Le Centre des monuments nationaux présente à la Conciergerie de Paris « Paris, capitale de la gastronomie, du Moyen Âge à nos jours ». Un parcours chronologique soulignant le rôle de Paris, "laboratoire et conservatoire de la gastronomie", concepteur d'innovations tels le restaurant, la baguette, le millefeuille, le croissant, le macaron et le Paris-Brest.
« Et si Paris était encore le phare gastronomique du monde ? La ville conserve une vitalité unique sur la scène culinaire mondiale : nombre de chefs qui y exercent ont une réputation internationale, les apprentis cuisiniers du monde entier y affluent pour s’y former et les gourmets de toutes nationalités considèrent la capitale comme une destination culinaire de premier plan. »
« Paris est un laboratoire autant qu’un conservatoire de la gastronomie. Son statut de capitale mondiale de la gastronomie est le résultat d’une histoire riche et féconde qui s’étend sur plusieurs siècles.
« Au sein de la salle des Gens d’Armes qui servait de réfectoire à l’époque médiévale, cette exposition propose un voyage dans la légende gastronomique de la capitale française, depuis le Moyen Âge jusqu’à nos jours, du mémorable banquet de Charles V à la Conciergerie, jusqu’au large répertoire culinaire de la capitale d’aujourd’hui, mêlant haute cuisine, traditions bourgeoises et populaires, et innovations. »
« Œuvres d’art, manuscrits, enluminures, menus originaux, mais aussi une sélection d’arts de la table, tableaux, créations culinaires, vidéos et photographies seront au service de cette rétrospective. Ces œuvres et objets sont issus des collections des plus prestigieuses institutions françaises (la BnF, le musée du Louvre, le musée Carnavalet, le château de Fontainebleau, le musée national de la Renaissance à Ecouen, la Bibliothèque Historique de la Ville de Paris …) et de nombreuses collections privées. »
« L’exposition débute par le rôle de Paris, capitale politique, dans le rayonnement de la gastronomie française, avec une mise à l’honneur de la table médiévale dans l’écrin de la Conciergerie, précieux héritage du palais royal capétien. »
« Taillevent, cuisinier français à qui est attribué le célèbre Viandier, bestseller du Moyen Âge, a d’ailleurs officié dans les cuisines de la Conciergerie. »
« Dans le sillage du grand banquet organisé par Charles V au Palais de la Cité, en 1378, différents festins parisiens sont évoqués (Catherine de Médicis, Napoléon, le banquet des maires de France, repas officiels de l’Elysée…) à travers une sélection d’enluminures, documents d’archives, objets d’art, tableaux, photographies, gravures, menus… »
« De nouvelles reconstitutions en 3D sur l’Histopad, tablette de réalité augmentée de la Conciergerie, viennent également enrichir l’expérience d’immersion au sein du banquet de Charles V et dans les cuisines, en pleine ébullition au moment de la préparation de ce festin. »
« Le parcours se poursuit par le « Ventre de Paris », titre tiré du fameux livre d’Emile Zola. Ici, c’est l’approvisionnement qui est mis en exergue, des Halles historiques jusqu’à Rungis. Une épicerie est récréée au sein de l’exposition à cette occasion afin de donner à voir des productions franciliennes du champ à l’assiette. Cette section plonge le visiteur dans l’ambiance du coeur nourricier de la capitale : ses métiers, ses figures, son argot et, par extension, l’écosystème alimentaire sur lequel Paris a construit une partie de sa légende gastronomique. »
« Cette partie de l’exposition offre également l’occasion de (re)découvrir le terroir francilien, région qui continue à avoir une production agricole (champignons de Paris, asperges d’Argenteuil, cresson de Méréville, cerises de Montmorency, brie de Meaux…). »
« Le visiteur est ensuite convié à découvrir le récit de l’invention du restaurant et de son essor, du Palais Royal aux grands boulevards, puis au reste de la capitale, en évoquant les grandes tables, les bistrots ou encore les cabinets particuliers et le bouillon restaurant, autant de lieux mythiques de la restauration parisienne. »
« En effet, le restaurant est bien une innovation parisienne, une révolution sociale et culturelle. »
« Depuis la fin du XVIIIe siècle, le restaurant est aussi l’un des coeurs de la vie politique, intellectuelle, artistique et littéraire, à l’instar des cafés du Palais Royal et brasseries attribuant des prix littéraires. »
« Tableaux, gravures, arts de la table, objets, menus et livres fondateurs sont au service de cette mise en perspective. »
« Et que serait Paris sans ses légendaires créations pâtissières et boulangères ? Du millefeuille au croissant, en passant par le macaron, le Paris-Brest et la baguette, Paris peut se prévaloir d’avoir vu naître nombre de spécialités. Et d’avoir également vu naître Antonin Carême, “le roi des chefs et le chef des rois” (1783-1833) comme la grande figure tutélaire de la pâtisserie moderne. »
« Ainsi, une section est dédiée à Paris, indétrônable capitale du sucre et de la boulangerie depuis le XIXe siècle jusqu’à aujourd’hui, mêlant gravures, décors, créations culinaires et vidéo. »
« Le parcours se conclut par une mise à l’honneur du Paris gastronomique comme carrefour propice aux échanges, aux métissages et à la créativité. La ville lumière, qui adopte un rôle d’arbitre des élégances culinaires, doit en effet l’opulence de son offre gourmande au reste de la France : les produits bruts qu’elle reçoit, les restaurants de cuisine régionale qu’elle accueille, les mets dont ses épiceries fines abondent. Paris est aussi une « ville-monde » où se croisent et se renouvellent les influences venues d’ici et d’ailleurs. Ce dernier chapitre plongera le visiteur dans le prestige gastronomique de Paris vu de l’étranger, à travers l’aura médiatique et culturelle dont jouit la capitale. »
Le commissariat est assuré par François-Régis Gaudry, auteur et journaliste gastronomique à France inter, accompagné de Loïc Bienassis, historien à l’Institut Européen de l’Histoire et des Cultures de l’Alimentation (IEHCA/Université de Tours) et Stéphane Solier, professeur agrégé de lettres classiques, chercheur en cultures de l’alimentation et auteur culinaire.
