Citations

« Le goût de la vérité n’empêche pas la prise de parti. » (Albert Camus)
« La lucidité est la blessure la plus rapprochée du Soleil. » (René Char).
« Il faut commencer par le commencement, et le commencement de tout est le courage. » (Vladimir Jankélévitch)
« Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort. Il est de porter la plume dans la plaie. » (Albert Londres)
« Le plus difficile n'est pas de dire ce que l'on voit, mais d'accepter de voir ce que l'on voit. » (Charles Péguy)

lundi 20 décembre 2021

Napoléon

La Villette, La Rmn - Grand Palais et RERE / Adonis proposent l’exposition chronologico-thématique « Napoléon », dotée d’un minisite , « spectaculaire, dressant le portrait juste et sans concession d’un personnage fascinant qui a façonné la France d’aujourd’hui. Du personnage historique à l’homme intime, sa vie sous toutes ses facettes ».

Napoléon et Paris : rêves d’une capitale

« Autant admiré que controversé, Napoléon Bonaparte est un personnage complexe dont la vie oscille entre héroïsme et tragédie, victoire et défaite, avancées modernes et mesures régressives. »

« A l’occasion du bicentenaire de sa mort, La Villette, La Rmn - Grand Palais et RERE / Adonis proposent une exposition » pour le connaître. « Car, connaître Napoléon, c’est comprendre le monde dans lequel nous vivons. De son ascension au déclin de l’aventure impériale, l’exposition retrace en neuf sections cette période charnière, des moments clés de l’Histoire de France à la vie intime et romanesque de l’empereur. »

L’exposition Napoléon « met en scène, à l’occasion du bicentenaire de sa mort, l’invraisemblable destin d’un personnage complexe, qui fut à la fois admiré et controversé, victorieux et défait, héroïque et tragique, dont le romanesque fascine aujourd’hui encore nos contemporains. Elle rappellera ses legs politiques et culturels qui ont durablement marqué certains pays, au premier rang desquels la France, mais aussi les erreurs qu’il a commises. »

« Cette exposition s’articule autour des parties suivantes : les années d’apprentissage au collège militaire de Brienne ; les campagnes d’Italie (1796) et d’Égypte (1799) ; le coup d’État du 18 brumaire et le Consulat ; l’avènement de l’Empire ; Napoléon intime, ses femmes, Joséphine puis Marie-Louise, son fils légitime, le roi de Rome ; Napoléon, le chef de guerre ; Napoléon et l’Europe, à la tête de laquelle il place ses soeurs et frères ; le déclin de l’Empire, illustré par deux échecs militaires, la campagne d’Espagne (1808) et la campagne de Russie (1812) ; les Cent jours et sa chute définitive après la bataille de Waterloo. »

« Ces espaces sont complétés par de magnifiques vêtements de cour, des armes de luxe, des décorations, des porcelaines de Sèvres, des pièces d’orfèvrerie, jusqu’à une monumentale voiture commandée pour son mariage avec Marie-Louise ainsi que le plus modeste char funèbre utilisé pour ses obsèques à Sainte-Hélène. »

« S’y ajoutent des objets personnels de l’empereur ainsi que la spectaculaire tente de campagne avec son mobilier d’origine; la guerre ne sera pas absente avec un canon, un caisson à munitions, plusieurs mannequins et la projection sur un écran géant d’une des plus fameuses charges de cavalerie de l’histoire de France, celle de la bataille d’Eylau. Sans oublier les nombreuses sculptures qu’accompagneront les tableaux réalisés par les plus grands peintres de l’époque comme David, Gros ou Gérard. »

« La collaboration exceptionnelle du musée du Louvre, des châteaux de Versailles, de Fontainebleau et de Malmaison, du musée de l’Armée, du Mobilier National et de la Fondation Napoléon a permis de rassembler plus de 150 pièces originales, réunies ici pour la première fois. Chefs-d’œuvre créés sous l’Empire, objets d’exception ayant appartenu à Napoléon et créations contemporaines se succèdent au fil d’un parcours chronologique et pédagogique. De vastes reconstitutions ainsi que de nombreux dispositifs numériques offrent aux visiteurs une véritable immersion au cœur de ces moments décisifs pour l’Histoire de France. »


« Sans doute des milliers de nos contemporains, en France, en Europe et au-delà, ont-ils conservé dans leur intimité des bribes de l’histoire napoléonienne. Ce mélange de gloire, de conquêtes, de défaites, de drames, de guerres, cet itinéraire hors norme, font partie de nous d’une certaine façon », ont écrit Chris Dercon, président de la Rmn - Grand Palais, et Didier Fusillier, président de l’Établissement public du Parc et de la Grande Halle de Villette. 

Et de rappeler : « À l’occasion du bicentenaire de la mort de Napoléon, il nous a semblé opportun de présenter les chefs-d’œuvre et les pièces rares qui ont marqué son parcours, de les expliquer, d’ouvrir des débats, pour mieux comprendre l’homme mais aussi cette époque si particulière, moment de bascule entre un monde d’avant et un monde d’après, que ce soit sur le plan de la politique, de la société, du droit, ou de l’économie - et dont certains des legs sont encore vivaces.
Chris Dercon et Didier Fusillier ont conclu : « Que l’on soit « pour » ou que l’on soit « contre », Napoléon reste un mythe. Rappelons à ce titre qu’il fait l’objet d’un article ou d’un livre édité quotidiennement dans le monde. À partir de la présentation des œuvres exceptionnelles qui jalonnent l’exposition, La Villette et la Rmn - Grand Palais, avec les commissaires et nos prestigieux partenaires, avons souhaité alimenter la réflexion, mobiliser les questions posées par les historiens. Nous ouvrirons le débat, à travers l’exposition, le catalogue, les tables rondes que nous organiserons, et l’espace Manifesto en ligne, offert à de nombreux contributeurs qui croiseront leur regard et élargiront les perspectives. Nous avons souhaité confier la conception de la rubrique de l’exposition consacrée à l’esclavage à la Fondation pour la mémoire de l’esclavage, que nous remercions ici pour sa contribution décisive. Notre ambition est de laisser le citoyen libre de se faire son opinion sur ce personnage et cette période qui, pour fulgurants qu’ils aient été́, ont durablement marqué l’histoire européenne ».

 « Des invités prestigieux se sont exprimés à propos de certains sujets, croisant ainsi leur regard avec celui des commissaires : les mœurs et la religion, avec l’intervention de Jacques-Olivier Boudon, l’exercice du pouvoir avec Thierry Lentz, et la vie et mort des soldats avec François Houdecek. L’espace consacré au rétablissement de l’esclavage sera conçu par la Fondation pour la mémoire de l’esclavage et présentera, entre autres, un court métrage d’animation réalisé par Mathieu Glissant et une vidéo confiée à l’historien Marcel Dorigny. »

« Les arts et la vie de cour à travers de nombreux chefs-d’œuvre Des reconstitutions spectaculaires évoqueront les arts et la vie de cour d’une époque certes brève, seulement quinze ans, mais qui marqua durablement les arts décoratifs. À la suite de la campagne d’Egypte, seront présentés meubles et objets d’art créés dans l’esprit égyptien, tandis qu’un salon montrera l’évolution du style à l’apogée de l’Empire. Une salle du trône côtoiera une table dressée avec les plus riches productions. »

Les commissaires de l’exposition : Bernard Chevallier, conservateur général honoraire du Patrimoine, Arthur Chevallier, écrivain et éditeur, Frédéric Lacaille, conservateur général du patrimoine au château de Versailles.



