Citations

« Le goût de la vérité n’empêche pas la prise de parti. » (Albert Camus)
« La lucidité est la blessure la plus rapprochée du Soleil. » (René Char).
« Il faut commencer par le commencement, et le commencement de tout est le courage. » (Vladimir Jankélévitch)
« Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort. Il est de porter la plume dans la plaie. » (Albert Londres)
« Le plus difficile n'est pas de dire ce que l'on voit, mais d'accepter de voir ce que l'on voit. » (Charles Péguy)

jeudi 10 octobre 2024

« Rêves de verre – Les frères Neiger – De l’Art Déco à la Shoah »

Le Musée Judéo-Alsacien de Bouxwiller (Bas-Rhin) propose l’exposition émouvante « Rêves de verre – Les frères Neiger – De l’Art Déco à la Shoah » assortie d’un catalogue passionnant signé par Madeleine B. Wolf. Issus d'une famille originaire de Cracovie (Pologne), « profondément enracinés dans la communauté juive de la ville tchèque de Gablonz sur la Neisse (Jablonec nad Nisou), les frères Norbert et Moritz Max Neiger ont créé des bijoux Art Déco hors du commun pour un tout nouveau marché : celui des bijoux-fantaisie. Une gestion intelligente et des projets inventifs ont rapidement fait d'eux des représentants exceptionnels de l'industrie bijoutière de Gablonz. L'annexion des Sudètes au Reich allemand en octobre 1938 a provoqué la disparition de la plupart des communautés juives de Bohême. La famille Neiger s'est enfuie à Prague. Mais de là, elle a été envoyée au ghetto de Łódź, en Pologne, en 1941, puis assassinée. »

Le congrès de Vienne ou l’invention d’une nouvelle Europe
Le Musée Judéo-Alsacien de Bouxwiller (Bas-Rhin) est situé dans le « bâti noble et classique de l'ancienne synagogue du village, datant de 1842 ». Il « retrace l'histoire des juifs d'Alsace et vous fait entrer dans le monde de leurs traditions. »

« Les frères Norbert et Max Neiger sont les descendants d’une famille juive de Cracovie (Pologne). Avec leurs parents et leurs deux sœurs, ils se sont installés en Bohème, dans la ville de Gablonz an der Neisse (Jablonec nad Nisou). »

« Tous deux ont fréquenté l’École des Arts et Métiers de la ville pour y apprendre le métier de bijoutier. Au début du 20esiècle et à peine âgé de 20 ans, Norbert, l’aîné des deux frères, ouvre son entreprise dans la cave de sa maison. Max, son cadet de 10 ans, l’y rejoint dès la fin de son apprentissage. En 1928, il est inscrit comme associé dans le Registre de Commerce de Reichenberg. Les domaines de compétence des deux frères ont été clairement définis : Norbert assume la gestion, Max – avec ses idées foisonnantes – devient le responsable des collections. »

« Leur entreprise – par un heureux hasard – s’ouvre au moment d’un processus qui avait commencé au 19esiècle, mais qui a connu un fort retentissement au début du 20e siècle: grâce à un certain nombre de créateurs de mode (parmi lesquels Gabrielle « Coco » Chanel n’était pas la moindre), l’idée de démocratiser les bijoux commençait à se développer. Ceux-ci ne devaient plus être réservés à l’aristocratie et aux plus aisés, mais devenir accessibles à toutes et tous. La grande heure des bijoux de mode avait sonné ! Les progrès continus de l’industrialisation ont permis la production de masse de composants réalisés en matériaux bon marché tels les métaux non-précieux. Ils ont rendu cette bijouterie accessible à une clientèle toujours grandissante. »

« Deux nouveaux matériaux ont fait une entrée triomphante dans cette fabrication. Lors de l’Exposition Universelle de Paris en 1900, avec ses 50 millions de visiteurs, l’artiste révolutionnaire René Lalique y a présenté ses parures d’art en verre et en émail, qui devinrent ainsi des matériaux intrinsèques de la bijouterie. La ville et la région de Gablonz devinrent une ressource infinie et foisonnante pour cette nouvelle branche d’art. Non seulement y trouvait-on pléthore d’ateliers, mais la fabrication du verre y constituait en outre une tradition séculaire. Très vite, nombre d’entre eux ne se contentèrent plus de fabriquer des composants pour les grandes entreprises internationales, mais se lancèrent dans la réalisation de leurs propres créations. »

