Le musée de l’Orangerie présente la quasi-rétrospective « Robert Ryman. Le regard en acte ». Robert Ryman (1930-2019). Cet artiste américain se destinait à devenir saxophoniste jazz. Pour gagner sa vie, il occupe le poste de gardien de salles au Museum of Modern Art (MoMA), où il découvre des "peintres modernes européens (Monet, Cézanne, Matisse) et des nouvelles références américaines (Rothko, Pollock)". Il s'oriente alors vers la peinture et choisit "la formule du carré blanc pour sa neutralité. Il explore ainsi tout ce qui compose matériellement un tableau, du support à la surface en passant par l'éclairage ou le système d'accrochage".
« Monet a fait beaucoup de nymphéas et quelques meules de foin, qui sont très semblables, mais très uniques, et je crois que je fais pareil. » Robert Ryman, 1979.
A quelques mois d'intervalles, les vernissages presse d'expositions de deux célèbres peintres américains abstraits ont eu lieu à Paris : à la mi-octobre 2023, celui de Mark Rothko (1903-1970) a attiré un nombre impressionnant de journalistes, début mars 2024 celui de Robert Ryman (1930-2019) a suscité l'intérêt d'un nombre réduit de confrères.
En parcourant les salles du musée de l'Orangerie, on songeait en souriant à la pièce de théâtre « Art » de Yasmina Reza (1994) qui évoquait la stupéfaction d'un homme, incrédule, découvrant l'oeuvre picturale blanche aux liserés blancs acquise par un ami. Ce qui provoquait une série d'ébranlements.
Pour bien apprécier cette quasi-rétrospective, il faut voir et écouter l'un des films présentés en fin de parcours. Dans cette vidéo, Robert Ryman explique son désintérêt pour le motif (paysage, portrait), et souligne son but : peindre la lumière qui s'accroche aux minuscules reliefs de certains tableaux. Un jeu de lumières et d'ombres.
« Le musée de l’Orangerie consacre une exposition à l’artiste américain Robert Ryman (1930-2019). Intitulée Robert Ryman. Le regard en acte, cette première présentation d’ampleur dédiée au peintre depuis 1981 dans une institution publique française, confirme, cinq ans après sa disparition, l’importance historique de cet artiste. Trop souvent assimilée au courant minimaliste américain, avec lequel elle dialogue le plus souvent sur les cimaises des musées, la démarche singulière de Ryman demande aujourd’hui à être regardée pour elle-même et par elle-même. »
« Le musée de l’Orangerie, qui abrite le chef d’œuvre ultime de Claude Monet, les Nymphéas, se révèle le lieu parfaitement adéquat pour cette relecture. Ryman, qui refusait la notion d’influence ou l’idée d’exposer en dialogue avec un autre artiste, s’inscrit pourtant dans l’histoire de la peinture, en interrogeant chacun des aspects et des fondements. Comme Monet avant lui, il concentre ses recherches, de façon presque obsessionnelle, sur les spécificités propres à son medium, interrogeant les notions de surface, de limite de l’œuvre, d’espace dans lequel elle s’intègre, de lumière avec laquelle elle joue, et de durée dans laquelle elle se déploie. » En fin d'exposition, le musée de l'Orangerie présente trois oeuvres de Monet.
C’est autour de ces notions simples – surface, limite, espace, lumière, durée - que l’exposition s’articule. Autant d’éléments fondamentaux de la peinture dont Ryman épuise les potentialités, pour mieux les faire se révéler entre eux. C’est par le regard que le peintre leur porte, un regard en acte, que la peinture ainsi ramenée à l’essentiel prend tout son sens. Nous espérons ainsi, par cette exposition, répondre à un enjeu fondamental de la démarche de Ryman : donner à voir la peinture dans sa plus simple épure, la révéler grâce à la lumière et à l’espace dans laquelle elle s’inscrit, tout autant nécessaires à l’oeuvre que ses composantes physiques (medium, support, attache…)
Le commissariat est assuré par Claire Bernardi, directrice du musée de l’Orangerie, avec la collaboration de Guillaume Fabius, attaché de conservation au musée de l’Orangerie.