Partie I : Brienne (1779-1784)
« En décembre 1778, Napoléon quitte la Corse pour Autun, en Bourgogne. Le futur empereur y reste quatre mois, dans l’attente de son affectation dans une des écoles destinées à préparer les fils des gentilshommes au métier des armes. On relève déjà son caractère ombrageux, mais réservé. Il entre finalement à l’école de Brienne, en mai. Ces années de formation sont une épreuve pour ce petit garçon qui parle français avec un accent corse, lequel suscite des moqueries. Il travaille, lit, apprend. »
« Quant à ses relations avec ses camarades, elles sont dans l’ensemble mauvaises. Il est l’objet d’un mépris auquel il répond par des réprimandes autoritaires et une assurance déconcertante. Les années 1779-1784 passées à Brienne sont bien celles de la construction d’un caractère, fait de labeur et de détermination, qu’il se muera en une extraordinaire énergie au service de son ambition. »

Partie II : Un soldat de la Révolution (1795 - 1799)
« Comme beaucoup d’officiers de sa génération, Napoléon a profité du contexte de la Révolution française pour réaliser une carrière extraordinairement rapide. Les démissions et les renvois des aristocrates de l’armée ont conduit à une valse de promotions de jeunes généraux. Ainsi en est-il de Napoléon, devenu général de brigade à seulement vingt-quatre ans, après un coup d’éclat stratégique lors du siège de la ville de Toulon alors occupée par les Anglais. Il va à nouveau se distinguer auprès du Directoire à l’occasion d’une révolte de partisans royalistes à Paris en octobre 1795. Responsable de la répression de l’insurrection, il parvient à disperser les émeutiers et à sauver la République. Pour le récompenser, le Directoire lui confie le commandement de l’armée d’Italie. Là encore, Napoléon triomphe, ce qui lui vaut un nouveau commandement, celui de l’armée d’Orient, à la tête de laquelle il mène la campagne d’Égypte, où il subira de nombreuses déconvenues. »
La campagne d’Italie
« Depuis 1793, la Révolution affronte les monarchies d’Europe coalisées. Au nord de l’Italie, elle combat les armées autrichiennes. En mars 1796, Napoléon prend le commandement de l’armée d’Italie. Alors que la troupe est mal équipée, que manquent chevaux et canons, le jeune général parvient à remporter des victoires où il se distingue par sa bravoure et sa proximité avec les hommes, notamment lors de batailles mémorables, Arcole (17 novembre 1796 / 27 brumaire an V) et Rivoli (14 janvier 1797 / 25 nivôse an V). Sa popularité grandit. À son retour, c’est un des généraux les plus célèbres de la Révolution. »
La campagne d’Égypte
« En mai 1798, Bonaparte part pour l’Égypte avec 40 000 hommes. L’objectif est de couper la route commerciale des Indes aux Anglais, contre lesquels la jeune République française est en guerre. »
« Les Français remportent plusieurs batailles, comme celle des Pyramides, s’installent au Caire, mais rencontrent une résistance inattendue des Mamelouks du sultan Murad Bey alliés aux Anglais. La flotte française est détruite. Après une nouvelle campagne en Syrie, Napoléon décide de rentrer en France. »
« L’expédition a néanmoins eu des aspects positifs. Cent soixante-dix savants y ont participé. Ils rentrent avec des objets égyptiens, mais surtout des dessins, relevés, lesquels sont les sources d’un ouvrage fondateur : la Description de l’Égypte. Leurs découvertes passionnent les Français et stimulent l’égyptomanie. »

Partie III : La République de Napoléon (1799-1804)
« Après avoir pris le pouvoir lors du coup d’État du 18 brumaire (9-10 novembre 1799 / 18 et 19 brumaire an VIII), Napoléon devient Premier consul. Il mène une politique de rassemblement sans précédent depuis 1789 : grâce accordée à des prisonniers politiques, retour au fondement de l’égalitarisme républicain, Concordat signé avec le pape, lequel met fin au conflit entre la France et le Saint-Siège. Le Consulat correspond aussi à la fondation de la France moderne : créations de la Banque de France, du corps préfectoral, du Code civil, de la Légion d’honneur, des lycées ou encore du Conseil d’État. Ces réformes s’accompagnent d’un nouveau coup d’éclat militaire avec la victoire de Marengo le 14 juin 1800, lequel ne fait qu’accentuer la popularité du Premier consul. Deux ans plus tard, en mars 1802, il démontre qu’il est également capable d’apporter la paix en signant, avec l’Angleterre le traité d’Amiens, qui marque une pause dans l’affrontement séculaire entre les deux nations depuis le règne de Louis XIV. Ces triomphes lui valent d’être nommé consul à vie la même année. »
« En dépit de sa modernité, le consulat de Napoléon est un régime contrasté et teinté de mesures régressives. Il rétablit ainsi en 1802 l’esclavage, qui avait été aboli par la Convention en 1794. Dans quelles circonstances Bonaparte rétablit-il l’esclavage ? Quelles sont les actions de l’armée dans les îles où il est à nouveau en vigueur ? L’espace consacré au rétablissement de l’esclavage, conçu par la Fondation pour la mémoire de l’esclavage, présente, entre autres, un court métrage d’animation réalisé par Mathieu Glissant et une vidéo confiée à l’historien Marcel Dorigny. »

Partie IV : L’Empereur : son sacre et le faste de sa cour
« Les dernières années du Consulat ont tout d’un régime républicain certes, mais où le chef de l’Etat est prépondérant. Napoléon va franchir un nouveau palier dans le renforcement du pouvoir exécutif en étant désigné empereur. Pourquoi choisir ce titre ? D’abord, pour se distinguer des rois. Ensuite, par souci de continuité. Le royaume de France était déjà qualifié d’« empire » depuis le XVIe siècle. Le Sénat proclame Napoléon Bonaparte empereur des Français le 18 mai 1804. Le peuple approuve cette décision par un plébiscite pendant l’été. En dépit de ce pas décisif vers la monarchie, la Constitution républicaine du régime est maintenue, de même que le sont les assemblées législatives. Malgré cette transition constitutionnelle irréprochable du point de vue du droit, Napoléon finira par négliger les libertés et à partir de 1810, à instaurer un régime autoritaire. »
Le sacre de Napoléon
« Le sacre a lieu le 2 décembre 1804 en la cathédrale Notre-Dame de Paris. Au faste de la cérémonie répondent un protocole, une étiquette et des symboles qui révèlent la nature du nouveau régime. Il y a bien sûr des références à l’un des derniers empereurs d’Occident, Charlemagne, dans les pas de qui Napoléon veut inscrire les siens, mais aussi à saint Louis, le protecteur de la dynastie des Bourbons, et à la République. Le plus important des symboles est sans doute la présence du pape. Après des années de lutte entre la Révolution et le Vatican, l’Empereur place finalement son règne sous la bénédiction de Pie VII. En dépit de cette main tendue vers l’Église, Napoléon se couronne lui-même, rappelant ainsi que son pouvoir n’émane pas, comme celui des rois, de Dieu, mais de la volonté du peuple. »
Le luxe sous l’Empire
« La cour de Napoléon est la plus luxueuse de son époque. Même s’il n’ést pas l’homme le plus raffiné de son temps, ni le plus attaché au faste, il veut ériger la France en vitrine de l’Europe. Les palais ayant été vidés de leur mobilier pendant la Révolution, loisir lui est donné de les aménager d’après un nouveau goût. Pour accomplir ce dessein, il s’appuie sur les anciennes manufactures royales, comme les Gobelins, la Savonnerie ou encore Sèvres. Quant aux artisans, ils exportent leurs produits dans les pays alliés ou soumis. Paris devient le centre commercial de l’Europe. Ainsi, de Rome à Moscou et d’Amsterdam à Munich, le style Empire s’est-il imposé comme une référence obligée. »
« La période napoléonienne voit l’instauration d’une police politique entérinant un recul certain des libertés politiques. Quelle est la nature du régime instauré par Napoléon ? D’où vient sa réputation d’autocrate ? Comment gère-t-il les oppositions et les antagonismes au sein de l’Empire ? S’il règne selon une constitution, Il peut réussir à contourner les lois. Des idées de 1789 à l’autoritarisme, cette section est l’occasion d’explorer, à travers l’interview de l’historien Thierry Lentz et des commissaires de l’exposition, l’exercice du pouvoir napoléonien sous l’Empire. »

Partie V : L’Empereur, les impératrices, le roi de Rome
« Napoléon Bonaparte épouse Joséphine le 9 mars 1796. Elle est sans conteste la personne avec laquelle il entretient les rapports les plus intimes, les plus francs et les plus durables. Même s’il l’aime, Napoléon doit céder à la raison d’État. Elle ne peut pas avoir d’enfant, ce qui pose un problème de succession à un empire dont la solidité repose aussi sur son caractère héréditaire. Il se sépare de Joséphine en décembre 1809. Son choix se porte sur la fille de l’empereur François d’Autriche, Marie-Louise, qui lui donne l’héritier tant attendu le 20 mars 1811, titré dès sa naissance « roi de Rome ». Napoléon a également eu des maîtresses. Une des plus célèbres est une comtesse polonaise, Marie Walewska, qu’il rencontre à Varsovie et avec qui il a un fils, Alexandre Walewski. »
« L’ambivalence du régime napoléonien trouve également un écho en matière de moeurs : alors qu’il dépénalise l’homosexualité, Bonaparte codifie dans le même temps des conditions maritales défavorables aux femmes. L’Empire est-il un régime conservateur ? Quel statut le Code civil instaure-t-il pour les femmes ? Quels rapports Napoléon entretient-il avec les religions ? Cette question est abordée par l’historien Jacques-Olivier Boudon et les commissaires dans l’exposition. »

