Citations

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« Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort. Il est de porter la plume dans la plaie. » (Albert Londres)
« Le plus difficile n'est pas de dire ce que l'on voit, mais d'accepter de voir ce que l'on voit. » (Charles Péguy)

vendredi 15 novembre 2024

Yarmouk, les enjeux de la ville syrienne assiégée

Créée en 1957 par des réfugiés palestiniens, Yarmouk est une ville de 2 km² au sud de Damas, en Syrie. 
De 2013 à 2015, Yarmouk a été assiégé, vidé d'une grande partie de ses habitants, et de violents combats ont opposé les forces du Président Bachar al-Assad, finalement victorieux, à l'Etat islamique (ISIS). Des terroristes palestiniens ont combattu dans les deux camps. Arte diffusera le 19 novembre 2024 à 00 h 45 « Little Palestine, journal d'un siège  » d’Abdallah Al-Khatib. 

Les chrétiens en "Palestine"
The UNRWA Commissioner-General Karen Abu Zayd’s biased discourse
« Gaza, la vie » par Garry Keane 

"Situé à 7 kilomètres du centre de Damas, Yarmouk était initialement un camp de réfugiés créé par l'ONU dans les années 1950 pour accueillir les" Arabes ayant quitté la Palestine mandataire lors de la guerre d'indépendance de l'Etat d'Israël recréé en 1948. "Il s'est transformé au fil des décennies en un quartier résidentiel et commercial, qui s'étend sur 2 km², mais a gardé son nom de "camp". Avant le début du conflit syrien en 2011, il abritait environ 160 000 réfugiés palestiniens, ainsi que des Syriens. Désormais, seules quelques milliers de personnes y vivent. Fin 2012, quelque 140 000 réfugiés ont fui Yarmouk en une semaine, alors que le régime y menait une campagne de bombardements pour tenter de contrer l'avancée des jihadistes. L'organisation État islamique" (ISIS), avec l'aide des terroristes du Front al-Nosra, l'ex-branche d'Al-Qaïda, s'est emparée en avril 2015 du camp de Yarmouk avant d'en expulser un an plus tard son rival jihadiste." De 2013 à 2015, Yarmouk a été assiégé.

Les "Palestiniens" ont lutté dans les deux camps : aux côtés de l'Etat islamique et aux côtés des forces de Bachar al-Assad. 
 
"Le Hamas, l’organisation qui contrôle la bande de Gaza, a toujours été présente à Yarmouk, aux côtés de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), mais après l’entrée des rebelles syriens, il s’est retrouvé maître incontesté du camp. Le Hamas a alors commencé à apporter des armes, des agents et des services sociaux au camp de réfugiés. Peu de temps après, Aknaf Beit al-Maqdis a été créée et est devenue la nouvelle organisation faîtière du Hamas à Yarmouk, dédiée à l’alliance avec les rebelles anti-Assad et avec le Front Jabhat Al Nusra. Ainsi, au début de 2013, les médias internationaux ont rapporté la crise humanitaire dans le camp, les organisations palestiniennes OLP et Fatah, traditionnellement neutres dans le conflit syrien, ont quitté Yarmouk et les combattants du Hamas se sont alignés avec les rebelles contre Assad et l’Iran. Le Front populaire de libération de la Palestine (FPLP-CG) et l’Armée de libération de la Palestine, toujours alliés de Damas, ont fui le camp de réfugiés palestiniens et de nombreux d’entre eux ont perdu la vie.", a écrit Monique Mistretta dans "Syrie, la bataille du camp de Yarmouk : les jeux du Hamas, du Front sunnite et de l'Iran", 14 mai 2015, traduit de l'italien à l'anglais par Roberto Mahlab).
 
"Quel besoin de rappeler au monde le sort des Palestiniens de Syrie ? Parce que la communauté internationale et les groupes propalestiniens de par le monde se moquent comme d'une guigne des atrocités commises contre les Palestiniens en Syrie et ailleurs dans le monde arabe. Personne n'en parle si ces crimes n'ont pas été commis par Israël. Mahmoud Abbas, âgé de 82 ans, a fait connaître ses priorités. Lesquelles ne sont pas d'aider son peuple en Syrie et dans la bande de Gaza, où les hôpitaux manquent de carburant et de médicaments. Abbas s'est offert un "avion présidentiel" de 50 millions de dollars. Abbas, s'en moque. Il estime que c'est au monde entier de prendre soin de son peuple. Le monde entier sauf lui, doit financer l'aide aux Palestiniens. Prononcer un discours devant le Parlement européen ou devant l'Assemblée générale des Nations Unies passe avant les Palestiniens qui meurent faute de médicaments et de nourriture", a écrit Khaled Abu Toameh ("Palestiniens : ces Atrocités dont Personne ne Parle", 23 février 2018).