ENTRETIEN AVEC CÉCILE RIVES, ADMINISTRATRICE DE LA CONCIERGERIE ET LES COMMISSAIRES DE L’EXPOSITION
Propos recueillis par Vincent Freylin pour Monuments nationaux magazine.
« Pourquoi une exposition sur la gastronomie à la Conciergerie ?
Cécile Rives : L’équipe du monument était enthousiaste à l’idée de développer le thème de la gastronomie en lien avec l’histoire médiévale de la Conciergerie. En effet, la salle des Gens d’Armes, qui servait de réfectoire au Moyen Âge, et les cuisines, sont des rares et précieux vestiges du Palais de la Cité, première résidence des rois de France à Paris.
Nous avons en outre la chance d’avoir réuni, avec le concours de l’historien Bruno Laurioux, une documentation extraordinaire sur le banquet de Charles V tenu en 1378 en son Palais. Mais nous ne voulions pas non plus restreindre ce vaste sujet à la période médiévale. Pour offrir un panorama sur un temps long avec une ouverture contemporaine, nous avons fait appel à plusieurs commissaires. Au moment où j’ai contacté François-Régis Gaudry, auteur et journaliste, il travaillait sur l‘ouvrage On va déguster Paris. Nos actualités se chevauchaient, cette coïncidence était parfaite. Aujourd’hui, le commissariat est composé de François-Régis Gaudry, en prise avec l’actualité gastronomique, Loïc Bienassis, l’historien du trio, et Stéphane Solier qui apporte son regard littéraire.
Quel est le fil conducteur de cette exposition ?
François-Régis Gaudry : Nous voulons montrer que Paris n’est pas un musée de la gastronomie mais une scène bien vivante qui s’inspire en permanence de ce qui vient de l’extérieur, des régions françaises ou du monde entier, à la fois un conservatoire et un laboratoire. La fonction de la table va bien au-delà de sa stricte vocation nourricière. Elle est un lieu majeur de sociabilité, de rencontres artistiques et de débats politiques, celui aussi où se mêle le peuple. C’est ce qui a fait de Paris une terre de brassage avec une gastronomie très mêlée. Sans oublier les grandes réceptions qui ont contribué à son prestige, même quand le roi ne résidait plus dans la capitale.
Comment s’adresse-t-elle au grand public ?
Cécile Rives : Nous souhaitions que soit présentée une variété d’oeuvres, de supports et d’outils de médiation pour parler au plus large public. À la fois les connaisseurs qui vont aller chercher le détail d’une archive et s’émouvoir de la sophistication de certains arts de la table, et tous ceux qui seront touchés par la diversité de ce que l’exposition donne à découvrir, avec parfois des éléments assez spectaculaires. Par exemple, la flèche de la Sainte-Chapelle en chocolat, fruit d’un partenariat avec Valrhona, qui va en faire saliver plus d’un. Nous avions le désir d’une exposition gourmande et sensible.
F.-R. G. : Des oeuvres remarquables viennent de grandes institutions. Et par ailleurs, ce qui fait l’originalité de l’exposition, c’est qu’on y trouvera des pièces inédites issues de collections privées. Nous sommes allés directement à la source, notamment auprès de nombreux restaurants (Tour d’Argent, Ritz, Maxim’s…). Nos bonnes relations avec la maison Poilâne font que celle-ci a accepté de rééditer les meubles en pain réalisés pour Salvador Dali, une démarche inédite.
