Le 24 février 2022, a eu lieu à Paris le 36e Dîner du Crif (Conseil représentatif des institutions juives de France) au cours duquel le Président du Crif, Francis Kalifat, a lu un discours aux questions pertinentes et respectant des sujets tabous, et le Premier ministre Jean Castex, représentant le Président de la République Emmanuel Macron, a lu celui problématique du Chef de l’Etat.
Entre vérités et faux semblants, un diner du CRIF « islamiquement correct »
Graves incompréhensions et hiatus au dîner du CRIF du 9 février 2011
Rare évènement couvert par la presse nationale et internationale, exceptionnel dialogue public et médiatisé entre le Président de la République et le Président du Crif, le dîner du Crif a longtemps été le « place to be » : une soirée entre VIP - politiciens, artistes, ambassadeurs, entrepreneurs, dirigeants communautaires... -, avec des moments forts comme au début des années 2000 quand Roger Cukierman, alors Président de cette fédération d’associations juives, exhortait, soutenu par les applaudissements de très nombreux convives, le pouvoir exécutif à combattre la forte recrudescence d’actes antisémites en France conjointement avec l’Intifada II, devant des membres du gouvernement. Un sujet dont la réalité était cachée, puis niée, enfin minorée, parfois justifiée, par le gouvernement du socialiste Lionel Jospin et le Président Jacques Chirac car l’essentiel de ces actes était commis par des agresseurs musulmans.
Après deux ans d’interruption en raison des mesures strictes imposées par le gouvernement, parfois annoncées par le Président Emmanuel Macron, dans sa gestion du coronavirus (Covid-19), et à près de six semaines du premier tour de l’élection présidentielle, ce 36e Dîner du Crif étaient particulièrement attendus.
Et ce d’autant que le Crif, au nom de la République et sans présenter ses critères de choix, avait refusé d’inviter deux candidats qu’il considérait comme « extrémistes », Eric Zemmour et Marine Le Pen, mais avait invité Yannick Jadot, candidat EELV aux positions anti-israéliennes. Ce qui avait suscité une polémique.
Quelques heures avant ce diner, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin avait twitté : « A la demande du Président de la République, je vais demander la dissolution du collectif "Palestine Vaincra", et du "Comité Action Palestine", pour appel à la haine, à la violence et à la discrimination et provocation à des actes terroristes. » Le groupe « Palestine Vaincra » est « descendant du collectif "Coup pour coup 31" qui avait apporté son soutien au Front Populaire de Libération de la Palestine, considéré comme une organisation terroriste palestinienne par l’Union Européenne. Le "Comité Action Palestine", association censée défendre les droits des Palestiniens, relaie en réalité des communiqués du Hamas, du Mouvement du Jihad Islamique en Palestine et du Hezbollah, et rend compte de leurs actions, selon les autorités ». Le CCIF (Collectif contre l'islamophobie en France) et l’ONG Barakacity avaient été dissoutes définitivement par le Conseil d’État en septembre 2021. Pourquoi ce ministre n'a-t-il pas dissout l'une des deux plus importantes organisations anti-israéliennes qui, en plus prône le boycott d'Israël : EuroPalestine ?
Après un hommage au professeur Ady Steg, Francis Kalifat a rappelé . "En 2021, le Ministère de l’Intérieur et le SPCJ ont recensé 589 actes et menaces antisémites, en hausse de 75% par rapport à 2020. 73% de la totalité des actes antireligieux visent des Juifs. Voilà la réalité que vit moins de 1% de la population de notre pays... Aucune institution n’est préservée."
Il a demandé que le gouvernement adopte une « stratégie spécifique et ciblée de lutte contre l'antisémitisme », alors que ce fléau est toujours associé au racisme dans des plans globaux moins efficaces et que la "Commission européenne a construit une stratégie spécifique de lutte contre l’antisémitisme. Elle y encourage chaque Etat-membre à adopter une stratégie nationale sur ce sujet d’ici fin 2022." Une « stratégie qui s’appuiera sur la définition votée par l’Assemblée Nationale et le Sénat et qui ciblera toutes les formes d’antisémitisme, y compris la haine d’Israël. Une stratégie qui inscrira et qui déploiera cette définition dans les politiques publiques sur quatre grands sujets : la sécurité, la justice, l’éducation et la régulation d’Internet. Ces quatre sujets sont au cœur des missions de l’Etat et des attentes de tous les Français ».