Un catalogue accompagne l’exposition. « Robert Ryman (1930-2019), peintre américain actif à New York à partir des années 1950, se destinait d’abord à une carrière de musicien. Pour gagner sa vie il s’engage comme gardien de salle au Museum of Modern Art, où son intérêt pour la peinture grandit au contact des maîtres modernes européens (Monet, Cézanne, Matisse) et des nouvelles références américaines (Rothko, Pollock). Il se consacre alors entièrement à la peinture et reprend la formule du carré blanc, choisi pour sa neutralité. Il explore ainsi tout ce qui compose matériellement un tableau, du support à la surface en passant par l’éclairage ou le système d’accrochage. Sa peinture, à la fois ouverte et active, interagit avec l’espace qui l’environne et convoque le regard du peintre tout autant que celui des regardeurs. Ce catalogue, conçu comme la première monographie de Ryman en français, réunit les plus grands spécialistes de l'artiste et offre une approche renouvelée sur son travail. »
Parcours de l’exposition
« L'exposition met en avant un ensemble de 50 oeuvres, dont 47 signées par Robert Ryman et 3 peintures de Claude Monet. Elle se déploie à travers un parcours thématique organisé comme suit :
1. PROLOGUE
2. SURFACE
3. LIMITES
4. ESPACE
5. LUMIERE
6. ÉPILOGUE
Dans la continuité d’une démarche désormais bien installée par les musées d’Orsay et de l’Orangerie, la scénographie de cette exposition a été conçue dans le respect des enjeux environnementaux. Les mobiliers et matériaux utilisés (cimaises, podiums, bancs, etc.), sont en partie issus du réemploi d’expositions précédentes ; les éléments restants ont été spécifiquement éco-conçus afin de pouvoir ensuite être réutilisés sur le long terme. L’ensemble des peintures utilisées, à l’eau, sont certifiées NF environnement et Ecolabel européen. Le transport routier des œuvres a été effectué en recourant au biocarburant PUR-XTL, produit à base de déchets et beaucoup moins polluant et émetteur de gaz à effet de serre que les carburants classiques. »
1. PROLOGUE
« Je ne pense pas à ma peinture comme étant abstraite, parce que je ne l’abstrais de rien. »
Robert Ryman, 2006
« Robert Ryman (1930-2019), peintre américain actif à New York à partir des années 1950, a consacré l’essentiel de son travail artistique à scruter les fondements de la peinture. Reprenant toile après toile la formule du carré blanc, choisi pour sa neutralité, Ryman explore tout ce qui compose matériellement un tableau, du support à la surface en passant par l’éclairage ou le système d’accrochage. D’abord voué à une carrière de saxophoniste jazz, Ryman occupe pendant presque une décennie un emploi de gardien de salle au Museum of Modern Art de New York. Il y découvre les maîtres modernes européens (Claude Monet, Paul Cézanne, Henri Matisse) et les nouvelles références américaines (Mark Rothko, Jackson Pollock, Barnett Newman) et décide alors de se consacrer uniquement à la peinture. »
« Peintre de ce qu’il revendique lui-même, non sans provocation, comme une oeuvre « réaliste », en ce qu’elle ne propose aucune illusion ou symbole, l’artiste poursuit ses expérimentations jusqu’aux dernières années de sa vie. Poussé par les possibilités infinies du médium, jouant sans cesse de la variation, Ryman pose sur la peinture un regard toujours en acte. Il convient dès lors de regarder la peinture de Ryman comme l’artiste nous incite à le faire : une peinture active, qui convoque tout autant le regard du peintre que celui de ceux à qui il s’adresse (les visiteurs, ou plutôt les regardeurs). »
2. SURFACE
« La question n’est jamais : quoi peindre, mais seulement : comment peindre. »
Robert Ryman, 1969
« Robert Ryman, se veut, avant tout, peintre. Ses premières explorations dans le domaine pictural s’attachent aux modalités d’application de la peinture sur un support. Il recherche et étudie les différents effets provoqués par l’épaisseur de la matière, les variations de tonalités, le travail de la touche. Ces expérimentations marquent les étapes d’une quête dont le peintre sait pertinemment qu’elle n’a pas de fin ; elles sont pourtant prétextes à interroger ce qui fait un tableau et sa nature.
