Le Musée des Arts Décoratifs présente l’exposition « Cartier et les arts de l’Islam. Aux sources de la modernité » associée à une visite virtuelle. « Créée en 1847, la Maison Cartier est initialement spécialisée dans la vente de bijoux et d’objets d’art. Dans les premières décennies du XXe siècle, elle commence à concevoir ses propres bijoux et les petits-fils du fondateur, Louis et Jacques, sont à la recherche de nouvelles sources d’inspiration. Leur découverte des arts de l’Islam à l’occasion de grandes expositions organisées à Paris et à Munich en 1903 et 1910 joue alors un rôle significatif dans la naissance d’une esthétique renouvelée, empreinte de modernité. Les différentes sources d’inspiration et les bijoux orientaux qui enrichissent les stocks de la Maison contribuent au renouvellement des formes : mandorles, palmettes, fleurons, rinceaux, ocelles, tigrures, écailles, etc., constituent un vaste répertoire de motifs dans lequel puisent les dessinateurs de la Maison. Louis Cartier innove aussi par de nouvelles associations de couleurs et de matières (lapis-lazuli et turquoise, jade ou émeraude et saphir...) et par l’emploi de techniques de fabrication inspirées du monde indo-persan ».
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« Coproduite par le Musée des Arts Décoratifs, Paris et le Dallas Museum of Art, avec la collaboration exceptionnelle du musée du Louvre et le soutien de la Maison Cartier, cette exposition montre les influences des arts de l’Islam sur la production de bijoux et d’objets précieux de la Maison de haute joaillerie, du début du XXe siècle à nos jours. »
L’exposition « revient notamment sur le contexte parisien de l’époque et les figures de Louis et Jacques Cartier, petits-fils du fondateur, qui ont joué un rôle significatif dans la naissance d’une esthétique nouvelle empreinte de modernité. »
« Plus de 500 pièces – bijoux et objets de la Maison Cartier, chefs-d’œuvre de l’Art islamique, dessins, livres, photographies et documents d’archives – retracent ainsi l’origine de cet intérêt pour les motifs orientaux. »
« Coproduite par le Musée des Arts Décoratifs, Paris et le Dallas Museum of Art, avec la collaboration exceptionnelle du musée du Louvre et le soutien de la Maison Cartier, cette exposition montre les influences des arts de l’Islam sur la production de bijoux et d’objets précieux de la Maison de haute joaillerie, du début du XXe siècle à nos jours. »
Le titre s'avère gênant. Que désigne l'expression « arts de l'Islam » ? La majuscule vise la civilisation. Dans certains pays islamiques, les artisans orfèvres étaient juifs. En quoi les œuvres ayant inspiré la Maison Cartier exprimaient-elles l'Islam ?
« Créée en 1847 par Louis-Francois Cartier, la Maison est initialement spécialisée en vente de bijoux et d’objets d’art. Son fils Alfred reprend la direction de l’activité en 1874 et y associe son fils aine Louis en 1898. Cartier conçoit alors ses propres bijoux tout en poursuivant une activité de revente de pièces anciennes. »
« Au début du XXe siècle, Louis Cartier est à la recherche de nouvelles sources d’inspiration. Paris est alors le haut lieu du commerce de l’art islamique et c’est certainement au travers des grandes expositions organisées à Paris, au Musée des Arts Décoratifs en 1903 puis à Munich en 1910, que Louis découvre avec passion ces formes nouvelles qui imprègnent progressivement la société française. »
« A travers un parcours thématique et chronologique décliné en deux volets, l’exposition retrace, dans une première partie, l’origine de cet intérêt pour les arts et l’architecture de l’Islam à travers le contexte culturel parisien du début du XXe et explore le climat de création autour des dessinateurs et des ateliers, à la recherche de leurs sources d’inspiration. La seconde partie illustre le répertoire de formes inspiré par les arts de l’Islam depuis le début du XXe siècle jusqu’à nos jours. »
« Dès l’introduction, le visiteur est plongé au cœur des formes et des motifs : trois créations emblématiques de la Maison Cartier sont mises en regard de chefs d’œuvre des arts de l’Islam. Tout au long de la galerie nord, l’enfilade de salles invite à explorer le processus de création, à la recherche des premières sources d’inspiration des bijoux. Les ouvrages conservés dans la bibliothèque de Louis Cartier et la collection d’art islamique qu’il a réunie sont autant de ressources rendues accessibles aux dessinateurs. La collection personnelle de Louis, reconstituée grâce aux archives de la Maison, est ici présentée au travers de plusieurs chefs-d’œuvre réunis pour la première fois depuis la dispersion de la collection. »
« Parmi les dessinateurs, figure au premier rang Charles Jacqueau, dont le fonds de dessins est ici présenté grâce au prêt exceptionnel du Petit Palais, musée des Beaux-arts de la Ville de Paris. »
« L’exposition se poursuit avec les voyages que Jacques Cartier entreprend notamment en Inde, en 1911, pour rencontrer les princes de la péninsule. »
« Le commerce des pierres précieuses et des perles ouvre a Jacques Cartier la voie vers ce pays. Ils lui permettent de développer la clientèle des maharadjahs et de collecter des bijoux anciens et contemporains, pour les revendre en l’état, s’en inspirer ou les recomposer au sein de créations nouvelles. »
« Ces différentes sources d’inspiration et les bijoux orientaux qui enrichissent les stocks de la Maison contribuent au renouvellement des formes mais aussi des techniques de fabrication. »
« Les aigrettes, les pompons, les bazubands (bracelet allonge fixe sur le haut du bras) sont déclinés à l’ envi et adaptes dans leurs formes, leurs couleurs et leurs matières au gout du jour. La flexibilité des bijoux indiens donne naissance à des innovations techniques, de nouvelles montures et assemblages. L’intégration de parties de bijoux, de fragments d’objets islamiques, désignés comme « apprêts », et l’utilisation de textiles orientaux pour créer des sacs et accessoires constituent également l’une des marques de création de la Maison en ce début de XXe siècle. »
« La seconde partie de l’exposition est entièrement consacrée, dans la galerie sud, au répertoire des formes inspirées par les arts de l’Islam, a travers, notamment, des œuvres du Musée des Arts Décoratifs et du musée du Louvre. La plupart de ces œuvres ont été présentées lors des premières expositions consacrées aux arts de l’Islam, alors certainement vues par les dessinateurs de la Maison ou connues par eux au travers des publications conservées dans la bibliothèque de Louis Cartier. »
« Célèbre pour sa production de bijoux de style guirlande, la Maison Cartier développe, des 1904, des pièces dont les lignes s’inspirent des compositions géométriques issues des arts de l’Islam découvertes au travers des livres d’ornements et d’architecture. Décors de briques émaillées originaires d’Asie centrale, merlons à degrés constituent les bases d’un répertoire précurseur qualifie plus tard d’« art déco » en référence a l’Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes de Paris en 1925 – et qui très tôt a fait entrer la Maison dans la modernité. »
« La production de la Maison sous la direction artistique de Louis Cartier est notamment marquée par une inspiration issue du monde iranien et des arts du livre. Les motifs qui ornent les reliures médaillon central cerne de fleurons et d’écoinçons sont repris parfois en l’état, mais ils sont plus souvent décomposés et recomposes de manière à créer un motif dont la source devient illisible à tout œil non exercé. C’est le cas des mandorles, palmettes, fleurons, rinceaux, sequins, ondulations, écailles Louis innove par de nouvelles associations de couleurs et de matières, mariant le lapis lazuli et la turquoise, associant le vert du jade ou de l’émeraude au bleu du lapis lazuli ou du saphir pour créer son célèbre « décor de paon ».
« Sous la direction artistique de Jeanne Toussaint, le style de la Maison laisse place, dans les années 1930, à de nouvelles formes et associations de couleurs inspirées essentiellement du monde indien. Tutti Frutti, sautoirs, bijoux en volume caractérisent le style hautement reconnaissable de la Maison et ses nouvelles productions qui émaillent la seconde moitié du XXe siècle. »
« L’espace central de la nef complète ce parcours avec des dispositifs digitaux élaborés avec les équipes d’Elizabeth Diller, du studio DS+R, destinés à apporter une autre dimension aux bijoux. »
« Parfois aisément identifiables, d’autres fois décomposés et recomposes jusqu’à rendre leur source intraçable, les motifs et les formes issus des arts et de l’architecture de l’Islam intègrent le langage stylistique des dessinateurs jusqu’à constituer encore à ce jour une partie du répertoire de la Maison, qu’illustrent des pièces de joaillerie contemporaine qui achèvent ce parcours. »
« Pour la première fois, le processus de création d’une grande Maison de joaillerie est mis en lumière. La grande richesse des archives, les nombreux dessins et le fonds photographique ont permis de retrouver la source originelle de nombreuses créations de Cartier et de comprendre l’important impact de la découverte des arts de l’Islam sur la Maison au début du XXe siècle. »
« Le Musée des Arts Décoratifs a ouvert la voie à ces recherches spécifiques lors de l’exposition « Purs décors ? Arts de l’islam, regards du XIXe siècle » en 2007, au moment même où ses collections rejoignaient celles du musée du Louvre, pour former, grâce à un dépôt de grande ampleur, le département des Arts de l’Islam, inauguré en 2012. Ces recherches sont aujourd’hui approfondies dans le domaine de la bijouterie et joaillerie à travers l’histoire créative de la Maison Cartier. »
Le commissariat est assuré par Evelyne Posseme, conservatrice en chef du département des bijoux anciens et modernes au Musée des Arts Décoratifs à Paris, Judith Henon-Raynaud, conservatrice en chef du patrimoine et adjointe à la directrice du département des Arts de l’Islam du musée du Louvre, Heather Ecker, The Marguerite S. Hoffman and Thomas W. Lentz Curator of Islamic and Medieval Art au Dallas Museum of Art, et Sarah Schleuning, The Margot B. Perot Senior Curator of Decorative Arts and Design au Dallas Museum of Art.
L’exposition sera ensuite présentée sous le titre « Cartier And Islamic Art: In Search Of Modernity » au Dallas Museum of Art (14 mai-18 septembre 2022).
« Créée en 1847, la Maison Cartier est initialement spécialisée dans la vente de bijoux et d’objets d’art. Dans les premières décennies du XXe siècle, elle commence à concevoir ses propres bijoux et les petits-fils du fondateur, Louis et Jacques, sont à la recherche de nouvelles sources d’inspiration.
Leur découverte des arts de l’Islam à l’occasion de grandes expositions organisées à Paris et à Munich en 1903 et 1910 joue alors un rôle significatif dans la naissance d’une esthétique renouvelée, empreinte de modernité.
En quête de pierres précieuses et de perles, Jacques Cartier se rend en Inde ou il collecte des bijoux anciens et contemporains, pour les revendre en l’état, s’en inspirer ou les recomposer au sein de créations nouvelles.
Chefs-d’œuvre de l’art islamique, dessins, livres d’ornements et d’architecture, photographies et documents d’archives nous plongent dans le processus créatif à la recherche des sources d’inspirations originelles des bijoux et objets de la Maison Cartier.
Les différentes sources d’inspiration et les bijoux orientaux qui enrichissent les stocks de la Maison contribuent au renouvellement des formes : mandorles, palmettes, fleurons, rinceaux, ocelles, tigrures, écailles, etc., constituent un vaste répertoire de motifs dans lequel puisent les dessinateurs de la Maison.
Louis Cartier innove aussi par de nouvelles associations de couleurs et de matières (lapis-lazuli et turquoise, jade ou émeraude et saphir...) et par l’emploi de techniques de fabrication inspirées du monde indo-persan. Parfois aisément identifiables, d’autres fois décomposés et recomposes jusqu’à rendre leur source intraçable, les motifs et les formes issus des arts et de l’architecture de l’Islam intègrent le langage stylistique des dessinateurs jusqu’à constituer encore à ce jour une partie du répertoire de la Maison. »
Exercices d’admiration : les arts de l’Islam, le musée et le joailler
Olivier Gabet, directeur du Musée des Arts Décoratifs
« Le savoir acquis dans un pays étranger peut être une patrie et l’ignorance peut être un exil vécu dans son propre pays » : les mots d’Averroès ne résonnent-ils pas aujourd’hui avec une acuité parfaite, près de neuf siècles après la naissance de ce juriste et philosophe musulman ne a Cordoue ?
Plus que jamais, notre époque a besoin de connaissance et de réflexion, de remise en perspective et d’intelligence, de beauté et de poésie aussi.
En quelques décennies, l’historiographie n’a eu de cesse d’écrire, avant même la popularisation progressive de la notion de « globalisation », une vision du monde en mouvement, dont témoigne avec éclat l’Histoire du monde au XVe siècle publiée en 2009 sous la direction de Patrick Boucheron. L’histoire de l’art n’a pas été insensible a ce phénomène, elle a même puissamment contribué à son épanouissement, rappelant avec pertinence que les œuvres d’art et les artistes eux aussi voyagent, et tout particulièrement les objets et les inspirations.
Dans le maillage si étroit des relations entre le monde occidental et les civilisations extra-occidentales, la civilisation de l’Islam occupe une place singulière, amplifiée au fil des siècles, tant dans les facettes culturelles très diverses qu’elle offre que dans sa géographie, du Bassin méditerranéen originel vers des territoires plus lointains, de l’Andalousie à l’Inde. Sujet à la fois éminemment politique et richement esthétique, le rapport entretenu par la création artistique européenne avec les arts de l’Islam n’a rien d’anecdotique, comme il n’autorise aucune naïveté sur le contexte historique, depuis les alliances diplomatiques entre la France de François Ier et l’Empire ottoman de Soliman le Magnifique, jusqu’aux conquêtes coloniales et impérialistes des XIXe et XXe siècles, entre fascination, violence et domination. Si la critique de l’orientalisme par Edward Said reste un socle fondamental, nombre d’études et d’expositions plus récentes ont contribué à révéler combien les arts de l’Islam sont passes du statut « d’objet passif d’une étude à celui de sujet actif d’une rencontre », pour reprendre les mots de Remi Labrusse. Ses travaux remarquables ont pleinement approfondi notre compréhension de la place et de l’influence des arts de l’Islam sur l’art occidental, en Europe puis outre-Atlantique, notamment au mitan du XIXe siècle, période passionnante qui voit l’avènement progressif d’un savoir de ces identités culturelles si variées, et leur enracinement dans nombre de prospections d’ordre artistique et esthétique. […]
Si l’établissement est plus ancien, c’est bien Louis, aine d’une fratrie brillante, avec Pierre et Jacques, qui donne définitivement, en quelques années de visionnaire, une renommée internationale à leur nom de famille, synonyme d’inventivité et de luxe. Parmi les clés de ce succès, l’enthousiasme réel et profond pour les arts de l’Islam a joue comme un sésame : alors que son frère Jacques Cartier, prédestination d’explorateur, part pour l’Inde et le golfe Persique en 1911-1912, à la rencontre des marchands de perles de l’ile de Bahreïn, Louis réunit, grâce à un œil aguerri et un gout aiguise, une collection qui, dans ce domaine, comptera parmi les plus remarquables au XXe siècle. Cette passion singulière n’est pas une accumulation stérile, elle devient le ferment fructueux d’une inspiration continue, qui de l’Inde a l’Egypte, du Maroc a l’Iran, réinvente des territoires d’une expression artistique proprement moderne, en dehors même des sentiers battus des sources de l’histoire européenne. […]
Un siècle plus tard, c’est cette histoire que l’exposition « Cartier et les arts de l’Islam. Aux sources de la modernité » et le présent catalogue racontent, avec précision, curiosité, générosité et panache. […]
Ce projet ambitieux a œuvré, pendant plusieurs années, à décloisonner les connaissances et à étudier avec un soin sans précédent un pan entier de l’histoire du goût, avec la complicité bienveillante de nombre de musées. […]
Il s’agissait de prendre le temps de plonger dans les vastes archives de la Maison Cartier, de croiser leurs renseignements dans les collections publiques ou privées à travers le monde, de donner chair aux passions d’un homme, d’une famille, d’une maison, en les inscrivant dans ce mouvement de connaissance et reconnaissance de la place première des arts de l’Islam dans l’histoire de l’art et des arts décoratifs, en donnant à voir l’élan considérable et bouleversant que ces arts ont donne a l’art de la joaillerie, grâce à la perspicacité de quelques-uns, de Louis Cartier à Jeanne Toussaint. […]
Dans une époque livrée à tant de crises et de tourments, de tensions et d’incompréhensions, la mission des musées est bien de donner a voir et a comprendre, de faire aimer et découvrir. Si, en leur temps, Louis Cartier et les siens ont vibré à la beauté des arts de l’Islam, créant un répertoire inépuisable de formes et d’admirations, c’est aussi qu’il leur revenait de faire aimer, de leur place, et de montrer encore ce qu’Henri Loyrette nommait en 2012 « la face lumineuse de la civilisation de l’Islam ».
Les arts de l’Islam « révélés », une voie vers la modernité ?
Judith Henon-Raynaud
Evelyne Posseme
« Au début du XXe siècle, la voie qui conduit à l’émergence d’une discipline consacrée a l’étude des arts de l’Islam est longue. Liée a l’orientalisme du XIXe siècle et a ses contradictions, elle s’en dissocie progressivement. Son objet devient admirable pour ses qualités propres ; son contexte de production est mis en lumière pour être repositionné dans une véritable histoire de l’art. Le contexte politique international y contribue : l’affaiblissement des grands empires qui font face aux appétits coloniaux occidentaux est propice a la fuite des œuvres vers l’Europe et notamment Paris. La réception des œuvres, et particulièrement des peintures et des manuscrits, à travers les grandes expositions du début du XXe siècle, a un impact fort sur les artistes et les créateurs de l’époque, pour qui ils constituent une véritable « révélation ».
La société se met à l’heure persane et l’on peut se demander si ceux qui ont vu dans les arts de l’Islam une manière de sauver l’art occidental, alors en manque d’inspiration, n’ont pas contribué à ouvrir une nouvelle voie vers la modernité. […]
C’est sous l’égide de l’Union centrale des beaux-arts appliques à l’industrie, institution créée en 1864 et qui devient en 1882 l’Union centrale des arts décoratifs (Ucad), que se structure un noyau d’amateurs qui contribuent à l’émergence d’une nouvelle discipline consacrée à l’étude des arts de l’Islam. L’exposition de 1893 au palais de l’Industrie marque un tournant : il s’agit de la première exposition d’« art musulman », dénomination qui prévaut désormais sur les termes « sarazin » et « arabe ». La qualité des œuvres exposées est remarquable et l’ambition est bien de retracer l’histoire des arts de l’Orient tout en stimulant les arts occidentaux. […]
Sa réception en est cependant assez mauvaise et témoigne d’un changement de perception chez les amateurs qui critiquent la scénographie orientaliste et le mélange des genres.
L’« Exposition des arts musulmans » de 1903 se construit en réaction : d’une véritable rigueur scientifique, elle est organisée par Gaston Migeon, jeune conservateur du Louvre et figure de proue de ces amateurs éclairés, qui s’appuie sur l’Ucad et sur un réseau de collectionneurs parisiens afin de réunir un ensemble d’œuvres rigoureusement sélectionnées, loin de l’orientalisme de pacotille des précédentes expositions. Sa réception est sans précédent dans le milieu des amateurs : « les yeux ne s’ouvrirent tout à fait qu’en 1903 », commente le collectionneur d’art oriental Georges Marteau. […]
Au lendemain de l’exposition de 1903, les Allemands, définitivement convaincus par l’importance des arts de l’Islam, décident l’ouverture d’un département dédié au sein des musées de Berlin.
En 1910 à Munich, une exposition sans précédent consacrée à l’art islamique rassemble quelque 3 553 œuvres provenant d’institutions et de collections privées, notamment françaises, organisées par zone géographique et par technique. L’espace est immense, les murs blancs, et les œuvres livrées au regard des visiteurs pour elles-mêmes, sans accumulation […]. L’ambition des commissaires, tout en permettant de stimuler la créativité moderne, est bien de positionner l’art islamique au même niveau que les autres productions artistiques et de faire la démonstration de sa valeur intrinsèque. Chaque objet est utilise ici dans une optique scientifique, afin d’écrire une histoire de l’art. […] »
« La Maison Cartier, une histoire de famille
Louis-Francois Cartier (1819-1904) débute sa carrière de joaillier chez Adolphe Picard dont il reprend l’atelier en 1847.
Soucieux de l’avenir de son entreprise, Louis-François forme tres tôt son fils Alfred (1841-1925) avec lequel il s’associe en 1872.
Alfred a trois fils, Louis (1875-1942), Pierre (1878-1964) et Jacques (1884-1941). Il s’associe en 1898 avec Louis alors âgé de 23 ans et sur ses conseils, la Maison déménage l’année suivante au 13 rue de la Paix, alors haut lieu de la mode et de la joaillerie. Elle se dote alors d’un studio de dessinateurs et quelques années plus tard d’un atelier de fabrication (1929).
Au début du XXe siècle, la Maison vend et conçoit des bijoux, mais revend également des objets d’arts : porcelaine de Sèvres, de Mennecy et objets divers (petits tableaux, cadres, bijoux indiens ou Renaissance et œuvres islamiques).
[…]
En 1902, l’année du couronnement d’Edouard VII, Cartier ouvre une succursale à Londres sous la direction de Pierre puis de Jacques (a partir de 1906). En 1909, Alfred ouvre une nouvelle branche à New-York, qu’il confie à Pierre, donnant alors une dimension internationale a la Maison. »
« La collection d’art islamique de Louis Cartier
Il est difficile de dater le début de sa collection personnelle d’art islamique, d’autant que Louis achète régulièrement pour la Maison Cartier des pièces orientales. L’exposition d’art islamique de 1910 à Munich et l’arrivée sur le marche de l’art parisien des plus belles pages de l’art du livre persan et indien dans les années 1906-1910, semblent être à l’origine d’un intérêt qui ne se démentira pas jusqu'à sa mort.
Louis apparait comme préteur des l’exposition de 1912 consacrée aux « miniatures persanes », organisée au Musée des Arts Décoratifs, de même qu’aux suivantes, avec des pièces d’une très grande qualité aux pedigrees exceptionnels. Son goût le porte vers les manuscrits, peintures et objets incrustes d’Iran et d’Inde, des XVIe et XVIIe siècles.
Collectionneur discret, Louis n’a jamais publié ses collections et les pièces qu’il réunit tout au long de sa vie sont dispersées après sa mort, essentiellement aux Etats-Unis. Cette collection est aujourd’hui reconstituée grâce aux archives de la Maison Cartier (livres de stock, factures, négatifs sur plaque de verre) et aux publications et catalogues des expositions auxquelles il participa. […] »
« Le répertoire des formes
Cette seconde partie de l’exposition est consacrée au répertoire des formes inspirées par les arts de l’Islam.
Les bijoux et objets Cartier y sont organisés par motifs. Ils sont mis en regard d’œuvres islamiques provenant des collections du musée des Arts décoratifs et du musée du Louvre qui, pour la plupart, ont été présentées lors des premières expositions consacrées aux arts de l’Islam. Les dessinateurs de la maison ont certainement vu ces œuvres au cours de ces manifestations, ou bien les ont découvertes a travers les albums des expositions, présents dans la bibliothèque. Des photographies conservées dans les archives Cartier et des dessins permettent d’éclairer les sources d’inspiration ainsi que le processus créatif. En l’absence de certains bijoux Cartier, des tirages modernes réalisés a partir des négatifs de l’époque conserves dans les archives permettent de montrer l’importance de certains motifs et confirmer des tendances. Sous la direction artistique de Louis Cartier du début du XXe siècle, jusqu’aux années 1930, et avec le dessinateur Charles Jacqueau, l’architecture, les arts du livre et les textiles sont parmi les principales sources d’inspiration et donnent naissance aux merlons à degrés, jeux de briques, mandorles, ocelles et tigrures, fleurons, rinceaux, boteh, cyprès… »
« Les motifs tapissants
Les motifs tapissants retrouves dans les livres d’ornements du XIXe siècle ont suscité l’intérêt des dessinateurs de la Maison, comme en témoignent les nombreux dessins conservés dans les archives de Cartier et dans la collection Charles Jacqueau du Petit Palais.
Particulièrement adaptes aux surfaces planes, ces motifs ont été utilisés sur des nécessaires, des étuis a cigarettes et des tubes de rouge à lèvres. Leur traitement souvent bicolore (noir et or ou bleu et or), travaillé en lignes épurées et en aplat en font des pièces d’une étonnante modernité a la source devenue parfois difficilement identifiable. »
« Les couleurs de Louis Cartier
Des les années 1910, les matières et les couleurs du monde iranien inspirent la création Cartier par le choix d’harmonies inusitées, ainsi le rapprochement du bleu des saphirs et du vert des émeraudes ou du jade appelé « décor de paon ».
Le bleu des turquoises iraniennes est associé au bleu profond et pailleté du lapis-lazuli d’Afghanistan, reproduisant ainsi les couleurs des revêtements glaçures de briques et de céramique d’Asie centrale. »
« L’Inde et les années Jeanne Toussaint
Lorsque Louis Cartier se retire en 1933, il confie la direction artistique de la branche parisienne a Jeanne Toussaint qui travaillait depuis longtemps a ses cotes. Jusque dans les années 1970, elle va suivre l’impulsion donnée par Louis Cartier tout en apportant son style et des innovations. Collectionneuse de bijoux indiens comme certaines de ses clientes, la décoratrice Lady Mendl, Daisy Fellowes ou la comédienne Maria Felix, elle pousse les ateliers à utiliser des bijoux indiens complets qu’ils démontent et remontent en en juxtaposant différemment les éléments. Aux harmonies colorées inaugurées dans les années 1910, telle l’association de la turquoise et du lapis-lazuli, elle ajoute, dans les années 1940 le mauve de l’améthyste.
Elle aime les bijoux en volume et fait monter les pierres précieuses taillées en boule pour constituer de larges colliers à plusieurs rangs. Dans les années 1970, le mouvement hippie met à la mode les longs sautoirs et les colliers berbères. »
* Sélection non exhaustive
Du 21 octobre 2021 au 20 février 2022
107 rue de Rivoli, 75001 Paris
Tél. : +33 (0) 1 44 55 57 50
Du mardi au vendredi de 11h a 18h
Nocturnes le jeudi jusqu’à 21h
Ouverture exceptionnelle le samedi et le dimanche jusqu’à 20h pendant toute la durée de l’exposition
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