Fils du peintre de l'Ecole de Paris Michel Kikoïne (1892-1968), docteur en géologie, passionné par les voyages, Yankel (1920-2020) était un collectionneur d'art brut, professeur à l’Ecole nationale des Beaux-arts, peintre et sculpteur français juif sioniste. A Paris, la Galerie Claire Corsia propose une rétrospective de cet artiste (25 mai-12 juillet 2023). Vernissage le jeudi 25 mai 2023 de 18 h à 21 h.
Né en 1920 à Paris, Yankel (Jacques) Kikoïne est le fils de Michel Kikoïne (1892-1968), peintre de la Ruche où il grandit.
Après avoir passé quelques années en Afrique comme géologue, il se consacre dès 1950 à la peinture et à la sculpture. Et commence sa collection d’art brut ou primitif offerte au musée de Noyers-sur-Serein. C’est ce côté naïf ou enfantin qu’il apprécie chez Philibert-Charrin.
Yankel évolue vite du figuratif vers l’abstraction, même si des œuvres échappent à cette classification : certaines formes peuvent être interprétées comme des fleurs ou des silhouettes.
En 1955, le prix Neumann lui est décerné, avec Réginald Pollack.
Lorsqu’éclate la guerre des Six jours (juin 1967), ce « Juif à mille pour cent » va en Israël. Arrivé le dernier jour du conflit, il reste dans un kibboutz.
Lorsqu’éclate la guerre des Six jours (juin 1967), ce « Juif à mille pour cent » va en Israël. Arrivé le dernier jour du conflit, il reste dans un kibboutz.
En 1968, il est « nommé par les étudiants, et non l’administration » des Beaux-arts, me confiait-il avec fierté en 2003. Ce conteur enseigne aux Beaux-arts jusqu’en 1985. L’un de ses collègues est alors Olivier Debré, dont l’un des tableaux exposés en 2003, à la Capitale Galerie, est celui acquis par Yankel.
En 1978, il contribue à la création des décors de la pièce de théâtre Othello de Shakespeare dans la mise en scène de Georges Wilson.
Depuis la charnière des XXe et XXIe siècles, cet artiste mêle peintures (zébrures, tâches vermillon ou azur) et collages de ses écrits ou d’objets divers récupérés.
En 2002, le musée municipal de Noyers-sur-Serein a présenté « Yankel Kikoïne, 52 ans de peinture ». Géologue, peintre et sculpteur, Yankel a présenté 105 œuvres « d’art marginal - de l’art nègre au style Dubuffet via le XVIIIe siècle français » - qu’il a données au musée de Noyers et 20 de ses huiles (1970-1980), mêlant collages et zébrures. La peinture de cet engagé dans « l’Armée des travailleurs étrangers » est « pleine de joie, de sensualité, de sensibilité exquise ».
En 2003, à la Capitale Galerie a rendu hommage à quatre peintres nés le même jour, le 14 avril 1920, et aux itinéraires divers : Debré, Philibert-Charrin, Quilici et Yankel. Cet alerte octogénaire récupèrait tout et bientôt les puces des ordinateurs...
En 2004, à la galerie Yoshii, Yankel (Jacques) Kikoïne a construit son exposition « D’images et d’écrits » autour d’une grande œuvre « Le Golem ». Il y a présenté une installation, 23 techniques mixtes, une sculpture et des objets sous verre ou plastique. Ce fils de Michel Kikoïne s’est souvenu de son enfance (« Autour de la Ruche »). Il a aussi zébré, peint des formes rouges ou bleues et collé ses écrits ou des choses récupérées.
En 2012, la Capitale Galerie a présenté l'exposition collective "30 artistes d'Ackermann à Yankel. Peinture, sculpture, dessin, gravure, litho". Parmi les œuvres montrées, deux tableaux du peintre et sculpteur Yankel.
En 2012, la Capitale Galerie a présenté l'exposition collective "30 artistes d'Ackermann à Yankel. Peinture, sculpture, dessin, gravure, litho". Parmi les œuvres montrées, deux tableaux du peintre et sculpteur Yankel.
Le 2 avril 2015, la Maison de la culture yiddish - Bibliothèque Medem proposa la visite de la Ruche avec Fanny Barbaray-Edelman.
Claire Maratier "évoque ici, avec douceur et humour, son enfance à la Ruche avec ses parents et leurs amis artistes, sa traversée de la guerre. Né le 14 avril 1920 à Paris, Jacques Kikoïne, dit Yankel, se souvient de son père, de la Ruche, de ses débuts de peintre, de mai 68, de l’École nationale des beaux-arts où il fut professeur".
Rétrospective
A Paris, la Galerie Claire Corsia proposera une rétrospective de Yankel (25 mai-12 juillet 2023). Vernissage le jeudi 25 mai 2023 de 18 h à 21 h.
« Pour certains artistes, l’art est une galère, une souffrance. Pour moi, ce fut un émerveillement permanent. Sortir de soi, faire surgir un jour ce qui était camouflé, planqué quelque part, c’est un grand mystère magique qui n’a pas fini de me hanter. Il vous ferait croire à Dieu ».
Yankel, Ed. de L’Amateur, 1994, p.42
"Jacques Yankel, pseudonyme de Jacques Kikoïne, est né le 14 avril 1920 à Paris et mort le 2 avril 2020 à Aubenas (Ardèche), à presque 100 ans. C’est un peintre, sculpteur et lithographe français de la seconde Ecole de Paris. Il est le fils du peintre Michel Kikoïne (1892-1968)."
« L’art et la poésie ne se nourrissent que de liberté. Obliger l’artiste à se choisir artificiellement un créneau plastique et s’y tenir alors que son destin est de chercher à abolir toutes les frontières, c’est le châtrer ! » Yankel, Raymond Laurent, Ed. Le Musée de poche, 1974, p.47
« Sur la toile un jour sont apparues ces grandes balafres noires... Je ne m’y attendais pas, je les avais bien entrevues par ci, par là, zébrant un coin de tableau, mais je n’y avais pas prêté attention… Je pensais naïvement que cela passerait, qu’on reviendrait à des choses sérieuses… ». « Yankel, peintures 1900 Ŕ 2000 », 1999, p.2.
Dans Yankel (Les Editions de l’amateur, 1984), Gérard Xuriguera présente ainsi cet artiste :
"INCARNER LE VIVANT
« La vie et l’oeuvre de Yankel, à l’analyse de son parcours, se rejoignent. Il n’est pas opportun de retracer méthodiquement son cursus, puisqu’il l’a fait mieux que personne avec humour et concision, mais d’en survoler quelques périodes, d’en affiner la synthèse.
Né à Paris dans une famille d’émigrés sans ressources, il vit son enfance et son adolescence à la Ruche, auprès d’un père, Kikoïne, lui-même peintre, aujourd’hui largement reconnu.
Très vite il se met à peindre puis fréquente sporadiquement l’Ecole des beaux-arts et travaille à l’imprimerie Draeger.
Après la guerre et l’obtention d’une thèse de doctorat en géologie, le ministère des Colonies l’envoie en mission au Mali, ancien Soudan français (à Gao, il se lie d’amitié avec Jean-Paul Sartre), afin de creuser des puits pour les Touareg.
En 1952, de retour à Paris, ayant délaissé le service public, il s’adonne complètement à la peinture et commence peu à peu à exposer à Paris et à l’étranger, tout en continuant de sacrifier à sa passion des voyages. Désormais, son oeuvre parvenue graduellement à maturité, il n’en finit pas de traquer les images et les émois qui traversent son existence.
En toutes circonstances, dans la rue, au Japon, aux Etats-Unis, en Afrique ou à Tahiti, il observe le spectacle du monde de son oeil gourmand, éternel curieux, continuellement émerveillé par les objets les plus humbles, les paysages les plus insolites.
Ennemi de l’hypocrisie, ami de ses amis, fidèle à lui-même et à ses engagements, épicurien, amoureux du beau dans toute l’acception du terme, il se montre tolérant, mais s’assigne des limites. Disert, chaleureux, à l’écoute de l’interlocuteur le plus anonyme, libre penseur, parfois truculent, solitaire cultivant la bonne compagnie, il apprécie les plaisirs simples.
Homme de culture, pédagogue clairvoyant - ses élèves de l’Ecole nationale des Beaux-arts ne l’ont pas oublié - il lui arrive d’être frondeur, de feindre l’innocence, et de manier la dérision avec un cynisme bienveillant.
Collectionneur impénitent d’oeuvres naïves, appellation qu’il réfute, de masques et d’objets africains, d’ustensiles voués au rebut, d’artistes contemporains, il est cet homme aimé et estimé, pudique et extraverti, sur lequel l’âge n’a pas de prise, qui donne à chaque rencontre sa valeur incessible.
Au carrefour de plusieurs cultures, fruit d’une expérience de vie riche et tumultueuse, son itinéraire artistique réverbère une étonnante fraîcheur d’expression rehaussée d’accents baroques, qui confèrent à sa syntaxe tantôt une dérive légèrement dramatique, tantôt une empreinte nostalgique, mais toujours une joie de peindre nostalgique, mais toujours une joie de peindre tonifiante. Yankel a choisi de cerner l’enveloppe des choses et de sonder leur intériorité, parce qu’il souhaite s’exprimer dans une liberté maximale, se fiant peu aux étiquettes et aux galonnages indus.
Dans les années 70, deux ans après le décès de son père, il s’appuie sur la littérature dans le but de la transposer et de la parodier en adoptant à ses visées la Thora et La fiancée juive. Il peint aussi des galets incorporés à des dalles de ciment et exécute des projets destinés à l’architecture. Les couleurs sont ardentes, les formes nervurées, les cadences allègres, comme ne manquent pas à l’inventaire la multiplication syncopée des saynètes sur la même toile, ni les reliefs adjacents.
De 1975 à 1980, il peaufine la courbe de son graphisme, jouant avec efficience des non-couleurs pendant que sa peinture ne néglige pas la nature morte ou les intérieurs aux fortes consonances et aux partages régulateurs.
Les années 80 voient s’affermir, dans son atelier ardéchois, son goût pour les assemblages d’objets hétéroclites, communs ou détonnants, sur toile ou sur papier, qui entretiennent un discours unitaire centré sur la capacité de transformation des choses ordinaires. Avec la même verve, entre 1985 et 1990, il insiste sur les virtualités du trait et leur étroite complicité avec les masses de couleur incisées de personnages linéaires.
L’univers, ses contradictions et ses métaphores aimantent en permanence l’œil inquisiteur jamais assouvi de Yankel, qui, pendant les années 90, expérimente sans relâche le champ opératoire qui s’offre à ses sens et à son entendement, pour les mouler dans sa relation obsessionnelle au réel. Il peint vite, à l’huile de préférence, comme il le confesse, s’il devait mourir le lendemain.
« On vit, renchérit-il, et on peint sans savoir », mais on pourrait commenter, pour savoir, car l’être est toujours « en route vers lui-même ».
Sur un versant contigu, comment ne pas s’arrêter brièvement sur la production que Yankel creuse et étoffe de longue date : ses reliquaires, ses assemblages ou ses ex-voto. Il y libère son imagination, en élisant poétiquement des objets prélevés au folklore artisanal, industriel ou urbain, qu’il débusque dans des décharges publiques, des greniers ou des brocantes. Des objets hors d’usage, dont il affectionne les tournures et les patines, qu’il dispose, enchâsse, décale, déboîte, et enfin soude sur des supports de bois ou de métal, de temps à autre grillagés ou peints, quadrangulaires ou semi-circulaires. Nous avons là un matériau vivant, kitsch dans sa symbolique et ses arrangements réfléchis, qui ont l’air de fonctionner comme une entreprise de sauvegarde de la culture populaire. Tout réside dans la manière de découper et de jumeler ces objets, de les départir et de les ordonner, en exploitant leurs différences, au-delà d’une volonté décorative et d’une quelconque tendance anecdotique. Objets détournés et réhabilités qui revêtent des allures de machines à rêver.
Au terme de cette chronique intime et fraternelle, qui forme un tout indissociable, chaque période fécondant l’autre, se révèle le visage d’un artiste insoumis et inventif, tour à tour romantique et constructeur, un peu sorcier et volontiers rationnel, dont les paradoxes assumés renvoient à sa revendication existentielle : incarner le vivant."
« Pis que peindre », par Yankel. Ed. Le Musée Egoïste-Chimères
Du 25 mai au 12 juillet 2023
323, rue Saint-Martin - 75.003 PARIS
Tél. : 06 62 84 03 74
Visuels :
« Autoportrait » 1960 Huile sur panneau 69 x 75 cm
« A priori » 2001 Collages sur toile 73 x 93 cm
« Mariage » 2000 Technique mixte sur toile 61 x 46 cm
« Ciel d’été » 1995 Huile sur toile 46 x 38 cm
« Etagère torsadée » 1995 Huile sur toile 120 x 90 cm
Courtesy Galerie Claire Corcia Paris
Visuels
Claire Maratier dans le film d'Isabelle Filleul de Brohy Souvenirs de Claire Maratier, fille de Michel Kikoïne
© DR
Jacques Kikoïne dit Yankel dans le film d'Isabelle Filleul de Brohy Souvenirs de Yankel, fils de Michel Kikoïne
© DR
Jusqu’au 28 janvier 2012
A la Capitale Galerie
18, rue du Roule. 75001 PARISA la Capitale Galerie
Tél. : 01 42 21 19 31
Du lundi au samedi de 11 h à 13h et de 14 h à 19 h 30
France
Shoah (Holocaust)
Cet article a été publié en une version concise dans Actualité juive, et sur ce blog les 9 janvier 2012 et 1er avril et 15 novembre 2015, 14 février 2016. Les citations proviennent du dossier de presse.
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