Charlotte Salomon (1917-1943) était une jeune femme juive allemande qui fuit en 1939, avec sa famille, l'Allemagne nazie pour la Côte d'Azur. Là, elle crée un oeuvre pictural figuratif et autobiographique. Dénoncée, elle est déportée, enceinte, et assassinée au camp nazi d'Auschwitz (Pologne). Arte diffusera le 25 janvier 2024 à 23 h 15 « Charlotte Salomon, la jeune fille et la vie », documentaire de Delphine Coulin et Muriel Coulin.
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Charlotte Salomon (1917-1943) nait dans une famille juive berlinoise bourgeoise. Son père Albert Salomon (1883-1976) est médecin et professeur à l'université. En 1926, sa mère Fränze (Franziska) Grünwald décède. La famille cache à l'enfant le suicide de sa mère. En 1930, Albert Salomon se remarie avec Paula Lindberg, chanteuse lyrique (1897-2000).
Dès 1933, la famille Salomon est victime de persécutions antisémites. Charlotte Salomon étudie le dessin à l'Académie des arts, puis, le chant auprès d'Alfred Wolfsohn (1896-1962).
Le 9 novembre 1938, durant la Nuit de Cristal, Albert Salomon, qui ne pouvait soigner que des juifs, est arrêté et interné au camp de Sachsenhausen, mais grâce à son épouse, il est libéré quelques semaines plus tard.
En janvier 1939, Charlotte Salomon fuit l'Allemagne nazie et retrouve ses grands-parents maternels, Ludwig Grünwald (1862-1943) et Marianne née Benda (1867-1940), ayant fui le nazisme dès 1934 pour Rome (Italie), puis pour Villefranche-sur-Mer, sur la Côte-d'Azur. Ils vivent auprès d'autres réfugiés, essentiellement des enfants, dans un pavillon de l'Ermitage, résidence d'une Américaine d'origine allemande, Ottilie Moore.
Deux mois plus tard, Albert et Paula Salomon se réfugient à Amsterdam (Pays-Bas).
Après quelques semaines passées chez Ottilie Moore, Charlotte et ses grands-parents emménagent à Nice (villa Eugénie, avenue Neuscheller). La grand-mère sombre dans une dépression. Selon l'écrivain David Foenkinos, après une tentative de suicide de la grand-mère, le grand-père de Charlotte lui révèle que de nombreuses femmes de la famille, dont sa fille, ont mis fin à leurs jours. Le 20 mars 1940, la grand-mère de Charlotte se suicide.
Fin mai 1940, après l'offensive allemande contre la France, Charlotte et son grand-père sont internés, comme Hannah Arendt, au camp de Gurs (Basses-Pyrénées), comme ressortissants allemands, « ennemis ». Libérés quelques mois plus tard car l'état de santé du grand-père a empiré, ils retournent à Villefranche-sur-Mer.
Depuis l'armistice de juin 1940, Villefranche-sur-Mer se trouve en « zone libre ».
En octobre 1941, Ottilie Moore retourne aux États-Unis. Peu après, Charlotte Salomon se fixe dans la pension La Belle Aurore à Saint-Jean-Cap-Ferrat. Là, elle crée son oeuvre pictural figuratif et autobiographique : Leben? oder Theater? (« Vie ? ou Théâtre ? »)
Le 11 novembre 1942, après le débarquement anglo-américain en Afrique du nord, les Allemands envahissent la zone non occupée en respectant celle sous occupation italienne qui inclut la région de Nice.
Fin 1942, Charlotte Salomon retrouve à Nice son grand-père qui décède en février 1943.
Le 17 juin 1943, Charlotte Salomon épouse à Nice Alexander Nagler, réfugié autrichien né en 1904.
Charlotte Salomon confie son oeuvre (gouaches) au Dr Moridis pour qu'il les transmette à Ottilie Moore lui et lui dit : « Gardez-les bien, c’est toute ma vie ».
Après que la signature de l'armistice de l'Italie avec les Alliés en septembre 1943 et que l'avènement comme chef de gouvernement du maréchal Badoglio, l'armée allemande envahit la Zone d'occupation italienne en France. Les persécutions antisémites se multiplient.
Dénoncé, le couple Nagler est arrêté, déporté en septembre 1943 au camp de Drancy (banlieue au nord de Paris), puis en octobre 1943 au camp nazi d'Auschwitz (Pologne). Enceinte de cinq mois, Charlotte Nagler est assassinée à son arrivée. En janvier 1944, son époux décède d'épuisement.
En 1946, Ottilie Moore récupère l'oeuvre de Charlotte Salomon et le donne en 1947 à Albert Salomon, qui s'était évadé du camp de concentration de Westerbork, et à Paula Salomon.
