samedi 17 novembre 2018

Carole Benzaken


Artiste peintre, photographe, vitrailliste et vidéaste primée, Carole Benzaken s'inspire des images contemporaines et de la Bible. Le 18 novembre 2018, de 11 h à 12 h, le musée d'art et d'histoire du Judaïsme (mahJ) propose "Le regard de... Carole Benzaken". Une visite guidée par Carole Benzaken, peintre. 

« Saviv saviv / סביב סביב » de Carole Benzaken
Chagall, Soulages, Benzaken… Le vitrail contemporain
« Portraits de femmes de la Bible par 32 artistes contemporains »


Née à Grenoble, Carole Benzaken songeait à devenir décoratrice de théâtre. Mais elle bifurque et suit sa scolarité à l'École des Beaux-arts de Paris (1985-1990) où elle suit l'enseignement du peintre Henri Cueco. Lors de son séjour à Los Angeles de 1997 à 2004, année où elle a été distinguée par le Prix Marcel Duchamp, elle s'initie au jazz.

« Saviv saviv / סביב סביב » 

« Revenir du bout du monde jusqu’à soi. C’est bien souvent notre histoire personnelle qui guette au coin d’une rue ou d’une image trouvée par hasard. Du Pacifique jusqu’à Paris, pour me diriger vers ce que j’avais fui de toutes mes forces..., une Europe construite sur la pesanteur des non-dits et sur une culpabilité à plusieurs têtes mais sans visage, tissée à l’Est, mais entretenue à l’Ouest »


Sa lecture des Récits hassidiques de Martin Buber, une invitation à exposer à Bielsko-Biala, près de Katowice (Pologne), et « la révélation, sur place, que le centre d’art est construit sur les cendres d’une synagogue brûlée par les nazis en 1939 ». Ces événements ont bouleversé Carole Benzaken et l’ont amenée à concevoir Saviv savivAutour, autour », Ézéchiel, 37, 2).


« Être si près de la faille, si proche de l’insupportable ».


Carole Benzaken a ressenti « l’urgence de revenir, de filmer, de travailler, et de terminer le voyage à Auschwitz-Birkenau ».

« Saviv saviv / סביב סביב »
S’impose à Carole Benzaken, dès son retour à Paris, « sans cesse devant les yeux la vision du prophète Ézéchiel, la « traversée de la vallée de l’ombre et de la mort, celle des ossements très secs, jusqu’à leur résurrection ». Elle se laisse emporter par le texte, au sein duquel elle transpose des images, sans chercher à l’illustrer ».

Elle « réalise deux pièces : la Megillah Ben Adam, rouleau qui reprend les quatorze premiers versets du chapitre 37 d’Ézéchiel, et, tout autour de cette vallée des ossements, Saviv saviv, un ensemble de tables lumineuses, où la mort se métamorphose en « vie pulsée et injectée dans des rhizomes d’arbres caducs, système veineux d’où surgit cette vie tout autour ».

En 2012, le Musée d'art et d'histoire du Judaïsme (MAHJ) a présenté l’exposition « Saviv saviv / סביב סביב » (« Autour, autour », Ézéchiel, 37, 2) de Carole Benzaken. Deux œuvres belles mais un peu ésotériques, et inspirées par les émotions liées à lecture des Récits hassidiques de Martin Buber et un périple en Pologne : Megillah Ben Adam, rouleau qui reprend les quatorze premiers versets du chapitre 37 d’Ézéchiel, et, tout autour de cette vallée des ossements, Saviv saviv, un ensemble de tables lumineuses, où la mort se métamorphose en « vie pulsée et injectée dans des rhizomes d’arbres caducs, système veineux d’où surgit cette vie tout autour ».


« L’exposition au MAHJ est plus qu’une escale sur la route qui me mènera à Bielsko-Biala en 2012 [...]. C’est un projet de vie au-delà de l’apparente fausse victoire de la mort, comme une vallée de larmes qu’il me fallait arpenter pour rendre visible cette espérance qui fait encore aujourd’hui défaut dans le spectacle du monde, et la saisir ainsi lovée dans le creux des images », déclare cette artiste née en 1964 à Grenoble, diplômée de l’Ecole des Beaux-Arts de Paris.


Distinguée par de nombreux Prix – Prix Marcel Duchamp (2004) - , Carole Benzaken a exposé au Centre Pompidou (2002, 2009), dans des galeries en France, Suède, Grande-Bretagne, aux Etats-Unis, au Japon...


Elle a exploré et mêlé dans certaines réalisations la peinture, la photographie (Diana’s Funeral), la vidéo, la lithographie, le vitrail pour l’église de Varenne Jarcy (Ile-de-France), la frise… dans une œuvre conjuguant la vie personnelle et l’histoire, immédiate ou plus ancienne, retravaillant à l’acrylique des images télévisuelles confinant parfois à l’abstraction ou à une réalité figurative éclatée.



