Le 17 juin 2023, le musée national de l’histoire de l’immigration a ouvert au public son nouveau parcours permanent. Il a bénéficié d’une campagne de publicité exceptionnelle et son discours s'avère aussi partial que son « conseil scientifique ». J'évoquerai ce thème lors de ma prochaine interview par André Barmoha, le mercredi 20 septembre 2023 sur Radio Chalom Nitsan, radio juive niçoise.
« Institution culturelle pluridisciplinaire, l’Établissement public du Palais de la Porte Dorée est constitué d’un monument historique, le Palais de la Porte Dorée, un musée, le Musée national de l’histoire de l’immigration, et l’Aquarium tropical. »
Le Palais de la Porte Dorée « est tout à la fois : lieu d’exposition et de diffusion de la connaissance, forum d’expression, conservatoire d’espèces menacées, espace de sociabilité, lieu de spectacles et de festivals. »
Dotée d'un mini-site, la nouvelle exposition permanente du Musée national de l’histoire de l’immigration a bénéficié d’une campagne publicitaire d'affiches ayant suscité des polémiques. Ainsi, une des affiches reproduit un portrait de Louis XIV ainsi légendé : « mère espagnole », « grand-mère autrichienne », « C'est fou tous ces étrangers qui ont fait l'histoire de France ». Ou l'instrumentalisation de l'Histoire à des fins idéologiques et politiciennes dans une France devenue, en rupture avec son Histoire, depuis plusieurs décennies, un pays d'immigration de masse généralement non assimilée.
Au fil de ses interviews et discours, le Président de la République Emmanuel Macron a réitéré une allégation historiquement fausse censée justifier sa volonté politique de favoriser l'immigration extra-européenne au détriment d'une politique nataliste. Il déclarait ainsi au Figaro (2 août 2023) : « Nous avons toujours été un pays d'immigration et nous continuerons de l'être ».
Même déclaration au Parisien (3 décembre 2022) : “La France a toujours été une terre d’immigration. Cela fait partie de notre ADN, c’est la force de notre pays, et on en a toujours eu besoin pour notre économie. Sans les Polonais il y a un peu plus d’un siècle, comment nos mines auraient tourné ? Sans les Italiens, les Espagnols, les Maghrébins, comment le secteur agricole aurait tourné ? Sans les immigrés africains, comment le BTP, la construction auraient tourné ? Et vous savez, il y avait déjà des mouvements de rejet à l’époque.” Quid des Juifs ?
Et nous pourrions remonter à au moins 2017 pour trouver de semblables propos infondés, mais "politiquement corrects".
Or, au Moyen-âge et à l'époque moderne, la population française est restée quantitativement stable en raison des maladies, dont la peste, et parce que les Français étaient attachés à leurs terroirs. Dans une France rurale, des commerçants se rendaient à des foires, mais les autres professionnels demeuraient quasiment toute leur vie dans leur terroir. Les progrès dans la pratique de l'hygiène ont commencé à bénéficier à la société.
Les guerres révolutionnaires, puis napoléoniennes ont réduit la population française, et la France a eu besoin de recourir à des étrangers, principalement belges et italiens, pour son économie. Ces étrangers ont représenté environ un pourcent de la population française.
Une immigration italienne et polonaise est arrivée en France à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle. Environ un tiers de cette immigration ne n'est pas assimilée, et est repartie dans son pays d'origine.
En matière d'immigration, la vraie rupture démographique s'est effectuée dans les années 1970 avec l'immigration de masse, le regroupement familial, etc.
Le Musée national de l'histoire de l'immigration a reconçu son exposition permanente - la précédente m'avait semblé insatisfaisante d'un point de vue historique et "politiquement correcte" -, et elle vise à faire croire que nous serions tous des immigrants ou fils d'immigrés.
Le récit national unifiait les Français en une nation dont les éléments arrivés récemment adhéraient symboliquement à "Nos ancêtres les Gaulois".
Cette exposition déforme l'Histoire en un espoir vain de "vivre ensemble", en prétendant unifier la société en un faux passé, en occultant les éléments les plus dérangeants dans certaines immigrations : une culture opposée à celle française, une histoire hostile à la France, etc.
Et un public scolaire, captif, sera amené pour découvrir cette "Histoire" !
Dès la première salle d'exposition, on est perplexe : pourquoi cette exposition permanente du Musée national de l'histoire de l'immigration débute-t-elle par l'émigration des Huguenots vers des pays protestants ? Pour poursuivre dans cette contradiction, pourquoi ne pas avoir débuté avant le XVIe siècle et évoqué l'expulsion des Juifs ? Et, par souci historique, pourquoi n'avoir pas choisi comme un repère historique l'arrivée dans le royaume de France des Juifs originaires de la péninsule ibérique - royaumes d'Espagne et du Portugal, « marranes » ou « nouveaux chrétiens », dénommés à Bayonne « la nation portugaise », « la nation juive », « la Nation » ou « les étrangers » : ils ont introduit le chocolat en France, développé le commerce entre l'Amérique et la France, apporté leur savoir-faire gastronomique, etc. Quid des artistes de l'Ecole de Paris venus de l'empire russe, d'Italie, etc. ? Quid des Américains, dont le romancier Hemingway et la famille Stein, collectionneuse, venus dans l'entre-deux-guerres à Paris ? Quid des Juifs contraints de fuir l'Egypte, la Tunisie ou le Maroc dans le cadre de l'exil d'environ un million de Juifs du monde Arabe, de Turquie, d'Iran, etc. essentiellement dans les années 1940 à la décennie 1970 ?
On demeure ébahi par les amalgames, imprécisions - tous les mouvements de populations (immigration économique, immigration artistique, immigration de réfugiés politiques, immigration de Juifs ou d'Arméniens persécutés) semblent mis sur le même plan - et occultations. Ne cherchez pas d'informations sur la surreprésentation de l'immigration maghrébine et sub-saharienne dans la délinquance ou les attentats terroristes islamistes commis par des immigrés ! Vous ne les trouverez pas.
Certes, les persécutions antisémites sous l'Occupation sont présentées. Mais les historiens auteurs de cette exposition semblent gênés par les Juifs : la présence juive est attestée en France depuis plus de deux mille ans par des découvertes archéologiques dans la Gaule romaine, et, au fil des siècles, des Juifs étaient implantés notamment dans le comtat Venaissin, à Paris ou en Alsace, puis immigrés d'autres pays européens, d'Afrique, d'Amérique ou d'Asie, et ont grandement contribué à l'Histoire de France.
L'image de la France que retient le visiteur est plutôt négative. Comme un portrait à charge. Si cette vision dénigrant la France était historiquement vraie, pourquoi les immigrés originaires de pays anciennement membres de l'Empire français décident-ils d'immigrer en France malgré le chômage, notamment d'immigrés, et la paupérisation croissante, en payant des sommes importantes à des mafias pour assurer leur passage, etc. ?
Quant au catalogue de l'exposition permanente intitulé Une histoire de l'immigration en 100 objets, le chapitre "1889, des étrangers aux immigrés" comprend le texte "Affaire Dreyfus" par Mathias Dreyfuss. Celui-ci analyse le dessin L’Allégorie de Forain qui, "dénonce ainsi les trois "ennemis" de la nation. D’abord Zola, "métèque" descendant d’Italiens, caché derrière un masque. Ensuite, Dreyfus, paré des stéréotypes physiques de l’antisémitisme. Derrière eux, apparaît la figure de l’ennemi extérieur, le soldat prussien, dont Dreyfus et Zola seraient à la fois les instruments et les alliés". C'est bizarre : le capitaine Alfred Dreyfus était pourtant né dans une famille juive installée en Alsace depuis plusieurs siècles.
La judéité du photographe Robert Capa y est cachée. Pourquoi ?
L'un des commissariats de l'exposition est Patrick Boucheron.
Constance Rivière, directrice générale du Palais de la Porte Dorée, a écrit cet éditorial présentant cette nouvelle exposition permanence au Musée national de l'histoire de l'immigration :
Nommé au Collège de France en 2015, il a dirigé l’« Histoire mondiale de France » (Seuil, 2017) présentant "les nouvelles grandes dates mondiales qui ont façonné l’hexagone", "mettant en valeur les colonisés et l’islam" et assumant une "islamophilie systématique". Un anti-« Lieux de mémoire » du professeur Pierre Nora.
Un best-seller analysé dans « Histoire de l'islamisation française 1979-2019 » (Ed. L’Artilleur), controversé, critiqué notamment par Pierre Nora (« Politiquement, l’objectif est de lutter, « par une conception pluraliste de l’histoire, contre l’étrécissement identitaire qui domine aujourd’hui le débat public »).
Et fustigé par Eric Zemmour : « En près de 800 pages et 146 dates, on ne déviera pas de la ligne du parti : tout ce qui vient de l’étranger est bon. Les invasions barbares sont des « migrations germaniques » ; la défaite des Gaulois leur permit d’entrer dans la mondialisation romaine ; les conquérants arabes étaient bien plus brillants que les minables défenseurs carolingiens ; les martyrs chrétiens de Lyon venaient d’ailleurs et saint Martin était hongrois. Les théologiens chrétiens doivent tout au grand talmudiste Rachi ; « l’honteux traité de Troyes » de 1420 (qui donnait le royaume de France à la monarchie anglaise) est une heureuse tentative de construire la paix perpétuelle par l’union des couronnes ».
Et fustigé par Eric Zemmour : « En près de 800 pages et 146 dates, on ne déviera pas de la ligne du parti : tout ce qui vient de l’étranger est bon. Les invasions barbares sont des « migrations germaniques » ; la défaite des Gaulois leur permit d’entrer dans la mondialisation romaine ; les conquérants arabes étaient bien plus brillants que les minables défenseurs carolingiens ; les martyrs chrétiens de Lyon venaient d’ailleurs et saint Martin était hongrois. Les théologiens chrétiens doivent tout au grand talmudiste Rachi ; « l’honteux traité de Troyes » de 1420 (qui donnait le royaume de France à la monarchie anglaise) est une heureuse tentative de construire la paix perpétuelle par l’union des couronnes ».
Quant à Alain Finkielkraut, il a estimé :
« Je découvre, effaré, que ni Rabelais, ni Ronsard, ni La Fontaine, ni Racine, ni Molière, ni Baudelaire, ni Verlaine, ni Proust n’y figurent. Et si Mauriac est cité, ce n’est pas pour son œuvre, c’est pour sa critique honteusement réactionnaire du féminisme. Ainsi s’éclaire le sens de « monde » pour les nouveaux historiens. Mondialiser l’histoire de France, c’est dissoudre ce qu’elle a de spécifique, son identité, son génie propre, dans le grand bain de la mixité, de la diversité, de la mobilité et du métissage. Et c’est répondre au défi islamiste par l’affirmation de notre dette envers l’Islam. De manière générale, l’Histoire mondiale de la France remplace l’identité par l’endettement. Ici doit tout à ailleurs. De la France, patrie littéraire, ce qui surnage, c’est la traduction des Mille et Une Nuits par Antoine Galland et l’audace qui a été la sienne d’ajouter au corpus original des histoires que lui avait racontées un voyageur arabe venu d’Alep.
Instructif aussi est le récit de l’invasion musulmane de 719 à Narbonne, où les cultures se sont mêlées avant que les Francs, hélas, n’arriment par la force cette ville à leur royaume. Ceux qui, en revanche, croient pouvoir mettre au crédit de la France naissante la première traduction latine du Coran par l’abbé de Cluny Pierre le Vénérable en 1143, sont avertis que cette démarche n’était pas inspirée par la curiosité mais par une volonté de dénigrement. Et peu importe le fait que l’Islam de son côté ne pouvait pas même envisager de traduire les Écritures saintes des religions antérieures à son avènement.
Nos éminents universitaires n’ont que l’Autre à la bouche et sous la plume. Ouverture est leur maître mot. Mais ils frappent d’inexistence Cioran, Ionesco, Kundera, Levinas, tous ces étrangers qui ont enrichi notre philosophie et honoré notre littérature. Car c’est à ce «notre» qu’ils veulent faire rendre l’âme...
Le dégoût de l’identité a fait place nette de la culture. Les façonniers de l’Histoire mondiale de la France sont les fossoyeurs du grand héritage français.
« Une histoire libre », dit le journal Libération pour qualifier ce bréviaire de la bien-pensance et de la soumission, cette chronique tout entière asservie aux dogmes du politiquement correct qui ne consacre pas moins de quatorze articles aux intellectuels sans jamais mentionner Raymond Aron, ni Castoriadis, ni Claude Lefort, ni aucun de ceux qui ont médité la catastrophe totalitaire et la bêtise de l’intelligence au XXe siècle…
« Histoire jubilatoire », ajoute Libération. Ce mot – le plus insupportablement bête de la doxa contemporaine – convient particulièrement mal pour une histoire acharnée à priver la France de son rayonnement et à l’amputer de ses merveilles.
Il n’y a pas de civilisation française, la France n’est rien de spécifiquement français: c’est par cette bonne nouvelle que les rédacteurs de ce qui voudrait être le Lavisse du XXIe siècle entendent apaiser la société et contribuer à résoudre la crise du vivre-ensemble.
Quelle misère! »
« Pourquoi un Musée national de l’histoire de l’immigration ? C’est à cette question qu’il nous fallait répondre en concevant la nouvelle exposition permanente du Musée, plus de 15 ans après la précédente, Repères, parcours à travers les différentes étapes de la vie d’un immigré. Le choix qui a été fait pour le nouveau Musée, à partir d’un travail scientifique long et exigeant, de raconter l’histoire des migrations à travers les grandes dates de l’Histoire de France est à lui seul une réponse à cette question. Nous avons besoin d’un musée de l’histoire de l’immigration parce que c’est notre histoire, celle de notre pays, dont l’identité ne se comprend que par une connaissance de l’histoire de celles et ceux qui y sont venus, des tourments qui ont accompagné ces arrivées, des réussites et des difficultés qui y ont succédé.Les statistiques récentes montrent que bien plus d’un Français sur quatre est issu de l’immigration, qu’il soit immigré lui-même ou que ses parents ou grands-parents le soient. Et ce que ne montrent pas les enquêtes, c’est qu’il n’est pas une Française ou un Français qui ne soit pas concerné par cette histoire. Parce que notre pays a traversé les guerres grâce à l’engagement des troupes coloniales. Parce qu’il a maintes fois été reconstruit grâce à l’apport des immigrés. Parce qu’en première ligne des crises, y compris les plus récentes, il a tenu grâce aux immigrés et à leurs enfants qui occupent souvent des métiers difficiles et invisibles. Parce que la place importante qu’il occupe dans le monde n’est pas sans lien avec une tradition d’hospitalité et de fraternité qu’il porte en étendard malgré les vicissitudes dans sa mise en œuvre. Parce que notre musique, notre littérature, notre cinéma, nos arts, nos sports, notre gastronomie, n’auraient tout simplement pas cette richesse incroyable sans les contributions de celles et ceux qui, venus en France, ont apporté un peu d’ailleurs, un autre regard et d’autres saveurs.Le nouveau Musée est donc d’abord un musée de fierté nationale, qui raconte en textes, images, œuvres, parcours de vie, comment nous sommes devenus la France. Il n’occulte rien, il dit aussi tous les obstacles, il interroge la relation difficile à l’altérité, la peur de l’étranger, qui à chaque époque prend de nouvelles formes. Il confronte les préjugés d’aujourd’hui, il invite à changer de regard sur l’immigration pour retrouver le sens de l’ouverture. Il propose, en reposant sur des données objectives, de dépasser les polémiques qui trop souvent polluent tout échange sur l’immigration.Le Musée est un lieu d’histoire et de réflexion, mais il est aussi un musée tout court : un lieu sensible, interactif, ouvert, où l’on peut apprendre en se divertissant. Nous avons voulu en faire un lieu pour tous, avec des dispositifs d’accessibilité et des parcours différents en fonction des attentes : un parcours pour les enfants, avec des textes à leur hauteur ; un parcours historique, des documents et données précises et à jour de l’historiographie la plus récente ; un parcours sensible, avec des histoires de vie qui accompagnent les objets donnés au Musée par des immigrés ou leur famille ; un parcours artistique, avec des œuvres contemporaines à toutes les étapes du parcours ; un parcours musical et cinématographique aussi ; des espaces immersifs ont aussi été créés (une introduction en images, un studio d’écoute des chansons et musiques des migrations, le salon Télé, un espace vidéo dédié aux crises internationales des années 1990, une salle de projection de films artistiques et documentaires) ; enfin des bornes interactives permettent d’aborder les migrations par de multiples entrées (pays d’origine, cartes, évolution des statuts).Sur près de 2 000 m² avec près de 600 objets, documents et œuvres exposés sur les plus de 7 000 que le Musée a désormais dans ses collections, le nouveau Musée de l’histoire de l’immigration a tous les atouts pour être un musée national incontournable. Je suis particulièrement fière de l’ouvrir aujourd’hui, après plus de trois ans au cours desquels les équipes du Musée et du Palais de la Porte Dorée, les historiens, les artistes, les tutelles, toutes celles et ceux qui soutiennent l’Établissement depuis de nombreuses années, n’ont pas ménagé leur peine pour en faire le grand Musée qu’il méritait de devenir. »
Sébastien Gökalp, directeur depuis 2019 du musée national de l’histoire de l’immigration, agrégé d’histoire, Conservateur en chef du patrimoine, commissaire général de l’exposition permanente, a loué ce « nouveau musée scientifique et patrimonial » :
« On quitte son foyer pour de multiples raisons : découvrir le monde, travailler, rejoindre une famille, des proches, étudier, fuir des persécutions, des situations politiques ou économiques invivables. L’expérience migratoire est différente selon sa durée (saisonnière ou permanente), les moyens, l’éloignement. Ces immigrés et leurs familles participent de l’identité, la richesse et la pluralité culturelle de la France.Le nouveau Musée propose une approche historique à partir de faits migratoires majeurs des trois derniers siècles. Constitué à partir de nos collections et de prêts d’autres institutions, il s’appuie sur une approche résolument scientifique et s’adresse à tous quelque soient les opinions. Il ne s’agit pas ici d’être pour ou contre l’immigration, de donner un avis, de diffuser une idéologie ou de relayer un discours politique ou étatique. Les galeries ne présentent pas non plus de parcours idéal du migrant qui, d’un départ de son pays d’origine plus ou moins voulu et en passant par les difficultés du voyage et de l’installation, finirait sur son intégration dans la société française. Dans nos espaces, c’est bien la connaissance de l’histoire – des grands évènements aux détails de la vie quotidienne, des inflexions majeures aux phénomènes itératifs – et la découverte de documents historiques ou d’œuvres artistiques cristallisant les interrogations qui permettent à chaque visiteur de mieux connaître cette part souvent peu considérée de l’Histoire de notre pays. Le Musée donne à chaque visiteur la possibilité de réfléchir et comprendre à partir de données, d’images, de témoignages et non d’enjeux politiciens ou de sensationnalisme. L’objet de ce musée est de contribuer à dissoudre les préjugés et à construire le vivre ensemble autant que d’incarner celles et ceux qui ont à un moment été étrangers et participent désormais de la communauté nationale.Autour de 11 dates repères de l’immigration qui résonnent avec d’autres événements de l’Histoire de France sont abordés des thèmes majeurs : les différentes migrations, l’évolution des statuts des étrangers, l’hospitalité et la xénophobie, le quotidien, l’économie, les mutations sociales et culturelles, l’intégration, les discriminations. Quatre axes ont été privilégiés : une approche chronologique et évènementielle ; une histoire des circulations à l’échelle locale, nationale et internationale ; l’évolution des statuts de l’immigré ; les expressions culturelles et l’épaisseur du quotidien. Un espace consacré au temps présent clôt le parcours.Cette traversée de l’histoire est le résultat d’un travail conséquent. En novembre 2018, après une année de concertations, un comité scientifique d’une quarantaine d’historiens, de géographes, de sociologues et de conservateurs réunis sous la direction de Patrick Boucheron et Romain Bertrand, a remis un rapport de préfiguration de plus de 500 pages définissant de grands principes chronologiques, traitant aussi bien de périodes que de thématiques précises. À partir de ce recueil nourri des connaissances les plus récentes, une équipe d’une douzaine de personnes réunies sous mon commissariat général, accompagnée par François Héran, président du conseil d’orientation du Palais de la Porte Dorée et par un commissariat scientifique constitué de Marianne Amar, Emmanuel Blanchard, Delphine Diaz et Camille Schmoll, a travaillé à incarner et mettre en exposition aussi bien les notions que les faits ou les témoignages. Pilotés par Emilie Gandon, commissaire exécutive du projet, des tandems associant universitaires et conservateurs ont identifié les items les plus pertinents au sein des collections du Musée et d’autres collections nationales ou fonds d’archives. Les trois collections mêlées du Musée – collection Histoire, collection Société et collection d’Art contemporain – constituent le parcours, rythmé par des repères historiques, sociologiques, culturels. Ces éléments offrent diverses entrées : par le savoir (textes), les objets (collection d’histoire), l’expérience humaine (collection société), les œuvres. L’art contemporain constitue une part essentielle des collections, permettant une approche réflexive, esthétique et émotionnelle. Les œuvres de Kader Attia, Baby Badalov, Samuel Fosso, Zineb Sedira, Barthélémy Toguo (pour n’en citer que quelques-uns) interrogent les migrations, l’identité, la relation à l’histoire, en particulier coloniale. Deux commandes ont été passées pour ouvrir et clore le parcours, à Gaëlle Choisne, sur la mémoire de l’esclavage (dans le cadre de Mondes nouveaux), et à Valérie Mréjen, sur la perception du vivre ensemble par des adolescents de Sarcelles.Au total, près de 600 items renouvellent à plus de 80 % l’ancien parcours. Le Musée avait en effet ouvert en 2007 avec des collections embryonnaires qui se sont développées durant les seize années passées. L’agence de scénographie de Maciej Fiszer, le graphiste Bastien Morin, l’architecte Vincent Cabre et l’éclairagiste Hervé Audibert ont caractérisé chaque période par un environnement graphique et esthétique original. Le parcours est désormais circulaire, passant de 800 à 1800 m². La scénographie a été conçue pour permettre de changer facilement certains de ses éléments afin de mettre en valeur de nouvelles thématiques, des nouvelles acquisitions ou de réagir à l’actualité. »
Le nouveau musée national de l’histoire de l’immigration
1. EN BREF
« Faisant suite aux importants travaux dans le Palais de la Porte Dorée, le Musée national de l’histoire de l’immigration réouvre sa galerie permanente avec un espace entièrement renouvelé, plus didactique et évolutif intégrant les recherches récentes sur l’immigration en France. »
« Plus grand et plus accessible, notamment au jeune public, le nouveau musée déroule un récit chronologique, thématique et sensible en 11 dates clefs – de 1685 à nos jours – qui montrent que l’histoire de l’immigration est une composante indivisible de l’histoire de France, à partir de données scientifiques, d’évènements, de récits de vie. »
« Mêlant documents d’archive, photographies, peintures, sculptures, affiches, parcours de vie, créations artistiques contemporaines et outils de médiations numériques pour tous les âges, le nouveau Musée apportera à chaque visiteurs les éléments essentiels pour connaître et comprendre une part essentielle de l’identité française. »
Dates repères pour comprendre l’histoire de l’immigration en France
« Illustrant l’avancée de la recherche sur l’histoire de l’immigration en France et plus que jamais en résonnance avec les grandes questions qui animent nos sociétés contemporaines, le nouveau Musée a pour ambition de faire l’histoire de l’immigration un élément central de l’histoire nationale, de participer à la reconnaissance de cette histoire et de nourrir la réflexion ».
« S’appuyant sur le rapport de préfiguration du comité scientifique présidé par l’historien Patrick Boucheron, le parcours rompt avec la logique thématique du parcours précèdent. La nouvelle présentation opte pour un cheminement chronologique en 11 dates clefs déclinant chacune deux ou trois thèmes, dans une perspective historique longue. Ces dates clefs ont été retenues pour leur épaisseur historique : elles illustrent la construction des statuts et des citoyennetés, les mouvements migratoires, l’histoire sociale et culturelle des migrations, mais aussi les luttes et les controverses. La nouvelle présentation débute en 1685, qui est à la fois la date de la révocation de l’Édit de Nantes et celle de la promulgation du Code Noir en France par Colbert. »
UNE IMMERSION DANS UN RÉCIT SENSIBLE ET DOCUMENTÉ
« Les dates clefs qui scandent les différentes sections chronologiques sont l’occasion de raconter un nouveau récit conjuguant la « grande Histoire » de l’immigration - politique, économique - culturelle à des parcours de migrants. Papiers d’identités, photos, outils, objets personnels et de mémoire, contrats de travail… ces objets, donnés par des immigrés ou par leurs proches, ainsi que leurs témoignages, retracent des destins singuliers qui illustrent de manière sensible les soubresauts de l’Histoire. »
« Enfin, le parcours est jalonné d’œuvres d’artistes contemporains de la collection du Musée, dont des acquisitions récentes : Kader Attia, Lahouari Mohammed Bakir, Taysir Batniji, Mohamed Bourouïssa, Gaëlle Choisne, Pascale Consigny, Claire Fontaine, Kimsoja, Samuel Fosso, Zineb Sedira, Barthelemy Toguo, Shen Yuan, etc. »
RENDRE L’HISTOIRE DE L’IMMIGRATION ACCESSIBLE À TOUS LES PUBLICS
« Le Musée national de l’histoire de l’immigration sera accessible aux jeunes grâce à des dispositifs de médiation permettant une visite à tous les âges. Des cartels spécialement rédigés pour les enfants, un livret d’aide à la visite jeune public, une application mobile apporteront aux jeunes des éléments de compréhension du parcours. »
« Des documents pédagogiques et des visites adaptées au public scolaire compléteront ces dispositifs. »
« Enfin les contenus du nouveau parcours ainsi qu’un ensemble de focus thématiques, de vidéos et des témoignages, seront accessibles en ligne sur le site du Musée pour compléter la visite. »
2. LES CHIFFRES CLÉS
. « 3 ans de travaux
. 2, 5 millions € de budget
. 1800 m2 de surface d’exposition (au lieu de 800 m2)
. 75 historiens, géographes, politologues, sociologues et conservateurs mobilisés pour penser la refonte du parcours
. 670 items exposés qui renouvellent à plus de 80 % l’ancien parcours
. 11 dates repères
. 21 parcours de vie racontés à travers des objets
. 2 commandes qui rejoignent la collection d’art contemporain
. 3 nouveaux parcours sonores
. 84 titres dans la playlist du studio de musique »
3. LE CALENDRIER
. « Novembre 2019 : Faire musée d’une histoire commune. Rapport de préfiguration de la nouvelle exposition permanente du Musée national de l’histoire de l’immigration, Seuil, 2019, 544 p., direction d’ouvrage : Romain Bertrand et Patrick Boucheron. Celui-ci
. Décembre 2020 : fermeture du parcours permanent
. Décembre 2021 : fin des travaux de ventilation et de chauffage dans les salles d’exposition
. 17 juin 2023 : ouverture du Nouveau musée national de l’histoire de l’immigration ».
L’ÉQUIPE DE CONCEPTION DU NOUVEAU MUSÉE
« Sous la direction scientifique de Patrick Boucheron, historien et professeur au Collège de France et Romain Bertrand, historien, des chercheurs mais aussi des conservateurs du patrimoine, des muséographes, des artistes et des spécialistes de la médiation ont travaillé tout au long de l’année 2018 pour penser le récit historique du nouveau Musée national de l’histoire de l’immigration. »
« En 74 contributions, le rapport a donné une trame à l’exposition permanente articulée autour d’une chronologie forte et de dates repères. Il a été publié sous le nom Faire musée d’une histoire commune (éd. du Seuil). »
COMMISSAIRES SCIENTIFIQUES :
Marianne Amar « est historienne. Responsable de la recherche au Musée national de l’histoire de l’immigration depuis 2007, elle a notamment en charge les manifestations, les programmes et les partenariats scientifiques. Elle a également fait partie du commissariat de plusieurs expositions : « Repères » en 2007, « Augustus Sherman » et « À chacun ses étrangers » en 2008. Fellow de l’Institut Convergences Migrations, ses recherches portent sur les mobilités du premier XXe siècle. Elle s’attache en particulier aux réfugiés des années 1930-1950, aux écritures de soi et à une histoire visuelle des migrations. Parmi ses publications récentes, elle a codirigé Migraciones y museos. Una aproximación global, Prohistoria Ediciones, 2020 (avec M.-C. Lavabre et Pilar G. Bernaldo), « Saisir le murmure du monde » (Hommes et migrations, 2021, avec S. Aprile, A. Kunth, I. Lacoue-Labarthe) et Migrations d’élites. Une histoire-monde, XVIe-XXIe siècle, avec Nancy L. Green (PUFR, 2022). »
Emmanuel Blanchard « est maître de conférences (HDR) à l’Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines et à Sciences Po Saint-Germain-en-Laye. Il mène ses recherches au sein du Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales (CESDIP, CNRS et ministère de la Justice) et à l’Institut national d’études démographiques où il est chercheur associé. Historien et politiste, il est fellow de l’Institut Convergence Migrations (ICM) et notamment spécialiste de l’histoire de l’immigration algérienne en France. Ses recherches portent sur la socio-histoire des pratiques de police, des politiques d’immigration et des situations coloniales. Parmi ses principales publications : La police parisienne et les Algériens, 1944-1962 (Nouveau monde éd., 2011) ; Histoire de l’immigration algérienne en France (La Découverte, 2018) ; Histoire des polices en France (avec V. Denis, A. Houte et V. Milliot, Belin, 2021) et Policing in Colonial Empires. Cases, Connections, Boundaries (ca. 1850-1970) (avec A. Lauro, M. Bloemberrgen, eds, Peter Lang, 2017). »
Delphine Diaz « est ancienne élève de l’École normale supérieure de la rue d’Ulm et agrégée d’histoire. Elle est actuellement maîtresse de conférences à l’Université de Reims Champagne-Ardenne et membre junior de l’Institut universitaire de France. Membre de l’Institut Convergences Migrations, elle travaille sur l’histoire des exils en France et en Europe occidentale à l’époque contemporaine. Elle a publié en 2014 un livre issu de sa thèse, Un asile pour tous les peuples ? Exilés et réfugiés étrangers dans la France du premier XIXe siècle (Paris, Armand Colin, prix Augustin Thierry du Comité d’histoire de la ville de Paris en 2015). Entre 2016 et 2020, elle a coordonné le programme AsileuropeXIX, financé par l’Agence nationale de la recherche, qui se penchait sur l’accueil des réfugiés dans l’Europe du XIXe siècle : en est issu un livre dirigé avec Sylvie Aprile, Les Réprouvés. Sur les routes de l’exil dans l’Europe du XIXe siècle (Paris, Éditions de la Sorbonne, 2021). Delphine Diaz est également l’autrice d’En exil. Les réfugiés en Europe, de la fin du XVIIIe siècle à nos jours (Paris, Gallimard, collection « Folio », 2021). »
Camille Schmoll « est géographe, directrice d’Études à l’École des Hautes Études en Sciences Sociales, membre du laboratoire CNRS Géographie-cités, fellow de l’Institut Convergences Migrations et membre honoraire de l’Institut Universitaire de France. Elle dirige le Master « Migrations » (EHESS/Université Paris 1). Spécialiste des migrations contemporaines, ses travaux se consacrent en particulier aux migrations féminines, aux politiques migratoires et à l’espace méditerranéen. Elle a publié de nombreux articles et ouvrages, parmi lesquels, Migrations en Méditerranée (avec C. Wihtol de Wenden et H. Thiollet, 2015, éditions du CNRS) ; Méditerranée. Des frontières à la dérive (avec N. Bernardie-Tahir, 2020, Le passager clandestin) et Les damnées de la mer. Femmes et frontières en Méditerranée (2020, La Découverte), pour lequel elle a reçu le prix du livre de géographie des lycéens et étudiants. »
Émilie Gandon « est commissaire exécutive du nouveau parcours permanent. Diplômée de l’Institut national du patrimoine et de l’Université de Paris Nanterre, elle est responsable de la collection Histoire du Musée national de l’histoire de l’immigration depuis 2017. Conservatrice du patrimoine, son parcours professionnel l’a mené à évoluer dans différentes institutions culturelles comme la Direction régionale des affaires culturelles de Normandie, le Centre de Recherche et de Restauration des musées de France ou encore le Musée de l’immigration d’Ellis Island de New York. »
« LE NOUVEAU MUSÉE PAS-À-PAS »
1685
« LA FRANCE D’ANCIEN RÉGIME, TERRE D’ACCUEIL, TERRE D’EXIL »
« À la fin du XVIIe siècle, le royaume de France est une terre d’immigration et d’émigration. Les étrangers qui s’y installent viennent surtout des pays frontaliers, pour des motifs principalement économiques mais aussi politiques ou religieux. Rares sont les étrangers qui obtiennent une « lettre de naturalité » leur permettant de devenir sujets du roi. »
« Dans le même temps, la traite transatlantique se développe : dans les possessions françaises des Antilles, l’économie de plantation est alimentée par la mise en esclavage de captifs africains ayant survécu à cette migration forcée. En mars 1685 est promulgué l’« édit sur la police des esclaves des îles de l’Amérique française », connu sous le nom de « Code Noir », qui synthétise près de cinquante ans de réglementations issues de coutumes et de jurisprudences locales. »
« En octobre 1685, Louis XIV signe l’édit de Fontainebleau qui interdit l’exercice public de la « religion prétendue réformée », le protestantisme. Les protestants français – ou huguenots – sont sommés de se convertir au catholicisme. En deux ans, près de 100 000 d’entre eux s’exilent vers des terres plus accueillantes en Europe, mais aussi aux Antilles et en Afrique australe. »
« LA FRANCE D’ANCIEN RÉGIME, TERRE D’ACCUEIL, TERRE D’EXIL »
« À la fin du XVIIe siècle, le royaume de France est une terre d’immigration et d’émigration. Les étrangers qui s’y installent viennent surtout des pays frontaliers, pour des motifs principalement économiques mais aussi politiques ou religieux. Rares sont les étrangers qui obtiennent une « lettre de naturalité » leur permettant de devenir sujets du roi. »
« Dans le même temps, la traite transatlantique se développe : dans les possessions françaises des Antilles, l’économie de plantation est alimentée par la mise en esclavage de captifs africains ayant survécu à cette migration forcée. En mars 1685 est promulgué l’« édit sur la police des esclaves des îles de l’Amérique française », connu sous le nom de « Code Noir », qui synthétise près de cinquante ans de réglementations issues de coutumes et de jurisprudences locales. »
« En octobre 1685, Louis XIV signe l’édit de Fontainebleau qui interdit l’exercice public de la « religion prétendue réformée », le protestantisme. Les protestants français – ou huguenots – sont sommés de se convertir au catholicisme. En deux ans, près de 100 000 d’entre eux s’exilent vers des terres plus accueillantes en Europe, mais aussi aux Antilles et en Afrique australe. »
« THÉMATIQUES DÉVELOPPÉES DANS CETTE SECTION :
• La traite des esclaves au temps du Code Noir.
• L’exil des huguenots après la révocation de l’édit de Nantes.
• La diversité des étrangers sous l’Ancien Régime. »
1685
« Adoption de l’édit « sur la police des esclaves des îles de l’Amérique française », appelé plus tard « Code Noir ».
L’édit de Fontainebleau révoque l’édit de Nantes qui avait été signé en 1598 par Henri IV et qui octroyait aux protestants la liberté de conscience, l’égalité civique ainsi qu’une liberté de culte restreinte. Près de 100 000 huguenots quittent le pays. »
JEAN-DOMINIQUE CASSINI
« Astronome, né à Périnaldo dans le comté de Nice en 1625 (hors du royaume de France). Reconnu en Italie pour ses travaux scientifiques à l’université de Bologne, Jean-Baptiste Colbert le fait venir en France à la demande de Louis XIV pour le nommer directeur de l’observatoire à l’Académie des sciences en 1672. À son arrivée dans le royaume de France, Louis XIV lui délivre une lettre de naturalité. C’est une grâce exceptionnelle faite par le roi à un étranger afin d’en faire un de ses sujets. En contrepartie ce dernier doit résider dans le royaume de manière constante. Le principal intérêt de ce statut pour un étranger est d’échapper au droit d’aubaine. Ce droit régalien limite le pouvoir d’hériter et de transmettre en plaçant le roi comme héritier des biens laissés par les étrangers décédés dans le royaume. »
1789
« LES ÉTRANGERS DANS LA RÉVOLUTION FRANÇAISE »
« Les étrangers se retrouvent dans les trois ordres de la société d’Ancien Régime (noblesse, clergé, tiers état). Néanmoins, ils n’ont pas les mêmes droits que les sujets du roi nés dans le royaume, appelés les « régnicoles ».
« En 1789, la Révolution française instaure la citoyenneté politique, fondée sur la reconnaissance de nouveaux droits civils et politiques. Les étrangers, qui jouissent de la liberté d’expression et de réunion, demeurent exclus du droit de vote. Ils ont toutefois la capacité de s’agréger au corps des citoyens français : la Révolution française simplifie leurs conditions d’accès à la naturalisation et à l’exercice de fonctions publiques. »
« Dans ce contexte révolutionnaire, près de 150 000 « émigrés » français, partisans de la monarchie ou craignant pour leur vie, choisissent l’exil et espèrent rétablir l’Ancien Régime en France. Ces « émigrés » seront plus tard déchus de leurs droits civiques et privés de leurs biens. »
« Au tournant du XVIIIe et du XIXe siècle, d’autres types de migrations se poursuivent, reliant la France métropolitaine aux colonies. Alors que la traite transatlantique est à son apogée, nombre de colons gagnent la métropole ou le continent américain, après la révolte des esclaves à Saint-Domingue (1791) et la première abolition de l’esclavage (1794). La fluctuation des frontières européennes liée aux guerres napoléoniennes entraîne, sous le Premier Empire (1804-1815) ainsi qu’au début de la Restauration (1815-1830), des migrations intracontinentales : conscrits français, soldats étrangers, prisonniers de guerre, exilés politiques et travailleurs venus de pays voisins. »
« THÉMATIQUES DÉVELOPPÉES DANS CETTE SECTION :
. Les étrangers dans la Révolution française, la naissance de la citoyenneté politique, l’émancipation des Juifs et le sort des émigrés.
. Les dynamiques coloniales et atlantiques et la révolution de Saint-Domingue.
. La question de la naturalisation dans la France postrévolutionnaire. »
1789
« Adoption de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Début de l’émigration vers l’étranger de Français opposés à la Révolution ou fuyant ses troubles. »
ALEXANDRE AGUADO, EXILÉ ESPAGNOL
« Alejandro María Aguado (1784-1842) est ce que l’on appelle péjorativement en castillan un afrancesado, à savoir un Espagnol qui a collaboré avec le régime de Joseph Bonaparte, frère de l’empereur et roi d’Espagne. Quand, à la fin du Premier Empire, les défaites françaises se multiplient, ils sont environ 10000 afrancesados qui, comme lui, doivent fuir leur pays en 1813-1814. En France, Aguado fait fortune comme banquier. Naturalisé en 1828, il est nommé maire d’Évry, collectionne un nombre considérable d’œuvres d’art, devient le mécène de Rossini et multiplie les investissements. »
1848
« ÉMIGRANTS, EXILÉS, COLONS ET COLONISÉS »
« Sous la monarchie de Juillet (1830-1848), l’accueil des étrangers en France connaît un tournant important. La révolution libérale des Trois Glorieuses suscite l’arrivée de milliers d’exilés politiques européens (majoritairement des Polonais fuyant la répression russe). En 1832, une première loi sur les « réfugiés » consacre la reconnaissance de cette catégorie administrative qui isole un groupe circonscrit d’étrangers plus surveillé que d’autres. »
« En 1848, la révolution de février met fin à la monarchie et la Seconde République adopte le suffrage masculin. Les conditions de naturalisation sont alors assouplies. Pour la première fois, en 1851, les étrangers sont dénombrés lors du recensement de la population. Ils s’impliquent dans la vie culturelle du pays. Ils s’engagent en politique comme dans les insurrections et révolutions qui rythment le XIXe siècle. »
« L’année 1848 voit aussi se développer les migrations à destination des colonies. La conquête de l’Algérie, à partir de 1830, avait été sanglante et sa colonisation, hésitante. Après la défaite de l’émir Abdelkader, la Seconde République divise le nord de l’Algérie en trois départements. L’État y souhaite la venue de colons français mais une grande partie de ceux qui s’y installent sont issus d’îles et de régions pauvres de la Méditerranée. C’est également en Algérie que la République, devenue conservatrice après l’été 1848, cherche à déporter ses indésirables mais les tentatives de colonisation pénitentiaire échouent. »
« THÉMATIQUES DÉVELOPPÉES DANS CETTE SECTION :
• Les réfugiés étrangers : naissance d’une catégorie administrative.
• Les étrangers dans la vie politique et culturelle française au XIXe siècle.
• La seconde abolition de l’esclavage et les circulations coloniales. »
« 1848
Seconde République : octroi du droit de vote aux citoyens de sexe masculin et seconde abolition de l’esclavage dans les colonies.
Transformation du nord de l’Algérie en départements français (Alger, Constantine, Oran) ; les migrations françaises et européennes vers cette colonie sont encouragées. »
1889
« DES ÉTRANGERS AUX IMMIGRÉS »
« Sous la Troisième République, la loi du 26 juin 1889 rend obligatoire le double droit du sol. L’enfant né en France d’un parent né en France est français de plein droit dès sa naissance. »
« Deux raisons ont motivé cette loi : en métropole, il s’agit d’empêcher que des enfants français, nés de parents étrangers, puissent abandonner la nationalité française afin de se soustraire à un service militaire d’une durée de cinq ans, puis réduit à trois ans ; en Algérie, les colons français redoutent d’être supplantés numériquement par les étrangers européens. C’est pourquoi la loi prévoit que les descendants de ces derniers deviennent automatiquement français à leur majorité. »
« L’immigration se poursuit encore à la fin du XIXe siècle. Il s’agit principalement de travailleurs belges et italiens qui viennent combler le « manque de bras ». À cette même époque, le monde entier subit une longue crise économique. Elle entraîne, en France, une flambée xénophobe : les étrangers sont l’objet de pamphlets hostiles ainsi que de violences collectives. À partir des années 1880-1890, la présence de la main-d’oeuvre étrangère est perçue comme un problème. La figure de l’immigré devient, avec le Juif – y compris français, comme l’était le capitaine Alfred Dreyfus –, le bouc émissaire par excellence. »
« THÉMATIQUES DÉVELOPPÉES DANS CETTE SECTION :
• Travail et immigration.
• La montée de la xénophobie et l’antisémitisme.
• La France comme terre de transit et d’émigration. »
1889
« Le double droit du sol est instauré par loi du 26 juin 1889. »
1917
« DE LA GRANDE GUERRE AUX ANNÉES 1920 »
« La Première Guerre mondiale bouleverse la condition des étrangers. Dès août 1914, ils font l’objet d’une surveillance renforcée. L’État contrôle leurs déplacements, les passeports avec visa sont rétablis et le permis de séjour devient obligatoire. Les ressortissants des puissances ennemies doivent quitter le pays sans délai ; à défaut, ils sont internés. Les nationaux des pays neutres, Italiens ou Espagnols, partent également, poussés par l’État et par la pression xénophobe. »
« Néanmoins, le pays, à cause de la guerre, a besoin des étrangers. Au front comme à l’arrière, le conflit est une période d’intenses circulations. Pendant quatre ans, se croisent ainsi, en métropole, soldats et travailleurs, étrangers et coloniaux, qu’ils soient ou non volontaires. Cette diversité nouvelle marque profondément la société. »
« L’État intervient massivement dans le recrutement, l’administration et le contrôle des immigrés. En avril 1917, il crée la carte d’identité des étrangers. Une fois la paix revenue, cette carte d’identité devient un outil durable et central des politiques migratoires. »
« Au lendemain de la guerre, l’Europe est marquée par des violences qui provoquent d’importantes migrations de réfugiés, notamment vers la France. Pour faire face aux besoins de la reconstruction et pour combler le déficit démographique lié au conflit, le gouvernement décide de faire appel aux travailleurs étrangers. Il signe des conventions internationales et organise des recrutements collectifs avec l’appui du patronat. Les anciennes routes migratoires, fondées sur des réseaux de connaissance, continuent de fonctionner. »
« THÉMATIQUES DÉVELOPPÉES DANS CETTE SECTION :
• La mobilisation des étrangers et des coloniaux dans l’effort de guerre.
• Le contrôle des étrangers, l’anthropomé- trie et la création de la carte d’identité.
• La protection de réfugiés et des apatrides.
• Les travailleurs immigrés après-guerre.
• La diversité dans la France des années 20 et 30. »
« 1917
Création, par décret d’une carte d’identité « à l’usage des étrangers » qui autorise et encadre leur séjour en France. Le statut des « travailleurs étrangers et coloniaux » est rapidement précisé par un second décret. «
LAZARE PONTICELLI, UN SOLDAT ITALIEN AU SERVICE DE LA FRANCE
« En 1907, Lazare Ponticelli, alors âgé de neuf ans, né dans une famille d’agriculteurs de sept enfants, émigre seul depuis l’Italie, chassé par la misère. Installé à Nogent, à côté de Paris, il s’engage pour la France lors de la déclaration de guerre, avec son frère Céleste. Ils sont affectés au sein de l’unité de soldats italiens dite légion Garibaldi. Quand l’Italie entre en guerre aux côtés de la France en 1915, Céleste est exempté, mais Lazare doit rejoindre l’armée de son pays d’origine. Blessé au combat, Lazare Ponticelli reçoit de nombreuses décorations militaires pour sa bravoure. Après la guerre, il fonde avec ses frères une entreprise de fumisterie qui connaît une belle réussite. Naturalisé en 1939, il meurt en 2008 à l’âge de 110 ans et entre dans l’histoire comme le « dernier des poilus ».
JEANNE ET PAULETTE NARDAL ET LES MEMBRES DE LA REVUE NOIRE
« En 1920, Paulette Nardal, bientôt rejointe par sa sœur Jeanne, quitte Fort-de-France en Martinique pour Paris afin de suivre des études d’anglais. Dans les années 1930, Paulette Nardal anime un salon où les chantres de la négritude, Aimé Césaire, Léon-Gontran Damas, Léopold Sédar Senghor, forgent leurs armes littéraires. Les sœurs Nardal lisent et accueillent également les écrivains afro-américains comme Alain Locke et Claude McKay. Leurs écrits journalistiques ainsi que la Revue du monde noir (1931-1932) qu’elles publient annoncent le mouvement de la négritude. »
1931
« FACE AUX CRISES »
« En 1931, 2,7 millions d’étrangers vivent en France, soit 7 % de la population. Ils viennent en grande majorité de pays européens, Italie et Pologne en tête. Moins nombreux sont les ressortissants des colonies françaises, étroitement encadrés. En mai, l’ouverture, à Paris, de l’Exposition coloniale internationale célèbre l’Empire. C’est à cette occasion qu’est construit le Palais de la Porte Dorée dont le décor témoigne de la ferveur coloniale de l’époque. »
« L’année 1931 inaugure aussi une décennie de crises : économique, sociale, politique. Face à la montée du chômage, la protection de la main-d'œuvre nationale devient une priorité. Sous la pression des classes moyennes, un arsenal juridique limite l’accès des étrangers au marché du travail et leur interdit certaines professions. Nombre d’entre eux, privés d’emploi, sont de ce fait privés de papiers en règle et contraints de quitter le pays, refoulés, rapatriés ou expulsés. »
« Ce protectionnisme se nourrit de xénophobie et d’antisémitisme anciens, exacerbés par l’arrivée de nombreux réfugiés juifs fuyant le nazisme. Au sommet de l’État, certains experts tentent d’imposer une hiérarchie des étrangers selon des origines jugées plus ou moins « désirables ».
« En 1936, le Front populaire représente une fragile embellie. Si la solidarité paraît un temps l’emporter, très vite, les tensions internationales ainsi que l’arrivée de nouveaux réfugiés aggravent les fractures de la société française. En 1938, les décrets Daladier inaugurent une période de répression sans précédent à l’encontre des étrangers et menacent la tradition de l’asile ».
« THÉMATIQUES DÉVELOPPÉES DANS CETTE SECTION :
• La surveillance politique des étrangers.
• La crise économique et la question de la préférence nationale.
• La France et son Empire colonial. »
1931
« Près de 2 500 ouvriers de toutes origines et de toutes nationalités travaillent à l’édification des pavillons construits pour l’Exposition coloniale internationale. »
1940
« ÉTRANGERS ET PERSÉCUTÉS EN TEMPS DE GUERRE »
« Début 1939, la République à son crépuscule accorde l’asile aux Espagnols pris dans un exode massif à la fin de la guerre civile, et aux réfugiés qui essaient d’échapper au pouvoir nazi. »
« En septembre, lorsque commence la guerre, les soldats coloniaux, les apatrides et les bénéficiaires du droit d’asile sont mobilisés. Des étrangers s’engagent aux côtés de la France quand d’autres, traités en ennemis ou en indésirables, sont internés. »
« L’effondrement militaire de 1940 provoque l’occupation d’une partie du territoire, et la chute de la République remplacée par le régime de Vichy. En quelques mois, l’ordre ancien est balayé. Vichy et l’occupant allemand imposent de nouvelles lignes de fracture. »
« Les droits des Français naturalisés sont amputés et leur condition est menacée. Une partition juridique sépare désormais radicalement Juifs et non-Juifs, dans le droit fil des discours antisémites des années 1930. Dès 1942, les nazis planifient et imposent l’extermination des Juifs dans l’Europe occupée. Vichy se fait le complice de ce crime, au nom de sa politique de collaboration, xénophobe et antisémite. Les rafles et les déportations, surtout celles des enfants, provoquent progressivement une prise de conscience dans l’opinion et conduisent à des actes de sauvetage. »
« En 1944, étrangers et colonisés, résistants ou mobilisés dans l’armée participent à la Libération. Dans le chaos qui suit la capitulation allemande, la France se trouve au cœur de déplacements massifs qui transforment le visage des migrations. L’Empire, lui aussi, évolue : l’Union française, créée en 1946, transforme le cadre institutionnel ; une série de soulèvements vient contester l’ordre colonial. »
« Avec le retour à la légalité républicaine, de nouveaux textes juridiques définissent les conditions d’accès à la nationalité, à l’entrée et au séjour des étrangers. L’État prend désormais en charge le recrutement de la main-d'œuvre étrangère, indispensable à la reconstruction. »
« THÉMATIQUES DÉVELOPPÉES DANS CETTE SECTION :
• La défaite républicaine en Espagne et la Retirada.
• Les étrangers et les colonisés face à la guerre (1939-1940).
• Les persécutions, les spoliations et l’extermination sous Vichy.
• L’engagement des étrangers et des coloniaux contre l’occupant. »
1940
« Mise en place d’une politique antisémite, qui exclut les Juifs de la nation : ordonnances allemandes en zone occupée ; pour le régime de Vichy, révision des naturalisations, création du statut des Juifs et abolition du décret Crémieux qui octroyait depuis 1870 la citoyenneté aux Juifs d’Algérie. »
1962
« RECONSTRUCTION, DÉCOLONISATIONS ET MIGRATIONS »
« Dans l’immédiat après-guerre, alors que le nombre d’étrangers en France a sensiblement diminué (retours au pays et naturalisations), un nouveau cycle migratoire s’amorce : de 1947 à 1975, le nombre d’étrangers sur le territoire double, passant de 1,7 million à 3,4 millions. »
« Il s’agit, dans un premier temps, de main-d'œuvre étrangère peu qualifiée participant à la reconstruction de la France et à la croissance économique des « Trente Glorieuses ».
« Puis, dans le contexte de la guerre froide, des réfugiés fuyant des pays communistes ou des dictatures trouvent asile en France. »
« L’indépendance de l’Algérie le 3 juillet 1962, au terme de huit années de guerre, est, elle aussi, à l’origine d’un vaste mouvement migratoire : on compte 1 million de Français rapatriés d’Algérie vers la métropole (dont 80 % en 1962). C’est l’exode le plus massif qu’ait jamais connu la France. »
« Après les indépendances africaines, l’attitude de l’Hexagone envers ses anciens colonisés, désormais appelés « travailleurs immigrés », est ambivalente : si elle fait preuve d’une certaine méfiance, elle ne souhaite pas pour autant les traiter comme des étrangers ordinaires et envisage de leur conférer certains droits spécifiques. L’immigration européenne, même irrégulière, reste néanmoins privilégiée. »
« Au sein de la société, les étrangers sont de plus en plus visibles : leurs conditions de vie précaires (bidonvilles ou meublés insalubres) suscitent de nouveaux engagements et de nouvelles mobilisations. »
« THÉMATIQUES DÉVELOPPÉES DANS CETTE SECTION :
• La guerre d’indépendance algérienne et les affrontements en métropole.
• Les décolonisations.
• L’immigration portugaise.
• La part des étrangers dans la croissance d’Après-guerre. »
1962
« Indépendance de l’Algérie. Exode de plus de 800 000 Français et Européens d’Algérie qui viennent s’installer en métropole (les « rapatriés »). »
« FODÉ KABA, ÉTUDIANT GUINÉENENFRANCE AUMOMENTDES INDÉPENDANCESAFRICAINES »
« Fodé Kaba est étudiant en France lorsque la Guinée devient indépendante en 1958. Du jour au lendemain, il devient un étranger. Aux conséquences matérielles de ce changement s’ajoutent des réactions hostiles : le nouveau président guinéen, Sékou Touré, a en effet refusé d’intégrer la communauté franco-africaine proposée parle général de Gaulle. »
« Désireux de participer à la construction de son pays, FodéKaba rentre en Guinée en 1968, accompagné de sa femme française et de leur fille. Confrontée à la suspicion ainsi qu’à la dureté du régime, la famille renonce rapidement à s’y établir. Fodé Kaba, interdit de sortie, est contraint de quitter le pays doté de faux papiers. Il revient en France où il est rapidement naturalisé. Il retournera par la suite en Guinée, une fois clandestinement en 1983 puis, après la mort de Sékou Touré (1984), pour des vacances. »
« JOSÉ BAPTISTA DE MATOSITINÉRAIRE D’UN TRAVAILLEUR PORTUGAIS »
« José Baptista de Matos naît au Portugal en 1934. Au début des années 1960, vivant sous la pression du régime dictatorial de l’Estado Novo (1933-1974), il se résout à l’exil soucieux de l’avenir de ses enfants. En 1963, muni d’un visa de tourisme, il part seul en France où il trouve d’abord refuge dans le bidonville de Champigny-sur-Marne où vivent plus de 10 000 Portugais. Quelques années plus tard, il parvient à faire venir sa femme et ses enfants. Embauché dans les travaux publics, il accède à des fonctions de cadre technique à la RATP. Il consacre trente ans de sa vie aux chantiers du métro et du RER ».
1973
« 1973 : POLITISATION DE L’IMMIGRATION »
« Les années 1970 voient une augmentation des agressions et des crimes racistes en France. À la suite de la crise provoquée par le choc pétrolier de 1973, le gouvernement français entend « maîtriser les flux migratoires » et décide de « suspendre » l’immigration de travail. De 1977 à 1981, alors que Valery Giscard d’Estaing est président de la République, les politiques migratoires se durcissent : recours accru aux expulsions ainsi qu’à l’« aide au retour », mise en place d’un régime de détention administrative, souhait de remplacer les immigrés par de la main-d'œuvre française féminine. La gauche, les syndicats, les églises comme certains partis de droite se mobilisent contre cette politique de retour forcé. »
« Au même moment, dans le sillage de mai 1968 et des mobilisations anticoloniales, se structure un mouvement de défense des droits des travailleurs immigrés. Les revendications sont diverses et nombreuses : dénonciation des crimes racistes, réforme du fonctionnement des foyers, accès à un logement décent, obtention d’un statut juridique stable, justice sociale dans les usines, représentation des immigrés dans les syndicats… Dans ces domaines, les victoires alternent avec des épisodes de répression et d’expulsion. »
« À cette époque, la France accueille également de nombreux exilés politiques : Portugais fuyant les guerres coloniales, opposants aux dictatures d’Amérique du Sud ou boat people du Sud-Est asiatique. »
« THÉMATIQUES DÉVELOPPÉES DANS CETTE SECTION :
. Les raisons complexes de l’arrêt de l’immigration de travail.
. Les mobilisations par les droits et pour les droits.
. L’accueil de nouveaux réfugiés d’Amérique Latine et d’Asie du Sud-Est.
. Les violences xénophobes. »
« 1973
L’été et l’automne sont marqués par de nombreuses violences racistes, notamment dans la région de Marseille. »
« CRISTINA DIAZ VERGARA, UNE HISTOIRE DE L’EXIL POLITIQUE CHILIENS »
« Au Chili, Cristina Diaz Vergara, née en 1945, participe à la fondation du premier syndicat des artisans d’art ainsi qu’aux mobilisations d’appui au gouvernement d’Unité populaire, présidé par Salvador Allende. Quelques mois après le coup d’État militaire du 11 septembre 1973, elle fait l’objet de menaces qui la contraignent à s’exiler en compagnie de son mari et de sa fille. »
« Grâce à un visa délivré par l’ambassade de France au Chili, la famille obtient le statut de réfugié politique. Elle s’installe à Lyon. En marge de son travail d’éducatrice spécialisée, Cristina Diaz Vergara milite pour la reconnaissance des droits des Amérindiens mapuche. »
1983
« PREMIÈRE, DEUXIÈME, TROISIÈME GÉNÉRATION ! LUTTES POUR LES DROITS ET ÉMERGENCE DE NOUVELLES FRONTIÈRES »
« Après l’élection de François Mitterrand en 1981 et le succès de la gauche aux élections législatives, le gouvernement régularise les sans-papiers (ils seront 135 000 à en bénéficier), accorde le droit d’association aux étrangers, suspend les expulsions et annule en partie les mesures répressives de la décennie précédente. »
« C’est une période d’effervescence, entre mobilisations contre les violences xénophobes et racistes et émergence d’une nouvelle culture politique, urbaine et artistique. »
« En 1983, la Marche pour l’égalité et contre le racisme contribue à rendre davantage visibles dans l’espace public les descendants de l’immigration. Elle aura pour effet l’instauration de la carte de séjour, valable désormais dix ans. 1983 voit aussi, aux municipales, les premières victoires du Front national, parti politique dénonçant de manière virulente l’immigration. »
« Les problèmes des banlieues deviennent un véritable sujet de débat politique. Les familles des classes moyennes sont toujours plus nombreuses à quitter les « grands ensembles », qui deviendront le symbole des difficultés des politiques urbaines et d’intégration. »
« Quant à l’encadrement du droit de séjour et du droit d’asile des étrangers, il se durcit dès le début des années 1980. Certaines décisions auront des effets durables : la reprise des expulsions, l’usage de la rétention administrative, le filtrage plus sévère des entrées. Le fossé se creuse entre, d’un côté, les réguliers qui seraient « intégrables » et, de l’autre, les sans-papiers qui seraient « expulsables ». Progressivement, l’accès à l’asile se restreint tandis que le droit de la nationalité est l’objet d’une intense politisation. »
« THÉMATIQUES DÉVELOPPÉES DANS CETTE SECTION :
• Les mobilisations des travailleurs.
• La Marche pour l’égalité et l’émergence des descendants d’immigrés dans l’espace public.
• La dimension culturelle des mobilisations et l’émission Mosaïque. »
« 1983
Première poussée électorale du Front national à des élections municipales. Marche pour l’égalité et contre le racisme ; adoption de la carte de séjour de dix ans. »
1995
« LE TEMPS DE L’EUROPE »
« L’intégration européenne transforme en profondeur les enjeux migratoires et d’asile en France. De Schengen à Dublin, le principe d’un régime de mobilité qui distingue Européens et non-Européens se renforce. »
« La convention de Schengen, entrée en vigueur en 1995, institue un espace de libre circulation, sans passeports ni contrôles. En 2023, cet espace comprend 27 pays, dont 23 sont membres de l’Union européenne. Les parcours migratoires des Européennes et des Européens sont désormais plus flexibles et les mobilités deviennent un formidable moteur d’intégration. Mais cette intégration est à géométrie variable. Ainsi, certains pays membres de l’Union européenne comme l’Irlande, Chypre, la Bulgarie et la Roumanie ne font pas partie de l’espace Schengen. »
« En contrepartie de la libre circulation, l’Union européenne renforce ses frontières externes. Elle crée en 2004 l’agence Frontex, chargée de les surveiller. Les États membres signent des accords de réadmission avec les « pays tiers » et multiplient les opérations de rétention ou d’expulsion. Ce renforcement de la frontière extérieure à l’Est et au Sud s’inscrit dans la définition d’une politique commune d’asile et d’immigration. En vertu de la convention de Dublin de 1990, l’examen de la demande d’asile est confié désormais au premier État membre par lequel le migrant est entré dans l’espace européen. »
« En France, le durcissement des conditions de séjour et d’asile entraîne de nouvelles mobilisations au fil des années 1990. La question de la stigmatisation et du racisme dont sont l’objet les descendants d’immigrés surgit de façon récurrente dans le débat public. »
« Les initiatives économiques, politiques et culturelles des immigrés sont nombreuses. Certains développent des relations intenses avec leur pays d’origine ou celui de leurs parents. »
« THÉMATIQUES DÉVELOPPÉES DANS CETTE SECTION :
. Les circulations européennes et l’élargissement de l’Union à l’Est.
. Le durcissement des conditions de séjour et d’asile.
. Les luttes des travailleurs sans papiers.
. L’enracinement des immigrés installés en France. »
« 1995
Entrée en vigueur de l’accord assurant la libre circulation des personnes et la levée des contrôles à l’intérieur de l’espace Schengen. Cet accord pose le principe de la libre circulation des Européens, en contrepartie d’un contrôle des frontières externes. »
« TEMPS PRÉSENT
ENTRE HOSPITALITÉ ET FERMETÉ : L’EUROPE FACE AUX NOUVEAUX CONFLITS »
« À partir de 2011, dans le sillage des révolutions du Printemps arabe et des guerres en Libye et en Syrie, des centaines de milliers de personnes arrivent aux portes de l’Europe après avoir traversé la Méditerranée. Parmi les exilés qui traversent la France, nombreux espèrent rejoindre le Royaume-Uni ou l’Europe du Nord. D’autres s’établissent en France et y déposent une demande d’asile. »
« Face à cette crise, les réactions des États européens sont contrastées, entre hospitalité et fermeté. Ils tentent d’apporter des réponses communes, malgré leurs dissensions. En mars 2016, ils signent un accord financier avec la Turquie, qui l’engage à retenir sur son sol la majorité des demandeurs d’asile. »
« Durant cette période, la France continue d’accueillir les migrations ordinaires (travail, regroupement familial, études). La mondialisation contribue par ailleurs à diversifier les pays d’origine des immigrés (Europe, mais aussi Afrique et Asie). La plupart d’entre eux sont en situation régulière, tandis que ceux qui n’ont pas de papiers espèrent être régularisés au cas par cas. Des mobilisations collectives, comme les grandes grèves de travailleurs sans-papiers, contribuent à la prise de conscience de la nécessité de régulariser. »
« La libre circulation des ressortissants européens bénéficie surtout aux Portugais et aux Italiens. À l’approche du Brexit, qui scelle la sortie de la Grande-Bretagne de l’Union européenne en 2020, les demandes de naturalisation française des Britanniques augmentent. »
« La société française est le produit de sa longue histoire migratoire. Si la plupart des immigrés et de leurs descendants finissent par s’enraciner dans la société, ils restent victimes de nombreuses discriminations. »
« THÉMATIQUES DÉVELOPPÉES DANS CETTE SECTION :
• L’accueil et l’hostilité aux frontières
• Les immigrés et leurs descendants : entre intégration à bas bruit et discriminations
• Le quotidien d’une société multiculturelle.
• Les discriminations et les enjeux mémoriels. »
« TEMPS PRÉSENT
2015 : Des centaines de milliers de personnes, provenant en majorité de Syrie, atteignent la Grèce. L’Allemagne affiche sa volonté d’accueil en enregistrant 800 000 demandes d’asile. Cette même année, l’image d’Alan Kurdi, un petit garçon syrien retrouvé échoué sur une plage de Turquie, provoque une onde de choc émotionnelle, en Europe et dans le monde.
18 mars 2016 : les États européens signent un accord financier avec la Turquie, qui l’engage à retenir la majorité des exilés syriens arrivés sur son sol et à reprendre ceux ayant réussi à traverser la frontière turco-grecque.
Mars 2022 : Le gouvernement français lance une plateforme de parrainage permettant aux citoyens de se mobiliser pour l’accueil des Ukrainiens en France. »
293, avenue Daumesnil - 75012 Paris
T. : +33 (0)1 53 59 58 60
Du mardi au vendredi, de 10 h à 17 h 30. Le samedi et le dimanche, de 10 h à 19 h.
Visuel :
Pssst... ! 23 juillet 1898,
don de Nicolas Demorand,
Musée national de l’histoire de l’immigration
© EPPPD-MNHI © Forain
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