Partie VI : Le chef de guerre 
« Napoléon demeure l’un des plus grands stratèges de tous les temps. Son nom, sa silhouette, ses victoires, les pas de sa Grande Armée résonnent dans l’Histoire et font écho aux gloires militaires de la France. Pendant quinze ans, entre 1796 et 1812, son talent lui confère un avantage décisif sur ses adversaires autrichiens, prussiens, russes, espagnols, dépassés par sa vision novatrice de la guerre. »
« Sous son commandement, l’armée française, renforcée par d’importants contingents alliés, est la plus puissante d’Europe. Napoléon remporte des victoires majeures, à Rivoli (1797), aux Pyramides (1798), à Austerlitz (1805), à Iéna (1806), à Friedland (1807), à Wagram (1809). »
Napoléon en campagne
« Lors des campagnes militaires, Napoléon prend place dans une berline spécialement aménagée pour dormir, lire ou travailler. Parfois, il chevauche au milieu de ses troupes. Lors des haltes, il occupe soit une demeure, soit une grande tente de plusieurs pièces, abritant toutes les commodités nécessaires à la vie de commandant en chef et de chef de l’État. Il y travaille pendant des heures, étudiant la carte du théâtre des opérations et les rapports de ses officiers, sans pour autant renoncer à assumer son rôle de dirigeant politique. Des courriers assurent quotidiennement le trajet entre son bivouac de campagne et Paris. »
Napoléon et son état-major
« Avant chaque campagne, Napoléon détermine les objectifs militaires, ainsi que les moyens humains et matériels nécessaires à leur réalisation. Puis, il transmet ses ordres à son armée en s’appuyant sur une structure de commandement organisée de manière pyramidale au sein de laquelle le grand quartier général impérial occupe le sommet. Napoléon peut compter sur des officiers compétents qui savent exécuter ses ordres. Il sait les utiliser à bon escient et leur attribue des missions en fonction de leur sens tactique ou de leur charisme. Aguerris, ils sont généralement d’une grande bravoure et n’hésitent pas à donner de leur personne sur les champs de bataille. »
L’armée de Napoléon
« Napoléon commande une armée performante façonnée au cours des guerres de la Révolution (1792-1802) et dont il perfectionne l’organisation. Son armée n’est pas uniforme. Elle est composée d’unités d’infanterie, de cavalerie, d’artillerie et du génie ; chaque unité ayant une fonction et une position précises sur le champ de bataille et dans la hiérarchie militaire. Napoléon sait combiner l’action de ces diverses unités selon ses objectifs militaires et les manoeuvres de l’ennemi. Entre 1805 et 1812, Napoléon dispose de la plus importante armée d’Europe. Ses effectifs oscillent entre 150 000 et 700 000 hommes (environ 2,5 millions de Français passeront sous les drapeaux). »
Les victoires de Napoléon
« À Aboukir (1er août 1798), puis à Trafalgar (21 octobre 1805), la marine française subit deux défaites majeures. Privé de navires, Napoléon ne peut attaquer les îles Britanniques qui apportent un soutien financier aux ennemis de la France sur le Continent. Il se voit contraint de livrer de nombreuses batailles terrestres contre ses adversaires autrichiens, prussiens et russes entre 1805 et 1809. Napoléon excelle dans ce domaine. La rapidité des déplacements de son armée, la concentration des forces, le choix du terrain, les attaques à répétition, l’exploitation des faiblesses de l’adversaire sont autant d’éléments qui lui permettent de vaincre sur le champ de bataille. »
« En 1813, alors que l’armée napoléonienne est en pleine campagne d’Allemagne, des caricatures présentant Bonaparte sous la figure d’un ogre corse dévorant de jeunes gens apparaissent. Combien de soldats meurent réellement sur les champs de bataille ? Comment étaient-ils recrutés et quelles relations entretiennent-ils avec les civils ? Une interview de François Houdecek et des commissaires éclaire les visiteurs sur l’ensemble de ces questions. »

Partie VII : Napoléon et l’Europe (1805-1813)
« La conquête de l’Europe par Napoléon est scandée par des batailles décisives. En 1805, il soumet l’Autriche à Austerlitz, en 1806, la Prusse à Iéna, en 1807, la Russie à Friedland. Le voici maître de l’Europe. Pour contrôler ce vaste territoire, il place, à la tête d’États stratégiques, ses soeurs, frères et même le fils de Joséphine : Louis en Hollande (1806), Jérôme en Westphalie (1807), Joseph en Espagne (juin 1808), Caroline et son mari le maréchal Murat à Naples (août 1808), Eugène en Italie (1805) ou encore Elisa en Toscane (1809). Qu’on ne s’y trompe pas, ils ont un pouvoir limité par la centralisation impériale, et ils ne sont aux yeux de l’Empereur que de « super préfets ». Même si l’Empire apporte des bienfaits de la Révolution dans les pays soumis, la domination française provoque un ressentiment qui se retournera contre Napoléon dès que sa puissance vacillera. »

Partie VIII : Le déclin (1808-1814)
« À partir de 1808, les campagnes militaires sont de plus en plus coûteuses en hommes et de moins en moins décisives. Napoléon remporte encore de grandes victoires, notamment à la Moskowa (en Russie), mais l’époque des triomphes à la manière d’Austerlitz ou de Friedland est révolue. La position hégémonique de la France en Europe irrite les autres grandes puissances qui ne désarment pas. »
« Britanniques, Russes, Autrichiens, Prussiens affrontent les Français et leurs alliés dans de grandes batailles, souvent indécises. Napoléon fait toujours preuve d’une réelle supériorité tactique et stratégique sur ses adversaires, mais l’accumulation des campagnes et des combats affaiblit progressivement son armée qui est décimée en Espagne (1808-1814) et en Russie (1812). »
La guerre d’Espagne (1808-1814)
« En avril 1808, Napoléon force le roi d’Espagne Charles IV et son fils à abdiquer au profit de son frère Joseph Bonaparte. La majeure partie de la population espagnole se soulève au mois de mai 1808. »
« L’armée française et ses alliés alternent batailles rangées et sièges de ville contre l’armée régulière espagnole, alliée aux Britanniques et aux Portugais. Dans les montagnes, des guérilleros harcèlent les troupes napoléoniennes, multipliant les embuscades contre les soldats isolés, les convois de ravitaillement et les courriers. La répression est brutale et fait entrer le pays dans une spirale de violence qui marque profondément les deux camps. Pendant près de sept ans, l’armée de Napoléon s’enlise en Espagne sans parvenir à remporter de victoires décisives. »
La campagne de Russie (juin-décembre 1812)
« Lorsque débute la campagne de Russie en juin 1812, Napoléon dispose de la plus puissante armée jamais rassemblée en Europe. L’armée russe bat en retraite et applique une stratégie de repli défensif et de terre brûlée qui entraîne la Grande Armée de Napoléon jusqu’à Moscou après avoir livré la sanglante bataille de la Moskowa (7 septembre 1812). À l’approche de l’hiver, Napoléon se résigne à quitter la ville. La Grande Armée, harcelée par les Russes, affaiblie par le froid, les maladies et les privations, échappe de peu à l’anéantissement. Forte de 440 000 hommes venus de toute l’Europe en juin 1812, renforcée par plus de 120 000 hommes pendant la campagne, la Grande Armée n’en compte plus que quelques dizaines de milliers en état de combattre en décembre : près de 200 000 soldats de cette Grande Armée ont laissé leur vie dans cette terrible campagne. »
Défaites militaires, chute politique (1813-1814)
« La campagne de Russie renforce la détermination des ennemis de la France qui se liguent tous contre elle. »
« Angleterre, Prusse, Autriche, Russie et Suède forment la sixième coalition antifrançaise. Au lendemain de la bataille de Leipzig (16 - 19 octobre 1813), les coalisés envahissent la France. Leur objectif est de vaincre Napoléon et de le chasser du pouvoir. Face à eux, l’Empereur tente de repousser l’invasion du territoire français, mais son armée, malgré de brillantes victoires, ne dispose plus de ressources pour résister à l’écrasante supériorité numérique des alliés. En mars 1814, les coalisés entrent dans Paris. »
« Napoléon est contraint d’abdiquer. Quelques jours plus tard, Louis XVIII, frère de Louis XVI, monte sur le trône. »