Et ce journaliste basé à Jérusalem a ajouté :
"Un camp de réfugiés palestiniens est en état de siège depuis plus de 1660 jours. Des centaines de résidents du camp ont déjà été tués, et des dizaines de milliers d'autres ont dû fuir leurs maisons.
Ceux qui n'ont pu quitter le camp - principalement les personnes âgées, les femmes et les enfants - vivent dans des conditions sanitaires indicibles et boivent de l'eau croupie.
Dans ce camp assiégé depuis 2103, plus de 200 Palestiniens sont morts faute de nourriture ou de médicaments
Depuis 2012, Yarmouk a été l'épicentre de terribles combats entre les différentes factions : les forces de l'opposition syrienne, l'armée syrienne et ses alliés du Front populaire de libération de la Palestine - Commandement général (FPLP-CG), un groupe terroriste palestinien dirigé par Ahmed Jibril et l'État islamique (ISIS).
En 2015, en dépit du siège imposé par l'armée syrienne alliée au groupe terroriste palestinien FPLP-GC, l'Etat islamique a réussi à prendre le contrôle de plusieurs quartiers de Yarmouk.
La vie des résidents palestiniens est alors devenue un enfer.
N'imaginons pas qu'avant l'arrivée de l'Etat islamique, les conditions de vie des Palestiniens étaient bonnes. Régulièrement, l'armée syrienne et le FPLP-GC ont pilonné les maisons et les écoles de Yarmouk à l'artillerie lourde. Des dizaines de réfugiés, femmes et enfants, ont ainsi été tués. L'armée syrienne et son séide terroriste palestinien assiègent le camp, empêchant l'arrivée de nourriture et de médicaments.
Parallèlement, à l'intérieur du camp, l'Etat islamique commet des atrocités au quotidien. La semaine dernière, par exemple, des terroristes de l'Etat islamique ont traîné deux Palestiniens en place publique et les ont exécutés devant la foule stupéfaite. Les deux suppliciés ont pu être identifiés ; Ramez Abdullah a reçu une balle dans la tête et et Bashar Said a eu la gorge tranchée dans le style habituel de l'Etat islamique.
Un « tribunal » de l' Etat islamique avait jugé et condamné les deux hommes pour espionnage au profit du FPLP-CG et d'Aknaf Beit Al-Makdis ("Les partisans de Jérusalem"), un groupe palestinien en lutte contre l'Etat islamique à Yarmouk.
De telles exécutions publiques sont loin d'être rares.
En février 2107, l'Etat islamique a exécuté un certain Mohammed Attiyeh. Un mois plus tard, quatre autres Palestiniens ont été assassinés. En juillet de la même année, l'Etat islamique a exécuté Mohammed Elayan, un adolescent palestinien pour avoir secouru des blessés d'un groupe anti-Daech...
Pour ajouter au malheur des Palestiniens, des sources à l'intérieur du camp rapportent que les terroristes de l'Etat islamique ont fait main basse sur la nourriture dans les magasins et les maisons.
Le Groupe d'action pour les Palestiniens de Syrie affirme que l'Etat islamique empêche les patients de quitter le camp pour suivre un traitement médical.
« La crise humanitaire a atteint de nouveaux sommets à Yarmouk » a déclaré le groupe. « Le manque de nourriture et de médicaments a entraîné l'apparition de plusieurs maladies parmi les habitants du camp. »
Le sort de Yarmouk est un microcosme de la tragédie qui accable les Palestiniens de Syrie depuis le début de la guerre civile.
Le Groupe d'action pour les Palestiniens de Syrie a chiffré à 3645 - dont 463 femmes - le nombre de Palestiniens tués depuis 2011. Par ailleurs, 1656 Palestiniens – dont 105 femmes - sont détenus dans diverses prisons du gouvernement syrien...
Quel besoin de rappeler au monde le sort des Palestiniens en Syrie ? Parce que la communauté internationale et les groupes propalestiniens de par le monde semblent se moquer comme d'une guigne des atrocités commises contre les Palestiniens en Syrie et ailleurs dans le monde arabe. Personne ne parle des crimes commis contre les Palestiniens si ces crimes n'ont pas été commis par Israël".

La "rue Arabe" et ses complices n'ont pas organisé de manifestations pour dénoncer cette guerre. 

« Little Palestine, journal d'un siège » 
« Abdallah Al-Khatib est né en 1989 à Yarmouk. Il a étudié la sociologie à l’Université de Damas. »

« Avant la révolution, il travaillait pour l’ONU comme coordinateur des activités et des bénévoles, ainsi qu’à l’UNRWA (Office de Secours et de Travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient) comme responsable du Centre de Soutien à la Jeunesse (Youth Support Center) de Yarmouk. » 

« Avec plusieurs amis, il a créé l’association d’aide humanitaire Wataad qui a porté des douzaines de projets dans plusieurs régions de Syrie, et en particulier à Yarmouk. »

En mars 2015, après la conquête de Yarmouk par l'Etat islamique (ISIS), il est expulsé.

