
Dans
de nombreux pays, le pouvoir central, ou local, éprouve des difficultés à
sédentariser des populations nomades qui aspirent à maintenir leur mode de vie,
à poursuivre leurs périples, sans faire de concession à la vie moderne.
Diplômé
du Département Film de l’université de Tel-Aviv et du Centre international de
photographie documentaire et de photojournalisme, Leeor Kaufman vit à
New York et s’est intéressé aux Bédouins, « nomades de culture arabe
citoyens de l’Etat d’Israël depuis sa création. Au début des années 1950, la
tribu d’al Talalka se plia aux pressions gouvernementales qui tentaient
d’urbaniser la population bédouine et emménagea dans la ville de Lakiya. Après
des décennies passées dans une banlieue à l’infrastructure sous-développée, aux
forts taux de chômage et de criminalité, la tribu décide de reconstruire son
village de « Twail Au Garwall » sur ses terres, malgré les menaces
permanentes d’une évacuation ».
Bédouins vs Israël

Ce
film « nous raconte la vie quotidienne de Muhammad, qui mène le combat
pour sa tribu afin de préserver leur mode de vie. Muhammad rêve de progrès pour
ses enfants, mais veut pouvoir conserver une culture bédouine intacte dans une
vie moderne. Le combat est féroce, et Muhammad al Talalka est seul. Déçu et
déchiré par ce combat, il se tourne vers l'islam pour y trouver des réponses ».
Focalisation sur Muhammad al Talalka

Désespérée,
la tribu ne croit guère en la justice israélienne dont la Cour suprême a
pourtant censuré des décisions gouvernementales majeures. Elle ne comprend pas
qu’elle ne peut pas ester en justice en tant que tribu et que chaque Bédouin
doit défendre ses droits individuellement. Les ainés sont pris à partie par la
génération des trentenaires leur reprochant leur ancienne obéissance qui
obère leur chance de gagner.

Le réalisateur
filme au côté de cette tribu pauvre, disposant de quelques volailles, alternant
la culture du blé et la construction d’immeubles modernes qui ne leur sont pas
destinés. A aucun moment, il ne donne la parole à l’autorité israélienne
responsable de l’urbanisation de cette zone pour présenter ses motivations, son
projet urbanistique.

Quelques
mois plus tard, à Lakiya, la voix d’un prédicateur exprime par les hauts
parleurs de la mosquée où se rendent les Bédouins : « Hier nous étions
unis et forts. Ce n’est plus le cas. Notre réalité est amère. Nous avons perdu
nos tribus et nos chefs… Nous les vrais propriétaires de la Palestine, nous ne
pouvons la brader ».
Une réalité complexe
Les
gouvernements israéliens successifs ont négligé pendant des décennies le Néguev et ses
habitants (on estime à environ 130 000 le nombre de Bédouins du Néguev en
2004). Le KKL souhaite faire refleurir cet espace désertique, selon le rêve de
David Ben Gourion, y construire des logements...
Environ 25% des Bédouins pratiquent la polygamie.
Des
progrès ont été réalisés afin d’améliorer l’intégration des
Bédouins dans la société israélienne, principalement par la
scolarisation des enfants et la poursuite d’études universitaires – la
professeur Sarab Abu-Rabia-Queder est la première Bédouine à avoir un doctorat -,
les soins médicaux, l’émancipation des femmes par le travail,
l’enrôlement dans Tsahal, malgré les
pressions des islamistes - les Bédouins se distinguent par leurs talents
exceptionnels de pisteurs -,
etc.
De
plus, les autorités israéliennes ont désiré résoudre le problème en laissant
aux Bédouins 20% des terres dont ils revendiquaient la possession tout en ne
détenant pas de titre de propriété, et d’indemniser pour le reste. Les rapports se
sont succédés sans résoudre le problème rendu
plus complexe par les constructions illégales, etc. Dans leurs actions
judiciaires, dans leurs revendications sur les terres domaniales, les Bédouins
du Néguev bénéficient de l’appui d’universitaires et d’ONG. Le
combat des Bédouins se poursuit aussi sur Internet avec le blog
BedouinJewishJustice.
Des
Bédouins entretiennent un rapport complexe avec l’Etat d’Israël, pour le
meilleur, et pour le pire quand certains manifestaient en 2002,
lors de la Journée de la Terre, en exhortant le Hezbollah à bombarder Tel-Aviv.
Dans un message électronique Leeor Kaufman écrit le 15 février 2012 au soir et 16 février 2012 au matin :
- dans le documentaire, Muhammad al Talalka explique avoir été arrêté pour avoir dérangé un policier ;
- vous auriez pu me contacter pour avoir des explications. Le manque de temps que vous alléguez n'est pas une excuse ; j'ai consacré quatre ans à vérifier chaque élément de ce documentaire ;
- Osama est un prénom populaire dans le monde arabe ;
- la séparation entre les sexes est montrée dans mon film, mais ce n'est pas le sujet de mon film ;
- les al Talalka ne pratiquent plus la polygamie depuis des années et l'épouse de Muhammad al Talalka a un fort caractère ;
- mon film traite de la volonté du gouvernement d'urbaniser les al Talalka et de la volonté de ceux-ci de vivre selon leur mode de vie agricole, mais sans retour à la polygamie ;
- de nombreux documentaires n'essaient pas de tout expliquer en montrant tous les points de vues, mais seulement la manière dont une personne perçoit la réalité. Il n'y avait aucune raison pour montrer les points de vue du gouvernement ou du conseil des Bédouins. Ce film porte sur l'évolution des perceptions de Muhammad al Talalka en fonction de ce qu'il expérimente, ce qu'il vit ;
- Muhammad al Talalka tient des propos antisémites quand il "s'oriente vers une religion extrême. Argumenter avec ces remarques antisémites, cela revient à les respecter". Telle n'est pas mon intention. Ces remarques antisémites m'ont gêné, mais j'ai été honnête : je les ai montrées ;
- ce n'est pas parce qu'il existe une Bédouine professeur que le gouvernement a le droit d'urbaniser les Bédouins. Mon film est sur la lutte de Muhammad al Talalka pour garder son mode de vie agricole.
Mon addendum :
- la version d'Arte a coupé certains faits, dont les raisons de la détention de Muhammad al Talalka ;
- par manque de temps, je n'ai pas pu interroger le réalisateur.
- j'ai modifié l'emplacement de ma phrase sur la polygamie de certains Bédouins pour éviter toute confusion ;
- Adolf était un prénom populaire en Europe jusque dans les années 1930. Après les horreurs (Shoah) commises par Adolf Hitler et le nazisme, ce prénom a été moins choisi par certains parents européens. On aurait pu penser que des couples issus du monde musulman ou/et arabe auraient évité de prénommer leur enfant Osama, un prénom lourd à porter après les attentats islamistes d'al-Qaida dirigée par Osama ben Laden ;
- l'auteur d'un film ou d'un article choisit un angle pour aborder un thème, et il ne peut pas tout dire dans son oeuvre. En tant que téléspectatrice et journaliste, il me manque des informations. Pour former mon opinion, j'aurais eu besoin d'entendre les interviews de tous ceux qui influent sur la vie, l'environnement de Muhammad al Talalka : le gouvernement israélien, etc.
- Leeor Kaufman n'interrompt pas Muhammad al Talalka dans ses propos antisémites, mais quelques minutes après, l'interroge pour savoir ce qu'il va faire. Je regrette que ce cinéaste n'ait pas interrompu Muhammad al Talalka pour savoir d'où lui vient cet antisémitisme : les sermons à la mosquée ? De nouvelles fréquentations ? etc.
de Leeor Kaufman
Claudius Films (Israël), 2009, 52 minutes
Sur Arte les 16 février 2012 à 8 h 55, 4 octobre 2017 à 15 h 40 et 10 novembre 2017 à 15 h 40, 25 mai 2018 à 11 h 10, 7 février 2019 à 15 h 35
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concernant :
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Judaïsme/Juifs
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Cet article a été publié le 15 février 2012, puis les 3 octobre 2017 et 24 mai 2018.
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