YOD
Le Carré Sainte-Anne, "espace d'art contemporain ouvert gratuitement au public", présenta l'exposition YOD de Carole Benzaken. "Les grands noms qui y exposent ont comme défi de construire leurs expositions autour de la monumentalité et de la charge symbolique de cet écrin". L'exposition YOD - "en référence à la lettre hébraïque - s'inscrit exactement dans la dimension spirituelle du Carré Sainte-Anne, l'espace d'art étant installé dans une ancienne église".

"Troisième dans l'ordre canonique des grands prophètes" de la Bible hébraïque, "on attribue à Ezékiel le livre d'Ezékiel. Après la lecture de certaines retranscriptions de ses textes, Carole Benzaken a depuis devant les yeux la vision du prophète: "La traversée de la vallée de l'ombre et de la mort, celle des ossements très secs, jusqu'à leur résurrection". C'est cette vision qui a inspiré à l'artiste les modules "Saviv saviv" et la structure "YOD".

"Yod", structure centrale, sorte de chapelle construite au cœur de l'église, adopte une forme proche de la lettre hébraïque. Elle accueille en son sein, 15 cuves lumineuses "saviv saviv" autour desquelles le visiteur est invité à déambuler dans une semi-obscurité. La lumière surgit de surfaces lumineuses et réfléchissantes, présentes sur tout un côté de la "chapelle" et jusque sur une toile de grand format installée devant l'ancien chœur. Les références aux textes bibliques dans les récents travaux de Carole Benzaken sont autant d'échos à une histoire personnelle et familiale, elle-même reliée à l'Histoire plus large de la migration des peuples.

« La splendeur qui était tout autour était semblable à celle de l'arc-en-ciel, lorsqu'il se forme dans la nuée un jour de pluie » (Ezéchiel 1, verset 28) 
Le "livre d'Ezéchiel est un texte d'une richesse poétique et d'une puissance symbolique inégalées. Les visions mystérieuses de ce prophète hébreu en exil à Babylone, qui apparaît également dans le Coran sous le nom de Dhul Kifl, ont donné naissance à des mots et des images dont le souffle a nourri l'histoire des hommes et de l'art. La tradition chrétienne interprète la vision du chariot de Dieu, le tétramorphe, quatre animaux qui « avaient la ressemblance d'un homme » et qui étaient « comme des charbons de feu ardent », comme la représentation allégorique des Evangélistes Luc, Marc, Mathieu et Jean. Elle apparaît dans d'innombrables peintures et sculptures, La Vision d’Ezéchiel de Raphaël au Palazzo Pitti de Florence, le tympan préservé de la Cathédrale de Maguelone. Les paraboles du livre d’Ezéchiel, le bois de vigne, le grand aigle et la cime d'un cèdre, la lionne et ses lionceaux, illustrent le courroux de Dieu, ses reproches et menaces contre l'idolâtrie, des prophéties contre les nations, mais aussi la promesse des temps messianiques et de l'Alliance de paix, l'espérance et la fin de l'exil. Ainsi la vallée désertique des ossements, la vision des os desséchés qui reprirent vie, cette résurrection que Michel-Ange a peinte dans la fresque du Jugement dernier : « Mon peuple, voici, je vais ouvrir vos sépulcres et je vous tirerai hors de vos sépulcres » (Ezéchiel 37, verset 12)". 

« Je vis donc, et voilà un tourbillon de vent qui venait de l'Aquilon, une grosse nuée ; et un feu qui l'environnait, et une splendeur tout autour, au milieu de laquelle on voyait comme un métal qui sort du  feu » (Ezéchiel 1, verset 4) 
"De même que les grands textes fondateurs de l'Ancien Testament, les mystères de la lumière et de l'apparition, les questions de vibration, de métamorphose et de perception sont au cœur de l'œuvre et de la réflexion de Carole Benzaken. Le récit que je lui fis de l'église qui précédait Sainte-Anne en son emplacement, dont les voûtes regorgeaient d'ossements humains retirés des anciens charniers, devait la convaincre du lien avec son travail récurrent sur Ezéchiel 37, un entrelacs de symboles tant personnels qu'étrangers qui convergeaient.
Les cuves Saviv saviv, du dessèchement à la résurrection par le tamis de la lumière, étaient un premier pas. Il fut suivi de la conception de la structure YOD qui allait héberger ces dernières, véritable sculpture éphémère en soi et pilier de l'exposition. Yod est la dixième lettre de l'alphabet hébreu et l'initiale du prénom du prophète Yechezq'l , « Dieu fortifiera ». Elle représente la main qui féconde, qui sème, qui transmet, le germe, la graine qui si petite qu'elle soit contient l'Arbre. De forme semblable à la lettre, cette structure a deux faces distinctes, celle de l'extinction et celle de l'éblouissement, celle de « l'airain très luisant », du « métal qui sort du feu ». Faut-il y voir une chapelle dans l'église, un tombeau, un mausolée, un tumulus, le souvenir d'un temple oublié, d'une tente de pèlerinage, ou bien la seule chimère d'une artiste conquise par la beauté d'un texte qui célèbre la musique des vivants contre le vacarme des morts ?"