« Il a participé à plusieurs films documentaires relatant la vie du camp, à des postes divers. Il est notamment un des cadreurs de 194. Us Children of the Camp de Samer Salameh, qui fit sa première à Visions du Réel en 2017. L'histoire ? "Samer a grandi en Syrie dans le plus grand camp de réfugiés palestiniens du Moyen-Orient. En 2011, il est contraint de rejoindre l’armée de libération de la Palestine en Syrie, alors qu’à Damas, la révolution éclate. Il se met alors à filmer, puis ses amis à leur tour enregistrent tous les moments marquants de leur quotidien".

Il a également organisé des ateliers vidéo pendant le siège. La revue allemande Peace Green l’a identifié comme un des « peacemakers » 2014. En Suède, il a reçu le Per Anger Human Rights Award en 2016. »

« Abdallah Al-Khatib vit actuellement en Allemagne, où il a récemment obtenu le statut de réfugié politique. »

Arte diffusera le 19 novembre 2024 à 00 h 45 « Little Palestine, journal d'un siège » d’Abdallah Al-Khatib. « Filmée de l'intérieur entre 2012 et 2015, la chronique du siège de Yarmouk, immense camp palestinien aux portes de Damas affamé par le régime syrien. À l'opposé du misérabilisme, le journal intime d'une résistance collective. »

« En 2012, alors que la Syrie sombre dans la guerre civile après la répression sanglante de la révolution, le régime assiège le quartier de Yarmouk, plus grand camp de réfugiés palestiniens au monde, dans la banlieue de Damas, estimant qu'il sert de refuge aux rebelles. »

« Encerclés par l'armée de Bachar al-Assad, qui les bombarde régulièrement et ne laisse rien ni personne entrer ou sortir du quartier, ses habitants, privés de travail, d'école et d'hôpitaux, manquent très vite aussi de nourriture, de médicaments, d’électricité, d’eau. »

« Détenteur d'une caméra léguée par un ami qui a tenté de s'enfuir, avant de mourir sous la torture, le jeune Abdallah al-Khatib, ancien employé de l'ONU, entreprend de filmer au jour le jour cette lente asphyxie et les stratégies de survie qu'elle suscite, avec la mort qui avance et les rues obturées comme seuls horizons. »

« Souvent dans les pas de sa mère, devenue infirmière bénévole auprès des personnes âgées du camp, il montre sans fard le dénuement croissant, l'angoisse, l'attente, la faim. »

« Mais il témoigne aussi de la solidarité, à commencer par la sienne propre, et de la résistance individuelle et collective que la population oppose à la férocité de l'arbitraire. »

« En 2015, Yarmouk, que ses habitants appelaient leur "petite Palestine", est tombé avec l’accord tacite du régime syrien sous le contrôle de l’État islamique, puis a été rasé en 2018 sous ce prétexte. »

« Expulsé en 2015 et réfugié en Allemagne, Abdallah al-Khatib y a réalisé, avec ses images tournées au jour le jour, ce bouleversant journal intime, rythmé en voix off par sa réflexion a posteriori sur l'expérience du siège. »

« Tissant des séquences parfois hallucinantes, il fait de ces souffrances partagées la trame d'un récit universel. Tout à la fois chronique, poème et hommage à ses anciens concitoyens, morts ou dispersés à travers le monde, son film donne voix et corps au refus de l'annihilation, exprimé avec une impressionnante dignité par celles et ceux, des très jeunes enfants aux plus âgés, qui dialoguent avec sa caméra. »

Grand Prix et Prix des Étudiants du Festival 2 Cinéma de Valenciennes 2021

Présenté au festival de Cannes 2021 dans la programmation de l'ACID (Association du Cinéma Indépendant pour sa Diffusion), ce film obtient la même année le Prix Ulysse au Festival du cinéma méditerranéen de Montpellier

Tanit d’or, Carthage 2021 - Meilleur film, IDFF de Yamagata 2021 - Prix Coup de cœur des jeunes, ACID - France Culture 2022

Le film a été soutenu par la Ligue des droits de l'Homme (LDH).

Sur les réseaux sociaux, est diffusée une image extraite du film « Little Palestine, journal d'un siège » d’Abdallah Al-Khatib. Cette image montre des hommes et des garçons. Quelqu'un brandit le drapeau palestinien. 
Les paroles de ce groupe sont traduites en anglais et indiquées en sous-titre : "Oh Mother ! God is greater than they are!" Traduction en français : "Dieu est plus grand qu'eux !", et en arabe : "Allah Ouakbar !" Le takbir. Un cri du djihad.