L’utilisation du format carré et de la peinture blanche, mais aussi les principes techniques qui gouvernent la pratique de l’artiste (choix méthodiques de pinceaux, de brosses, de supports…), sont pour lui autant de moyens d’atteindre une certaine neutralité, de fermer la porte à toute forme d’interprétation. »
« Quand Ryman évoque son travail, il insiste sur le processus créatif et souligne les aspects les plus pratiques de son oeuvre, comme l’origine marchande de sa peinture, l’épaisseur du pinceau ou les spécificités du support utilisé. »
3. LIMITES
« Les cadres ont une raison d’être, c’est de faire sortir la peinture sur le mur et non de l’enfermer. Mes cadres n’enferment jamais mes tableaux. »
Robert Ryman, 1972
« En s’interrogeant sur les éléments constitutifs de la peinture, Ryman s’intéresse également à ses limites, qu’elles soient physiques ou conceptuelles. »
« Il s’attache régulièrement à explorer les possibilités d’intégration de ses oeuvres à leur environnement direct et joue pour cela de différentes modalités de présentation : toiles non tendues ou sur châssis, compositions en plusieurs parties assemblées, supports en Plexiglas dévoilant en partie le mur. »
« Poussant plus loin encore cette démarche, à partir du milieu des années 1970, il s’essaie à rendre visibles les modes d’attaches de ses tableaux, qu’il choisit soigneusement pour leurs propriétés intrinsèques. Peu conventionnels, les accroches métalliques débordant de la toile ou les cadres en papier ciré rejoignent la mallette d’outils de l’artiste. »
« En ne camouflant aucun des aspects d’une peinture, Ryman doit repenser tout ce qui compose un tableau et l’espace dans lequel il s’inscrit. Il souligne d’ailleurs que ses « peintures n’existent réellement que quand elles sont sur le mur, quand elles font partie du mur, de la pièce ».
4. ESPACE
« En un sens esthétique, les peintures s’ouvrent sur l’extérieur. […] Elles mobilisent leur propre espace, et, certainement, elles mobilisent aussi le mur. »
Robert Ryman, 2006
« L’oeuvre de Robert Ryman prend une forme plus sculpturale dans les années 1980. Voulant pousser plus loin encore les notions traditionnelles de la peinture, il en vient à la déployer dans l’espace. »
« L’artiste, que la critique avait associé dès les années 1970 à l’art minimal, rejoint alors les recherches de ses contemporains Sol LeWitt ou Fred Sandback sur le contexte de visibilité d’une oeuvre : l’espace qui la reçoit est une condition nécessaire de son existence. »
« Au-delà de son mode d’accrochage, il s’intéresse ainsi à l’intégration de sa peinture dans son environnement. Certaines de ses oeuvres se détachent alors largement du mur tout en y restant fixées, tandis que d’autres sont présentées à l’horizontale. Il met ainsi en valeur des éléments oubliés de la peinture, comme la tranche du tableau, qu’il travaille au bois ou à l’aluminium pour la rendre plus visible. »
« Plutôt qu’elle ne ferme les portes, sa peinture se veut ainsi oeuvre ouverte, en ce qu’elle interagit avec l’espace qui l’environne, mais aussi par ce qu’elle attend de notre regard. »
5. LUMIÈRE
« Le blanc a tendance à rendre les choses visibles. Avec le blanc, on ne voit pas seulement des nuances ; on voit plus que cela. »
Robert Ryman, 2006
« Plutôt que le peintre du blanc, Ryman est peintre de la lumière. Moment essentiel du processus de création, son éclairage rend visible l’oeuvre, en créant des ombres ou des reflets et en soulignant toutes les variations de la peinture blanche. Les réflexions de l’artiste sur la surface et les limites de la peinture trouvent ainsi leur aboutissement dans son travail sur la lumière : c’est elle qui va accrocher la matière, révéler ses reliefs ou délimiter l’ombre d’un support sur le mur. »
« Ainsi, pour Ryman, la lumière est constitutive d’un tableau au même titre que tous les autres éléments matériels qui entrent dans sa composition : une oeuvre n’est achevée que si elle est éclairée. Que ce soit sous un éclairage naturel ou artificiel, une mise en lumière douce et uniforme doit mettre également en valeur les œuvres et les murs environnants afin d’intégrer pleinement la peinture à son espace. »
