« Malgré sa solide expérience, Anne Gueguen, professeure d’histoire-géographie au lycée Léon-Blum de Créteil, en banlieue parisienne, peine à dompter ses élèves de seconde ».
« Face à cette classe "catastrophique" où s’accumulent problèmes disciplinaires et décrochage scolaire, les enseignants, tout comme le proviseur de l’établissement, ont jeté l’éponge ».
« Madame, y en a marre de la Shoah ! » « Madame, pourquoi est-ce qu’on parle tout le temps des juifs ? », s’exclament des élèves.
« D’abord réticents, les lycéens, ébranlés par leur rencontre avec un rescapé du camp de Buchenwald, sont peu à peu transformés par cette aventure collective ». Mais ce camp diffère de celui d’Auschwitz-Birkenau.
« Ayant vécu ce prodige grâce à l’une de ses professeures, Ahmed Dramé (Malik dans le film) en a tiré une ébauche de scénario avant de convaincre la réalisatrice Marie-Castille Mention-Schaar (La fête des mères, Le ciel attendra) de le porter à l’écran ».
« Par son écoute patiente et sa foi inébranlable dans les capacités de ses élèves, d’origines et de croyances diverses, l’enseignante, admirablement campée par Ariane Ascaride, est parvenue à leur transmettre une même soif de connaissance et de tolérance ».
« D’une grande puissance émotionnelle, exalté par la bande originale composée par Ludovico Einaudi, ce récit rend un vibrant hommage à la vitalité de la jeunesse et à l’immense pouvoir de l’éducation. »
Mais l’Histoire de la Shoah enseignée par l’Education nationale, véhiculée par ce Concours et diffusée par de nombreux Mémoriaux s’avère « islamiquement correcte ». Cette classe composée notamment de lycéens musulmans – l’un est converti à l’islam - aurait-elle agréé ce projet s’il avait évoqué le rôle du grand mufti de Jérusalem al-Husseini ?
Ce « héros » et mentor d’Arafat a fomenté des pogroms, est directement responsable de la mort de « 4 000 enfants orphelins juifs polonais et de 400 juifs adultes qui furent assassinés à Auschwitz en raison de son opposition en 1942 à leur transfert en Palestine mandataire en échange de prisonniers de guerre allemands pronazis. Il a convaincu des gouvernements hongrois, roumain et bulgare pronazis d’envoyer leurs juifs vers les camps de la mort plutôt que d’accepter leur immigration en Palestine mandataire » (Chuck Morse, The Nazi Connection to Islamic Terrorism, Adolf Hitler and Haj Amin al-Husseini. iUniverse.com, 2003). A l'été 1943, il a écrit au ministre roumain des Affaires étrangères pour l'exhorter à envoyer 1 800 enfants Juifs en Pologne où ils seront sous une "active supervision".
Accueil critique
Le film « Les héritiers » de Marie-Castille Mention-Schaar a attiré 700 000 spectateurs en France.
Il a reçu des critiques sévères du Monde : « une accumulation de clichés… « L’histoire, leur expliqua Mme Gueguen, il ne faut pas l’apprendre. Il faut la comprendre ». Leur demandant de définir le mot génocide, elle s’entendit répondre que ce qui se passe actuellement en Palestine en est un, justement, de génocide. Attention à ne pas confondre massacre de guerre et génocide, démina-t-elle ».
Le Figaro a fustigé « une vision manichéenne de l'histoire » d’un film qui élude des questions essentielles tels « le désastre des banlieues françaises » et « l'échec de l'intégration ».
Quant à Rue 89, il lui a reproché d’être « trop larmoyant ».
Citons Eric Guéguen dans Causeur (3 décembre 2014) :
« Supplément larmoyant au roman national… Le film Les Héritiers puise l’essentiel de sa raison d’être dans une vocation d’apaiser des querelles communautaires, celles-ci longtemps masquées par la sempiternelle désignation de l’ennemi commun, à savoir le fasciste d’extrême droite.
Louable tentative, qui plus est en invoquant l’héritage historique (mieux vaut tard que jamais).
Il est néanmoins assez surprenant de faire appel au drame de la Shoah, lors même qu’elle est devenue l’étalon et le paradigme de la concurrence victimaire, donc potentiellement l’adjuvant des conflits. On s’entendra répondre que le film s’appuie sur une « histoire vraie ». Il n’est toutefois pas certain que si la concorde et l’émulation s’étaient nourries d’une page d’histoire plus glorieuse ou moins affligeante on en aurait fait un film.
L’entreprise s’avère donc casse-gueule, car d’une part elle renforce le sentiment qui s’installe d’une histoire de France se résumant à la Shoah, d’autre part elle pose en modèle une expérience, certes vécue, mais qui ne peut faire figure que d’heureuse exception… Les Héritiers, ce fut aussi le titre d’un livre retentissant écrit par Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron il y a tout juste cinquante ans. Sous leur plume, le terme désignait alors la petite frange des élèves privilégiés dans un système scolaire qu’ils s’employaient, quelques années avant le grand chambard, à dépeindre comme matrice de la reproduction et de l’exclusion.
Cinquante ans plus tard, leur message a été entendu et leurs leçons appliquées. À telle enseigne que la notion même d’héritage est devenue incongrue dans les écoles, et qu’il faut une fois de plus se référer à la Shoah et aux heures sombres (dans la même logique, ce pourrait être aussi bien au commerce triangulaire…) pour se découvrir un dénominateur commun et un intérêt pour le passé. Le temps ne ménage pas celles et ceux qui ont la vanité de faire sans lui ».
Le titre du film intrigue. Ces élèves seraient-ils les « héritiers » de Juifs rescapés ou victimes de la Shoah dont ils transmettraient la mémoire ?