Vers 1'09-1'10 de la bande annonce du film « Little Palestine, journal d'un siège » d’Abdallah Al-Khatib infra, une carte en forme de l'Etat d'Israël - leur "Palestine" ? - est brandie dans un rassemblement, entourée de drapeaux palestiniens. Des inscriptions figurent sur cette carte colorée. Les femmes portent le voile islamique.



« La plus redoutable prison de l’assiégé, c’est le temps »
Entretien avec Abdallah Al-Khatib
Propos recueillis par Rasha Salti

« Pouvez-vous nous parler un peu de votre formation ? Avez-vous fait des études de cinéma ?
J’étudiais la sociologie à l’Université de Damas quand la révolution a éclaté. À présent, j’espère pouvoir terminer mes études ici, en Allemagne. La sociologie me fascine, et j’aimerais effectuer des recherches universitaires dans ce domaine, en particulier sur le camp de réfugiés de Yarmouk et la situation des Palestiniens en Syrie.
Nous, les Palestiniens, sommes devenus l’objet de tant d’études que nous ne nous envisageons pas nous-mêmes en tant que chercheurs. C’est une position que je trouve infantilisante, comme si nous ne pouvions pas raconter nos histoires et nos réalités parce que nous ne possédons pas le langage ou les outils adéquats.

Quelle est votre relation avec la caméra, comment avez-vous commencé à filmer ?
Avant la Révolution Syrienne et le siège de Yarmouk, je n’avais jamais utilisé une caméra. Je travaillais à l’UNRWA (United Nations Relief Works Agency), dans des programmes de développement et de soutien à la jeunesse. La Révolution a tout changé, le rôle de chacun a été transformé par l’urgence politique.
Hassan Hassan, mon ami proche, s’est mis à filmer dès le début des événements. Lorsqu’il a décidé de quitter le camp après l’intensification du siège, il m’a confié sa caméra. La toute première séquence que j’ai filmée a été son départ : nous étions tous les deux sur nos scooters, en train de discuter. Puis il a tenté de franchir clandestinement le checkpoint, et il s’est fait arrêter par les forces du régime syrien qui l’ont torturé à mort (NB : Hassan Hassan est un des protagonistes du film d’Axel Salvatori-Sinz, Les Chebabs de Yarmouk). Hassan était parti, et j’avais gardé sa caméra. Je ne savais pas comment l’utiliser, mais je me sentais le devoir de filmer et de documenter notre quotidien et les crimes commis par le régime syrien contre les Palestiniens. J’ai commencé à filmer et à accumuler des séquences, mais je me suis abstenu de les mettre en ligne et de les faire circuler, ne sachant pas comment, ni quand ni qui pourrait les utiliser. Je n’avais pas le sentiment que ces séquences m’appartenaient, parce qu’elles contenaient des réalités et des histoires des personnes vivant en état de siège. Ma seule préoccupation était qu’elles soient utilisées dans un contexte qui rende justice à la souffrance de ces gens. Je filmais sans imaginer qu’un jour j’envisagerais d’en faire un film. Je ne savais pas que je survivrais au siège.
Après avoir quitté Yarmouk, à chaque étape de mon déplacement d’un lieu à l’autre, et même après avoir atteint le nord de la Syrie et être entré clandestinement en Turquie, je n’ai conservé aucun des disques durs, de peur qu’ils ne soient confisqués ou détruits. Je les avais confiés à des amis qui les ont acheminés en lieu sûr.
Ce n’est qu’à mon arrivée en Allemagne que j’ai pu voir le contenu des disques et que j’ai commencé à travailler sur l’écriture et le montage du film.

Donc vous n’aviez aucun des disques durs quand vous avez quitté le camp. Mais vous aviez gardé la caméra ?
Oui, j’avais gardé la caméra. J’ai continué à filmer jusqu’à ce que j’arrive en Turquie. C’est là que nous nous sommes séparés, quand j’ai décidé de partir pour l’Allemagne. Il était logique que je ne garde pas la caméra d’Hassan et qu’elle continue d’être utilisée par ceux qui restaient dans le nord de la Syrie.

Quel est votre rapport à la caméra aujourd’hui ?
Je vis maintenant à Berlin. J’ai acheté une caméra et je me retrouve à filmer tout le temps. Il y a une cigogne qui se pose tous les jours devant ma fenêtre, c’est comme si j’avais un rendez-vous quotidien pour la filmer. Peut-être que la principale raison pour laquelle je filme autant aujourd’hui est qu’il était difficile de le faire pendant le siège. Des caméras étaient disponibles, mais nous devions être très économes, sûrs de ce que nous allions filmer, car nous étions limités par la durée de vie des batteries, la capacité de stockage des cartes-mémoire et du disque dur. Les coupures de courant intempestives rendaient le chargement des batteries difficile, et la mise en ligne du matériel impossible.

Je voudrais vous parler de la scène avec les enfants qui ramassent et mangent des herbes dans un champ. Les aviez-vous remarqués auparavant ou bien êtes-vous tombé sur eux par hasard ?
Seule une séquence du film a été mise en scène : celle où l’on me voit appeler ma mère depuis la rue. Celle-ci, j’ai demandé à un ami de la filmer. À cette exception près, aucune des scènes n’a été préparée avant d’être filmée. Je prenais la caméra et je me promenais sans but précis. Je n’étais pas très conscient des choix que je faisais pour filmer telle ou telle scène.
Dans l’une des dernières scènes du film, on voit Tasnim, la petite fille, en train de ramasser des herbes et en arrière-plan, on entend le bruit des bombardements. Certains de mes amis ont pensé que nous avions ajouté cet effet en postproduction. Or le son est réel, un bombardement avait lieu à ce moment-là. La scène a été filmée à la sortie du camp, près de la ligne de démarcation où affrontements et bombardements étaient fréquents.
La plupart du temps, les gens évitaient de s’y rendre parce qu’ils avaient peur des explosions et des balles de sniper. J’avais moi-même très peur lorsque je traversais cette zone avec ma caméra. J’ai vu cette jeune fille, accroupie dans les herbes, qui semblait indifférente au vacarme des bombes autour d’elle. Elle ramassait des herbes calmement, avec soin, et les mettait dans le sac à côté d’elle.
J’ai trouvé la scène étonnante, alors j’ai décidé de m’approcher avec ma caméra pour lui parler. Ce n’est qu’après avoir visionné les images que j’ai réalisé que c’est elle, en réalité, qui avait mené la conversation entre nous.

Qu’en est-il de la scène dans la cour de récréation avec les enfants qui courent vers la caméra ? Vous leur demandez de quoi ils rêvent, et leurs réponses sont si dures malgré leurs yeux rieurs et innocents. Pensez-vous qu’ils « jouaient » devant la caméra ou qu’ils étaient si proches de vous qu’ils n’y prêtaient même pas attention ?
J’avais une relation spéciale avec ce groupe d’enfants. J’étais leur entraîneur de football et je les voyais tous les jours, bien que je ne sache pas vraiment jouer au football moi-même. En fait, nous avons perdu tous nos matchs, puis le tournoi ! Mais nous avons noué des liens profonds d’affection et de confiance. La confiance fut la clé de notre relation, à mon avis. La caméra était toujours avec moi dans la cour de récréation, et j’ai filmé la plupart de nos échanges, ce qui a renforcé la confiance qu’ils avaient en moi et nous a permis de développer une certaine intimité. La spontanéité et la puissance de cette scène s’expliquent par le fait que la réalisation d’un film n’était pas le but premier de nos échanges. Nous étions là pour jouer, et la présence de la caméra était accessoire.
J’aimerais vous interroger sur la perception du temps pendant le siège, d’abord en tant que temps vécu, puis sur sa transformation en tant que temporalité du film. Comment avez-vous réussi à transformer cette expérience vécue en une forme cinématographique aussi authentique ? Dans l’expérience vécue du siège, les jours de la semaine restent-ils les mêmes ? Par exemple, le vendredi reste-t-il le même ou perd-il sa signification ?
J’ai écrit un texte sur mon expérience du siège qui s’intitule « Les Quarante règles du siège ». La toute première règle concerne spécifiquement le temps. Parce que le siège bouleverse la temporalité. La notion de journée change. Une journée ne se définit plus par le lever et le coucher du soleil, mais par votre première et dernière bouchée de nourriture. En état de siège, les gens ne se réfèrent plus aux salutations habituelles du matin ou du soir, ils demandent plutôt : « Qu’as-tu mangé aujourd’hui ? ». Peu importe que l’on soit vendredi ou samedi. Les déplacements sont liés à la recherche de nourriture, le temps y devient donc également lié. Le temps en état de siège est long et morbide. La journée ne se termine pas toujours, à moins que vous trouviez de la nourriture. Dès lors que vous en trouvez, le temps paraît moins long.
Alors que le siège s’intensifiait, j’ai écrit : « Je ne vois pas de fin au siège au-delà de ma propre mort, et aucune fin à ma mort au-delà du siège. » Ce que je voulais dire, c’est que je ne trouvais plus de sens à la vie en dehors de cet endroit. Et même si je parvenais à en sortir, quelque chose en moi resterait assiégé et lié à des souvenirs qui refusent d’être effacés.
Je me souviens, par exemple, de la semaine de mon arrivée en Turquie. Mes amis étaient surpris que je continue à utiliser la lumière de mon téléphone portable. J’avais perdu le réflexe d’allumer la lumière, d’appuyer sur l’interrupteur. J’avais également oublié la sensation banale de prendre une douche avec de l’eau chaude sans que personne n’attende à la porte ou ne me fasse signe de ne pas utiliser trop d’eau. Ou le fait d’ouvrir un réfrigérateur et d’y trouver de la nourriture, parce qu’à Yarmouk, nous utilisions les réfrigérateurs comme placards pour ranger les vêtements et autres objets.

