzaine de portraits extraits de ce reportage est publié
à Tel Aviv.
En 1948, lors de la recréation de l'Etat d'Israël, Moshe
Raviv « effectue son service militaire et met sa photographie au service
du mouvement sioniste en réalisant des affiches. Son travail est également
utilisé pour illustrer des livres destinés à la jeunesse ».
Dans ces livres, la « vision avant-gardiste des années
1930 a
laissé place à un académisme marqué ».
Au début des années 1950, Moshe Raviv abandonne la
photographie pour la peinture, notamment religieuse et cofonde une colonie
d'artistes à Safed, au nord d'Israël.
Au fil des ans, il perd en notoriété.
En 1968, Ann et Jürgen Wilde, collectionneurs allemands, achètent
la maquette originale de Ci-Contre.
Ils recherchent son auteur. Après plusieurs années d'enquête, ils adressent une
première lettre à Moshe Raviv en 1972.
Lors « de leurs échanges, le photographe exprime son
plaisir de savoir la maquette de Ci-Contre conservée ».
Dans les années 1980, le travail de Moshe Raviv est montré
dans des expositions sur le Bauhaus.
Moshe Raviv meurt en 1995 à Safed.
En 2004, après en avoir acquis les droits, qu'Ann et Jürgen
Wilde publient l'ouvrage Ci-Contre en fac-simile.
(1) Jeanne
Walter "fut l'épouse de l'architecte Jean Walter. Grâce au financement de son
mari, elle crée la revue mensuelle Plans en 1930 et en assure la
direction jusqu'au dernier numéro en 1933. Cette revue reflétait la culture des
années 1930".
Rétrospective
Le Centre Pompidou consacre une rétrospective à Moï Ver.
"Pour la première fois, l’œuvre de Moshe Vorobeichic, dit Moï Ver (1904 - 1995), photographe, graphiste et peintre, est présentée dans toute sa richesse et sa complexité. Cette rétrospective réunit plus de trois cents œuvres et documents (photographies, peintures, dessins, imprimés), dont un grand nombre d’inédits".
"Né en 1904 près de Vilnius, capitale historique de la Lituanie, Moï Ver se fait connaître dans les milieux artistiques parisiens du début des années 1930 après avoir étudié au Bauhaus de Dessau auprès de Kandinsky, Klee, Albers ou encore Moholy-Nagy ; il est notamment l’auteur d’un ouvrage aujourd’hui considéré comme majeur dans l’histoire de la photographie, intitulé Paris. 80 photographies de Moï Ver. Celui-ci est publié en 1931 aux éditions Jeanne Walter, personnalité proche de Le Corbusier et de Fernand Léger, entre autres", a écrit Julie Jones, Commissaire de l'exposition et conservatrice, cabinet de la photographie, Musée national d’art moderne.
"En Allemagne ou en Lituanie, Moï Ver s’est aussi inscrit dans l’histoire grâce à un petit ouvrage photographique également publié en 1931, consacré au quartier juif de Vilnius, sa ville d’enfance (The Ghetto Lane in Wilna, ed. Orell Füssli). En 1934, Moï Ver s’installe définitivement en Palestine mandataire où il réalise de nombreuses photographies, photocollages et créations graphiques pour les institutions sionistes pré-étatiques. Au début des années 1950, il prend le nom de Moshe Raviv, se retire dans la ville de Safed, au nord d’Israël, et se consacre à une pratique picturale inspirée par le mysticisme et l’art populaire juifs. Ses déplacements géographiques, la diversité extrême de son œuvre, ses multiples changements de noms ou de pseudonymes (nous ne citons ici qu’une infime partie de la liste…), sa pratique (simultanée) de nombreuses langues (yiddish, hébreu, français, anglais, allemand…), et la mise à disposition relativement récente de ses archives, ont largement contribué à rendre extrêmement difficile, voire impossible l’étude de son œuvre", a analysé Julie Jones.
"Après une formation artistique au Bauhaus de Dessau, auprès de László Moholy-Nagy, Josef Albers, Paul Klee et Vassily Kandinsky, Moï Ver découvre à Paris de nouvelles formes artistiques. Témoignant d’un regard expérimental sur la société contemporaine et d’une maîtrise saisissante du montage photographique, les ouvrages majeurs Paris (1931) et Ci-contre, sont présentés dans l’exposition. Avant la Seconde Guerre mondiale, il réalise également une documentation photographique des communautés juives à Vilnius d’abord, puis dans de nombreuses villes et villages polonais. Installé définitivement en Palestine mandataire en 1934, Moshe Vorobeichic met désormais son art au service de la propagande sioniste, photographiant les « nouveaux migrants », la construction des infrastructures et la vie quotidienne des kibboutzim. Au début des années 1950, il abandonne la photographie et le graphisme, adopte le nom de Moshe Raviv et se consacre à la peinture."
"À la fin des années 1960, un jeune couple, Ann et Jürgen Wilde, futurs grands collectionneurs, recueillent l’héritage photographique du critique et historien de l’art Franz Roh. Ils découvrent dans celui-ci une magnifique maquette originale de livre intitulée CI-CONTRE. 110 PHOTOS de Moï Wer. Grâce à une recherche de longue haleine, les Wilde retrouvent l’artiste en Israël, Moshe Raviv. Cette (re)découverte suscite l’intérêt de nombreux historiens, dont Herbert Molderings, qui contribuera à replacer l’artiste dans l’histoire du modernisme photographique. En 2020, l’État français fait l’acquisition de cette œuvre, à l’intérêt patrimonial majeur", a rappelé Julie Jones.
"L’idée (et la possibilité) d’une rétrospective voit alors le jour, grâce aux efforts conjoints du Musée et de la famille de l’artiste. Les recherches se sont portées, outre sur des documents personnels, sur la presse et les publications diverses, en hébreu, en yiddish, en polonais, en lituanien et en français. En dehors des photographies reproduites dans ces trois ouvrages de 1931, le reste de son œuvre demeurait, jusqu’à ce jour, largement inconnu et non référencé", a conclu Julie Jones.
L’exposition "est organisée par le Centre Pompidou Paris en collaboration avec le Musée de Varsovie et le Musée d’Art de Tel Aviv".
Elle "sera présentée au Musée de Varsovie du 11 octobre 2023 au 4 février 2024, ainsi qu’au Musée d’Art de Tel Aviv du 17 mars 2024 au 21 Juillet 2024".
Au Centre Pompidou
Musée, niveau 4, Galerie 0
Place Georges-Pompidou - 75004 Paris
Tél. : + 33 (0)1 44 78 12 33
Tous les jours de 11h à 21h, sauf le mardi
Jusqu’au 23 décembre
2012
Tél. : +33 1 56 80 27 00
Du mardi au
dimanche de 13 h à 18 h 30, le samedi de 11 h à 18 h4 5, nocturne le mercredi
jusqu’à 20 h 30.
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Cet article a été publié le 18 décembre 2012, puis le 15 mai 2019.
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