« Les frères Neiger s’y lancèrent eux aussi. Leurs collections s’inspiraient clairement de l’air du temps : dans leurs premières œuvres on retrouve les ornements excessivement fluides de l’Art Nouveau, puis ils s’emparèrent des couleurs fraîches et des lignes épurées de l’Art Déco. »

« Mais par-dessus tout, les « exotismes » des trois premières décennies du 20e siècle s’entremêlèrent dans leurs réalisations. Le Japonisme de la fin du 19e et du début du 20e siècles se reflète dans leurs pièces des années 1900-1910, tandis que l’intérêt redécouvert pour un style d’allure chinoise dans les années 1930 déterminera en partie leurs lignes de créations plus tardives. Leur plus grand succès, cependant, ils l’ont atteint avec leurs collections d’inspiration égyptienne. Le déchiffrage des hiéroglyphes par Champollion en 1826 avait tissé un certain intérêt pour l’Egypte ancienne comme un fil rouge dans les divers domaines artistiques et artisanaux, au point que la découverte du tombeau de Toutankhamon par Howard Carter en novembre 1922 a lancé une véritable « Egyptomanie ».

« En vrais professionnels, les Neiger ont réagi dans les années suivantes avec plusieurs collections de broches à figure de sphynx, de longues chaînes de scarabées en verre, ou encore de bracelets à reliefs pharaoniques. Ils travaillèrent également en étroite collaboration avec des producteurs et des artistes verriers de haute volée comme Heinrich Hoffmann, Franz Josef Vater ou encore Josef Schmidt, en particulier pour la décoration de leurs légendaires flacons de parfum. »

« Les bijoux de frères Neiger devinrent si demandés, qu’ils furent commercialisés à l’international, en particulier en Grande Bretagne et aux USA. »

« On chercherait en vain une quelconque publicité sur les Neiger : leur nom était à lui seul gage de qualité. »

« Leur fin fut la conséquence des accords de Munich en 1938, qui ont permis aux nationaux socialistes de rattacher les Sudètes au Reich allemand. »

« Grâce à leur clairvoyance, ils ont pu fuir à Prague avec leurs familles en octobre 1938, une ville toujours alors tchécoslovaque. Mais c’est là qu’ils ont été arrêtés et déportés dans le ghetto de Lodz, où ils ont été assassinés en 1941 et 1942. »

« Près d’un siècle plus tard, leurs œuvres, leurs réalisations et leurs créations sont encore largement prisées. Elles sont recherchées de nos jours par des collectionneurs du monde entier. »

Cette exposition vise à « remettre la vie et l’œuvre des frères Neiger dans leur contexte historique grâce à une importante présentation de leurs bijoux, mais aussi par des publications d’époque qui reflètent l’air de leur temps. » Un « vibrant hommage à la mémoire des frères Neiger ».

« Le catalogue de l'exposition retrace l'histoire extraordinaire de cette communauté, dont l'esprit d'entreprise a contribué à la renommée mondiale de la ville de Gablonz à travers ses produits en verre et ses bijoux-fantaisie, une renommée largement due à deux véritables artistes joailliers, Norbert et Moritz Neiger. Une place particulière est bien entendu réservée à leur œuvre. » 

Madeleine B. Wolf décrit la communauté juive de Gablonz et restitue à Norbert et Moritz Neiger leur place éminente dans la joaillerie et la mode de leur époque et dans l'Histoire. 


Madeleine B. Wolf, 
« Rêves de verre – Les frères Neiger – De l’Art Déco à la Shoah ». AMJAB, 2024. 146 pages. ISBN : 978-2-491376-10-9. 25 euros

Du 17 juillet 2024 à la mi-octobre 2024
Parvis Gilbert Weil
62A Grand Rue BP27
67330 BOUXWILLER
Tél. : 03 88 70 97 17
Du mercredi au vendredi, dimanches et jours fériés de 10h à 13h et 14h à 18h.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire