Stanislaw Ulam (1909-1984) était un mathématicien juif américain né en Pologne. Prônant l'utilisation de l'informatique dans la recherche scientifique, il a participé au développement de la théorie à l'origine de la création de la bombe à hydrogène. Arte diffusera le 18 mars 2024 à 23 h 35 « Les aventures d'un mathématicien » (Adventures of a Mathematician) de Thor Klein avec Philippe Tlokinski, Fabian Kociecki, Esther Garrel.
Stanislaw Ulam (1909-1984) est né dans une famille juive de Lemberg (royaume de Galicie et de Lodomérie, actuelle Pologne).
A l'Institut Polytechnique de Lwów, il a pour professeur notamment Stefan Banach, éminent mathématicien polonais. En 1933, il obtient un doctorat en mathématiques sous la direction de Kazimierz Kuratowski. En 1935, John von Neumann, qui a fait la connaissance d'Ulam à Varsovie, lui propose de rejoindre l'Institute for Advanced Study à l'Université de Princeton (Etats-Unis).
Trois ans plus tard, Stanisław Ulam émigre aux États-Unis comme Harvard Junior Fellow (boursier à l'université Harvard). Puis il est recruté à la faculté de l'université du Wisconsin-Madison et aide son frère, Adam, qui avait fui la Pologne peu avant la Deuxième Guerre mondiale. En 1943, John von Neumann lui suggère de se joindre aux physiciens du Laboratoire national de Los Alamos (Nouveau-Mexique) qui conçoivent secrètement des armes atomiques. Là, il préconise d'utiliser "la méthode de Monte-Carlo pour évaluer les intégrales mathématiques difficiles qui apparaissent en modélisant les réactions nucléaires en chaîne (ne sachant pas que Fermi et d'autres avaient découvert la méthode plus tôt). Cette suggestion conduisit au développement de la méthode de Monte-Carlo par Von Neumann, Metropolis et d'autres."
Avec C. J. Everett, auteur de calculs précis, Stanisław Ulam prouve que le précédent modèle de la bombe à hydrogène par Edward Teller était inexact. Ulam propose une meilleure méthode. Il est pionnier à prendre conscience "que tous les composants d'une bombe H pouvaient être mis ensemble, et qu'en plaçant une bombe atomique (à fission nucléaire) à une extrémité, et du matériel thermonucléaire à l'autre, les ondes de choc produites à partir de la bombe A pouvaient compresser et faire exploser le combustible nucléaire". D'abord réticent, Teller, est convaincu et avance l'idée d'utiliser des radiations à la place des ondes de choc. L'« implosion par radiation » demeure la méthode classique pour fabriquer les bombes H. Une méthode brevetée par Ulam et Teller.
Il soutient le recours aux ordinateurs pour les « expériences mathématiques », et participe à l'expérience de Fermi-Pasta-Ulam, étude numérique fondatrice d'un système dynamique.
En mathématiques pures, Stanisław Ulam travaille "à la théorie des ensembles (dont les cardinaux mesurables et les mesures abstraites), la topologie, la théorie ergodique et d'autres domaines". Il collabore avec Paul Erdős durant plus de cinquante ans. Après la Deuxième Guerre mondiale, il s'éloigne des mathématiques pures - il nuance la distinction entre mathématiques pures et celles appliquées - et s'oriente vers un travail plus spéculatif et imaginatif : problèmes, conjectures. Il s'intéresse à l'application des mathématiques à la physique et à la biologie.
En 1965, Stanisław Ulam s'est fixé à l'université du Colorado. Consultant à Los Alamos, il partage son temps entre Boulder (Colorado) et Santa Fé (Nouveau-Mexique).
Puis, il été recruté par l'université de Floride.
Il décède à Santa Fé. Ses cendres se trouvent au cimetière du Montparnasse à Paris.
« Les aventures d'un mathématicien »
Arte diffusera le 18 mars 2024 à 23 h 35 « Les aventures d'un mathématicien » (Adventures of a Mathematician) de Thor Klein avec Philippe Tlokinski, Fabian Kociecki et Esther Garrel.
« Los Alamos, Nouveau-Mexique. La course pour la bombe atomique est à peine achevée qu’une nouvelle arme de mort, la bombe H, se développe. Le destin de Stanislaw Ulam, juif polonais, mathématicien et membre majeur du projet "Manhattan".
« En 1941, alors que l’Allemagne nazie envahit l’Union soviétique, Stanislaw Ulam, un juif polonais qui a émigré aux États-Unis avec son frère Adam, enseigne les mathématiques à l’université de Harvard. Féru de cartes à jouer, dont il se sert pour expliquer des phénomènes de probabilités à ses étudiants, le scientifique tente de faire venir en Amérique le reste de sa famille, menacée par l’expansion de l’armée allemande à l’Est. »
« Approché par son ami John von Neumann, il prend la direction de Los Alamos, au Nouveau-Mexique, pour participer au mystérieux projet "Manhattan". Tandis que la course pour la bombe atomique semble gagnée, il est missionné pour concevoir une bombe encore plus puissante, la bombe à hydrogène… »
« Trois ans avant l’Oppenheimer de Christopher Nolan, Thor Klein adaptait l’autobiographie de Stanislaw Ulam relatant ses activités au sein du projet "Manhattan".
« Délaissant ici "le père de la bombe atomique" Robert Oppenheimer (qui se contente de quelques apparitions sous les traits de Ryan Gage), le film se concentre sur la mise au point de la bombe H grâce à la méthode de Monte-Carlo – qui consiste à utiliser un ordinateur pour générer des valeurs aléatoires afin de provoquer une réaction en chaîne – dont Ulam est l’un des principaux instigateurs. »
« Avec ce biopic, Thor Klein explore le dilemme éthique que pose la fabrication d’une telle arme : la bombe nucléaire permet-elle de pacifier le monde ou au contraire le condamne-t-elle à une menace permanente d’autodestruction ? »
« Tiraillé entre son sens du devoir, son ambition et ses valeurs morales, Stanislaw Ulam s’inscrit dans le sillage de ses camarades scientifiques, à commencer par Einstein qui bien qu’ayant demandé en 1939 au président Roosevelt de construire la bombe avant Hitler – une lettre qui fut à l’origine du projet "Manhattan" – regretta toute sa vie le détournement meurtrier de son "E = MC2".
NOTE D’INTENTION DU RÉALISATEUR
THOR KLEIN
« Mon travail sur LES AVENTURES D’UN MATHÉMATICIEN a débuté alors que j’avais 13 ans. À l’époque, je suis tombé sur un livre sur le Institute for Advanced Study (Institut d’Étude Avancée) dans lequel le gouvernement américain invitait les plus grands scientifiques mondiaux à réfléchir sans leur poser aucune limite. Le garçon de 13 ans que j’étais alors avait été surpris car les scientifiques du livre ne correspondaient pas du tout à l’image que je m’en faisais. Ils étaient jeunes, organisaient des fêtes et aimaient rouler vite. Ils étaient des personnages hauts en couleurs, très différents de mes professeurs de mathématiques et de sciences physiques. Plus tard, j’ai compris que nombre d’entre eux étaient des immigrés européens qui perdaient des êtres chers pendant que eux étaient là. La majorité, dont Stan Ulam, étaient juifs, ce qui rendait les choses encore plus difficiles. Pendant mon adolescence, j’ai continué à me documenter et j’ai constaté qu’ils avaient utilisé leur humour et leur excentricité pour gérer la perte des leurs.
À l’école de cinéma, je voulais raconter l’histoire d’Einstein et de son meilleur ami Kurt Goedel, tous deux comptant parmi les plus grands mathématiciens de leur temps. Leur amitié et l’humour qu’ils partageaient m’intéressaient, mais je n’ai pas trouvé le bon ton pour raconter cette histoire. Un jour, je suis tombé sur le livre de Stan, LES AVENTURES D’UN MATHÉMATICIEN et j’ai tout de suite su que c’était ce que je cherchais.
Il était truffé d’anecdotes et au centre se trouvait l’amitié entre Stan et Johnny qui partageaient les mêmes caractéristiques que celles qui m’avaient intriguées chez Einstein et Goedel.
Pendant ma recherche, j’ai travaillé avec mon conseiller scientifique, George Dyson, qui a écrit un livre important intitulé Turing’s Cathedral et qui est le plus grand expert en histoire du monde numérique. Il est également le fils de Freeman Dyson, un génie anglais des mathématiques et ancien collègue de Stan et Johnny. George a grandi aux États-Unis parmi cette communauté d’Européens, et m’a parfaitement décrit ce qu’elle ressentait alors.
Tous les protagonistes sont jeunes. Quand il est arrivé aux États-Unis, Stan avait une bonne vingtaine d’années et Johnny était un jeune trentenaire. Pour eux, la science était une activité créative et une obsession intellectuelle qu’ils pratiquaient avec leurs amis et ne s’interrompaient que pour boire de l’alcool et flirter avec des femmes. Cette génération d’immigrés est à l’origine du développement exponentiel de la technologie au XXème siècle. Dès le départ, j’ai vu LES AVENTURES D’UN MATHÉMATICIEN comme un film européen se déroulant aux États-Unis. Stan et Johnny sont nés à la belle époque.
L’Allemagne, la France et la Grande-Bretagne étaient au centre du monde des mathématiques et l’École des Mathématiques de Lvov était célèbre au-delà des frontières de la Pologne.
L’esprit de libre pensée a changé vers la fin de la guerre. Les mathématiques n’étaient plus vues comme un art. Elles étaient considérées comme l’outil industriel le plus puissant de l’ère atomique. Il suffit de regarder internet, les smartphones et le monde de la finance pour en avoir la preuve. Tout comme Stan à cette époque, nous sommes témoins de l’avènement d’une nouvelle ère technologique. Dans les années 40, il s’agissait du monde atomique et électronique, aujourd’hui de la révolution numérique et l’intelligence artificielle gouvernées par les toutes-puissantes sociétés de la tech. Stan et Johnny étaient des pionniers de ces deux ères. Ils étaient liés aux bienfaits de la technologie moderne et à la malédiction de l’ère atomique.
Aujourd’hui, plus de vingt-cinq ans après la chute du mur de Berlin, on construit de nouveaux murs dans le monde. LES AVENTURES D’UN MATHÉMATICIEN montre que, il n’y a pas si longtemps, des Européens cherchant refuge ont émigré en Amérique – et grâce à leur contribution et leur savoir, ils ont fait de l’Amérique du XXème siècle le pays où sont nées des inventions et innovations technologiques révolutionnaires.
Le film utilise les armes atomiques, la science et le début de la Guerre froide comme reflet des sentiments de Stan. Le problème de pression de la bombe reflète la condition physique et psychologique de Stan et l’équation contradictoire « fabriquer des bombes rend le monde plus sûr » est exprimée par son mode de vie malsain. Le film confronte les émotions à l’esprit.
Malgré leur intellect puissant, les mathématiciens doivent affronter leurs sentiments. Stan ne se remet pas de la mort de sa famille.
Même un génie comme lui capable de rêver, intellectualiser et relativiser tout, ne peut surpasser son sentiment de culpabilité après Hiroshima.
Le film offre une vision nouvelle de l’histoire des années 40 et 50, qui fait écho à notre époque et ses difficultés, à travers l’histoire d’un immigré confronté à la fracture de la civilisation européenne tout en créant un nouveau monde. Même si les forces d’un capitalisme perverti tentent de nous diviser, nous, Européens et Américains, ne devons pas oublier notre héritage intellectuel commun. C’était l’une des raisons importantes pour moi de réaliser ce film. »
« Les aventures d'un mathématicien » de Thor Klein
Allemagne, Pologne, Royaume-Uni, 2020, 1 h 38
Auteur : Stanisław Marcin Ulam
Production : Dragonfly Films, Mirror Productions, Shipsboy, Zischlermann Filmproduktion
Producteurs : Lena Vurma, Paul Zischler, Nell Green, Joanna Szymanska
Scénario : Thor Klein d’après l’autobiographie éponyme de Stanislaw Ulam
Image : Tudor Vladimir Panduru
Montage : Matthieu Taponier, Agnieszka Ligget
Musique : Antoni Komaza-Lazarkiewicz
Avec Philippe Tlokinski (Stanisław “Stan“ Ulam), Fabian Kociecki (John von Neumann), Esther Garrel (Françoise Ulam), Joel Basman (Edward Teller), Sam Keeley (Jack Calkin), Sabin Tambrea (Klaus Fuchs), Mateusz Wieclawek (Adam Ulam), Ryan Gage (Robert Oppenheimer)
Sur Arte le 18 mars 2024 à 23 h 35
Sur arte.tv du 17/03/2024 au 24/03/2024
Visuels : © Indie Sales, DR
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