jeudi 30 janvier 2020

Les Arabes de « Jérusalem-Est »


Invité par l’Institut Jean-Jacques Rousseau (IJJR), David Pollock, Senior Fellow au Washington Institute, a présenté le 15 septembre 2010, à Paris, les résultats du sondage réalisé par Pechter Middle East Polls et le Council on Foreign Relations, avec le Palestinian Center for Public Opinion (PCPO), en novembre 2010 The Palestinians of East Jerusalem: What DoThey Really Want? Des résultats similaires ont été enregistrés lors de sondages au printemps et à l'été 2011. Emerge une forte préférence pour l’Etat d’Israël. On demeure cependant perplexe en lisant la terminologie des sondeurs. En 2019, Israël "a accordé la citoyenneté à 1 200 "Palestiniens" résidents dans la partie orientale de Jérusalem, un record, selon les chiffres du gouvernement".


Les sondages sur les habitants de "Jérusalem-Est" étant très rares, ce sondage suscite un grand intérêt. Non déçu.


Une préférence pour l’Etat d’Israël
Lors de la réunion de presse de l'IJJR présentant ce sondage, et dans son article publié sur son blog, l'écrivain et journaliste Michel Gurfinkiel, président de l’IJJR, a rappelé :

« Jérusalem-Est » n’existe pas en tant qu’entité administrative. Ce terme regroupe l’ensemble des quartiers et espaces de Jérusalem situés à l’est de la « ligne verte », l’ancienne ligne de cessez-le-feu israélo-jordanienne en vigueur de 1949 à 1967. Rattachés à la Jérusalem israélienne (« Jérusalem-Ouest ») en juin 1967, au lendemain de la guerre des Six Jours, ils se situent en fait au nord, à l’est et au sud de celle-ci. Leur superficie est de 64 kilomètres carrés, sur un total de 125 kilomètres carrés pour l’ensemble de la municipalité « unifiée » de Jérusalem. Ainsi définie, Jérusalem-Est comptait 66 000 habitants en 1967, arabes à 98 %. En 2008, elle comptait 456 000 habitants, soit 60 % de l’ensemble de la population de la Ville sainte. Dont 195 000 Juifs et 260 000 Arabes. Les habitants juifs de Jérusalem-Est se sont installés dans des quartiers dont ils avaient été chassés en 1948, comme la Vieille Ville, ou dans des quartiers nouveaux créés en général dans des no man’s lands d’avant 1967 ou des zones non urbanisées. Les habitants arabes, dont la croissance démographique a été de 300 % sous le régime israélien, habitaient déjà sur place avant 1967 ou ont immigré de Cisjordanie ou de Gaza depuis cette date ».


Les habitants de « Jérusalem-Est » détiennent la « carte bleue » israélienne (carte de résidents permanents). Ils peuvent « travailler et voyager en Israël, recevoir le même système de santé, d’indemnisation du chômage ou pour les handicapés que les Israéliens, ont le droit de vote aux élections municipales, mais pas aux élections nationales. Les Arabes palestiniens de Judée, de Samarie et de la bande de Gaza ne sont pas titulaires de ces droits », indique l’institut de sondage Pechter Middle East Polls.


Senior Fellow au Washington Institute, ancien directeur du Moyen-Orient au service de planification politique du département d'Etat, conseiller à l’institut Pechter et arabisant, le Dr.David Pollock a élaboré le sondage, l’a supervisé et analysé.


Pechter Middle East Polls a lancé et analysé ce sondage mené pendant trois semaines en novembre 2010 par une firme palestinienne de sondage de la Judée-Samarie, le Palestinian Center for Public Opinion (PCPO) dirigé par le Dr. Nabil Kukali.