Pouvez-vous nous parler de la façon dont les relations humaines ont évolué pendant le siège ?
Par exemple, votre mère, Oum Mahmoud, a cessé d’être une femme au foyer et a consacré son temps à s’occuper des personnes âgées dans le camp.
Le siège a provoqué deux types de changement : un changement social, bouleversant les relations des gens entre eux, et un changement personnel, psychologique, impliquant la relation de chaque personne à elle-même.
Sur le plan social, le changement a été radical, faisant ressortir les aspects les plus durs de chacun, les plus sombres et les plus mauvais, mais parfois les plus nobles et les plus généreux. Par exemple, un homme qui vendait clandestinement une boîte de lait en poudre pour cent dollars pouvait également être l’homme qui se précipitait pour sauver une enfant abandonnée par ses parents lorsqu’ils fuyaient leur maison dévastée.
L’instinct de survie a prévalu sur nos comportements habituels. Il a dicté qui vivrait et qui mourrait.
Moi-même, je n’étais pas innocent, il m’arrivait de commettre de petits actes mesquins dont j’ai honte aujourd’hui. N’ai-je pas mangé une boîte de thon tout seul en m’abstenant de la partager avec mes amis ? Si, je l’ai fait. Leur ai-je révélé ce secret ? Évidemment que non ! Je ne l’avoue qu’aujourd’hui. Et je suis certain que tous mes amis ont fait des choses du même genre pendant le siège. En fin de compte, nous sommes tous humains et nous ne pouvons pas porter de jugement de valeur sur ceux qui ont vécu ce siège.
Pour en revenir à ma mère, je ne pense pas que son rôle ait véritablement changé pendant le siège. Elle a plutôt repris le rôle qu’elle avait été contrainte d’abandonner pour devenir mère et s’occuper de notre famille. Pendant la révolution palestinienne, ma mère était une combattante de la liberté. Le mariage l’a transformée en femme au foyer, puis la révolution syrienne et le siège de Yarmouk lui ont permis de retrouver sa place dans la sphère publique.
Elle regagné ce qui lui avait été retiré en devenant femme au foyer. Ma mère n’était pas la seule dans ce cas : des dizaines de femmes palestiniennes ont pu reprendre leur rôle « public ». Une conséquence inattendue et positive d’un moment monstrueux.

Comment le siège vous a-t-il changé personnellement ? Vous a-t-il inspiré une sensibilité artistique ou cinématographique particulière ?
Il ne fait aucun doute que ce travail documentaire était important pour nous tous, voire fondamental, et je n’étais pas la seule personne avec une caméra à Yarmouk. Mais j’avais aussi une certaine sensibilité à l’égard des scènes et des personnes que je filmais, et des événements que je documentais. Par exemple, je ne suis jamais allé filmer les victimes de bombardements, ou le cadavre décharné d’une personne morte de faim, et ce, malgré la portée qu’aurait pu avoir ce genre d’images pour illustrer le quotidien dans le camp : les bombardements, la famine, la mort. J’ai sciemment choisi de ne pas filmer cela et de ne pas vendre mes images aux médias ou aux chaînes d’information. Je ne le faisais pas pour devenir cinéaste, je ne savais pas ce que cela signifiait. Je ne suis jamais allé au cinéma. À Yarmouk, il n’y avait qu’un cinéma, et je me suis frayé un chemin dans ses ruines seulement en 2015 pour fuir l’État Islamique.
Ce que je peux dire avec le recul, c’est que je faisais attention à ne pas porter atteinte à la dignité des gens que je filmais à Yarmouk. Je n’étais pas pleinement conscient de ce choix à l’époque, mais il y avait quelque chose en moi qui m’empêchait de filmer certaines scènes. En bref, j’avais envie de documenter l’expérience humaine de manière poétique, dans toutes ses contradictions, plutôt que de documenter des crimes de guerre et de monter des dossiers pour violation des droits de l’homme. Après mon arrivée en Allemagne, j’ai étudié et beaucoup lu sur le cinéma, pour assimiler les connaissances, les « outils », nécessaires au travail sur le matériau du film. Un an après mon arrivée, j’étais en mesure de l’envisager comme un cinéaste, de composer des scènes et donner au film sa structure narrative. Les producteurs m’ont aidé, tout comme le monteur Qutaiba Barhamji. J’ai pu profiter de son expérience, de son intelligence et de sa distance par rapport aux événements. J’ai eu la chance de toujours pouvoir faire les derniers arbitrages, non parce qu’il s’agit de mon histoire et de mon expérience mais parce qu’il s’agit de mon film, et que j’en porte la responsabilité.