6. ÉPILOGUE
« Après près de soixante ans de carrière en tant que peintre, Ryman met un terme à son activité artistique en 2011. Parmi ses dernières œuvres, il laisse dans l’atelier un ensemble de huit toiles sans titre, aux tonalités vertes, oranges, violettes et grises. La couleur, absente depuis ses premières expérimentations des années 1950, y fait son grand retour. »
« Point d’orgue de ses recherches inlassables sur les éléments premiers de la peinture, ces œuvres ouvrent une nouvelle perspective sur son parcours, mais aussi sur l’histoire de la peinture en général. »
« Les perpétuelles variations d’un tableau à l’autre affirment la peinture comme une discipline vivante, sensible, éminemment protéiforme, dont les potentialités restent, plus que jamais, à explorer. Là se trouve peut-être le lien le plus direct entre les séries des Cathédrales ou les Nymphéas de Monet et les toiles de Ryman : une peinture résultant d’une approche sensible, qui convoque tout autant le regard du peintre, que celui de ceux à qui il s’adresse – un regard en acte : « Qu’elle soit abstraite ou figurative, c’est ça, la peinture – c’est ce qu’elle fait », nous confie Ryman. »
« Quelques cartels développés »
1959
Huile et gesso sur toile de lin
134 x 134 cm
Collection particulière
Paolo Mussat Sartor
© 2024 Robert Ryman/ ADAGP, Paris
« Ryman n’abandonne que progressivement la couleur lorsqu’il décide de se consacrer uniquement à la peinture dans les années 1950. S’il intègre déjà dans ce tableau un carré blanc, il l’inscrit toutefois dans une composition plus ouverte faite de champs colorés, faisant contraster des lignes géométriques et une touche plus libre. La réserve de la toile (le support de lin visible), très présente, participe de ce jeu sur les contrastes de couleur et de matière. »
General 54 ½ " x 54 ½ "
1970
Peinture à l’émail et laque Enamelac sur toile de coton
138,4 x 138,4 cm
Donation Yvon Lambert en 2012
Centre national des arts plastiques
En dépôt à la Collection Lambert, Avignon
Photo : Fançois Deladerrière
© 2024 Robert Ryman/ ADAGP, Paris
« Dès le milieu des années 1960, Ryman choisit des titres descriptifs. Il cherche à éviter toute tentative d’interprétation symbolique de son oeuvre, la fonction du titre étant avant tout de distinguer ses créations les unes des autres. Ici, le titre General, que l’on associerait volontiers à l’idée d’universalité, fait en réalité référence à une entreprise de construction, de même que les nombres renvoient aux mesures de la toile en inches (pouces) américains. »
Classico 6
1968
Acrylique sur six feuilles de papier Classico
Collection particulière
Photo : Bill Jacobson Studio © The Greenwich Collection, New York
© 2024 Robert Ryman/ ADAGP, Paris
« La série des « Classico » de la fin des années 1960 tire son nom de la marque du papier utilisée. Ryman assemble ici plusieurs feuilles du même format qu’il scotche puis peint à même le mur. Le ruban adhésif est ensuite retiré, laissant des espaces en négatif dévoilant la couleur originale du support. Les feuilles assemblées créent une oeuvre monumentale parfaitement intégrée à son environnement, nouvelle étape dans la réflexion de l’artiste sur le rapport de la peinture à l’espace qui l’entoure. »
1988
Acrylique Lascaux sur panneau Lumasite, quatre attaches en acier, huit boulons hexagonaux
243,8 x 243,8 x 12,7 cm
Maastricht, Bonnefanten Maastricht
Photo : Bill Jacobson Studio © The Greenwich Collection, New York
© 2024 Robert Ryman/ ADAGP, Paris
« Réalisée en deux parties, cette large peinture à la forme concave semble se déplier comme un journal. Simplement retenue par des pattes métalliques, l’oeuvre paraît flotter dans l’espace qui l’environne. Au centre, le graphisme de la signature de l’artiste et la date se déploient le long de l’axe horizontal, scellant la composition.
Large-Small, Thick-Thin, Light Reflecting, Light Absorbing 2,
2008
Émail et encre sur Tyvek, quatre agrafes
74,9 x 76,2 cm
Maastricht, Bonnefanten Maastricht
Photo : Bill Jacobson Studio © The Greenwich Collection, New York
© 2023 Robert Ryman/ ADAGP, Paris
« Le Tyvek est un textile synthétique léger utilisé notamment dans les institutions culturelles comme un matériau de conditionnement ou de protection des oeuvres d’art. Ryman utilise ici ce matériau particulier comme un support à ses nouvelles expérimentations sur la réflexion de la lumière, en l’associant à une peinture à l’émail. Ce « test » peut rappeler formellement les grilles musicales d’improvisation du free jazz dont Ryman était un grand amateur. »
Glossaire
Ce glossaire est un extrait du Petit Journal, disponible en français et en anglais à l’entrée de l’exposition et sur le site internet du musée.
« Dans ses recherches sur les possibilités offertes par la peinture, Robert Ryman ne cesse d’expérimenter, tant à partir de matières et matériaux traditionnels qu’avec des matériaux peu conventionnels : peinture à l’émail, craie, peinture à base de polymères synthétiques, supports à base de polymère ou de fibre de verre utilisés dans les secteurs industriels. Ces essais répétés tout au long de son oeuvre reflètent sa démarche : comprendre comment fonctionne la peinture et ce qui s’opère quand on en modifie les paramètres matériels.
Accrochage Robert Ryman joue avec et questionne l’accrochage en créant des oeuvres sans cadre, collées à même le mur ou bien maintenues par des attaches métalliques dont les finitions sont choisies en accord avec la couleur et la composition de chaque peinture. Le ruban de masquage, les attaches, vis, écrous, boulons, pattes et tiges métalliques utilisés pour fixer les peintures au mur sont partie intégrante de l’oeuvre, et invitent le spectateur à se questionner sur les limites : où finit l’oeuvre et où commence le mur ?
Blanc Le blanc est utilisé traditionnellement en peinture avec d’autres couleurs (pour éclaircir une teinte par exemple). Robert Ryman l’utilise seul, pour sa neutralité et ses possibilités infinies de variations (consistance, transparence, tonalité, luminosité, etc.). Il précise que selon la marque, le fournisseur ou la qualité du pigment, il y a des blancs plus bleus ou plus gris que d’autres, plus chauds ou plus froids. Le blanc est pour Ryman la condition à partir de laquelle il est possible de voir les autres aspects constitutifs de la peinture, de les révéler plutôt que d’en détourner l’attention par l’emploi d’autres couleurs.
Carré Au fil de ses expérimentations, Robert Ryman finit par ne choisir que le carré comme format pour ses peintures et le privilégie pour sa neutralité, parce qu’il est une forme élémentaire et directe. Ryman évacue ainsi les formats connotés en histoire de l’art, comme par exemple le rectangle que l’on rattache au portrait ou au paysage.
Lumière Pour Robert Ryman, la lumière est constitutive du tableau, au même titre que la peinture employée, le support, ou la surface sur laquelle il est disposé. C’est elle qui va accrocher la matière, révéler ses reliefs ou délimiter l’ombre d’un support sur le mur. Cette lumière est à la fois celle des oeuvres elles-mêmes que l’usage du blanc permet de réfléchir sans illusion, et celle de l’éclairage des oeuvres. Ryman le souhaite en effet le plus neutre, uniforme et non théâtral possible dans un contexte muséographique comme celui d’une exposition. Ainsi, ce n’est qu’une fois installé sur une surface et mis en lumière qu’un tableau est abouti : l’éclairage achève l’oeuvre et en révèle la présence.
Matérialité Robert Ryman cherche à savoir comment peindre, plutôt que quoi peindre. Il s’intéresse à la peinture et à ce qu’elle est, à ce qui la compose, à comment elle fonctionne et à ce qui se produit quand on en modifie ses variables : le pinceau (fin, large), le support (toile, aluminium, Plexiglas, papier, fibre de verre, etc.), et sa taille, la matière (huile, résine, acrylique, émail), la couleur. Il rend visible la matérialité physique de la peinture, et la manière dont elle influe sur la présence de l’oeuvre.
Minimalisme Le minimalisme, ou art minimal, est un courant artistique né au milieu des années 1960 aux États-Unis en réaction à l’expressionnisme abstrait. Les artistes de ce courant (Frank Stella, Donald Judd, Carl Andre, Robert Morris ou encore Sol LeWitt) centrent leur travail sur l’objet et son rapport à l’espace. L’environnement dans lequel elles se trouvent est un élément déterminant des oeuvres. Robert Ryman a pu se voir apparenté au minimalisme pour ces raisons. Même s’il entretient des amitiés avec certains de ces artistes, il refuse d’être théoriquement assimilé au mouvement.
Monochrome Une oeuvre monochrome n’est composée que d’une seule couleur. Les œuvres de Robert Ryman sont parfois qualifiées de monochrome blanc, en référence au Carré blanc sur fond blanc de Kasimir Malevitch (1918, New York, The Museum of Modern Art). Pourtant, et bien qu’il n’utilise que le blanc pour composer ses peintures, ses oeuvres ne sont jamais strictement monochromes. Le blanc y est employé comme révélateur des différentes nuances au sein d’un même tableau, des traits de pinceaux, de sa luminosité ou des différents éléments qui viennent structurer sa composition.
Protocole Robert Ryman élabore et teste un grand nombre de protocoles, en observe les résultats et les donne à voir dans chacune de ses oeuvres. Dans certains cas, ces protocoles sont laissés à l’arrière des oeuvres. Ils concernent principalement la manière de les accrocher au mur. Les protocoles et leurs variables (le pinceau, la peinture, le geste ou le support employés) permettent d’observer les variations infinies permises par l’utilisation d’outils apparemment simples comme le format carré et le blanc. Ils ramènent l’acte de peindre à une étude, sur un temps long et par la répétition des essais, des rapports entre « les petites choses simples » qui composent la peinture. Si le protocole confère un caractère particulièrement méthodique à la pratique de Ryman, il n’exclut pas pour autant la dimension sensible de ses oeuvres.
Signature Ryman signe et date fréquemment ses tableaux au verso. Progressivement, il utilise sa signature moins pour affirmer la paternité de ses peintures, que comme élément graphique à part entière et partie prenante de la composition. Il l’inscrit parfois même sur la tranche des tableaux, affirmant ainsi qu‘elle en est partie intégrante. »
Repères chronologiques
« 1930 Robert Tracy Ryman naît à Nashville aux États-Unis. Il étudie la musique dans le Tennessee, puis rejoint l’orchestre de la réserve de l’armée américaine en tant que saxophoniste ténor.
1952 Démobilisé, il emménage définitivement à New York. Il étudie la musique auprès de Lennie Tristano, pianiste et compositeur de jazz.
1953 Ryman, pour gagner sa vie, est gardien de salle au Museum of Modern Art (MoMA) à New York. Il y découvre l’art moderne européen (Claude Monet, Paul Cézanne, Henri Matisse) et l’art contemporain américain (Mark Rothko, qu’il rencontre en 1957, Jackson Pollock). Cete même année, Ryman commence ses premières expérimentations picturales. Il se détourne rapidement de la musique pour se dédier uniquement à la peinture. En 1955, Untitled (Orange Painting), est son premier tableau quasiment monochrome.
1961 Ryman se consacre à plein-temps à sa carrière de peintre.
Il se marie avec l’écrivaine Lucy R. Lippard, rencontrée vers 1958.
1964 Ryman expérimente pour la première fois la peinture sur des supports en aluminium. Il titre ses oeuvres avec des termes qu’il choisit pour leur neutralité.
1966 Il participe à l’exposition « Systemic Paintings » (« Peinture systémique ») au Solomon R.
Guggenheim Museum à New York, aux côtés de Robert Mangold, Agnes Martin ou Frank Stella.
Il entame des séries majeures de plus grands formats, notamment les Winsor et les Delta.
1967 Ryman ouvre sa première exposition personnelle à la galerie Paul Bianchini à New York.
Il se penche sur la question du cadre de ses oeuvres et affiche un intérêt croissant pour l’environnement direct de ses peintures.
Les galeristes allemands Heiner Friedrich et Konrad Fischer invitent tous deux Ryman dans leurs galeries respectives à Munich et Düsseldorf.
Robert Ryman et Lucy Lippard se séparent en 1968.
1969 Il participe aux expositions capitales de l’art minimal et conceptuel : « When Atudes Become Form » (« Quand les atudes deviennent formes », Berne, Kunsthalle) et « Anti-Illusions : Procedures / Materials » (New York, Whitney Museum of American Art).
Ryman se marie avec l’artiste Merrill Wagner.
1970 Ryman s’aventure à des techniques et des supports de moins en moins traditionnels comme le carton ondulé, la fibre de verre ou le Plexiglas.
1972 À quarante et un ans, il présente sa première exposition personnelle dans un musée, au Solomon R. Guggenheim Museum à New York, et participe à sa première « Documenta ». Deux ans plus tard, la première rétrospective Ryman a lieu au Stedelijk Museum à Amsterdam.
Il achète un grand studio lumineux de trois étages sur la Greenwich Street (West Village), un bâtiment auparavant consacré à la confection de décors de théâtre. Il conserve cet atelier jusqu’à sa mort.
1973 Il continue ses recherches sur de nouveaux matériaux et techniques, tels l’aquatinte, l’émail sur cuivre, ou encore des huiles sur différentes essences de bois.
Il produit sa plus grande oeuvre jusqu’alors, Varese Wall (1975, Beacon, Dia Art Foundation).
1976 Il introduit sur ses oeuvres des ataches visibles (en métal ou vinyle), devenant partie intégrante du tableau.
1981 Une rétrospective d’une quarantaine d’oeuvres de l’artiste est organisée au Musée national d’art moderne à Paris, sous le commissariat d’Alfred Pacquement. Cete exposition dans une institution publique française est suivie dix ans plus tard d’une nouvelle exposition à Paris, au Renn-Centre d’art contemporain, à l’initiative de Claude Berri.
En 1983, à Schaausen (Suisse), Urs Raussmüller dédie à son oeuvre une présentation permanente aux Hallen für neue Kunst.
Ryman conçoit de nouveaux supports et produit des dessins à l’émail sur aluminium anodisé.
Enfin, il s’intéresse à l’intégration d es oe uvres d ans l ’espace et produit des « peintures sculpturales », dont les surfaces peintes s’atachent perpendiculairement aux murs (Pace) ou s’en décrochent considérablement (Factor).
1987 Sur le modèle de la chapelle Rothko (1971, Houston, Texas), elle-même inspirée des Nymphéas de Claude Monet, Ryman conçoit la Charter Series (Chicago Art Institute), un ensemble de cinq peintures commandées par l’avocat et collectionneur Gerald Elliot.
1993-1994 La plus grande rétrospective itinérante de l’artiste à ce jour se déploie à la Tate (Londres), puis au Centro de Arte Reina Soa (Madrid), au MoMA (New York), au San Francisco Museum of Modern Art et au Walker Art Center (Minneapolis). L’artiste bénéficie désormais d’une reconnaissance internationale et ses oeuvres sont présentes dans de nombreuses collections nationales.
2003 Une installation permanente de plus d’une vingtaine d’oeuvres de Ryman ouvre à la Dia Beacon.
Elles sont choisies et installées par le peintre lui-même. Pour la première fois, Ryman reconnaît faire des peintures « blanches » dans son oeuvre avec l’ensemble des Series (White), qu’il élabore jusqu’en 2005.
2011 Il arrête définitivement la peinture après une série de Untitled où la couleur est de nouveau
présente.
2019 Robert Ryman décède le 8 février à New York, à l’âge de quatre-vingt-huit ans. Il laisse trois fils : Ethan, Will et Cordy, tous trois artistes. »
Jardin des Tuileries (côté Seine)
Niveau -2, Espace d’exposition temporaire
Place de la Concorde 75001 Paris
Téléphone : 01 44 50 43 00
Lundi, mercredi, jeudi, samedi, dimanche de 9 h à 18 h (dernier accès à 17 h 15)
Nocturnes exceptionnelles de 18h à 21h tous les vendredis
Visuels :
Robert Ryman
© Sophie Crépy - musée de l'Orangerie © 2024 Robert Ryman ADAGP
Robert Ryman Studio
Photo : Bill Jacobson, © The Greenwich Collection, New York
Claude Monet
La Cathédrale de Rouen. Le Portail et la Tour Saint-Romain, effet du matin, 1893
Huile sur toile
106,5 x 73,2 cm
Collection Musée d'Orsay
Legs comte Isaac de Camondo, 1911
© Musée d'Orsay, Dist. GrandPalaisRmn / Patrice Schmidt
Robert Ryman
(c) Sophie Crépy - musée de l'Orangerie
A lire sur ce blog :
Articles in English
Les citations proviennent du dossier de presse.
Les citations proviennent du dossier de presse.
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