Le PCPO a recouru à des interviews en arabe, à domicile, en face-à-face, auprès d’un échantillon représentatif de 1 039 hiérosolymitains de Jérusalem-Est, musulmans et chrétiens : composés à part quasi égale d’hommes et de femmes, ces sondés ont pour 68% d’entre eux moins de 36 ans. Environ  35% travaillent dans le secteur public, 30% dans le privé. Cet échantillon comprend 21% étudiants, 22% ouvriers, 22% employés, 13% femmes au foyer. La marge d’erreur du sondage s’élève à 3%.


L’un des résultats les plus surprenants est que, si la solution à deux Etats était retenue de manière permanente, seulement 30% des sondés préfèreraient la nationalité palestinienne dans le cadre de la solution à deux Etats. Environ 35% préfèreraient la nationalité israélienne et 35% ne répondent pas ou ne savent pas répondre.


Et 39% répondent que la plupart de leurs voisins préfèreraient la nationalité israélienne ; 31% que la plupart préfèreraient la nationalité palestinienne ; 30% ne répondent pas ou ne savent pas répondre.


De plus, si leur voisinage devenait une partie reconnue internationalement comme israélienne, 54% y resteraient, 27% partiraient pour la Palestine et 19% ne savent pas. Si leur voisinage était inclus dans une partie reconnue internationalement de la Palestine, 40% des sondés iraient vivre en Israël, 37% resteraient en Palestine et 23% ne savent pas.


Si les sondés sont satisfaits de leur qualité de vie (44%), ils considèrent à hauteur de 56% que les services municipaux de la capitale israéliennes opèrent une discrimination à leur égard. Ils qualifient de problèmes importants les délais/restrictions aux checkpoints (52%), ceux liés au « mur » (64%), les crimes (39%), les menaces/intimidations des habitants Juifs des implantations (32%), de la police et des garde-frontières israéliens (26 %), corruption/malversations des responsables municipaux de Jérusalem (25%), mais aussi la corruption/malversations des dirigeants de l’Autorité palestinienne (24%) et les menaces/intimidations de groupes palestiniens (14%).


Sur leur identité, 72% des habitants de Jérusalem-Est interrogés estiment leur identité musulmane comme importante et très importante, 68% insistent sur leur identité palestinienne, 68% mettent en avant leur qualité de hiérosolymitains, 66% celle d’Arabes.


Ils sont 49% à considérer de modérément à extrêmement importante leur sympathie pour le Fatah, 51% celle pour le « Mouvement islamique à l’intérieur de la Ligne Verte » et 46% pour le Hamas.


Les motifs de leur préférence pour la citoyenneté israélienne ? En premières positions, la liberté de mouvement (25%), un revenu plus élevé (24%), la sécurité sociale (24%), les opportunités professionnelles (15%). La situation politique (8%) se trouve en antépénultième position.


Les motifs de leur préférence pour la citoyenneté palestinienne : en premières positions, nationalisme et patriotisme (41%), l’affiliation religieuse/accès aux lieux de pèlerinage (12 %), l’identité arabe (11%).


S’ils deviennent citoyens de l’Etat de Palestine, ils seraient inquiets – un peu à très - par une perte d’emploi à Jérusalem-Est et en Israël (87%), une hausse du niveau de la corruption (86%), et d’éventuels changements dans la liberté d’expression (74%).


S’ils devenaient citoyens israéliens dans une zone reconnue comme israélienne, ils seraient inquiets de perdre l’accès à la mosquée al-Aqsa et à la Vieille Ville (74%), la discrimination (70%), la perte de leur foyer ou terre en Palestine (66%), la fin de leurs relations avec leurs familles/amis (64%), un mauvais comportement moral de leurs enfants (63%) et la perte de la liberté de mouvement en Palestine (61%).


S’ils étaient citoyens d’un Etat de Palestine après un accord exhaustif de paix, les éléments les plus importants de cette nationalité palestinienne dans cet Etat : pour 81%, c’est la famille et des amis dans la rive occidentale du Jourdain, pour 68% être citoyen d’un Etat arabe, 65% résider dans un pays majoritairement musulman.