« Southern trees bear strange fruit / Blood on the leaves and blood on the root / Black bodies swinging in the southern breeze / Strange fruit hanging from poplar trees »
« Les arbres du Sud portent un fruit étrange / Du sang sur les feuilles et du sang sur les racines / Des corps noirs qui se balancent dans la brise du Sud / Un fruit étrange suspendu au peuplier »
Ces "vers sont extraits d'une chanson composée en 1946 par Abel Meeropol et interprétée par Billie Holiday. La force imagée des mots donne à un épisode sinistre de l'histoire, les Necktie Party, la pendaison des noirs dans le Sud des États-Unis érigée en spectacle, une portée allégorique et universelle. Tel un arbre nu en hiver, noyé dans les vapeurs de la brume, dans la fumée d'un crépuscule sur une terre chaude, Strange Fruit, tout de verre feuilleté, lance un dernier écho ombrageux aux vitraux sans nuances de Sainte-Anne. Le cycle, encore, de la naissance, de la mort et de la résurrection. L'exposition conçue par Carole Benzaken pour Sainte-Anne est sans doute la plus littéraire, ou mieux textuelle, que ce lieu ait connue. Les mots, les lettres donc, y tiennent autant leur place, qu'ils soient visibles ou enfouis, que les œuvres mêmes. Les visions nées de nos songes ont toujours l'évanescence d'une parole diluée et d'une image engendrée, l'une et l'autre à jamais confondues". Le Commissariat est assuré par Numa Hambursin.

DDESSIN {17}
Dans le cadre de DDESSINPARIS, cabinet de dessins contemporains, à l’Atelier Richelieu (24-26 mars 2017), Art Absolument présenta "une sélection d’estampes de sa collection, ainsi qu’un focus sur les œuvres graphiques de Mark Brusse, et sur des œuvres de Carole Benzaken".

"Depuis sa création en 2002, la revue Art Absolument défend et rend compte de l’actualité des artistes contemporains vivant en France qu’elle estime incontournables et qui connaissent une renommée internationale. Dans un esprit de continuité et de fidélité, la Collection Art Absolument a été créée afin de permettre à tous ceux qui souhaitent devenir collectionneurs d’acquérir à des prix raisonnables les éditions originales que ces artistes ont accepté de créer pour Art Absolument. Le concept est simple : mêmes dimensions (105 x 75 cm), même tirage (30 exemplaires) et même prix pour toutes ces œuvres remarquables".

"Reconnue pour son utilisation de la technique du montage, Carole Benzaken juxtapose des médiums aussi différents que la peinture et la vidéo. Dans ses Autoportraits anciens, elle crée une structure figurative et abstraite « proche de l’improvisation musicale en jazz ». Question de rythme et de séquence, de réserve blanche et de couleur rubescente, de fragment et de plénitude".

"Le regard de... Carole Benzaken"
Le 18 novembre 2018, de 11 h à 12 h, le musée d'art et d'histoire du Judaïsme (mahJ) propose "Le regard de... Carole Benzaken". Une visite guidée par Carole Benzaken, peintre.

"Peintre, lauréate du prix Duchamp en 2004, Carole Benzaken développe une œuvre où le code collectif et la mémoire individuelle, l’intime et la surface sont intrinsèquement liés. De retour d’un voyage en Pologne en 2011, elle ressent l’urgence de travailler sur la vision d’Ézéchiel. Elle calligraphie le texte sur un rouleau et y transpose ses propres images. Durant cette matinée, l’artiste déroule ce rouleau, la Megillah ben Adam, et nous dévoile son processus de création."


Du 24 au 26 mars 2017
A l'Atelier Richelieu
60, rue de Richelieu – 75002 Paris
Vendredi 24 mars de 11 h à 20 h, samedi 25 mars de 11 h à 20 h et dimanche 26 mars de 11 h à 1 9h
Vernissage : jeudi 23 mars de 18 h à 21 h 30 (sur invitation)

Du 27 janvier au 22 mai 2016  
2, rue Philippy — 34000 Montpellier
T +33 (0)4 67 60 82 11
Du mardi au dimanche de 11 h à 13 h et de 14 h à 19 h

Jusqu’au 5 février 2012
Au Musée d'art et d'histoire du Judaïsme 
Hôtel de Saint-Aignan
Espace d’expositions temporaires, 1er étage
71, rue du Temple. 75003 Paris
Tél. : (33) 1 53 01 86 60
Lundi, mardi, jeudi, vendredi de 11 h à 18 h, mercredi de 11 h à 19 h 30 et dimanche de 10 h à 18 h


Visuels
Carole Benzaken Megillah Ben Adam
Extrait
2010-2011
30 x 0,26 m
Dessins numérisés sur toile
© ADAGP, Paris, 2011

Carole Benzaken
YOD
© David Bordes

Carole Benzaken
Autoportrait ancien, 2015
lithographie sur BSK Rives 270 g.
105 x 75 cm
Ed. de 30 ex.
Courtesy Collection Art Absolument

Articles sur ce blog concernant :
Shoah (Holocaust)
Cet article a été publié le 27 janvier 2012, puis les 21 septembre 2015, 22 mai 2016 et 23 mars 2017.

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