En revenant au film et à la distance que vous avez prise par rapport aux images, avez-vous eu besoin de temps ou d’un soutien psychologique avant de commencer le montage du film et de visionner à nouveau ces images ? Aviez-vous envie de les revoir ou aviez-vous le désir d’oublier ?
Je n’ai pas revu ces images avant d’arriver en Europe, au moment où j’ai commencé à travailler sur le film.
Pendant toute la durée du siège, nous n’avions ni le luxe ni les moyens de revoir les images que nous avions tournées car le temps était compté et l’électricité rare. Lorsque j’ai commencé à travailler sur le film, il m’a été difficile de visionner certaines séquences, mais en même temps, c’était émouvant. J’avais la chance de revoir des gens qui avaient été tués. Je les aime et ils me manquent. Ce fut un bonheur de voir des images d’eux. La véritable difficulté pour moi n’était pas de voir des images cruelles ou dures, mais plutôt de couper des images et des scènes où figuraient des personnes qui comptaient à mes yeux, mais qui n’avaient pas leur place dans le film. Parfois, j’avais l’impression de les trahir, car mon histoire et celle de ma mère finissaient par prendre le dessus sur celles de mes amis. Mais au cours des deux années, j’ai compris que je ne pouvais pas couvrir tous les événements de Yarmouk et du siège, que je faisais un film sur l’expérience humaine, la mienne et celle de ma mère, et qu’à travers cela, je pouvais peut-être faire la lumière sur ce qui s’est passé dans le camp, sans avoir à raconter toute son histoire. Je ne pense pas que le but du film soit de retracer toute l’histoire de Yarmouk, de ses habitants et de sa destruction, car le cinéma permet de poser des questions plutôt que d’apporter des réponses.

Je pense que dans ce film, vous avez réussi à résumer l’expérience d’un siège à l’ère moderne, avec ses technologies et ses outils, l’utilisation d’une caméra digitale, des disques durs, les organisations humanitaires internationales, les avions de guerre qui bombardent dans l’indifférence générale. En regardant le film, j’ai senti que c’était l’histoire de ce qu’est un siège. Il pourrait s’agir du siège de Varsovie, ou du siège de Sarajevo, malgré l’importance de la problématique spécifique des Palestiniens de Yarmouk. Est-ce pour cela que le cinéma est important ? Pour sa capacité à produire, à partir d’une réalité particulière, un témoignage qui s’ouvre sur le monde entier ?
Pour être honnête, cette question était très présente pendant la post-production. Pour moi, cet endroit a disparu ; il a été détruit, ses habitants ont été déplacés, leur retour n’est plus possible. Par conséquent, le film n’a pas été fait pour mettre fin au siège d’un lieu qui, au fond, n’existe plus. L’idée était d’essayer de produire un film qui transforme cette expérience particulière du siège, qui concerne la mémoire et la souffrance des gens de Yarmouk, en une expérience universelle du siège, qui aurait pu avoir lieu n’importe où dans le monde et avoir un sens pour n’importe qui. »

Yarmouk en quelques dates

« Situé en banlieue sud de Damas, le camp de Yarmouk a été créé en 1957 par les réfugiés Palestiniens suite à la guerre de 1948.

En 2002, le camp abritait l’une des plus grandes diasporas palestiniennes du monde avec plus de 100 000 réfugiés.

De 2013 à 2015, le régime de Bachar al Assad a assiégé le camp.
Peu à peu, les habitants furent privés de nourriture, d’eau, d’électricité et de médicaments.
181 habitants de Yarmouk sont morts de faim pendant le siège.

En 2015, l’État Islamique a pris le contrôle du camp.

En 2018, sous prétexte d’éliminer l’État Islamique, les avions russes et l’armée syrienne ont détruit 80% de Yarmouk et ont permis à Daech de s’échapper dans le désert syrien. Le régime a empêché la population de regagner ses maisons détruites. Les habitants du camp sont maintenant dispersés dans le monde entier. »

« Les 40 règles du siège »
par Abdallah Al-Khatib
Traduit par Farouk Mardam-Bey

« Ces règles ont été écrites durant le siège de Yarmouk, et elles ont été compilées avec la généreuse contribution de Mr Ahmed Amr en vue de la publication prochaine en intégralité des 40 règles par l’auteur. »

7
Le siège sait sournoisement donner à toute chose un goût de malheur.
Tu as plus faim d’un bonheur révolu que de pain.
La joie est ton point faible que titille le siège pour s’emparer de ton âme.
Son souvenir te fait souffrir comme une plaie ouverte.
Le siège est un tortionnaire qui se délecte de la blessure de sa victime.
Évite la mémoire de la joie autant que le tir vicieux du sniper, oublie-la,
Ruse avec elle et avec le siège. Le siège est idiot comme un despote en perdition, et la joie est anonyme.
Essaie,
Ris de bon coeur si un oiseau te survole sans tacher ta chemise blanche de sa fiente.
Étonne-toi comme jamais si les courgettes de ton jardin ont joliment verdi.
Pleure quand tu ne trouves pas l’étoile que tu cherches des yeux, réjouis-toi quand le ciel est bleu.
Ris de bon coeur chaque fois que te surprend le goût du sucre.
Tu vaincras ce siège,
Tu auras de nouveau le droit de pleurer ou de rire pour de bonnes raisons.
J’étouffe, moi.