« Ecrire pour exister »
On peut relever des points communs entre « Les Héritiers » et « Écrire pour exister » (« Freedom Writers »), film dramatique américain écrit et réalisé par Richard LaGravenese (2007) avec Hilary Swank et Patrick Dempsey.
Ce long métrage est adapté du livre « The Freedom Writers Diary » d'Erin Gruwell, professeure d’anglais vingtenaire, et de ses élèves difficiles. L’enseignante dévouée leur enseigne la Shoah, invite dans le lycée des rescapés de la Shoah et une résistante, incite les lycéens à écrire leur journal pour y relater leur vie, des expériences traumatisantes. Les élèves prennent conscience que l’amitié peut s’établir malgré les tensions raciales.
Musée de la Résistance de Toulouse
"A quelques jours de la remise des prix du Concours National de la Résistance et de la Déportation a l’Hôtel du Département, le film basé sur l’histoire vraie d’Ahmed Drame (acteur et coscénariste) retrace le parcours d’une classe de Seconde d’un établissement de Créteil encouragée par leur professeure d’Histoire a participer au CNRD. Ils vont sortir transformés de cette expérience citoyenne".
Agressions antisémites
Le 3 décembre 2014, est sorti « Les Héritiers » en France.
Mais le 1er décembre 2014, trois individus masqués et armés avaient séquestré un jeune couple composé de Jonathan B., de confession juive, et Laurine C., dans l’appartement de la famille juive française du jeune homme, à Créteil.
« Ils les avaient ligotés, bâillonnés avant de fouiller l'appartement à la recherche d'argent liquide, sous prétexte que "les Juifs, ça met pas l'argent à la banque" et menaçant de les "buter".
Houssame Hatri « s'était amusé à lâcher des couteaux sur le dos de Jonathan "pour (ses) frères en Palestine", avant de jeter au sol les symboles juifs et de proposer de les "gazer" à la lacrymogène ».
La jeune femme avait été violée par l'un d'eux.
Le ministre de l'Intérieur, alors Bernard Cazeneuve, avait fait alors de la lutte contre le racisme et l'antisémitisme une "cause nationale" du gouvernement.
En 2018, la Cour d'assises du Val-de-Marne a poursuivi cinq prévenus, dont deux complices, « pour séquestration, extorsion, violences aggravées, association de malfaiteurs et viol pour l’un d’entre eux ». D’abord écarté par le juge d’instruction, la circonstance aggravante d’antisémitisme a été retenue pour un des griefs.
« Les accusés ont tous nié le caractère antisémite de leurs actes. Mais, alors que l’un d’eux était interrogé sur les multiples incidents qui émaillent depuis quatre ans sa détention, il avait répondu : « La directrice de la prison est juive, elle me saque à cause de cette affaire. » « Comment le savez-vous ? », lui avait demandé l’avocate de la Licra. « Je le reconnais à ses yeux », lui avait-il répondu. »
En juillet 2018, Abdou Salam Koita, fils d'un diplomate sénégalais, 26 ans, et Ladje Haidara, 23 ans, né dans une famille malienne polygame et reconnu coupable du viol, "écoutent le verdict sans ciller. Trois agresseurs ont été condamnés à respectivement 8, 13 et 16 ans de réclusion criminelle, des peines moins sévères que celles demandées par l'avocate générale (10, pas inférieure à 15, et 20 ans). Deux complices écopent de cinq et six ans de prison ». En fuite, Houssame Hatri, 22 ans, "auteur selon les victimes des propos haineux tenus pendant le cambriolage, a écopé de la plus lourde peine », soit seize ans d’emprisonnement.
La Cour d’assises a reconnu la circonstance aggravante d’antisémitisme dans le choix de leurs victimes lors de l’agression de Jonathan B. et Laurine C.
Fin juillet 2020, « Houssame Hatri, a été interpellé en Algérie. Il sera rejugé dans ce pays qui n'extrade pas ses ressortissants ».
Entretien avec Marie‐Castille Mention‐Schaar, réalisatrice
« Comment avez‐vous choisi le titre LES HERITIERS ?
Il s’est imposé une fois le film terminé. J’ai beaucoup de plaisir à ce que ce mot soit associé à la jeunesse d’aujourd’hui, multicommunautaire, multiconfessionnelle. Ce ne sont pas sur ces visages qu’on a coutume de mettre ce terme, et pourtant, il me semble que le film est tendu par la question de l’héritage. De quoi hérite-t-on ? Mais aussi que laisse-t-on à nos « Héritiers » ? Qu’est‐ce que l’on fait de son histoire ? Est‐il possible de l’ignorer, de comprendre l’héritage des autres ? Qu’est‐ce qu’on garde ?
Le film s’ouvre sur une séquence où chacun est enfermé dans sa propre logique : une jeune fille qui n’est plus élève veut récupérer son attestation de réussite du bac. La CPE et proviseur du lycée Léon Blum de Créteil lui refusent l’entrée au lycée, au motif qu’elle porte un foulard. Ce qui est intéressant, c’est que la scène ne dévoile pas votre point de vue…
Cette altercation a réellement eu lieu à Léon Blum. Elle illustre la limite du dialogue autour de deux principes tout aussi forts : la liberté d’expression et le principe de laïcité.
Durant toute sa scolarité, cette jeune fille a respecté la loi qui exige qu’elle enlève son foulard avant de pénétrer dans son lycée. Cette séquence pour moi pose le débat Ce ne sont pas forcément les lois qui protègent l’école laïque. Il faut penser à d’autres schémas. A chacun de juger… Et pourtant : je suis effarée de la place de la religion dans les programmes à tout moment de la scolarité d’un enfant. D’ailleurs, Madame Gueguen, le personnage d’Ariane Ascaride, est souvent mise en scène faisant cours avec un thème religieux : l’enfer, le paradis, le jugement dernier, Calvin.