Et de s'interroger : "L’Assemblée Nationale et le Sénat ont adopté la définition de l’antisémitisme qui fait référence au niveau international et qui est aujourd’hui le socle de la Commission européenne dans sa stratégie contre l’antisémitisme. Cette définition élaborée par l’IHRA décrit toutes les formes actuelles d’antisémitisme, y compris la haine d’Israël. Pourtant, peu de choses ont véritablement changé depuis ces votes. S’agirait-il seulement de belles déclarations, sans conséquence, ni lendemain ? Lorsque la France s’est félicitée d’accueillir, certes pour raisons humanitaires, Ramy Shaath, l’un des fondateurs de BDS, pourquoi n’a-t-elle pas, en même temps, rappelé que le boycott d’Israël, prôné par BDS, est illégal dans notre pays ?"
Et de poursuivre : "Toutes ces questions me donnent le sentiment très désagréable que les victimes de l’antisémitisme ne sont pas des victimes légitimes, des victimes à part entière. ... Être universaliste, c’est être lucide sur tous les fléaux qui abîment la France : le sexisme, le racisme, l’antisémitisme, l’homophobie, la xénophobie, la haine des Musulmans, et je ne suis pas exhaustif. C’est les combattre en disant haut et fort qu’aucun n’est plus grave, ni plus prioritaire que les autres. Mais être universaliste, ce n’est pas courir après la chimère d’un remède universel contre toutes les haines. Ce n’est pas, non plus, s’enfermer dans des idéologies ou des bons sentiments qui refusent de voir que des victimes du racisme peuvent, elles aussi, commettre des actes racistes."
Rappelant "les procès que nous attendons toujours : ceux des attentats de la rue des Rosiers et de la rue Copernic", il a déploré "le procès dont l’absence ne passe pas et fait mal, très mal : le procès de l’assassin de Sarah Halimi. Le député Meyer Habib n’a pas ménagé ses efforts dans le cadre de la Commission d’enquête parlementaire qu’il a présidé sur cette faillite judiciaire. Je veux qu’il en soit ce soir remercié." C'est la rapporteuse Florence Morlighem, député LREM, parti du Président Emmanuel Macron, qui a allégué que "les règles de notre état de droit" avaient été respectées, alors que Meyer Habib, président de la commission d'enquête, listait les dysfonctionnements policiers, judiciaires ayant émaillé l'enquête et l'instruction concernant cet assassinat.
Insistant sur le nombre insuffisant de juges et greffiers, Francis Kalifat a constaté : "Contre le racisme et l’antisémitisme, [la justice] a besoin de jugements qui dissuadent. Trop d’auteurs d’actes antisémites sont des multirécidivistes. Les juges ont une responsabilité dans la lutte contre l’antisémitisme. Il est urgent d’en finir avec les rappels à la loi, les peines symboliques et les peines non appliquées. J’en appelle solennellement ce soir au sens des responsabilités des magistrats pour que l’antisémitisme soit sanctionné de manière systématique et dissuasive..." Quid des Français juifs spoliés, voire ruinés par le "gouvernement des juges" : le Dr Lionel Krief, Eva Tanger, David Amzallag,
Le Président du Crif a défendu Israël, Etat démocratique devenu "Etat paria" injustement diabolisé et fustigé dans des instances onusiennes. "Au moment où la France préside le Conseil de l’Union Européenne, n’est-il pas temps qu’elle reconnaisse Jérusalem comme capitale d’Israël, montrant ainsi la voie à l’ensemble des pays européens ?... Et que dire de la résolution sur Jérusalem présentée fin 2021 à l’Assemblée Générale des Nations Unies, une résolution négationniste effaçant le Mont du Temple et parlant seulement de l’Esplanade des Mosquées ? A la différence de l’Allemagne, des Pays-Bas et d’autres Etats-membres, pourquoi la France a-t-elle choisi de voter cette résolution, s’associant ainsi à ceux qui manipulent l’Histoire ?", a demandé Francis Kalifat qui a souligné le danger du programme nucléaire militaire iranien visant la disparition d'Israël.
"Aux prochaines élections, j’appelle à faire barrage à tous les candidats d’extrême-gauche et d’extrême-droite. Heureusement, l’échiquier politique ne se réduit pas aux extrêmes dans notre pays. Le Président de la République, comme ses prédécesseurs, est engagé dans la lutte contre l’antisémitisme. Et vous, Monsieur le Premier Ministre, que j’ai eu l’honneur d’accompagner à Auschwitz, vous avez, vous aussi, trouvé les mots justes, aux côtés des derniers survivants", a déclaré le président du Crif.
Le Président Emmanuel Macron présidait à Bruxelles un "Conseil européen extraordinaire convoqué en urgence sur la situation en Ukraine".
Dans son discours lu par le Premier ministre Jean Castex, il a justifié le "soutien absolu" de la France à l'Ukraine et a éludé les demandes du Président du Crif. Il a affirmé « Jérusalem capitale éternelle du peuple juif », donc pas celle indivisible d'Israël. Et un Etat, et non un peuple, a une capitale, souvent la ville où siègent les institutions politiques nationales. Il n'a pas expliqué le vote de la France à l'ONU "Pour" la résolution sur l’« esplanade des mosquées », donc éliminant la désignation juive « mont du Temple » à Jérusalem. Il a évoqué les Commissions ou Missions parlementaires créées en réponse à des problèmes, telle celle chargée de la lutte contre les actes anti-religieux.
A entendre les rares applaudissements ayant ponctué les discours présidentiels de deux dirigeants en fin de mandats, essentiellement celui de Francis Kalifat, ces discours ont déçu les convives.
A noter les louanges du discours du Président Emmanuel Macron par Arié Bensemhoun, directeur exécutif France d'ELNET (European Leadership Network) France et consultant en communication et en relations publiques. De même, dans sa chronique hebdomadaire sur Radio J le 22 mars 2022, cet ancien dentiste a loué en le citant abondamment le discours similaire du Président Emmanuel Macron lors de la cérémonie à Toulouse du 20 mars 2022 à la mémoire des victimes juives du terrorisme islamiste : Jonathan Sandler, 30 ans, professeur de judaïsme, et ses deux fils, Arye, 5 ans, et Gabriel, 4 ans, ainsi que Miriam Monsonego, la fille âgée de 8 ans du principal de l’établissement scolaire, le rab Yaacov Monsonego.
Dès le lendemain de ce diner, interrogé sur une radio J, Yonathan Arfi, vice Président du Crif qui sera élu en juin 2022 Président du Crif, a exprimé sa déception envers le discours du Président Emmanuel Macron, mais a conclu que la déclaration sur Jérusalem était "un début" à partir duquel il travaillerait.
Le 20 mars, Valérie Pécresse, candidate Les Républicains à l'élection présidentielle, exprimait son soutien à la déclaration du Président Emmanuel Macron sur Jérusalem.
Lors du point de presse du 21 mars 2022, le porte-parolat du Quai d'Orsay a été interrogé sur "la montée des tensions observée au cours des derniers jours à Jérusalem". Il a répondu : "La France est attentive à l’évolution de la situation à Jérusalem et appelle chacun à éviter toute action unilatérale susceptible d’aggraver les tensions. La France rappelle que seule la solution des deux États, ayant l’un et l’autre Jérusalem comme capitale, permettra le règlement juste et durable du conflit israélo-palestinien, dans le cadre du droit international et des paramètres internationalement agréés. La France rappelle son attachement au statu quo historique sur les Lieux saints de Jérusalem. Au-delà, la question du statut de Jérusalem devra être réglée dans le cadre des négociations de paix entre Israéliens et Palestiniens." Bref, la diplomatie française macronienne vise la division, politique et spirituelle, de Jérusalem.
Plus de vingt ans après, le nombre d'actes antisémitismes perdure à un niveau élevé et la parole du Crif n'est pas écoutée.
Quel est l’intérêt de ce dîner coûteux qui est soit instrumentalisé par le Président de la République-bla-bla-bla ou son Premier ministre, soit la manifestation d’un dialogue de sourds qui cache mal un désarroi de dirigeants communautaires désemparés et l’indifférence de plus en plus dédaigneuse du pouvoir exécutif ?
Le discours du Président Emmanuel Macron se situe dans la lignée de ses discours lors de l'inauguration du Centre européen du Judaïsme et de l'exposition sur les Juifs d'Orient à l'Institut du monde Arabe, révélant son ignorance sur le Judaïsme, son éloge de l'islam sanctuarisé, voire un manque de courtoisie révélé par un dédain à peine masqué.
En 2022, le rideau est tombé. Rien à attendre.
Epilogue
Le 28 février 2022, convoqué à Ramallah par le ministère des Affaires étrangères de l’Autorité palestinienne (AP), René Troccaz, consul général de France à Jérusalem, a affirmé, selon le communiqué palestinien, que « la position de la France n’avait pas changé, tant sur la défense d’une solution à deux Etats que sur le statut irrésolu de Jérusalem, et donc sur « le droit des Palestiniens d’y établir une capitale ».
Le 20 mars 2022, interrogé par Frédéric Haziza sur Radio J, Valérie Pécresse, candidate Les Républicains à l’élection présidentielle, a abondé dans le sens du Président Emmanuel Macron sur Jérusalem, « capitale du peuple juif » en ajoutant : « Aujourd’hui nous n’avons pas d’autre solution diplomatique que d’avoir deux Etats avec Jérusalem qui est la capitale de ces deux Etats... Nous n’avons pas réussi à avancer sur la résolution du conflit palestinien… Je vois aujourd’hui beaucoup de lueurs d’espoir. Je vois ces accords d’Abraham qui permettent aujourd’hui à Israël de nouer des contacts avec des pays avec lesquels il n’avait plus de relations diplomatiques depuis si longtemps. Je vois les choses qui avancent, dans le bon sens ».
Le 29 avril 2022, le Conseil d’État a suspendu "en référé la dissolution de deux associations pro-palestiniennes. Le 9 mars dernier, le Gouvernement a prononcé la dissolution de l’association Comité Action Palestine et du groupement de fait Collectif Palestine Vaincra. Saisi en urgence, le juge des référés du Conseil d’État suspend ces deux dissolutions : ni l’instruction, ni l’audience n’ont permis d’établir que les prises de position de ces associations, bien que tranchées voire virulentes, constituaient un appel à la discrimination, à la haine ou à la violence ou des agissements en vue de provoquer des actes de terrorisme".
"Le 9 mars 2022, le Gouvernement a prononcé, sur le fondement de l’article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure (CSI), la dissolution du Comité Action Palestine et du Collectif Palestine Vaincra. Les deux associations ont demandé au juge des référés du Conseil d’État de suspendre en urgence ces dissolutions."
"Le code de la sécurité intérieure (CSI) indique que peuvent être dissoutes, par décret en conseil des ministres, toutes les associations qui provoquent ou contribuent à la discrimination, à la haine ou à la violence ou qui se livrent à des agissements en vue de provoquer des actes de terrorisme."
"Le juge des référés considère toutefois que l’instruction comme les débats lors de l’audience n’ont pas établi que les prises de position du Comité Action Palestine, bien que radicales voire virulentes sur la situation au Proche-Orient et le conflit israélo-palestinien, constitueraient des incitations à la discrimination, la haine et la violence pouvant justifier une mesure de dissolution. De la même façon, il retient que l’appel au boycott de produits israéliens par le Collectif Palestine Vaincra ne peut en soi justifier une mesure de dissolution, en l’absence d’autres agissements incitant à la haine ou à la violence."
"Le juge des référés relève également que certains des reproches adressés aux associations par le Gouvernement, qui leur imputait des actes antisémites dans les décrets de dissolution, n’étaient pas établis, les éléments transmis par l’administration dans le cadre de l’instruction en référé ne permettant pas de les imputer aux associations".
"Enfin, le juge des référés constate que les éléments transmis par l’administration n’établissent pas que les prises de position exprimées par les associations sur des organisations implantées au Proche-Orient ou sur la situation de personnes condamnées pour des faits de terrorisme peuvent être qualifiées d’agissements en vue de provoquer des actes de terrorisme en France ou à l’étranger".
"Pour ces raisons, le juge des référés, considérant en l’état de l’instruction menée en urgence que l’article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure ne permettait pas de dissoudre ces deux associations, a suspendu les décrets de dissolution du Comité Action Palestine et du Collectif Palestine Vaincra". Et il a condamné l'Etat à verser 3000 €uros à chacune des deux associations au titre de l'indemnisation de ses frais judiciaires (article L. 761-1 du Code de justice administrative).
Concernant le CPV, la plus haute juridiction judiciaire administrative a considéré : "Toutefois, l’appel au boycott, en ce qu’il traduit l’expression d’une opinion protestataire, constitue une modalité particulière d’exercice de la liberté d’expression et ne saurait par lui-même, sauf circonstances particulières établissant le contraire, être regardé comme une provocation ou une contribution à la discrimination, à la haine ou à la violence envers un groupe de personnes, susceptible de justifier une mesure de dissolution sur le fondement du 6° de l’article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure. En l’espèce, il ne ressort pas des éléments versés à l’instruction menée par le juge des référés que la participation du groupement de fait à des campagnes de boycott de produits israéliens se serait accompagnée d’agissements susceptibles de justifier une mesure de dissolution fondée sur le 6° de l’article L. 212-1. 8".
D'une part, les annonces du ministre de l'Intérieur n'auraient donc été que des effets d'annonce - ses services ne l'auraient pas prévenu de la censure vraisemblable du Conseil d'Etat ou n'auraient pas communiqué des documents probants ?
D'autre part, le Conseil d'Etat a-t-il suivi la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme en matière d'appels au boycott d'Israël ?
Par ailleurs, force est de constater que la dissolution de Génération Identitaire le 3 mars 2021 n'a pas été infirmée par le Conseil d'Etat le 3 mai 2021.
« Il s’agit d’une victoire précieuse pour l’Etat de droit, qui sanctionne l’instrumentalisation politique du conflit israélo-palestinien du ministère de l’intérieur », a réagi auprès de l’Agence France-Presse (AFP) Me Vincent Brengarth, l’avocat du Comité action Palestine."
EXTRAITS DU DISCOURS DE FRANCIS KALIFAT
"Pour certains militants antisionistes, qu’ils soient d’extrême-gauche ou musulmans, Israël est un État illégitime et raciste, donc un État coupable qu’il faut absolument détruire. Je combats résolument cette vision d’Israël. Et si je pense qu’Israël est un État singulier, c’est pour des raisons radicalement opposées. Commençons par une évidence : Israël est le seul Etat juif. Certains vont ici crier au racisme, mais étonnamment, ils ne trouvent rien à redire au fait que de nombreux pays aient l’islam ou le christianisme comme religion d’Etat. Les autres raisons sont moins enviables. Israël est le seul État dont la population civile fut la cible de près de 4.400 roquettes et missiles en moins de dix jours en 2021. Et lorsqu’il se défend, Israël est le seul État qui suscite des réactions automatiques d’appels à manifester. En Allemagne, sans surprise, ces manifestations furent le théâtre de slogans antijuifs. En France elles ont été interdites. Merci monsieur le Ministre de l’Intérieur...
Que dire de l’Assemblée Générale des Nations Unies ou de son Conseil des Droits de l’Homme ou Israël est discriminé comme un État paria.
Et que dire d’Amnesty International qui diabolise Israël en le qualifiant d’apartheid ? Non, Israël n’est pas un Etat d’apartheid ! Comme la France, Israël est une démocratie dont tous les citoyens, quelle que soit leur origine ou religion, sont égaux en droits.
Monsieur le Premier Ministre, à la différence de l’Allemagne, du Royaume Uni ou des Etats-Unis, pourquoi la France n’a-t-elle pas rejeté les conclusions biaisées, outrancières et diffamatoires du rapport d’Amnesty International ?