12
Le siège est l’une des épreuves les plus sauvages, les plus ambiguës aussi.
L’injustice monstrueuse, arbitraire, qu’il fait subir aux assiégés les rend assoiffés de justice.
Leur désir de justice les rend radicaux.
La faim aiguise tous leurs instincts quand ils voient la nourriture de loin mais ne peuvent en avoir pour leurs enfants.
Leur amour pour eux et leur impuissance à leur égard les radicalisent forcément.
Devant les décombres de leurs maisons, ils savent qu’ils ne retrouveront plus la paix, assis en hiver au coin du feu.
Ils doivent la quérir ailleurs, dans l’éternité.
Leur besoin de paix, de châtaignes grillées, en fait des extrémistes.
Le siège transforme les valeurs les plus nobles en extrémisme.
Sous le siège, résiste contre toi-même, contre ton désir étouffé de justice qui t’incite sans répit à la vengeance.
Cherche un autre lieu, n’importe lequel, près d’une fleur, 
Défends l’herbe verte dans ton coeur, et la simplicité des choses,
Rappelle-toi le sourire matinal de ta mère,
Élimine toutes ces horreurs de ton corps, et tu vaincras.
Mais je suis une bête sauvage, moi.

15
Le siège fait surgir les contradictions deux par deux.
Tu verras le blanc briller dans les ténèbres,
En ton coeur, l’assassin et sa victime se réconcilient dans une langue obscure.
Le siège te rend contradictoire en tout,
Fragile, pleurant pour rien, par exemple en écoutant par hasard une chanson de Fayrouz,
Mais dur aussi comme une pierre, insensible même à la mort d’un ami.
Les rires et les pleurs se confondent dans ton souffle
Sans distinction, hélas.
Si tu peux choisir, sois fragile.
Je suis de pierre, moi.

30
Sous le siège, tu seras au comble du désespoir et du pessimisme.
Tu seras nerveux, irascible.
Une mouche pourrait te pousser à te suicider.
Ce n’est pas grave :
Va retrouver des enfants,
Épie-les comme un indicateur de police.
Sous le siège, les enfants se trompent sur tout, sauf sur la joie.
La joie est leur arme instinctive pour tenir bon, leur manière évidente d’exprimer la primauté de la vie.
La joie des enfants est une victoire contre le siège.
Écoute leurs rires, apprends d’eux comment oublier le siège et comment s’en moquer.
Médite sur ta sottise.
J’ai vieilli, moi.

35
Le temps est la plus redoutable prison de l’assiégé,
Une longue nuit qui bégaie, qui ne finit pas de finir.
Le siège est une interminable noyade dans le temps, l’impossible espoir d’aller plus loin.
Sous le siège, le lendemain ne se confond pas avec l’avenir.
Le lendemain n’est que le temps présent qui s’étire, l’avenir est le temps qu’on espérait naguère et qu’on attend toujours.
Sous le siège, les instituteurs ne savent comment expliquer la relation entre le lendemain et l’avenir.
Ils renoncent à poser à leurs élèves l’éternelle question:
Que voulez-vous être quand vous serez grands ?
Sous le siège, les gens désespèrent de l’avenir car ils ne rêvent plus du lendemain.
Rêve donc pour vaincre le siège.
Je ne rêve pas, moi.

37
Le siège est absolu comme la liberté, pensent les assiégés,
Absolu comme le premier amour dans le cœur d’un adolescent.
Pour devenir une réalité, le siège doit être total.
Trouver alors une issue est impossible comme la quadrature du cercle.
Le siège enserre tout, tout sauf ton cœur, alors ne te résigne pas.
Ne cherche pas à t’échapper,
Un jour, la voie vers la sortie s’ouvrira d’elle-même devant toi, au mépris du siège,
Et si tu meures en la parcourant,
Tu seras libre également.
Tu vas gagner de toute façon.
Je n’espère rien, moi. »


« Little Palestine, journal d'un siège » d’Abdallah Al-Khatib
France, Liban, Qatar, 2021, 1 h 28 mn
Production : Bidayyat for Audiovisual Arts et Films de Force Majeure
Sur Arte le 19 novembre 2024 à 00 h 45
Sur arte.tv du 11/11/2024 au 12/11/2025
Visuels : © Bidayyat for Audiovisual Arts

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