Partie IX : Les derniers feux (1815)
« En avril 1814, Napoléon est exilé sur l’île d’Elbe située au large de la Toscane. Moins d’un an plus tard, il rentre en France et débarque à Golfe-Juan, près de Cannes, à la tête d’une troupe de mille hommes. En quelques jours, il rallie Paris où il reprend le pouvoir. Son succès provoque l’hostilité des puissances européennes qui mobilisent leurs troupes. Le 15 juin 1815, Napoléon prend l’initiative d’attaquer Britanniques et Prussiens dans l’actuelle Belgique. Trois jours plus tard, son armée est vaincue à Waterloo.
« Napoléon quitte le pouvoir une seconde fois. Les Anglais veulent l’éloigner définitivement et choisissent une île perdue de l’Atlantique Sud, Sainte-Hélène. Napoléon y passe les six dernières années de sa vie, en captivité dans une maison appelée Longwood, entouré de quelques fidèles. Diminué et malade à partir de 1817, il est l’ombre de lui-même. Il meurt à cinquante et un ans, le 5 mai 1821 à 5 h 49 du soir. Dans un premier temps, son décès provoque peu de réactions en Europe. Il faut attendre 1823 et la publication du Mémorial de Sainte-Hélène, récit de son exil par un témoin de première main, le comte de Las Cases, pour que Napoléon retrouve sa popularité. En 1840, le roi Louis-Philippe ordonne le retour des cendres de l’ancien Empereur à Paris, où il repose encore aujourd’hui sous le dôme de l’Hôtel des Invalides. »

« Vidéos présentes dans le parcours de l’exposition
- film d’introduction
- un court-métrage et sept entretiens de commissaires/personnalités qui seront réparties sur le chemin de l’exposition :
sur l’esclavage : court-métrage réalisé par Mathieu Glissant et entretien de Marcel Dorigny 
sur l’exercice de l’État : entretiens d’Arthur Chevallier et Thierry Lentz
sur les Français sous l’empire : entretiens d’Arthur Chevallier et Jacques-Olivier Boudon sur la vie et mort des soldats de Napoléon : entretiens croisés de Grégory Spourdos et François Houdecek
- extraits de films (Le Colonel Chabert d’Yves Angelo, Waterloo de Sergueï Bondartchouk, Napoléon d’Abel Gance)
- animation monumentale et commentée du tableau du Sacre de l’empereur Napoléon Ier et couronnement de l’impératrice Joséphine dans la cathédrale Notre-Dame de Paris, le 2 décembre 1804 de Jacques-Louis David qui par ses dimensions (621 x 979 cm) ne peut bien évidemment être déplacé du musée du Louvre où il est conservé. Il est présent dans cette exposition par cette projection animée et commentée
- films pédagogiques
reconstitution de tirs de fusils, de tirs de canon, déroulement de la bataille d’Austerlitz, déroulement de la bataille de Waterloo ».


12 DATES CLES

« 1769
Napoléon Bonaparte naît le 15 août en Corse, à Ajaccio, de Letizia et Charles Bonaparte. Il est le deuxième fils d’une famille de huit enfants : Joseph (l’aîné), Lucien, Elisa, Louis, Pauline, Caroline, Jérôme.
1779
Napoléon entre, comme boursier du roi Louis XVI, à l’école militaire de Brienne.
1789
La Révolution française commence. Le 14 juillet, la prison de la Bastille, symbole du pouvoir absolu du roi, tombe.
1796
Le jeune général Bonaparte prend le commandement de l’armée dite « d’Italie », laquelle combat les Autrichiens au nord de la péninsule. Il remporte des victoires phénoménales, à l’origine de sa popularité, qui lui valent, deux ans plus tard, de prendre la tête de l’expédition d’Egypte.
1799
Napoléon Bonaparte réalise le coup d’Etat dit du 18 Brumaire au terme duquel le Directoire est renversé et remplacé par un Consulat, dont le Premier consul n’est autre que Napoléon lui-même. Il a trente ans.
1804
En moins cinq ans, Napoléon Bonaparte a réformé la France dans des proportions considérables. Au fait de sa gloire, le Sénat le proclame empereur des Français, décision confirmée par un vote populaire. Il est sacré en la cathédrale Notre-Dame de Paris le 2 décembre, en présence du pape.
1805
L’empereur affronte les armées russes et autrichiennes à la bataille d’Austerlitz le 2 décembre. Grâce à une stratégie audacieuse, il met en déroute des forces supérieures aux siennes.
1807
Napoléon remporte la bataille de Friedland le 14 juin contre les armées du tsar Alexandre.
Vaincue, la Russie est dans l’obligation de signer un traité de paix.
Désormais, l’empereur des Français est le maître de la plus grande partie l’Europe.
1812
Alors que le tsar ne respecte pas les termes du traité de paix, Napoléon envahit la Russie à la tête d’une armée colossale. Il ne parvient pas à affronter l’armée russe qui l’attire de plus en plus loin. 
Malgré la prise de Moscou, l’empereur est obligé de battre en retraite. C’est un désastre.
1814
Après avoir combattu avec vaillance les Prussiens, les Autrichiens et les Russes sur le territoire national, Napoléon abdique à Fontainebleau le 11 avril.
1815
Après moins d’un an d’exil sur l’île d’Elbe, Napoléon débarque en France en mars et chasse le roi Louis XVIII qui lui avait succédé sur le trône. Après sa défaite à Waterloo le 18 juin, il est contraint à un nouvel exil, définitif, sur l’île de Sainte-Hélène.
1821
Le 5 mai, à 17h49, Napoléon meurt à Longwood sur l’île de Sainte-Hélène. »

INTRODUCTION AUX TEXTES DU CATALOGUE 
Sauf mention contraire les textes sont d’Arthur Chevallier

« I. L’écolier corse de Brienne. Les années d’apprentissage : 1779 – 1784
Né à Ajaccio le 15 août 1769, Napoléon est le deuxième fils d’une famille de huit enfants. Son père, Charles Bonaparte, dépense une énergie considérable pour améliorer la qualité de vie des siens et offrir à ses huit enfants le meilleur avenir possible. Il parvient à prouver que sa famille appartient, disons de loin, à la noblesse toscane. Grâce à un proche des Bonaparte, dont on a souvent dit, à tort, qu’il était l’amant de la mère de Napoléon, Letizia, le comte de Marbeuf, représentant du roi de France dans l’île, gouverneur pour le dire simplement, Napoléon et son frère aîné Joseph obtiennent une bourse pour étudier dans les écoles du roi en France.
En janvier 1779, Napoléon, accompagné de son frère, arrive au collège d’Autun (Bourgogne), établissement sous l’autorité de l’évêque Alexandre Marbeuf, qui n’est autre que le neveu du gouverneur de la Corse. Le futur empereur y reste quatre mois, dans l’attente de son affectation dans une des douze écoles destinées à préparer les fils des gentilshommes au métier des armes. On relève déjà son caractère ombrageux, presque timide. Il est finalement affecté à l’école de Brienne, où il arrive le 15 mai 1779. Des années de Napoléon passées en Champagne, on sait peu, si ce n’est que ce fut une épreuve pour ce petit garçon qui parlait français avec un accent prononcé, lequel était l’objet de moqueries de ses camarades. Il travaille, lit, apprend, se réalise dans l’effort, comme il le fera toute sa vie. Quant à ses relations avec ses camarades, elles sont dans l’ensemble mauvaises. Napoléon encaisse avec sang-froid leur mépris et les réprimande dès qu’il le peut. Les années (1779-1784) passées à Brienne sont bien celles de la construction d’une dureté qu’il transformera en une extraordinaire capacité de résilience.

II. Le soldat de la Révolution. La première campagne d’Italie et la campagne d’Égypte : 1796 – 1799
En mars 1796 (21 ventôses an IV) Napoléon est nommé général en chef de l’armée d’Italie, où les soldats de la République affrontent l’Autriche. Alors que cette armée est mal équipée, qu’elle manque de tout, chevaux et canons, ce jeune général se distingue par sa bravoure et sa proximité avec les hommes. Notamment lors de batailles mémorables, Arcole (17 novembre 1796-27 brumaire an V) et Rivoli (14 janvier 1797-25 nivôse an V) par exemple. Sa popularité grandit. À son retour à Paris, il est « récompensé » par le Directoire, lequel lui confie le commandement de l’armée d’Orient. À la tête de cette dernière, il a pour mission de prendre le contrôle de l’Égypte afin de barrer la route des Indes aux Anglais, nation qui finance les guerres contre le nouveau régime républicain. Il prend la mer en mai 1798. Avant de débarquer en Égypte, l’armée de Napoléon prend l’île de Malte au début du mois de juin ; et elle arrive devant Alexandrie le 1er juillet. Si Napoléon bat l’armée des Mamelucks lors de la célèbre bataille des Pyramides, rien ne se passera plus comme prévu. Son armée, touchée par la peste, est en difficulté. Quant à la flotte française, elle est détruite par le futur vainqueur de Trafalgar, l’amiral anglais Nelson, lors de la bataille d’Aboukir les 1er et 2 août 1798. Napoléon part dans la précipitation et arrive en France le 9 octobre 1799 (6 fructidor an VII) dans la précipitation, laisse le commandement à Kléber, qui sera assassiné un an plus tard. Cette aventure militaire est aussi une épopée scientifique puisque de nombreux savants l’accompagnent. Ça sera l’occasion de rapporter des trésors dont certains sont encore dans nos musées et parfois même dans nos rues. L’aventure égyptienne est un semi fiasco dont Napoléon a su pourtant tirer des motifs de gloire.

III. Le sauveur de la République. Une France modernisée : 1799 – 1804
Après avoir pris le pouvoir à la faveur du coup d’État dit du 18 brumaire (9-10 novembre 1799-18 et 19 brumaire an VIII), Bonaparte devient Premier consul pour dix ans. Il commence une politique de rassemblement sans précédent depuis 1789 : grâce accordée à des prisonniers politiques, autorisations de retour en France à des émigrés, retour au fondement de l’égalitarisme républicain avec la création de la Légion d’honneur, concordat signé avec le pape, lequel met fin au conflit entre la France et le Vatican. L’intention de Napoléon Bonaparte est de gouverner au-dessus des factions et partis, lesquels avaient, d’après lui, mené la Révolution à l’anarchie c’est-à-dire à sa perte. Aussi organise-t-il un régime bicaméral (Tribunat, Corps législatif) où la puissance des assemblées est tempérée, voire surpassée, par un pouvoir exécutif fort, organisé autour d’une seule personne, le Premier consul, lequel dispose de prérogatives considérables. Le consulat correspond aussi à la fondation de la France moderne : la création de la Banque de France, de la préfectorale, du Code civil (dont l’orchestration a été confiée à Cambacérès, éminent juriste et deuxième consul), des lycées, du Conseil d’État, l’unification des poids et mesure, etc.
Cette époque est également celle où Bonaparte profite d’une opportunité pour s’affirmer comme un chef d’État qui est aussi un chef de guerre. C’est le début de la confusion du pouvoir civil et militaire à l’occasion d’une bataille mémorable. En mai 1800 (30 floréal an VIII), le Premier consul franchit le col du grand Saint-Bernard à la tête d’une armée. Il part combattre les Autrichiens qui sont à nouveau au nord de l’Italie. Le 14 juin 1800 (25 prairial an VIII), il remporte contre ces derniers la bataille de Marengo. Cette victoire à l’origine précaire lui permet néanmoins de reprendre l’avantage et de jouir d’une popularité extraordinaire. Deux ans plus tard, en mars 1802, il démontre qu’il est aussi capable d’apporter la paix en signant, avec l’Angleterre, le traité d’Amiens, lequel marque une pause dans l’affrontement systématique contre l’Angleterre depuis la Révolution. En mai 1802, il devient consul à vie.

IV. L’Empereur : son sacre et le faste de sa cour. Un « empereur de 1789 » : 2 décembre
1804 Les dernières années du Consulat à vie ressemblaient déjà à ce qu’on pourrait qualifier de monarchie républicaine. Au terme d’un jeu d’influence auprès du Sénat, lequel avait le pouvoir de modifier la constitution, du Conseil d’État, où l’opposition fut parfois vive, du Tribunat, la création de l’empire s’imposait. Pour apaiser les esprits, on résumait l’affaire à l’importance d’un pouvoir héréditaire pour stabiliser la République et la protéger de ses ennemis. La raison pour laquelle le Tribunat avait défendu le titre d’empereur était double. D’abord, pour distinguer nominalement Napoléon des rois ; il n’était pas question de restauration. Ensuite par un souci de formalisme et de continuité. Le terme d’empire qualifiait la domination d’un État sur un territoire, ce qui explique que le royaume de France était déjà qualifié d’empire depuis le XVIe siècle. Napoléon est proclamé empereur le 18 mai 1804 avant d’être sacré le 2 décembre 1804 à Notre-Dame de Paris. Il mélangera, lors de son sacre, des symboles républicains, des références à Charlemagne mais aussi au saint patron des Bourbons, saint Louis. Cela revenait à inscrire son règne dans l’histoire de France et non seulement dans celle de la Révolution. Le plus important des symboles était sans doute la présence du pape. La stratégie de Napoléon consistait à donner des gages au parti clérical, à quoi se mêlait la noblesse d’Ancien Régime, et ce afin de neutraliser l’opposition royaliste. L’opération fut un désastre. Si les Parisiens acclamèrent le pape lors de son entrée dans Paris, ils désapprouvèrent sa présence à un sacre prétendument républicain. Quant au fameux parti royalise auquel on offrait le Saint Père, il comprit bien vite, et à raison, que Pie VII était un faire-valoir de la puissance de l’Empereur. Au mois de juin 1804, un plébiscite fut soumis aux Français.
La question ne portait pas tant sur l’empire que sur l’hérédité de la dignité impériale. Plus de 3 500 000 oui contre 2 500 non, avec un taux de participation de 40 %. Cet incontestable succès est à tempérer car, comme toujours, les chiffres, mêmes favorables, avaient été « gonflés ».

V. L’Empereur, les impératrices, le roi de Rome. Dans l’intimité amoureuse de l’Empereur.
Napoléon Bonaparte épouse Joséphine peu de temps avant de prendre le commandement de l’armée d’Italie, le 9 mars 1796. Elle fut sans conteste la personne avec laquelle il entretint les rapports les plus intimes, les plus francs et les plus durables. Même s’il l’aimait profondément, Napoléon dut céder à la raison d’État. Elle ne pouvait pas avoir d’enfant. Ce qui posait évidement un problème de succession dans un empire dont la solidité reposait aussi sur son caractère héréditaire. Par ailleurs, la multiplication des fronts militaires conduit Napoléon à envisager un mariage avec l’héritière d’une monarchie avec laquelle il avait besoin d’être en paix. Il divorce d’avec Joséphine en décembre 1809. Même si elle n’est plus Impératrice régnante, Joséphine, retirée à Malmaison, conservera son titre et bénéficiera des soins et attentions de Napoléon jusqu’à la fin de ses jours. Après avoir envisagé d’épouser une des sœurs du tsar Alexandre, son choix se porte sur la fille de l’empereur François d’Autriche, Marie-Louise, qui lui donna un fils, qui faillit mourir le jour de sa naissance le 20 mars 1811, le roi de Rome. Et qui terminera ses jours de façon piteuse, après la chute de Napoléon, à la cour de son grand-père à Vienne. Autre grand amour de Napoléon, la comtesse polonaise Marie Walewska, qu’il rencontre en Pologne au début de l’année 1807, et avec qui il entretiendra une relation qu’on pourrait qualifier de sérieuse. Elle aura de lui un enfant, Alexandre comte Walewski, qui d’ailleurs ressemble de façon frappante à son père, et qui occupera de hautes fonctions sous le Second Empire : ambassadeur à Londres, député, sénateur, ministre, président du Sénat.

VI. Le chef de guerre. D’Ulm à Wagram : 1805 – 1809
En tant que Premier consul (1799-1804) puis Empereur des Français (1804-1815), Napoléon dirige le pays, mais commande aussi l’armée qu’il peut organiser, équiper, entraîner dans la seule limite des ressources disponibles. N’ayant de compte à rendre ni au pouvoir politique ni au pouvoir militaire, Napoléon dispose d’une pleine liberté d’action afin de conduire la guerre comme il l’entend. Il définit ses objectifs militaires en fonction de buts politiques et concentre entre ses mains la conduite des opérations et la diplomatie. Sur les champs de bataille, c’est lui qui dirige l’armée. Ce profil original fait de lui un stratège exceptionnel qui explique pour une large part les succès militaires de la France au cours du Premier Empire. En 1805, Napoléon commande la Grande Armée, la plus puissante force militaire d’Europe. Son armée est composée de vétérans aguerris par les guerres de la Révolution (1792-1797).
Galvanisée par le charisme de l’Empereur, commandée par des officiers talentueux, elle enchaîne les victoires au cours de campagnes militaires qui ont marqué l’histoire de la guerre. Ulm (20 octobre 1805), Austerlitz (2 décembre 1805), Iéna (14 octobre 1806), Friedland (14 juin 1807) et Wagram (5-6 juillet 1809) témoignent de la force de cette armée commandée par un tacticien hors pair. Rapides, précises, soigneusement préparées, bien coordonnées, ces batailles neutralisent les ennemis continentaux de la France, malgré les affrontements meurtriers de Eylau (7-8 février 1807) et d’Essling (21-22 mai 1809). L’Autriche, la Prusse et la Russie sont vaincues et contraintes de signer la paix à Presbourg (26 décembre 1805), Tilsit (7-9 juillet 1807), et Schönbrunn (14 octobre 1809). Ces succès s’accomplissent aussi grâce au dévouement de ses soldats qui payent un lourd tribut à la guerre, victimes des combats, des maladies et de conditions de vie particulièrement éprouvantes.
Grégory Spourdos

VII. Le conquérant de l’Europe. Les Bonaparte, une famille souveraine : 1805 – 1810
La conquête de l’Europe par Napoléon est scandée par des batailles décisives. En 1805, il remporte celle d’Austerlitz contre les armées russes et autrichiennes. Si les régiments du tsar parviennent à se replier à l’est, ceux de l’empereur d’Autriche, eux, sont battus. Ainsi l’Autriche est soumise une première fois.
L’année suivante, en 1806, il soumet la Prusse après la bataille d’Iéna. Quant à la Russie, elle accepte de signer la paix de Tilsit après avoir perdu la bataille de Friedland en 1807. En trois ans, Napoléon domine l’Europe. Pour la contrôler, il a imaginé ce qu’on appelle le système Napoléon en plaçant, à la tête d’États stratégiques, ses soeurs, frères, fils de Joséphine (Eugène) : Louis en Hollande, Jérôme en Westphalie, Joseph à Naples puis en Espagne, Caroline et son mari le maréchal Murat à Naples (une fois Joseph parti pour l’Espagne), Eugène en Italie et Elisa en Toscane. Qu’on ne s’y trompe pas, ces différents monarques avaient un pouvoir limité par la centralisation impériale. Napoléon multipliait les ordres, contre-ordres, brimades et réprimandes à l’égard de ses soeurs et frères en qui ils voyaient des sortes de « super préfets ». Il croit cette Europe irriguée par son sang neutralisée pour de bon. L’avenir lui donnera toutefois tort. Pour combattre l’Angleterre, il impose un blocus continental à ses « alliés », c’est-à-dire une fermeture commerciale complète avec les britanniques. Le but de la manoeuvre est ni plus ni moins de les asphyxier économiquement. Même si l’empire apporte les bienfaits politiques et administratifs de la Révolution dans les pays soumis, la domination française provoque un sentiment d’humiliation.

VIII. L’Empereur déchu. De l’île d’Elbe à Waterloo, le déclin et les Cent-Jours : 1808 – 1815
La guerre d’Espagne (1808-1814) est un conflit d’une nature singulière parmi les campagnes
napoléoniennes. La péninsule Ibérique avait un rôle stratégique dans la mesure où elle constituait un tampon entre le Portugal et la France. Or, c’est dans l’ancienne Lusitanie que les Anglais débarquaient canons, hommes et chevaux pour « remonter » vers la France. Napoléon remplaça le roi Bourbon par son frère Joseph. La population espagnole entra en rébellion, s’attaqua aux garnisons de la Grande armée dispersées en Espagne. La guerre civile dégénéra en répression sanglante par les soldats de la France. Ce conflit obligea Napoléon à réaliser des efforts humains, militaires et financiers toujours plus grands pour un résultat contestable, ne disons pas désastreux.
Quant à la campagne de Russie, elle est une des plus célèbres tragédies de l’histoire napoléonienne.
Parce que le tsar Alexandre ne respecte pas le blocus continental contre l’Angleterre, Napoléon rassemble plus de 500 000 hommes et lance la campagne de Russie en 1812. Les armées du tsar reculent vers l’est ; les troupes françaises s’avancent jusqu’à Moscou. Napoléon entre dans une capitale vidée de ses habitants. Grâce à des volontaires, la ville est incendiée. Napoléon décide de partir. Sur le chemin du retour, ses troupes subissent une déroute sans précédent. Commandant d’une armée décimée, Napoléon est une proie pour ses adversaires. Se forme la sixième coalition. À la bataille de Leipzig (1813), il subit une défaite qui le pousse à se défendre derrière ses propres frontières. Malgré quelques coups de maître, l’infériorité numérique de ses armées est telle que Napoléon est poussé à l’abdication. Il fait les adieux à sa Garde au château de Fontainebleau le 20 avril 1814, avant de rallier l’île d’Elbe, lieu d’exil choisi par les alliés.
Pendant ce temps, le frère de Louis XVI, Louis XVIII, monte sur le trône. Après des débuts prometteurs, il est rapidement contesté puis impopulaire. Napoléon, conscient des difficultés de son successeur, tente un coup d’éclat. Le 1er mars 1815, il débarque à Golfe-Juan, rallie une à une les villes qu’il traverse en direction de Paris. Le 20 mars, l’Empereur s’installe au palais des Tuileries. Louis XVIII a fui. Pour surprendre les Alliés, Napoléon envahit la Belgique. Battu à la bataille de Waterloo par les Anglais et les Prussiens, il abdique le 22 juin. Il est exilé au sud de l’Atlantique, dans l’île de Sainte-Hélène, où il meurt le 5 mai 1821. »

EXTRAITS DU CATALOGUE

« D’un centenaire à l’autre
Du bicentenaire de la naissance de Napoléon en 1969 au bicentenaire de sa mort en 2021, cinquante-deux ans se sont écoulés, un demi-siècle qui a vu se succéder en France sept présidents de la
République, se faire et se défaire plusieurs majorités parlementaires, s’approfondir les transformations sociales tandis que le numérique supplantait l’imprimé.
L’image de Napoléon en sort-elle modifiée en 2021 ?
[...] Bien sûr, des voix discordantes ont été entendues, mettant en cause l’image du guerrier et celle de l’auteur du Code civil, réducteur des droits de la femme. Le rétablissement de l’esclavage en 1802, séparé du contexte de l’époque (l’esclavage existait alors dans une grande partie du monde), a nui à l’œuvre du légiste héritier de la Révolution française.
[...] Destin exceptionnel que celui de cet homme parti d’une modeste maison de Corse et qui va, à la tête de ses armées, s’installer à Schönbrunn, à Potsdam, à l’Escorial et au Kremlin, avant de finir, loin des Tuileries, à Longwood, dans une médiocre bâtisse balayée par les vents et les pluies de l’île de Sainte-Hélène, prisonnier des Anglais, entouré seulement d’une petite cour de fidèles, exilés comme lui. 
À sa chute, il laisse une France qui, au sortir de la Révolution, a été transformée par ses réformes. De nouvelles institutions sont mises en place : Conseil d’État, Cour des comptes, inspection générale du Trésor (par la suite inspection générale des Finances), préfectures, Banque de France…
[...] C’était toute l’Europe continentale qui était alliée ou soumise, une Europe pour la première fois unifiée dans des limites économiques, celles du Blocus continental. Une Europe dont étaient exclues les îles : l’Angleterre, la Sicile et la Sardaigne.
[...] L’écroulement de l’Empire est à la démesure de sa création. Waterloo demeure la bataille la plus évoquée par les peintres, les romanciers et les cinéastes.
L’homme mort en 1821, reste la légende.
[...] L’exposition « Napoléon » évoque tous les aspects politiques, militaires, économiques et artistiques de l’un des mythes les plus riches de l’histoire universelle, dans une conception objective et moderne (dispositifs multimédias et sonores, de la symphonie au film).
Napoléon part à la conquête du XXIe siècle. Chateaubriand l’avait prédit : « Vivant, il a manqué le monde, mort il le possède. »
Jean Tulard

« Les années au collège militaire de Brienne
[...] Le 15 mai 1779, le jeune élève Napoleone di Buonaparte fait son entrée au collège militaire de Brienne. À l’ombre du château des Loménie qui domine la ville, et avant même d’avoir dix ans révolus, on l’imagine impressionné, ne connaissant aucun de ses deux cents camarades et découvrant cette Champagne si différente des paysages méditerranéens qui lui sont familiers. C’est pourtant en ces lieux qu’il s’apprête à apprendre son futur métier d’officier. La création de l’établissement est récente. [...]
Cependant, être accepté ici n’a pas été simple pour le jeune Corse. Son père, Carlo-Maria, a dû faire des pieds et des mains, entretenir une abondante correspondance avec les autorités militaires grâce à son titre de représentant de l’île et, surtout, faire valoir ses quartiers de noblesse – dont on sait qu’ils ont été fraîchement reconnus –, pour permettre au cadet de ses fils d’intégrer l’école.
[...] Selon la légende qui, on le sait, s’appuie pour une large part sur plusieurs anecdotes consignées par des témoins complaisants au premier rang desquels se trouve Louis-Antoine Fauvelet de Bourrienne, le futur empereur se réfugie dans la lecture. Ne maîtrisant pas encore la langue française, conservant un accent qui provoque la moquerie de ses compagnons de jeu, il s’attache à réussir dans ses études. S’il se montre parfois vexé d’avoir été raillé – on le prénomme « La paille-au-nez », en singeant sa prononciation italianisante –, il cherche à se venger par lui-même et en est quitte pour une punition exemplaire.
Son caractère s’endurcit et il redouble d’efforts.[...] Les prédispositions intellectuelles de Napoléon, son aptitude au commandement autant que ses capacités hors du commun à travailler d’arrache-pied, pendant de longues heures, le font remarquer de ses mentors ainsi que de ses condisciples.
[...] Au cours d’un des premiers hivers, sans doute probablement en 1780 ou 1781, une bataille de boules de neige s’improvise, comme c’est souvent le cas dans la région. Les deux camps qui se font face ne parviennent pas à prendre le dessus. Il semble alors que Napoléon, ayant analysé la situation et perçu d’où venait la difficulté d’un des groupes, ait non seulement apporté son concours au plus faible mais, par son sens inné du commandement, de la persuasion et de la stratégie, ait permis de renverser une situation qui paraissait compromise. Un chef est né.[...] de sa première véritable école – si l’on excepte les enseignements d’Ajaccio et le passage fondamental à Autun –, Bonaparte garde un souvenir impérissable.
[...] . Aussi, en 1805, prenant la route vers Milan pour devenir roi d’Italie afin de ceindre la couronne des Lombards, Napoléon effectue-t-il une courte halte à Troyes puis à Brienne. Sur place, l’émotion semble l’étreindre. Il découvre l’état du site, demande à ce que l’on restaure ce qui est encore en place afin d’en rétablir l’intégrité.
[...] à propos de Brienne : [...] Elle demeure la seule en France à faire figurer sur son fronton un buste de l’Empereur avec, à ses pieds, une statue du jeune écolier par le sculpteur Rochet. Sur le socle figure d’ailleurs cette phrase, prononcée en exil : « Pour ma pensée, Brienne est ma patrie, c’est là que j’ai ressenti les premières impressions de l’homme. »
David Chanteranne

Bonaparte général de la Révolution
« Il est de grandes destinées que l’on pressent. Phénomène rare bien sûr, et celle de Napoléon n’en fait pas partie. Lorsqu’il débarque sur le continent au mois de juin 1793, chassé de Corse par les partisans de Pascal Paoli, l’avenir garde son secret. [...] Le voici général à vingt-quatre ans, il commande l’artillerie de l’armée d’Italie. Il gagne en confiance, en autorité aussi. Son échec corse est loin désormais. Le voici du parti de Robespierre. Mauvaise pioche. La chute de l’Incorruptible entraîne la sienne.
[...] Et puis, un soir d’octobre 1795, alors qu’il se trouve à l’Opéra, le destin se présente en la personne d’un officier envoyé par Barras : la Convention, menacée par des émeutiers royalistes, cherche une épée. Tirera-t-il sur les royalistes ? Sur les républicains ? Il hésite, pèse le pour et le contre. Il se moque de la république comme de la monarchie et se soucie seulement de cette « Fortune » qui lui a tourné le dos. La République ! Il a joué, il gagne. Quelques centaines de cadavres royalistes plus tard, le voici commandant de la division militaire de Paris. Il roule en voiture, loge place Vendôme. Il fait l’apprentissage du luxe et du monde. Comme un bonheur ne vient jamais seul, Rose de Beauharnais, qu’il rebaptise Joséphine, tombe dans son lit. Ce n’est pas sa femme, aussi démunie que lui, qui verse la dot, mais Barras dont elle était il y a peu la maîtresse : le commandement de l’armée d’Italie.
[...] Et puis, un soir d’octobre 1795, alors qu’il se trouve à l’Opéra, le destin se présente en la personne d’un officier envoyé par Barras : la Convention, menacée par des émeutiers royalistes, cherche une épée. Tirera-t-il sur les royalistes ? Sur les républicains ? Il hésite, pèse le pour et le contre. Il se moque de la république comme de la monarchie et se soucie seulement de cette « Fortune » qui lui a tourné le dos. La République ! Il a joué, il gagne. Quelques centaines de cadavres royalistes plus tard, le voici commandant de la division militaire de Paris. Il roule en voiture, loge place Vendôme. Il fait l’apprentissage du luxe et du monde. Comme un bonheur ne vient jamais seul, Rose de Beauharnais, qu’il rebaptise Joséphine, tombe dans son lit. Ce n’est pas sa femme, aussi démunie que lui, qui verse la dot, mais Barras dont elle était il y a peu la maîtresse : le commandement de l’armée d’Italie.
[...] Bonaparte, qui bien vite fait montre de son autorité à cette armée qui ignorait même son nom, a d’autres idées en tête. Une fois la Lombardie débarrassée des Autrichiens, il franchira les Alpes et marchera sur Vienne pour arracher, seul, la victoire finale. Il lui faut vaincre, éblouir, s’il veut imposer ses vues au gouvernement. En un mois de campagne, le succès est tel que le Piémont est contraint de signer un armistice et les Autrichiens sont refoulés dans le Tyrol. Le 15 mai 1796, Bonaparte entre triomphalement à Milan.
[...] Le sultan est l’allié de la France ? Peu importe. Le voici donc qui, deux ans seulement après avoir pris le commandement de l’armée d’Italie, vogue en Méditerranée. Il échappe par miracle à l’amiral Nelson parti à sa recherche. Les deux flottes se croisent dans le brouillard. Les Français débarquent à Alexandrie. Rien à voir avec l’aimable Italie. Sous le dur soleil égyptien, la guerre est atroce. On ne fait pas de quartier. Ni d’un côté ni de l’autre. Le sang rougit les eaux du Nil le jour de la bataille des Pyramides. Du haut de celles-ci, s’exclame Bonaparte, « quarante siècles vous contemplent ». Il s’installe au Caire dans le somptueux palais d’un chef mamelouk, s’habille à l’orientale, palabre avec les oulémas de la grande mosquée, s’efforce de réformer l’Égypte sans heurter les convictions religieuses de ses habitants. Au fond, il fait en Égypte ce qu’il a fait en Italie et refera en France : accorder des intérêts contraires et concilier tradition et modernité. Mais jamais il ne fera la conquête des esprits. Il ne peut se défaire de l’habit du croisé ni secouer l’indifférence méfiante de ces fellahs qu’au fond il méprise.
[...] Il sait que son aventure orientale touche à sa fin. Heureusement, il reçoit soudain la nouvelle qu’il n’espérait plus : en Europe, la paix conclue avec les Autrichiens en 1797 est rompue, la guerre reprend.
Il en est certain, le gouvernement français ne survivra pas à cette épreuve. Il faut rentrer, et vite. Le temps de rejeter à la mer les Turcs qui tentaient de débarquer à Aboukir, et il s’échappe en secret.
Traversée tranquille, accueil triomphal. Il n’est plus seulement le « Pacificateur de l’Europe » (allusion à la paix de 1797), mais un héros déjà légendaire. Tout comme Toulon n’avait pas été une grande affaire, le 18 brumaire ne sera pas la plus risquée des batailles qu’il aura à donner. Une simple pichenette suffit à renverser le Directoire. Le moment était venu, pour le général de la Révolution, de céder la place au Premier consul, en attendant – qui sait – mieux encore. »
Patrice Gueniffey