Dans un autre registre, Israël est le seul Etat qui ne pourrait pas choisir sa capitale.
Monsieur le Premier Ministre, au moment où la France préside le Conseil de l’Union Européenne, n’est-il pas temps qu’elle reconnaisse Jérusalem comme capitale d’Israël, montrant ainsi la voie à l’ensemble des pays européens ?
Enfin, Israël est le seul État dont la disparition est au programme d’un autre Etat, l’Iran, qui pour se donner les moyens de cette funeste ambition cherche à tout prix à se doter de l’arme nucléaire. Tout doit être fait pour l’en empêcher.
Plus près de nous, trois associations actives en France ont aussi pour objectif la disparition d’Israël : BDS, le collectif Palestine vaincra et le Comité Action Palestine. La volonté de faire disparaître Israël n’a rien à voir avec la critique de la politique israélienne. C’est un appel antisémite à la haine et à la violence. Monsieur le ministre de l’Intérieur, vous avez annoncé cet après-midi le déclenchement de la procédure de dissolution de ces deux collectifs. Je veux ce soir vous en remercier...
Revenons aux obsessions antisémites en France. J’ai évoqué plusieurs fois l’extrême droite et l’extrême gauche. L’antisémitisme y est plus présent que dans les autres courants politiques.
Qu’en pensent leurs leaders ? Luttent-ils contre l’antisémitisme ? Pas vraiment !
Jean-Luc Mélenchon et Eric Zemmour multiplient les polémiques sur le dos des Juifs. Pour l’un, les Juifs ne sont pas assez universalistes. Pour l’autre, ils ne sont pas assez français. Les deux ont en commun une grande propension à réécrire l’Histoire, surtout celle des Juifs. Pour l’un, c’est le complot juif. Pour l’autre, c’est Pétain, sauveur de Juifs.
Quant à Marine Le Pen, ses tentatives de dédiabolisation ne trompent personne : le Rassemblement national s’accommode toujours des préjugés antisémites dans ses rangs.
Aux prochaines élections, j’appelle à faire barrage à tous les candidats d’extrême-gauche et d’extrême-droite. Heureusement, l’échiquier politique ne se réduit pas aux extrêmes dans notre pays.
Le Président de la République, comme ses prédécesseurs, est engagé dans la lutte contre l’antisémitisme.
Et vous, Monsieur le Premier Ministre, que j’ai eu l’honneur d’accompagner à Auschwitz, vous avez, vous aussi, trouvé les mots justes, aux côtés des derniers survivants.
Les gouvernements successifs, l’administration, de nombreux élus locaux et de nombreux acteurs de la société civile sont, depuis longtemps, sur la même ligne.
A toutes celles et tous ceux qui se mobilisent contre l’antisémitisme, je tiens, ce soir, à dire notre reconnaissance.
Je suis reconnaissant, mais permettez-moi de nuancer mon propos car je ressens un malaise autour du combat contre l’antisémitisme. Je souhaite maintenant m’en ouvrir à vous.
L’Assemblée Nationale et le Sénat ont adopté la définition de l’antisémitisme qui fait référence au niveau international et qui est aujourd’hui le socle de la Commission européenne dans sa stratégie contre l’antisémitisme. Cette définition élaborée par l’IHRA décrit toutes les formes actuelles d’antisémitisme, y compris la haine d’Israël.
Pourtant, peu de choses ont véritablement changé depuis ces votes. S’agirait-il seulement de belles déclarations, sans conséquence, ni lendemain ?
Lorsque la France s’est félicitée d’accueillir,certes pour raisons humanitaires, Ramy Shaath, l’un des fondateurs de BDS, pourquoi n’a-t-elle pas, en même temps, rappelé que le boycott d’Israël, prôné par BDS, est illégal dans notre pays ?
Et que dire de la résolution sur Jérusalem présentée fin 2021 à l’Assemblée Générale des Nations Unies, une résolution négationniste effaçant le Mont du Temple et parlant seulement de l’Esplanade des Mosquées ?
A la différence de l’Allemagne, des Pays-Bas et d’autres Etats-membres, pourquoi la France a-t-elle choisi de voter cette résolution, s’associant ainsi à ceux qui manipulent l’Histoire ?
Ma dernière interrogation porte sur la stratégie de la France contre l’antisémitisme.
La Commission européenne a construit une stratégie spécifique de lutte contre l’antisémitisme. Elle y encourage chaque Etat-membre à adopter une stratégie nationale sur ce sujet d’ici fin 2022.
Alors que la France est le pays comptant le plus grand nombre de Juifs en Europe et qu’elle exerce la présidence du Conseil de l’Union, pourquoi refuse-t-elle une stratégie spécifique contre l’antisémitisme ?
Pourquoi vouloir diluer la lutte contre l’antisémitisme dans une stratégie plus globale et moins efficace de lutte contre tous les racismes et toutes les haines ?
Toutes ces questions me donnent le sentiment très désagréable que les victimes de l’antisémitisme ne sont pas des victimes légitimes, des victimes à part entière.
L’approche globale ne fonctionne pas. Chacun peut constater l’inquiétante progression des racismes et des haines dans notre pays. Mais alors, pourquoi persévérer ?...
Être universaliste, c’est être lucide sur tous les fléaux qui abîment la France : le sexisme, le racisme, l’antisémitisme, l’homophobie, la xénophobie, la haine des Musulmans, et je ne suis pas exhaustif. C’est les combattre en disant haut et fort qu’aucun n’est plus grave, ni plus prioritaire que les autres.
Mais être universaliste, ce n’est pas courir après la chimère d’un remède universel contre toutes les haines.
Ce n’est pas, non plus, s’enfermer dans des idéologies ou des bons sentiments qui refusent de voir que des victimes du racisme peuvent, elles aussi, commettre des actes racistes.
Monsieur le Premier Ministre,
Je vous demande d’acter le passage à une stratégie spécifique et ciblée de lutte contre l’antisémitisme.
Une stratégie qui s’appuiera sur la définition votée par l’Assemblée Nationale et le Sénat et qui ciblera toutes les formes d’antisémitisme, y compris la haine d’Israël.
Une stratégie qui inscrira et qui déploiera cette définition dans les politiques publiques sur quatre grands sujets : la sécurité, la justice, l’éducation et la régulation d’Internet.
Ces quatre sujets sont au cœur des missions de l’Etat et des attentes de tous les Français...
Mais il y a les procès que nous attendons toujours : ceux des attentats de la rue des Rosiers et de la rue Copernic.
Et il y a le procès dont l’absence ne passe pas et fait mal, très mal : le procès de l’assassin de Sarah Halimi.
Le député Meyer Habib n’a pas ménagé ses efforts dans le cadre de la Commission d’enquête parlementaire qu’il a présidé sur cette faillite judiciaire. Je veux qu’il en soit ce soir remercié.
Je resterai, quant à moi, marqué à jamais par mes entretiens avec le fils et le frère de Sarah Halimi, par nos déceptions et nos colères à chaque péripétie du dossier, par cette plaie condamnée à rester béante,
Parce que la justice a refusé de passer et de cicatriser,
Parce que, n’étant pas fou, l’assassin sortira bientôt de l’hôpital.
Au-delà de l’affaire Sarah Halimi, la justice ne va pas bien dans notre pays.
La France a besoin de plus de juges et de plus de greffiers et, contre le racisme et l’antisémitisme, elle a besoin de jugements qui dissuadent. Trop d’auteurs d’actes antisémites sont des multirécidivistes.
Les juges ont une responsabilité dans la lutte contre l’antisémitisme. Il est urgent d’en finir avec les rappels à la loi, les peines symboliques et les peines non appliquées.
J’en appelle solennellement ce soir au sens des responsabilités des magistrats pour que l’antisémitisme soit sanctionné de manière systématique et dissuasive...
« David Ben Gourion proclame la naissance de l’Etat d’Israël le 14 mai 1948. Cette décision est à l’origine de cinq guerres israélo-arabes ». Ce mensonge historique fait d’Israël un État coupable à sa naissance. Comment lutter contre l’antisémitisme s’il est légitimé dans des manuels d’histoire ?"
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