Le couple Salomon parle de cet oeuvre à Otto Frank, puis en 1959 au Stedelijk Museum d'Amsterdam. Des expositions révèlent au public le talent de l'artiste.
En 1971, le couple Salomon fait don de cet oeuvre singulière mêlant peinture, musique et phrases au musée historique juif (Joods Historisch Museum) d'Amsterdam.
« Charlotte Salomon, la jeune fille et la vie »
Dans la série documentaire d'Arte "La Shoah. Mémoires et témoignages", "témoins et survivants de la Shoah racontent leur histoire à travers des récits qui rendent compte à la fois de l'horreur, du combat, de la résignation et des moments d'espoir. Une sélection de films proposée à l'occasion de la Journée internationale du souvenir des victimes de l'Holocauste, pour que la mémoire de ce chapitre de l'Histoire ne s'efface jamais".
Arte diffusera le 25 janvier 2024 à 23 h 15 « Charlotte Salomon, la jeune fille et la vie », documentaire français de Delphine Coulin et Muriel Coulin (2022).
« Entre 1940 et 1942, Charlotte Salomon, une jeune juive berlinoise exilée dans le midi de la France, a raconté sa vie en gouaches. Les portant à l'écran, ce documentaire rend un hommage bouleversant à son travail artistique. Avec les voix de Vicky Krieps, Mathieu Amalric, Hanna Schygulla, Catherine Ringer et André Wilms. »
« Dans ses peintures, à la manière d'un roman graphique, Charlotte Salomon raconte l'histoire de sa famille de 1913 à 1940 : sa jeunesse à Berlin, la montée du nazisme et des persécutions antisémites, son histoire d'amour avec un professeur de musique, puis son exil en France, où elle a rejoint ses grands-parents maternels, réfugiés dans le Midi avant que la guerre n'éclate. »
« S'emparant de l'œuvre laissée à la postérité par Charlotte Salomon, née à Berlin en 1917 et morte à Auschwitz en 1943, Delphine Coulin et Muriel Coulin (Voir du pays) filment le projet tel que la jeune femme l'avait imaginé et peint. »
« Ponctué d'archives et redonnant vie aux membres de sa famille en les faisant incarner en voix off par des comédiens – Mathieu Amalric et Vicky Krieps entre autres –, un hommage bouleversant au travail d'une artiste fauchée dans la fleur de l'âge. »
« Disparue à 26 ans en 1943 à Auschwitz, Charlotte Salomon a raconté sa vie et celle de sa famille dans un roman graphique mêlant gouaches, textes et annotations musicales, que portent à l’écran Delphine et Muriel Coulin. En cinq actes, le destin brisé d’une artiste talentueuse. Par Christine Guillemeau. »
« Acte I
Une famille endeuillée
Charlotte est née à Berlin le 16 avril 1917. Elle est la fille unique d’Albert Salomon, chirurgien, et de Franziska Grunwald, un couple de la bourgeoisie juive. Elle porte le prénom de la sœur cadette de sa mère, qui s’est donné la mort en se noyant dans un lac, peu avant la Première Guerre mondiale. Sombrant dans la mélancolie, Franziska perd goût à la vie. Charlotte a 9 ans lorsque sa mère se suicide à son tour, en 1926, en sautant du troisième étage de l’appartement de ses grands-parents. Pour la protéger, on explique à Charlotte que Franziska a succombé à la grippe.
Acte II
Une enfance sous le poids du mensonge
D’un tempérament énergique, Charlotte épuise ses gouvernantes. Toutes, sauf une, qui encourage son goût pour le dessin. Devenu professeur de médecine, Albert obtient une chaire de microchirurgie à l’université Humboldt de Berlin. Après des années de veuvage, il se sent prêt à se remarier. Son choix se porte sur Paula Lindberg, une cantatrice renommée, qu’il épouse en septembre 1930. Inquiète de la mélancolie que manifeste parfois sa belle-fille, Paula s’en prend à la belle-mère de son mari. Elle l’accuse d’avoir été, “par l’éducation rigide dont elle a hérité, la meurtrière de ses enfants et de se complaire dans le mensonge”. Celle-ci lui confie alors que son frère s’est suicidé et que sa propre mère a fait de nombreuses tentatives avant de parvenir à ses fins. Elle promet de s’effacer de la vie de Charlotte.
Acte III
Une adolescence sous le nazisme
Charlotte a 15 ans lorsque Hitler devient chancelier en 1933. L’adolescente décide de quitter le lycée et, malgré les faibles quotas accordés aux juifs, est admise à l’Académie des arts. Elle cesse de la fréquenter lorsqu’on lui refuse, en raison de sa judéité, d’aller chercher le premier prix qu’elle a remporté à un concours. De son côté, Paula, sa belle-mère artiste lyrique, travaille sa voix avec Alfred Wolfsohn, un professeur de chant juif. Charlotte a une liaison amoureuse avec lui, puis rompt quand elle découvre qu’il a une fiancée. Après la Nuit de cristal, en 1938, son père est interné dans un camp de travail. Se démenant, Paula obtient sa libération. Installée en France, la grand-mère maternelle de Charlotte écrit à Albert qu’ils sont prêts à les accueillir tous les trois. Albert et Paula restent à Berlin mais laissent partir la jeune femme.
Acte IV
Une nouvelle vie trop brève
En janvier 1939, Charlotte, 22 ans, arrive à Villefranche-sur-Mer, près de Nice, où vivent ses grands-parents. Elle espère réconforter sa grand-mère, en proie au désespoir. En vain : celle-ci se défenestre sous ses yeux. Son grand-père lui révèle alors les suicides qui ont endeuillé leur famille. La jeune femme se fait une promesse : “Je crois en la vie et je vais vivre pour eux tous !”, écrit-elle. Quand la France entre en guerre, Allemands et Autrichiens étant déclarés indésirables, Charlotte et son grand-père rejoignent le camp d’internement de Gurs. Ils y restent peu de temps, sauvés par l’état de santé du vieil homme. Ayant recouvré la liberté, Charlotte peint dans l’urgence Vie ? ou théâtre ?. En février 1943, elle épouse à Nice Alexander Nagler, un réfugié juif autrichien. Deux semaines après l’entrée des troupes allemandes dans la ville, son mari et elle sont dénoncés. Partie le 7 octobre 1943 de Drancy pour Auschwitz, Charlotte Salomon, enceinte de cinq mois, y est assassinée dès son arrivée. Elle avait 26 ans.
Acte V
Une œuvre pour la postérité
Réfugiés aux Pays-Bas, Albert, son père, et Paula, sa belle-mère, découvrent, des années après la fin de la guerre, l’œuvre qu’elle avait confiée peu avant son arrestation au docteur Moridis. Ils la déposent au Joods Historisch Museum d’Amsterdam en 1971.
En 1992, le Centre Pompidou expose pour la première fois en France 784 des gouaches qu’elle avait couchées sur le papier entre 1940 et 1942. Depuis, la vie et l’œuvre de Charlotte Salomon ont inspiré réalisateurs et artistes. En 1992, Richard Dindo lui a consacré le documentaire Charlotte Salomon, vie ou théâtre ?.
En 2014, Luc Bondy a mis en scène à Salzbourg l’opéra qu’elle avait imaginé, tandis que David Foenkinos, avec son roman Charlotte, Prix Renaudot, a favorisé sa redécouverte dans l’Hexagone.
En 2021, Éric Warin et Tahir Rana lui ont consacré Charlotte, film d’animation dans lequel Marion Cotillard lui prête sa voix. L’œuvre intégrale Vie ? ou théâtre ? de Charlotte Salomon a été publiée en 2015 par les éditions Le Tripode. »
« La Côte d’Azur, refuge de Charlotte Salomon »
Arte diffusa, dans le cadre d’« Invitation au voyage » (Stadt Land Kunst), « La Côte d’Azur, refuge de Charlotte Salomon » (Die Côte d'Azur von Charlotte Salomon).
« Linda Lorin nous emmène à la découverte de notre patrimoine artistique, culturel et naturel ».
« Les lumières et les couleurs de la Côte d’Azur ont envoûté bien des artistes. De son côté, la peintre juive allemande Charlotte Salomon s’y est installée en 1939 pour fuir la menace nazie. Elle y réalisera une fresque autobiographique d’un genre nouveau, Vie ? ou théâtre ? »
« Charlotte Salomon, la jeune fille et la vie » de Delphine Coulin et Muriel Coulin
France, 2022, 1 h 12 mn
Coproduction : ARTE France, Les Films du Poisson
Avec le soutien du CNC, de la Fondation pour la mémoire de la Shoah, de la Fondation Rothschild, de la Procirep et l’Angoa.
Avec les voix de Vicky Krieps, Mathieu Amalric, Hanna Schygulla, Catherine Ringer, André Wilms
Sur Arte le 25 janvier 2024 à 23 h 15
Sur arte.tv du 18/01/2024 au 24/03/2024
Visuels :
Charlotte Salomon, la jeune fille et la vie (2022) réalisé par Delphine Coulin et Muriel Coulin.
© Les Films Du Poisson
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