Comment avez‐vous rencontré Ahmed Dramé, qui a participé à l’écriture du scénario, qui joue dans le film, et qui en est même, à l’origine ?
J’aime beaucoup l’histoire de cette rencontre, car elle tient du hasard et de l’obstination.
Ahmed était en classe de terminale au lycée Léon Blum il est allé au cinéma avoir mon premier film, Ma première fois, sorti en 2012. Puis il m’a contacté par mail en en me demandant simplement si j’accepterais de lire une ébauche de scénario de 60 pages qu’il avait écrit.
Il y avait dans ce script une histoire de Concours de Lettres, et le désir d’un prof, qui arrive dans un lycée, de tirer ses élèves vers le haut en leur proposant ce concours.
Lors de notre première rencontre, j’ai voulu savoir d’où venait cette idée de concours, de compétition, et j’ai découvert que la vie d’Ahmed avait été bouleversée ainsi que celle de tous les élèves de sa classe de seconde, après avoir fait et gagné le concours national de la résistance et de la déportation. Je ne connaissais pas ce concours. Ahmed m’a raconté cette aventure et j’ai senti combien cette expérience collective l’avait transformé.
Immédiatement l’envie m’est venue de faire un film, de cette histoire.
Vous le lui avez dit ?
Bien sûr. Je lui ai dit que tout ce qu’il racontait et qui n’était pas dans son scénario, ou seulement effleuré, était à la fois bouleversant et très impressionnant. J’étais très émue par le parcours de ce jeune garçon, qui semblait ne plus subir le défaitisme ambiant et l’aquabonisme si fréquent à l’adolescence. Je lui ai demandé ce qu’il attendait de moi. Il a eu l’air assez surpris. Et le rendez‐vous d’après, on a appelé Madame Anglés, la professeure principale d’Ahmed, dont j’avais trouvé le numéro de téléphone dans les pages jaunes. Elle était très surprise qu’un de ses élèves soit à ce point porté par l’année qu’ils avaient passé ensemble. On a commencé à écrire le scénario.
Comment avez‐vous procédé ?
J’interrogeais Ahmed sur à peu près tout, très attentive aux détails et à ce qui lui semblait secondaire. Je ravivais sa mémoire. Et j’ai aimé me plonger dans la vie d’un jeune français musulman, passionné par le cinéma, animé par l’envie de faire quelque chose de sa vie. J’ai passé beaucoup de temps avec Ahmed, chez lui, dans son quartier. Et je suis repartie sur les bancs du lycée !
Avez‐vous eu besoin de rencontrer les personnages réels de l’histoire ?
Non. Ce qui était fondamental, c’est la parole d’Ahmed et son regard sur certains des camarades de cette classe. Leur parcours, leur évolution, leurs rapports à travers Ahmed et Anne Anglès, leur prof. Et puis je me suis très largement appuyée sur le document qu’ils ont rendu à l’issue de ce concours. Je savais avec Ahmed d’où ils étaient partis. Et je lisais où ils étaient arrivés avec ce document. Restait à construire leur questionnement, leur cheminement.
Avez‐vous donné à Ahmed son propre rôle ?
Difficile d’y répondre clairement aujourd’hui. De mon point de vue, non, puisque je me revois expliquer à Ahmed l’importance d’une certaine distance et d’un décalage entre lui et Malik, son personnage.
Pendant le tournage, êtes‐vous restée très proche du scénario de départ ?
Oui, tout en faisant beaucoup improviser les adolescents. On filmait avec trois caméras, si bien qu’on s’est retrouvé avec des kilomètres de rushes, et ça a vraiment été un défi de construire ce film au montage. Ce que j’ai découvert au tournage, et surtout au montage, c’est qu’il ne fallait jamais que je lâche la classe. Elle est l’atome du film. Dès qu’on s’en éloignait, je perdais mon fil, et c’est pourquoi on a coupé la plupart des scènes où l’on voit Madame Gueguen et les élèves (à part Malik et Mélanie) hors du lycée. Elles sont tombées d’elles‐mêmes. Pour se centrer sur l’évolution de l’investissement des enfants.
D’ailleurs, plus on avance dans le film, moins on entend la prof. Les enfants s’emparent de l’Histoire. Ils s’approprient leur histoire.
Comment Anne Gueguen, le personnage du film, comme Anne Anglès, la professeure, parviennent‐elles à captiver les élèves et à se faire entendre, selon vous, alors que la remplaçante tombe dans un gouffre ?
Pour mieux comprendre, j’ai suivi des cours d’Anne Anglès au lycée Léon Blum et j’ai été frappée par son autorité bienveillante qui invite à un respect réciproque. Les élèves sont effrayés de l’avoir à la rentrée car elle a la réputation d’être « dure » mais paradoxalement, ils sont toujours tristes de la quitter à la fin de l’année. Elle parvient à chaque fois à les emmener où ils ne s’attendent pas. J’ai assisté à d’autres cours, dans des lycées très différents les uns des autres, afin de comprendre ce qu’était une classe de seconde aujourd’hui. La plupart du temps, le prof parle dans un léger brouhaha avec des élèves qui zappent en permanence selon les vibrations de leur téléphone portable qu’ils ont dans leur poche ou sur leurs genoux. Tout d’un coup, on les voit se pencher et textoter. La voix du prof n’est plus qu’un élément parmi d’autres, complètement déconnectée et son discours est sans lien avec les élèves.
Peut‐être, mais LES HERITIERS montre l’inverse : des adolescents qui découvrent qu’une histoire qu’ils prennent pour de l’archéologie ou une provocation idéologique, les concerne au plus au point !
Oui, c’est un film optimiste, et d’autant plus optimiste que cette histoire est vraie, et prouve qu’il est possible de passionner les plus rétifs. A condition qu’on les mette au cœur du processus pédagogique. Les élèves commencent à s’intéresser au concours, lorsqu’ils sont actifs. Avec un moment clé : la rencontre avec un témoin : Léon Zyguel, déporté à l’adolescence.
Léon a l’habitude de témoigner devant des classes, c’est le combat de sa vie depuis 70 ans. Car cette rencontre les yeux dans les yeux avec l’Histoire incarnée est toujours, pour tous les élèves qui préparent ce concours, un moment de bascule. Elle l’a été pour les adolescents du film également. Je tenais beaucoup à la présence de Léon Zyguel, qui s’était rendu au collège Léon Blum l’année où Ahmed a préparé ce concours. Mais Léon est un monsieur très sollicité et j’ai du beaucoup lui courir après pour qu’il accepte. Il était méfiant par rapport à la fiction. On a bien évidemment tourné une seule prise et ce fut la seule scène de la journée. Je n’ai donné qu’une directive à mes acteurs : pour une fois, vous allez oublier qu’on tourne un film. Vous allez écouter Léon et partir faire ce voyage dans sa mémoire. Et Léon leur a parlé exactement comme il le fait d’habitude dans de vraies classes.
Madame Gueguen, c’est d’abord la formidable Ariane Ascaride. Comment l’avez-vous choisie ?
C’est son agent qui me l’a suggérée car elle avait lu le scénario. A notre première rencontre j’ai pris la mesure de son engagement pour la défense de certaines valeurs. Sa façon de parler du scénario était si différente d’une simple lecture d’une comédienne.
C’était la citoyenne engagée, fille de résistante qui me parlait et c’était très émouvant. Je voulais toutefois la « transformer » un peu. Je lui ai demandé de couper ses cheveux.
Ariane a la même énergie, la même vitalité qu’Anne Anglès.
Le choix de Créteil ?
Une évidence. Pas seulement parce que l’histoire s’était passée là‐bas mais parce que Créteil est une ville très cosmopolite, multi confessionnelle qui a toujours cultivé ses différences. Il se trouve que le lycée Léon Blum est aussi visuellement extrêmement intéressant dans sa conception et son implantation. Alors pourquoi aller tourner ailleurs ?
Qu’est‐ce que vous connaissiez des classes de seconde qui expliquent que vous ayez si bien reconstitué l’atmosphère de la classe ?
Ma propre seconde est assez ancienne ! J’ai donc assisté à de nombreux cours de français, de maths, d’histoire‐géo. Toujours en seconde. Mais dans des villes différentes. »
Entretien avec Ariane Ascaride, actrice
« Qu’est‐ce que ce personnage d’enseignante vous a appris sur vous ?
Ca a été une belle leçon d’humilité. C’est la première fois que j’étais face à une classe : vingt‐trois gamins qui ne savaient pas qui j’étais et qui me regardaient, moins comme une actrice que comme un professeur. Je n’en menais pas large. Ils venaient de partout, mais certains étaient élèves de ce lycée Léon Blum à Créteil. J’étais si peu vaillante que nous avons du retourner tout ce que nous avons fait ce jour‐là. Je le savais déjà, mais l’éprouver, c’est très différent : être enseignant est un métier qui exige beaucoup de courage et c’est aussi l’un des plus extraordinaires qui soit. A condition, bien sûr, de pouvoir l’exercer. Rien n’est donné à l’avance, rien n’est évident. Mais la relation qui se crée avec les élèves est la plus belle chose qu’on puise vivre. Quand on est une comédienne qui joue un professeur devant des élèves, on est amené à créer également cette relation de confiance, qui permet que chacun apporte à l’autre. On a lâché les armes, et eux et moi. On s’est mis à se parler, à jouer ensemble. Quand je vois le film aujourd’hui, c’est ce qui m’épate le plus : la vérité des adolescents. La vérité de cette classe. Le personnage de Madame Gueguen m’a appris qu’un enseignant doit à la fois être très observateur et accepter de se laisser regarder.
Comment s’est constituée cette classe ?
Parmi les gamins, Marie‐Castille Mention‐Schaar a choisi une demi‐douzaine d’acteurs et des non professionnels. Au début ils se jaugeaient. Puis on a oublié très vite qui était qui, et le mélange a été parfait. On a tourné dans l’ordre chronologique avec parfois trois caméras. Pour beaucoup, c’était la première fois qu’ils voyaient un vrai tournage de cinéma. Il faisait très chaud, c’était l’été, certains cherchaient à faire les clowns, c’est normal, et j’étais obligée parfois de faire de la discipline. La cohésion est venue grâce au scénario. Il n’était pas caricatural. Et il ne transformait pas les adolescents « difficiles » en victime. La vérité de l’histoire éclatait, et assez vite, on a oublié qu’il s’agissait d’une fiction. Mais c’est un élément fédérateur exceptionnel, qui a uni le groupe : l’ancien déporté Léon Ziguel. Lorsqu’il est arrivé, un changement s’est opéré. Des gamins qui jusque là ne venaient que pour tourner et dans l’espoir de s’amuser ou de gagner un peu d’argent, se sont sentis porteurs d’une responsabilité. Léon Ziguel passe le témoin avec beaucoup de respect. C’est une journée qui a changé leur vie. Lorsque j’ai revécu la scène en tant que spectatrice, en voyant le film, j’ai été extrêmement émue. Personne ne jouait.
Quels sont les mots qui ont provoqué ce changement ?
Ce ne sont pas seulement des mots : Léon Ziguel avait leur âge quand il a été déporté, et il ne savait rien de ce qui allait lui arriver. Cette similitude entre eux et lui les a, je crois, bouleversés. Et quand on lui demande : « Comment avez‐vous fait pour tenir ? » Il répond : « J’avais envie de crâner auprès de mes copains de Ménilmontant, j’avais envie de leur raconter ce que je venais de vivre. » Bref, c’était un ado, comme eux. A la fin, Léon Ziguel leur a dit : « Je vous remercie de l’énergie que vous m’avez donné, et je ne vous demande qu’une seule chose. Ne dites jamais « sale juif, sale nègre, sale Arabe », car tout ce que j’aurais vécu n’aurait servi à rien. » J’ai vu alors des larmes couler sur beaucoup de joues, et j’ai su que c’était gagné.
La gestapo n’avait pas ordre de rafler les enfants Juifs. C’est Laval, c’est-à-dire l’Etat français qui a fait du zèle et à demander aux policiers français de leur fournir les mineurs, quand ils étaient d’origine étrangère. Le travail pour préparer le concours leur a permis de découvrir cette barbarie par eux‐mêmes. Et qui serait restée à l’état d’horreur abstraite mais qui prend sa pleine signification lorsque ce sont les adolescents qui font l’investigation.
Ce que fait la prof, bien plus que de leur permettre d’être lauréat, c’est de leur ouvrir une voie vers la recherche. Grâce à elle, ils comprennent qu’eux aussi sont les enfants et les petits‐enfants d’adultes qui ont une histoire, faite de bonheur mais aussi de tragédies, et que tant qu’ils ignoreront leur passer, ils vivront avec la légèreté désagréable de la bulle de savon. Ils découvrent qu’ils ne peuvent pas vivre uniquement dans le présent.
Madame Gueguen parvient à leur faire prendre conscience de ce qu’a été la Shoah, hors de toute polémique, et pas que.
A votre avis, pourquoi Anne Gueguen réussit‐elle à capter cette classe, alors que sa remplaçante si gentille tombe en enfer ?
Devant une classe, on est face à une vague dont on ne maitrise pas totalement les mouvements. Cette remplaçante se laisse submerger. Cette jeune femme leur montre sa peur. Or les élèves sont très intuitifs et se saisissent de sa terreur. En tant qu’actrice, j’ai pu saisir cette relation mystérieuse qui unit une classe et l’enseignant. Quand on enseigne, le texte s’invente, seconde après seconde. Il faut énormément de répartie, pour avoir la bonne réaction face à des élèves qui veulent faire rire, ou montrer leur muscle, ou qui pose une question à laquelle on ne sait pas répondre. C’est en cela que ce métier me semble beaucoup plus difficile qu’être acteur, où bien sûr la scène suscite le trac, mais où en général le public est assez docile et bienveillant. De plus, on a répété, on connaît notre texte et les situations. Le pire qu’il puisse nous arriver sur scène, c’est de ronronner. Que tout coule trop bien. Etre devant une classe, c’est une autre affaire… Le secret de mon personnage, c’est qu’elle leur montre à chaque instant qu’elle les respecte.
Elle leur dit d’ailleurs : elle a plus confiance en eux, qu’eux en eux‐mêmes.
Que sont devenus les enfants de cette classe ?
Alors que c’était une classe très difficile, de celle qui désespère les enseignants, tous ont eu leur bac, et la plupart avec mention. Quant à l’enseignante du film, elle enseigne toujours et dans le même.
En plus de les admirer, vous semblez avoir une grande tendresse pour les enseignants. D’où vient‐elle ?
Je ne connais personne qui ne se souvienne pas de certains professeurs. Encore maintenant, en dépit de tout ce qu’on raconte sur la dévalorisation du métier, ce sont des personnes qui ont le pouvoir de changer la vie de ceux à qui ils s’adressent, pour le meilleur et pour le pire. Ils sont ceux et celles qui donnent la possibilité à des enfants de construire leur vie, et sur lesquels ils vont pouvoir s’appuyer tout au long de leur existence. Si je ne sais pas qui est Louis XIV, je peux aller à Versailles, mais je ne comprendrai rien à ce que je vois. J’ai rencontré la professeur qui a inspiré mon personne : Anne Anglès. J’ai compris d’où venait son aura. Elle a une fermeté impressionnante, sans jamais tenir de discours « sécuritaire ». Elle leur montre que son métier ne consiste pas à les sanctionner. Ce que j’ai découvert en l’interprétant, c’est que quand vous parlez à un ensemble de jeunes gens, il y a toujours un moment où l’on a le sentiment de perdre leur attention. Parfois on se retrouve dans des établissements où les enfants ont tellement été laissés à la dérive, que cela devient très difficile de les ramener à l’écoute, au partage. Ils n’ont plus de considération pour eux –mêmes. Anne Anglès arrive à leur redonner confiance et à se percevoir comme des personnalités entières, et non le jouet d’un conformisme de groupe. Ce que montre cette prof et le film, c’est qu’il est toujours possible de tirer les gens vers le haut. Encore faut‐il en avoir envie. Je crois qu’il y a beaucoup moins de professeurs découragés ou à distance qu’on ne le dit. Ce film m’a permis de rencontrer beaucoup d’enseignants, qui m’ont frappés par leur engagement et leur honnêteté. Même s’ils leur arrivent de se tromper, ils sont honnêtes.
Pourquoi est‐ce si important dans une vie, ce période scolaire ?
C’est notre jeunesse. Même si on ne fait pas des études supérieures, c’est le temps de notre vie à son début, en dehors de nos parents, de notre culture familiale. Le temps de l’école, c’est aussi celui qui nous permet de souffler, d’être en dehors de la famille et de ses traumatismes inévitables.
Quelles relations avez‐vous eu avec ces jeunes acteurs ?
Je n’ai pas essayé d’être la copine des jeunes acteurs. Je n’ai pas cherché à me mêler à eux. Il était important de trouver la bonne distance. Il fallait que je gagne leur confiance.