Loïc Bienassis : C’est toujours une gageure de mettre en scène la gastronomie. Il y a le risque d’arriver à quelque chose de très figé en contradiction totale avec la réalité du plaisir et de la convivialité de la table.
Stéphane Solier : Pour éviter cet écueil, nous avons souhaité mettre les sens en éveil. À travers, par exemple, l’épicerie qui sera recréée au sein de la section consacrée aux halles, nous donnerons à voir et sentir des productions franciliennes du champ à l’assiette.
De quelle manière Paris a-t-il construit un répertoire culinaire unique au fil des époques ?
L. B. : Paris est une capitale gastronomique, même si nous ne prétendons évidemment pas qu’elle soit la seule. Pour différentes raisons, la ville a toujours été un lieu d’invention propice au développement d’une haute cuisine, la présence des élites du royaume, politiques et économiques, en premier lieu. Mais il y a d’autres traditions culinaires à Paris, une cuisine bourgeoise, déjà représentée au XIVe siècle par Le Ménagier de Paris, et une cuisine populaire bien sûr. J’ajouterai que ce qui fonde le primat gastronomique de Paris est qu’à partir du XVIIe siècle, la ville domine l’édition culinaire : tous les livres de cuisine inédits y sont imprimés.
Quels seraient selon vous les personnages qui ont fait de Paris la capitale de la gastronomie ?
S. S. : Je pense immédiatement à Marie Antoine Carême qui incarne la destinée pâtissière de Paris. Il a d’abord ouvert une boutique puis mis son art au service de grandes tables de l’Empire. Il publiera de nombreux livres magnifiquement illustrés.
L. B. : On peut citer Guillaume Tirel dit Taillevent. Le grand texte de cuisine médiéval français, le Viandier, qu’on lui attribue, fait de lui, qui était cuisinier des rois Charles V et Charles VI, la première grande figure de la cuisine française. Et il ne fait d’ailleurs pas de doute qu’il a officié pour le grand banquet que Charles V donna à la Conciergerie en 1378.
Qu’appelait-on le « ventre de Paris » ?
S. S. : La métaphore est une invention d’Émile Zola qui sanctuarise ce marché nourricier qui n’a cessé d’évoluer depuis le déplacement du marché du Palu de l’île de la Cité vers le centre de Paris.
Au milieu du XIXe siècle il prendra une toute autre ampleur avec la construction des pavillons par Baltard. Nous aurons des extraits sonores avec des enregistrements de lectures de l’œuvre d’Émile Zola, des archives audiovisuelles de l’Ina, de magnifiques tableaux… L’idée est de sentir l’atmosphère bouillonnante des halles.
Le restaurant est-il une invention parisienne ?
F.-R. G. : Oui, et nous l’affirmons ! Avant cette invention, Paris avait mauvaise réputation chez les visiteurs étrangers. Le restaurant a été une façon de développer l’aura gastronomique de la capitale. Il suffit de voir le succès du Palais Royal à partir de la fin du XVIIIe siècle. Peu à peu avec l’apparition des bouillons populaires, les catégories sociales s’y sont mélangées...
L. B. : Dès le Moyen Âge, on trouve à Paris des produits fins venant de toute la France. Et depuis l’entre-deux-guerres au moins, Paris est devenue une vitrine des cuisines régionales et mondiales.
C’est une réalité que nous rendons tangibles à travers des cartes et des menus. Des photos, issues de collections privées, dévoileront aussi cette incroyable diversité culinaire.
S. S. : Le public pourra aussi découvrir une reconstitution inédite d’un cabinet particulier du Café Anglais, le plus célèbre restaurant de la capitale au XIXe siècle. Les cabinets particuliers sont une originalité parisienne qui réintègre la sphère privée au sein d’un espace public. On les retenait soit pour des débats, soit pour des ébats.
Avez-vous, l’un ou l’autre, une anecdote historique sur ce Paris gourmand ?
F.-R. G. : L’invention du Cheese Nan. On la doit à un Alsacien qui, en 1967, de retour de Londres, a ouvert un restaurant indien rue de Berry. Pour tenter de faire un Paneer Nan, la recette traditionnelle, il a remplacé le fromage indien par de la Vache qui rit. Recette qui a connu un tel succès qu’elle s’est diffusée à New York, Londres et… New Delhi. Il y a, également, ce que l’on peut appeler à Paris, de faux amis. Certains plats portent le nom d’une province : le boeuf bourguignon, la sauce béarnaise ou la sole à la Normande. Les trois sont en fait parisiens. Paris absorbe et assimile, aspire des influences venues d’ailleurs et inspire le monde entier car il demeure une ville capitale pour la gastronomie. »
Du 13 avril au 16 juillet 2023
2, boulevard du Palais. 75001 Paris
Tél. : 01 53 40 60 80
Tous les jours de 9h30 à 18h, dernier accès à 17h.
Samedi nocturne jusqu'à 20h, dernier accès à 19h
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire