Les Archives départementales de la Gironde présentent l’exposition « Filmer les procès, un enjeu social - De Nuremberg au génocide des Tutsi au Rwanda ». « Des extraits filmés de huit procès pour crimes contre l'humanité : ceux de Klaus Barbie (1987), Paul Touvier (1994) et Maurice Papon (1998) qui s'est déroulé à Bordeaux ; un en lien avec la dictature chilienne (2010) ; quatre autour du génocide des Tutsi au Rwanda, mettant en accusation Pascal Simbikangwa (2014 et 2016), Octavien Ngenzi et Tito Barahira (2016 et 2018) ».
« 1945. L'ouverture des camps en Allemagne », par Serge Viallet
« Images de la libération des camps. Chronique d’un film inachevé », par André Singer
Filmer la guerre : les Soviétiques face à la Shoah (1941-1946)
« Shoah, les oubliés de l’histoire », par Véronique Lagoarde-Ségot
« La brigade des papiers » par Diane Perelsztejn
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« Les archives audiovisuelles de la Justice, pour la première fois montrées au public dans le cadre d’une exposition exceptionnelle, offrent l’occasion d’une immersion unique dans la poignée de procès intégralement filmés et conservés. Grâce à la loi du 11 juillet 1985 promue par le ministre de la Justice de l’époque, Robert Badinter, les caméras ont pu pénétrer dans les prétoires de procès hors norme d’acteurs de la Shoah, de la dictature chilienne et du génocide des Tutsi au Rwanda. »
« Ces archives historiques plongent le public dans des débats judiciaires contradictoires, mettant en jeu l’examen de crimes contre l’humanité, de crimes de génocide et l’attribut de compétence universelle des tribunaux français. »
« L’exposition Filmer les procès un enjeu social montre des extraits issus des 2 600 heures de tournage, ainsi que des extraits des procès inauguraux de Nuremberg (1945-1946) et d’Eichmann à Jérusalem (1961). Dans une approche réflexive, l’accent est mis sur l’enjeu social de ces procès qui sont garants des valeurs démocratiques, dans des montages thématiques spécialement conçus pour l’événement. »
« Peu d’entre nous ont assisté au déroulement d’un procès. Le plus souvent, ce sont les images issues d’oeuvres de fiction ou des dessins croqués sur le vif qui ont imprimé dans l’imaginaire collectif une représentation de l’acte de juger. Depuis la loi 85-699 du 11 juillet 1985, due à l’initiative du ministre de la Justice Robert Badinter, 2600 heures d’enregistrements d’archives audiovisuelles historiques ont été tournées puis versées aux Archives nationales. »
« L’exposition restitue au public huit procès majeurs : trois relatifs à la Seconde Guerre mondiale, ceux de Klaus Barbie (1987), Paul Touvier (1994) et Maurice Papon (1998) ; un en lien avec la dictature chilienne (2010) ; quatre autour du génocide des Tutsi au Rwanda, mettant en accusation Pascal Simbikangwa (2014 et 2016), Octavien Ngenzi et Tito Barahira (2016 et 2018). Ils s’inscrivent dans l’héritage des deux premiers procès historiques filmés dans le monde, celui des plus hauts responsables nazis à Nuremberg (1945-1946) et celui d’Adolf Eichmann à Jérusalem (1961). »
Pour beaucoup, le crime contre l'humanité vise le seul génocide. Or, cette notion juridique englobe aussi, depuis les années 1990, des crimes commis « dans le cadre d'une attaque généralisée ou systématique dirigée contre toute population civile » : la torture, l'esclavage, la déportation, l'apartheid, les violences sexuelles.
De plus, "Filmer les procès", n'est-ce pas aussi un enjeu politique, historique, juridique ?
On peut regretter qu'aucun extrait de procès pour terrorisme en France ne soit présenté et qu'il faille attendre tant de dizaine d'années pour que le public puisse les voir. Pourquoi interdire toute image filmée du procès durant son déroulement ? Des images filmées du procès de dirigeants nazis à Nuremberg avaient pourtant été diffusées par les Actualités cinématographiques durant leur déroulement (1945-1946). Elles avaient permis au grand public de découvrir les juifs squelettiques rescapés de la Shoah dans des camps découverts et libérés par les Alliés, les charniers de la "Shoah par balles", des témoins décrivant les camps nazis...
« Les enregistrements procèdent d’un formalisme codifié par la loi. Pour chaque procès, des instructions sont données aux opérateurs de prise de vues, la caméra devant suivre le droit fil de la parole. Se succèdent des procès filmés sur pellicule puis en vidéo, avec des cadreurs dans le prétoire puis avec des caméras pilotables à distance. »
« La diversité des espaces de jugements, des lieux de crimes, des époques et des cultures montre l’évolution juridique et la façon dont on peut filmer des procès. Filmer renforce la transparence des débats et joue ainsi un rôle important dans la vie démocratique. L’image permet donner à voir le comportement des protagonistes, accusés et témoins, juges et procureurs généraux, avocats de la défense et avocats des parties civiles. Au fil des audiences, ils nous accompagnent dans l’approfondissement de la compréhension des événements, des parcours de vie, des prises de conscience et des coups de théâtre qui en forment la dramaturgie. »
« Grâce à l’archive filmée, les visiteurs peuvent prendre connaissance de procès à haute valeur historique dans un parcours de projections d’une durée de 2 h 50, en même temps qu’ils sont invités à réfléchir sur l’acte de filmer comme conditionnant l’acte de regarder. »
« La loi de 1985 due à l’initiative de Robert Badinter, autorisant l’enregistrement audiovisuel de certains procès, a permis de combler par l’image ce que les archives des procédures ne révèlent pas : les voix des différents acteurs de la scène judiciaire, les plaidoiries des avocats, mais aussi des regards, des gestes, des silences. C’est tout un matériau sensible et riche d’informations complémentaires à celles des écrits, capté en toute discrétion par les caméras, qui est alors remis aux Archives nationales, dès la clôture du procès. « Les archives audiovisuelles de la justice sont consultables dans les salles de lecture des Archives nationales, mais leur diffusion est soumise pendant 50 ans à l’autorisation des magistrats. Il nous appartenait de répondre à notre mission de service public et de relever le défi de présenter ces archives audiovisuelles exceptionnelles. Avec cette exposition, le public est invité à une immersion inédite au coeur de procédures marquantes, liées à l’histoire internationale depuis la Seconde Guerre mondiale. Il est également invité à réfléchir à ce que juger veut dire dans une société de droit. Offrir un regard sur ces sources remarquables, c’est une façon nouvelle pour nous d’honorer le droit d’accès des citoyens à leurs archives. N’est-ce pas précisément le rôle de notre institution ? Je vous souhaite une excellente visite », a souligné Bruno Ricard, Directeur des Archives nationales.
« Capter des procès pour l’histoire »
Robert Badinter, ancien Garde des Sceaux (Extraits de l’interview réalisé par Sonya Faure et Christian Delage, publié dans Libération, 15 septembre 2020)
« J’étais garde des Sceaux en 1983, quand la Bolivie a livré à la France Klaus Barbie, le chef de la Gestapo de Lyon qui avait arrêté et torturé à mort Jean Moulin en 1943. Je me suis dit qu’il y avait une chance unique de faire voter une loi permettant de filmer les procès. L’exposé des motifs de la loi votée en 1985 indique que doivent être enregistrés les procès revêtant « une dimension événementielle, politique ou sociologique tels qu’ils méritent d’être conservés pour l’histoire.
Ma détermination vient également des images du procès de Nuremberg, qui sont incomparables. Nuremberg demeure comme le fondement reconnu de la justice pénale internationale et, à ce titre, un grand progrès. Le procureur général Jackson, qui est le véritable concepteur du statut du tribunal, tout comme le juge britannique Geoffrey Lawrence, qui présidait les débats, voulaient que le jugement soit public et demeure un moment de l’histoire. Ce n’est pas l’aveu du crime que l’on voit dans les images, c’est mieux, c’est plus fort, c’est la production en justice de la préparation, de la décision et de la commission du crime par les nazis, grâce aux innombrables archives allemandes rassemblées par Jackson pendant l’été 1945.
Ce que j’ai souhaité en 1985, c’est d’enregistrer les procès à des fins historiques, mais aussi pédagogiques. L’enregistrement doit être le plus neutre possible. Il faut montrer l’audience du point de vue du juge, pas de celui qui assure la captation audiovisuelle. L’enregistrement est un matériau pédagogique, un document pour les chercheurs. Il devient avec le temps un matériau historique. Il faut garder une trace filmée des grands procès pour l’histoire. »
ÉDITORIAL
Jean-Luc Gleyze, Président du conseil départemental de la Gironde
Conseiller départemental du Sud- Gironde
« Notre société est celle de l’image, fausse ou vraie, l’une chassant l’autre dans la frénésie qui agite souvent internet et les réseaux sociaux. Mais au-delà de ces images éphémères, il y a celles qui marquent l’Histoire. Grâce à des initiatives comme celle de Robert Badinter, initiateur de l’enregistrement sans fard du déroulé et des témoignages incandescents des grands procès, ces évènements historiques deviennent une matière à penser, un outil pédagogique.
Nombreuses sont les Girondines, les Girondins à avoir vu et à se souvenir des images du procès de Maurice Papon qui s’est tenu en 1997 à Bordeaux, écho lointain du grand procès de Nuremberg. La comparution du haut fonctionnaire de Vichy devant les assises fut salutaire pour relire avec précision des épisodes si sombres du passé de l’Europe.
L’exposition qui est proposée permet, entre autres, au public de mesurer différences et similitudes entre la lecture judiciaire d’un conflit mondial et l’explication jugée, plaidée du génocide des Tutsis, au Rwanda. Cette mise en perspective de ce que nous avons vécu et dont les traces sont encore parfois vives, est porteuse d’un enjeu social.
Nous ne pouvons faire société sur une candeur entretenue, sur une consommation aveugle de l’instant, en tournant le dos à ces chocs qui ont fait trembler nos démocraties, bouleversé nos certitudes. Voir, analyser des procès d’une telle portée, c’est aussi apprendre à se méfier des faux-semblants et refuser que les erreurs passées rejaillissent au présent.
L’Europe et notre pays vivent un moment historique depuis que l’Ukraine, théâtre tragique de l’invasion russe, nous a rappelé toutes et tous à nos devoirs de solidarité et d’engagement commun contre l’autocratie, pour défendre les valeurs qui nous unissent. Paradoxalement, et de manière brûlante, ce nouveau drame met en lumière ce que porte véritablement le sentiment d’être Européens, et ce que signifie l’Europe, un pacte et un acte de paix qui marquent notre refus de voir se répéter la mise à feu et à sang d’un monde plongé dans la guerre. Puisse cette exposition affûter notre lecture du présent et éclairer notre futur par la juste connaissance de notre passé ! »
Du 30 mars au 4 novembre 2022
72, cours Balguerie-Stuttenberg. 33300 Bordeaux
Tél. : +33 (0)5 56 99 66 00
Entrée libre et gratuite du lundi au vendredi de 9 h à 17 h.
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