Que je sois digne pour eux. Il fallait que je prouve à Marie‐Castille Mention‐Schaar qu’elle avait bien fait de me choisir comme actrice, mais il fallait aussi que je le prouve aux élèves. On s’est apprivoisé. A la fin du tournage, ils se sont conduits comme une classe, ils m’ont fait des cadeaux, il y avait des larmes, liées à la séparation, on s’est pris dans les bras. On était très souvent amenés à improviser, or les gamins sont très forts en impro. Ils ont gardé cette liberté de l’enfance, cette capacité à se mettre immédiatement en situation. Contrairement à moi qui suis toujours très respectueuse du texte et qui ait besoin d’un peu plus de concentration que la normale pour faire un pas de côté.
Comment Marie‐Castille Mention‐Schaar vous dirigeait‐elle devant des adolescents ?
Elle me parlait à l’oreille. Ce qui lui importait, c’était l’authenticité de mon travail. Elle est opiniâtre. Elle ne lâche jamais. Ce film‐là avait une importance particulière pour elle.
Elle s’est vraiment battue, c’est une guerrière, pour faire en sorte que les gamins soient toujours ensemble. Elle a tenu ça avec fermeté. Sans jamais être désagréable.
Je suis hyper fière d’avoir fait ce film. Et fière de l’avoir fait avec Marie‐Castille et avec ces élèves‐là. Très vite, ce tournage a été beaucoup plus qu’un travail. Très vite, ça a été une aventure. D’ailleurs, depuis, je m’ennuie un peu des élèves. Ce rôle m’a donné confiance et envie de transmettre ce que je sais à des jeunes acteurs. Il m’a interrogé sur la transmission. Il arrive un moment où on a envie de dire d’où l’on vient, ce qu’on est, et de le revendiquer. Il faut du temps. Or je trouve qu’on demande beaucoup aux acteurs de se ressembler les uns les autres plutôt que d’être soi. A mes débuts, on me disait : « Vous êtes intéressantes, mais on ne sait pas où vous mettre. Vous avez un physique un peu particulier. » Je ne pouvais pas jouer les jeunes premières, mais j’étais trop jeune pour les autres rôles. Je sortais des castings déboussolée, ne sachant plus comment je m’appelle. Ca ne marchait jamais. C’était horrible.
Madame Gueguen use d’argument d’autorité. Elle lance à une élève : « J’ai raison et vous avez tort. » Qu’en pensez‐vous ?
C’est sa manière de dire : « Vous ne mangerez pas la soupe sur ma tête. L’autorité c’est moi. J’assume tout à fait être la personne qui représente l’autorité. »
Je crois que beaucoup de parents ont peur de représenter l’adulte. Or un parent, c’est aussi quelqu’un qui vous apprend qu’il y a une hiérarchie. Est‐ce qu’on l’accepte ou pas ?
Si on n’est pas face à cette limite, si on croit que tout est possible, n’importe comment, on s’écrase par terre. Etre parent ou prof, c’est comme être guide de montagne. Un guide de montagne vous dit où il faut mettre les pieds et si vous ne l’écoutez pas, vous tombez dans la crevasse. »
Entretien avec Ahmed Dramé
Peu avant la distribution des Héritiers en France, Fayard a publié « Nous sommes tous des exceptions » d’Ahmed Dramé. « À première vue, ça peut sembler banal. Une classe de seconde qui se distingue en remportant un concours, ça arrive tous les ans. Mais quand il s’agit d’un lycée de banlieue où les profs, à force de se confronter à des cas difficiles, ont des raisons d’être lassés, et où les élèves, à force d’être mal vus, perdent leur estime d’eux-mêmes, l’événement acquiert une tout autre portée. Et quand ce concours porte sur la Shoah, à une époque qui excite l’antisémitisme et le racisme, cette victoire devient puissante. Puissante au point d’inspirer à l’un des élèves de la classe, Ahmed Dramé, une belle histoire à scénariser et un livre édifiant à écrire. Derrière le quotidien singulier d’une classe « à problèmes » devenue classe à lauriers, au-delà de l’audace de ses protagonistes et de la transformation d’Ahmed, se dessinent en filigrane les pires errements de l’Histoire. Le lycéen devenu adulte ne sortira pas indemne de sa rencontre avec Léon et les autres survivants, à l’âme abîmée mais rayonnante. Il renaîtra profondément touché et infiniment plus fort. »
« Ahmed Dramé, vous avez co‐écrit ce film et vous jouez un des élèves. Pouvez‐vous nous raconter cette aventure ?
J'ai été dans cette classe de seconde en 2009, j'ai vécu cette histoire, elle m’a métamorphosé. La participation au Concours national de la résistance et la déportation a changé ma vie, comme celle des autres élèves. Mais c’est surtout la rencontre avec Madame Anglès – rebaptisée Madame Gueguen dans le film. Pour bien expliquer, il faut que je remonte à ma vie d’avant. Quand je suis arrivé au collège Léon Blum, je ne connaissais personne. En troisième, malgré une moyenne générale honorable, les enseignants avaient décidé que je ne passerais pas le bac général, que je n’étais pas fait pour les études, comme cela arrive souvent lorsqu’on ne vient pas d’un milieu privilégié.
Ma mère s’est vraiment battue pour que je change d’orientation et que je sois pris au lycée Léon Blum. Donc, j’arrive avec une certaine tension, et la crainte de ne pas être à ma place, de ne pas être au niveau. La rencontre avec Madame Anglès, la prof d’Histoire, qui était aussi notre prof principale, a été fondamentale. Elle était ferme, et on avait envie de l'écouter. Après la rentrée, pendant un mois, la prof s’absente à la suite du décès de sa mère. Pendant cette période, on devient franchement agités. Les sanctions pleuvent. Il y a deux exclusions temporaires. On est la pire des secondes, les brebis galeuses du lycée En même temps, j’avais toujours été dans des classes difficiles, donc ça ne me changeait pas trop. Et là, c’est exactement comme dans le film, il y avait sept éléments moteurs, mais on fait mener une sale vie à la remplaçante. Madame Anglès est revenue, elle a préféré nous proposer ce concours plutôt que de nous enfoncer. Contre l’avis du proviseur, qui aurait aimé qu’elle choisisse la classe européenne.
Comment la classe a réagi ?
Il y a eu des réflexions débiles du genre : «Madame, il y en a marre de la Shoah, pourquoi est‐ce qu'on parle tout le temps des Juifs ?» A l’annonce de la proposition, je suis resté neutre. Je ne dis pas que j’ai envie de le faire. Je ne dis pas non plus que je n’ai pas envie.
On est facilement influencé à 16 ans. J’ai préféré me laisser un temps de réflexion. C'est un copain du quartier, Joe, qui était prof d’histoire géo dans un lycée privé Juif et qui jouait au foot avec les gosses du quartier, qui m’a convaincu. Le thème nous terrorisait : « Les enfants et les adolescents dans le système concentrationnaire nazi. ». C’est un sujet très dur. On avait peur de ne pas être à la hauteur. Madame Anglès semblait avoir confiance en nous. Assez vite, on a senti qu'on lui « devait » le concours. Il fallait qu'elle soit fière de nous. On allait bosser.
Qu'est‐ce que participer au concours national de la résistance et de la déportation a provoqué ?
Déjà, on a pu rencontrer des personnes extraordinaires, comme Léon Zyguel. Mais c’était aussi la première fois qu’on travaillait vraiment en groupe. Il y a eu des moments de découragement. La prof nous a même dit qu'elle pensait s'être trompée sur notre compte. On se reprochait des vols d'idées, on n'arrivait pas à comprendre qu'on travaillait pour un même but. Le déclic, ça a été la rencontre avec Léon Zyguel, quand il nous a raconté sa vie dans les camps, et son arrestation quand il avait notre âge. Il y a vraiment eu un avant et un après Léon.
Qu'est‐ce qui a le plus étonné cette classe ?
Déjà qu’il existe pour de vrai ! Ca fait très bizarre de rencontrer quelqu’un qui a vécu cette époque. On s’attendait qu’un ancien déporté soit forcément lointain et froid, au plus loin de nous. Léon nous a tout de suite mis à l'aise, grâce à son humour. Quand on entend une telle parole, on n'a plus d’excuses pour ne pas travailler et se plaindre. Il avait notre âge quand il a été déporté. Quand on lui parle, on n’a pas le sentiment de quelqu'un d’âgé. Grâce à la préparation du concours, on a découvert plein de trucs. Par exemple que les enfants et les personnes déportées n'étaient pas forcément juifs, mais aussi tziganes ou homosexuels.
Le concours a‐t‐il modifié en profondeur l'avenir de cette classe ?
De mauvais élèves insupportables pour la plupart, on est devenu super motivés. On est arrivés en classe de première avec une énorme confiance en nous ! On a appris à travailler. Et à aimer ça.
Vous en êtes la preuve, puisque dès l'année d'après, vous commencez à écrire un scénario ! Comment est née l’envie d’écrire ?
Après la réussite du concours, je me suis senti capable de beaucoup. Avec un copain, on s'était présenté à un casting. J'ai rencontré un agent, et à cette occasion, j'ai découvert que les films se tournaient avec des scénarios. Je ne le savais pas, ou n’y avait jamais réfléchi ! Je me suis mis à passer des castings et à en rater certain, avant d'être choisi pour un rôle principal dans LES PETITS PRINCES, avec Eddy Mitchell. Je me suis dit : Ahmed, pourquoi tu n’écris pas ton propre film ? J'avais remarqué que tous les gens qui percent et qui viennent de banlieue, se lancent dans la comédie. Un jeune de banlieue, c'est forcément un comique ! Pour moi, c'était important d’écrire quelque chose de sérieux. En tant que futur acteur, j’avais envie de films approfondis, des polars, des films qui parlent de politique, des films qui font réfléchir ! J'ai d'abord écrit le scénario uniquement pour moi, comme un défi. Plus j’avançais, plus je me disais que ce serait bien d’avoir des avis professionnels. J'avais été impressionné par LA JOURNEE DE LA JUPE, avec Isabelle Adjani de Jean‐Paul Lilienfeld, donc je l’ai contacté. Il a accepté de me lire et m'a rappelé : « Ecoute Ahmed, je ne peux pas te permettre de présenter un scénario comme ça. » Du coup, je l’ai développé et je l’ai présenté à des maisons de production. J'étais jeune, 17 ans, je n’avais rien fait. Je recevais des réponses négatives polies quand on me répondait. Je venais de voir MA PREMIERE FOIS, de Marie‐Castille Mention‐Schaar, c’était un beau film romantique, j’ai cherché son mail par tous les moyens. Elle me répond le lendemain‐même : « Ecoute Ahmed, je suis à New York, envoie moi ton scénario, s’il m’intéresse, j’accepterais de te rencontrer. » Lors de la première rencontre, Marie‐Castille m'a fait parler de moi pendant plus deux heures. Elle me posait des questions sur l’histoire que je lui avais envoyée. « Le Vrai Combat » C’était celle d’un concours de lettres. Dans une classe de terminale au lycée Pasteur. Avec un prof de lettres issu de l’immigration. A la fin, elle m'a dit : « Dis moi ce que tu veux ce que je fasse pour toi. Tu veux que je produise ton film ? Tu veux que je t’aide à le réécrire ? Tu veux que je le réalise ? » J'étais sidéré que mon rêve devienne réalité. Je lui ai dit oui, à tout, mais sans comprendre ces questions. Je n'y avais pas réfléchi. J’avais du mal à croire que ce qui était en train de m'arriver était vrai. C'est bizarre, je ne ressentais aucune joie. J'étais sonné. Puis je me suis dit : «Ahmed, ne va pas te brûler les ailes. Tu es encore très jeune, tu as le temps d’apprendre. Réaliser, tu ne l'as jamais fait. Ca fait trop pour toi.»
Comment s'est constitué le travail en commun avec Marie‐Castille Mention‐Schaar ?
On a formé un duo. Nous avons beaucoup parlé. Marie‐Castille prenait des notes. Elle m’interrogeait beaucoup sur mes souvenirs. Sur les reactions des uns et des autres. Ou comment ils auraient réagi. Nous sommes arrivés à une liste de personnages. Certains étaient la somme de plusieurs personnes dans ma classe. Au lycée Léon Blum, personne n'était au courant de notre projet. Pour moi, l'écriture du scénario et la préparation du tournage étaient déjà une belle revanche par rapport à tous les a priori des profs et du proviseur sur notre classe, la pire du lycée mais lauréate du concours. Je suis très fier d’avoir rendu cet hommage à mes camarades, au lycée, à Madame Anglès.
Comment s'est passé le tournage ?
Il y avait beaucoup de souvenirs qui remontaient à la surface. J’étais pas toujours très sérieux. Je jouais mon propre rôle mais Marie‐Castille a tenu à le rendre différent pour que j’ai aussi à interpréter des choses. Ce qui m'a surpris, c'est de revivre des histoires que j’avais déjà vécues. Et ce qui me fait le plus plaisir aujourd'hui, c'est de montrer à ma mère cette classe de seconde et qu'elle puisse être fière de s'être battue pour que je sois inscris au lycée Léon Blum. Toute sa vie, elle s'est dévouée pour ses enfants. Je suis le premier enfant de toute ma famille à avoir le bac.
Quelles ont été vos relations avec Marie‐Castille Mention‐Schaar et Ariane Ascaride ?
Aujourd'hui, je considère Marie‐Castille comme ma deuxième maman. Quant à Ariane Ascaride, j’ai pleuré à son départ. Pendant toute la durée du tournage, on a oublié qu'elle était actrice, on ne voyait que la prof. Il y a même eu des jours, où les élèves étaient insupportables et c'est Ariane, qui, comme une prof, les obligeait au calme. Personne n’osait aller au clash avec elle.
Il y a une scène où elle dit : « J'ai raison et tu as tort. » Que pensez‐vous de ce type d'argument ?
C'est le discours habituel. « Non, tu ne fais pas ça parce que c'est comme ça. » Elle le dit lorsqu’une élève a oublié de faire valider sa carte de cantine et se demande comment elle va faire pour manger. Moi‐même, ça a du m’arriver cinquante fois ! L'argument d'autorité n'est pas forcément valable. C'était dur, avec Madame Anglès. Mais on lui obéissait. Certainement parce qu’on avait senti dès le début qu’elle nous aimait. »
« Le Concours national de la Résistance et de la Déportation (CNRD) a été créé officiellement en 1961 par Lucien Paye, ministre de l'éducation nationale, à la suite d'initiatives d'associations et particulièrement de la Confédération nationale des combattants volontaires de la Résistance.
Il a pour objectif principal de transmettre des valeurs qui se rattachent aux droits de l'Homme et aux principes de la démocratie et permet aux collégiens et aux lycéens d’en mesurer leur pertinence et leur modernité. La participation à ce concours donne l'occasion aux élèves de rencontrer directement résistants et déportés et d'établir à ce titre un lien tangible entre les générations.
Depuis 2000, le concours national de la Résistance et de la Déportation est une des composantes de la politique de mémoire du ministère de l'éducation nationale en partenariat avec le ministère de la défense.
Le Concours National de la Résistance et de la Déportation est le premier concours scolaire en France dans le domaine de la mémoire. En 2012‐2013, plus de 40 000 élèves y ont participé.
Pour la session 2014‐2015 du concours, les élèves seront invités à travailler sur le thème "La libération des camps nazis, le retour des déportés et la découverte de l'univers concentrationnaire". »
France, 2014, 105 minutes
Une Coproduction Loma Nasha Films ‐ Vendredi Film ‐ TF1 Droits Audiovisuels - UGC ‐ France 2 Cinéma ‐ Orange Studio
Avec la participation de France Télévisions ‐ OCS
Avec le soutien de La Région Ile‐de‐France – l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances – l’Acsé ‐ Commission Images de la diversité CNC Fonds images de la diversité ‐ La Fondation pour la Mémoire de la Shoah – La Fondation Diane & Lucien Barrière ‐ La PROCIREP et L’ANGOA
Scénario : Marie-Castille Mention-Schaar et Ahmed Dramé
Production : Loma Nasha Films
Producteurs : Pierre Kubel et Marie-Castille Mention-Schaar
Image : Myriam Vinocour
Montage : Benoît Quinon
Musique : Ludovico Einaudi
Costumes : Isabelle Mathieu
Décors de film : Anne-Charlotte Vimont
Avec Noémie Merlant (Mélanie), Ariane Ascaride (Anne Gueguen), Ahmed Dramé (Malik), Geneviève Mnich (Yvette Thomas), Stéphane Bak (Max)
Sur Arte le 14 septembre 2020 à 20 h 55
Disponible du 07/09/2020 au 20/09/2020
Le 30 juin 2022 de 18 h à 20 h 30
52, allée des Demoiselles 31400 Toulouse France
Tél. : 05 34 33 17 40
Visuels : © Neue Visionen Filmverleih
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Les citations sur le film proviennent d'Arte et du dossier de presse. Cet article a été publié le 8 septembre 2020.