S’ils étaient citoyens de l’Etat d’Israël vivant dans cet Etat après un accord exhaustif de paix, les bénéfices les plus importants de cette citoyenneté sont pour 68%, la sécurité sociale, pour 67% les facilités israéliennes, pour 64% les bénéfices liés aux régimes liés au chômage et aux handicapés, pour 62% le marché d’emploi israélien, et pour 60% la retraite.


Si « les directions israélienne et palestinienne s’accordent sur un accord de paix pour mettre un terme au conflit, en divisant Jérusalem entre Israël et la Palestine, pensez-vous que des groupe de résistance continueront la lutte armée » ? La réponse est Oui pour 41%, 31% pour Non ; 28% ne savent pas.


A la question « Si ces groupes continuent la lutte armée dans ce contexte, pensez-vous que des proches dans votre voisinage approuveront la poursuite de la lutte armée ? » 28% ne savent pas, 19% avancent très peu, et le reste (62%) pensent qu’ils serait d’accord.


Si l’Autorité palestinienne demande la reconnaissance unilatérale de la Palestine par l’ONU, 34% pensent que cela aura un effet positif, 35% un effet négatif ; 27% n’envisagent presqu’aucun effet pratique.


Ce sondage a été actualisé au printemps et à l’été 2011, notamment du 4 au 10 septembre 2011. Les résultats vont dans le même sens que ceux de novembre 2010.

Une terminologie « palestiniennement correcte »
Ces résultats – préférence pour l’Etat d’Israël - s’avèrent d’autant plus surprenants que Mahmoud Abbas (Abu Mazen) a su rallier de nombreux pays à la reconnaissance unilatérale d’un Etat palestinien et que l’économie palestinienne connaît une croissance considérable depuis quelques années. Manque d’espoir dans leur avenir national ? Espoir d’une disparition à terme de l’Etat d’Israël ?


Force est de constater la primauté de l’identité musulmane – appartenance à l’umma – légèrement avant celle palestinienne ou arabe.


Ce sondage a été réalisé par des professionnels, américains et palestiniens. Ce qui surprend et choque, c’est la terminologie qui n’est pas toujours neutre. Exemples : « le mur » pour la barrière de protection, « la lutte armée de la résistance » pour le terrorisme. Un sondeur  doit-il utiliser ces vocables relevant de la propagande palestinienne pour être accepté, audible et compris des sondés palestiniens, chrétiens ou musulmans ? Ce qui serait révélateur à plus d'un titre. Mais pourquoi l’institut Pechter et le Council on Foreign Relations, deux organismes américains, l'ont-ils accepté ou n'ont-ils pas exprimé une distance ou du moins rédigé une remarque en avant-propos du sondage sur ces termes ?

De plus, les partisanns de la création d'un nouvel Etat palestinien en Judée, Samarie et Gaza justifient leur cession de ces territoires par la volonté de garder un Etat Juif composé d'une majorité de citoyens Juifs. Or, ce sondage démontre que cet Etat palestinien augmenterait le nombre d'Arabes palestiniens en Israël. Ce qui avait été exprimé dans le colloque de Raison garder L'avenir de Jérusalem.

Enfin, ce choix pour l’Etat d’Israël relève essentiellement de raisons matérielles, financières. Dès lors, deux questions perdurent : l’Etat d’Israël acceptera-t-il la liberté de circulation de ressortissants de l’Etat de Palestine qui, selon les discours de Mahmoud Abbas ou de Maen Rashid Areikat, ambassadeur de l’AP aux Etats-Unis, sera Judenrein (sans Juif) ou imposera-t-il une réciprocité avec l’Etat palestinien ? L’Etat d’Israël doit-il accepter que des Arabes palestiniens le rejoignent sans partager ses valeurs, son histoire, son récit national ?


Quand je l’ai interrogé, David Pollock a répondu : « Ce sont des questions politiques nouvelles. Les décideurs politiques n’ont pas encore trouvé de réponses. Quant aux valeurs, on n’a pas besoin d’attendre des Palestiniens de Jérusalem-Est ou des Arabes israéliens qu’ils soient sionistes ou loyaux à l’égard d’une entité juive ou acceptent Hanoucca comme jour férié tant qu’ils sont des citoyens ou résidents respectueux des lois, pacifiques et qui acceptent la démocratie ».

Statistiques.  En 2011, la population de Jérusalem est estimée à 801 000 habitants, dont 64% de Juifs et autres non-Arabes, et 36% d'Arabes.
En 2011, vivaient dans la capitale de l'Etat d'Israël 497 000 juifs, 281 000 musulmans, 14 000 chrétiens et 9 000 personnes sans affiliation religieuse.
De 1967 à 2011, la population de Jérusalem a augmenté de 200% : celle Juive de 157% et celle Arabe de 327%.
En 2010, 474 000 (Juifs et Arabes) vivaient dans des zones qui ont été ajoutées à Jérusalem en 1967. Ils représentent 60% de la population de Jérusalem. Environ 192 000 Juifs et non Arabes vivaient dans des zones voisines ajoutées à Jérusalem en 1967, soit 41% de la population de ces zones. Environ 280 900 Arabes, soit 59% de la population, résidaient dans ces zones.
Les voisinages à la population Juive la plus importante dans Jérusalem sont Ramot avec 41 400 résidents, Pisgat Ze’ev avec 40 400 résidents et Gilo avec 29 600 résidents.

En 2019, Israël "a accordé la citoyenneté à 1 200 "Palestiniens" résidents dans la partie orientale de Jérusalem, un record, selon les chiffres du gouvernement". Il s'agit d'un chiffre trois fois plus élevé qu'en 2018 tandis que le nombre de demandes de citoyenneté refusées - également environ  .200 - a également atteint un niveau sans précédent. Ce record est notamment dû à une décision de la Cour suprême l'année dernière qui a critiqué l'inefficacité du système de demande de citoyenneté et avait demandé au gouvernement israélien d'accélérer la procédure". 

Le 1er janvier 2020, "la police et les inspecteurs municipaux de Jérusalem ont retiré un drapeau palestinien géant qui était accroché au-dessus d'un mur de la Vieille ville de Jérusalem", près de la porte de Damas, appelée aussi « porte de Shekhem » ; Shekhem est le nom hébraïque, antique, de Naplouse. "Le drapeau, sur lequel figuraient les visages de l'ex-dirigeant palestinien Yasser Arafat et du président de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas, a été placé par un inconnu sur le mur près de la porte de Damas mercredi après-midi. Un suspect a été arrêté, selon les médias israéliens. Le maire de Jérusalem, Moshe Lion, a dénoncé cet acte qui, selon lui, remet en cause "le contrôle israélien de la ville". "La seule souveraineté à Jérusalem est israélienne," a-t-il rappelé. L'incident est survenu alors que le groupe du Fatah dirigé par Abbas marquait son 55ème anniversaire avec des marches en Cisjordanie et à Gaza. Des marches similaires sont prévues ailleurs en Cisjordanie dans les prochains jours."


Cartes :
"Jérusalem-Est". © Pechter Middle East Polls
Jerusalem Municipal Area. © 2000 Copyright Carta, Jerusalem
Jerusalem and Surrounding Area - January 2000. © 2000 Copyright Carta, Jerusalem

Articles sur ce blog concernant :
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Judaïsme/Juifs
Monde arabe/Islam
Cet article a été publié pour la première fois le 27 septembre 2011. Cet article est l'un des deux articles republiés le 17 mai 2012 à l'approche du Jour de Jérusalem (28 du mois hébraïque d'Iyar, soit en 2012, du 19 mai au soir au 20 mai). Jérusalem, cité réunifiée lors de la guerre des Six-jours (1967) et capitale éternelle et indivisible de l'Etat d'Israël.

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