L’homme de la centralisation et de l’unité nationale
« Tout le monde (ou presque) peut citer les principales institutions mises en place par le Premier consul dès les premières semaines de son gouvernement, parmi lesquelles le Conseil d’État, les préfets, les sous-préfets, les maires, les conseils généraux, etc. Selon le mot de François Furet, Napoléon voulut que ces créations constituent le « nerf » d’un État organisé selon un schéma strictement centralisé et pyramidal. Ce faisant, il créa une solide « constitution administrative » qui resta intacte pendant un siècle et demi, permettant à la France de surmonter de nombreuses crises institutionnelles [...]
La pyramide administrative
La grande loi d’organisation des circonscriptions administratives fut promulguée le 28 pluviôse an VIII (17 février 1800), soit trois mois seulement après la prise du pouvoir. Jusqu’en 1982, elle ne fut qu’amendée, parfois sensiblement mais sans remise en question de son économie générale. Il en subsiste encore de larges pans, à commencer par le découpage administratif et l’institution préfectorale.
Le territoire fut divisé en départements, arrondissements et communes, le canton n’étant plus qu’une circonscription judiciaire du juge de paix. Chaque circonscription était organisée autour d’un exécutif et d’une assemblée délibérante : préfet et conseil général pour le département, sous-préfet et conseil d’arrondissement pour l’arrondissement, maire et conseil municipal pour la commune. Les préfets, sous-préfets, maires et adjoints des communes de plus de cinq mille habitants étaient directement nommés par le chef de l’État. Les maires de communes de moins de cinq mille habitants l’étaient par le préfet.
Ces exécutifs étaient hiérarchisés entre eux, le préfet dirigeant au quotidien l’action des sous-préfets et des maires. Ce schéma appliquait une des maximes les plus célèbres d’Emmanuel Sieyès, la tête pensante du coup d’État de brumaire : « Délibérer est le fait de plusieurs, exécuter est le fait d’un seul. »
Le département était la circonscription locale de référence, avec une administration rénovée par rapport à ce qu’on avait connu auparavant. Son chef-lieu pouvait accueillir en outre des services déconcentrés de l’État : perception des impôts directs, enregistrement et domaines, conservation des hypothèques ou des forêts, postes, droits réunis (impôts indirects), régie des sels et tabacs, police, etc. Seules la gendarmerie (avec ses légions) et l’armée (avec les divisions militaires) conservèrent des organisations couvrant plusieurs départements. Autre exception, la création provisoire de « gouvernements généraux » chapeautant les préfets des départements nouvellement annexés. Car l’Empire français proprement dit ne cessa de s’étendre. Il compta jusqu’à 134 départements en 1812 (dont 45 hors de l’ancienne France), contre 83 en 1790, 98 en 1799 et 108 en 1804.
À la tête de chaque département, le préfet représentait le gouvernement et, aux termes de la loi, était « seul chargé de l’administration ». Il dirigeait les services publics et correspondait avec tous les ministres, même si son supérieur hiérarchique direct était celui de l’Intérieur. Il était responsable devant le gouvernement de l’exécution des lois et règlements, disposait de la police et, au besoin, de l’armée, ordonnançait les dépenses, surveillait la perception de l’impôt et les levées de troupes, représentait l’État en justice et agissait en son nom pour les actes de gestion. Il exerçait une tutelle absolue sur les actes des autorités « inférieures » et se substituait à elles en cas de défaillance. Il était également le représentant du département en tant que tel, rôle tenu aujourd’hui par les présidents des conseils départementaux. Il préparait le budget du département et en ordonnançait les dépenses. Il agissait par l’intermédiaire de ses propres services, installés à la préfecture et dirigés par un secrétaire général.
[...] le schéma de l’organisation départementale reproduisait l’organisation de l’État central : l’exécutif agissait, les organes collectifs se prononçaient sur le budget et le conseil de préfecture figurait un conseil d’État en petit. [...]
L’achèvement de l’unité nationale
Si l’Ancien Régime avait beaucoup réfléchi à une simplification de la grille administrative et à la centralisation du pouvoir, c’est la Révolution qui avait commencé à marcher dans cette direction, pour rompre avec les spécificités provinciales. Par le décret du 22 décembre 1789, les provinces avaient été remplacées par les départements eux-mêmes divisés en districts, cantons et communes. Ces circonscriptions s’administraient elles-mêmes. Dans le même souci d’assurer les libertés locales, la constitution de 1791 avait déclaré que toutes les fonctions administratives seraient électives, système qui perdura dans son principe jusqu’à la loi du 28 pluviôse an VIII. [...] »
Thierry Lentz

Les femmes sous le Consulat et l’Empire
« Peu étudiées, les femmes sous le Consulat et l’Empire ne semblent appartenir à aucune époque. Elles sont le plus souvent boudées par les études sur la Révolution, qui ne retiennent que la « trahison » du Code civil, et méconnues des historiens du Premier Empire, si ce n’est quelques figures féminines des familles régnantes ou aristocratiques. [...] elles seraient réduites à jouer le rôle de figurantes, avant que le siècle ne les assujettisse tout à fait et ne les confine dans l’espace familial. Un refoulement dans l’ombre qu’une étude attentive nuance et colore quelque peu : ces femmes évoluent dans un « entre-temps » certes marqué par un nouvel ordre politique et législatif et par la célébration de la virilité guerrière, mais par bien des égards elles ont su imaginer de nouvelles attitudes dans un présent inédit.
Le partage sexué du monde
Héritée de la philosophie des Lumières, la théorie de la Vérité naturelle est basée sur la différence physique des sexes engendrée par la Nature ou, si l’on est croyant, par la volonté divine. Reprise par les Révolutionnaires, elle s’est considérablement répandue et place les femmes en état d’infériorité physique et mentale causée par leurs forces musculaires moindres, leurs pertes sanguines régulières et par conséquent la versatilité et la mollesse de leur esprit. Le discours médical et hygiéniste en plein essor est un puissant allié. Le corps féminin est réduit à l’état d’enfance [...] Depuis la Révolution et sa rhétorique, la femme est le creuset du citoyen, du guerrier et un seul état pratiquement lui est permis : le mariage. D’un point de vue légal, la femme s’efface devant l’épouse et la mère, elle devient la garante de la respectabilité de la famille – selon la formule consacrée, « les hommes font la loi, les femmes font les moeurs ».
Le second sexe et le droit
D’un point de vue juridique, leurs statuts public et privé résultent des convulsions et des contradictions de l’histoire française : l’évolution trop prudente de l’Ancien Régime balayée par la Révolution suivie du gouvernement hors norme de l’Empire a créé une spécificité française qui vit surgir une série de lois en rupture avec l’ancien ordre familial, un noyau de féministes avant-gardistes européennes, revendiquant l’égalité civile, politique et militaire, pour aboutir à une codification civile conservatrice. Ce qui est souvent dénoncé comme un paradoxe : une législation et une agitation révolutionnaires modernistes ont engendré, par une réaction exacerbée, une mise sous tutelle des femmes.
La raison de ce reflux en reviendrait essentiellement au Code civil, et par là même à Napoléon, son grand ordonnateur. [...] Le Consulat puis l’Empire font de la cellule familiale la pierre d’angle de leur projet de société qui doit apporter paix et prospérité à la nation. Cette cellule repose sur le contrat de mariage entre deux individus nécessaires à la procréation d’une descendance. [...] La femme, dont la fonction assignée est d’être épouse et mère, est alors intégrée et fondue dans une seule entité, dont l’homme représente l’élément extérieur.
[...] le renommé et si commenté article 213, écrit dans le style clair caractéristique du Code civil, « Le mari doit protection à sa femme, la femme obéissance à son mari », fige la moitié de la population dans un statut de mineur à vie, à de rares exceptions. Le « sexe faible » ne peut ni décider seul son choix de vie ni gérer ses propriétés sans l’accord de son père, puis de son mari ou l’autorisation de la justice. Cette limpidité de la formule, inconnue des traditions juridiques européennes contemporaines, immobilisera les femmes françaises à l’intérieur de l’univers privé plus longtemps que dans les pays voisins dont les courants modernistes choisiront tout d’abord de modifier les mentalités de leurs sociétés tout aussi fermées à l’émancipation féminine, puis de s’engouffrer dans les brèches législatives.
Le sort des femmes
[...] Le bonheur matrimonial devient une ambition. Héritage révolutionnaire, certes, mais aussi évolution de la société qui tend vers plus d’individualisme et prend plus en compte les affections personnelles.
Au-delà des devoirs de part et d’autre, des sentiments plus tendres sont fréquemment partagés, les correspondances privées parvenues jusqu’à nous en témoignent. Elles nous montrent des relations hommes-femmes plus subtiles, plus diverses et modernes que ne le laissent soupçonner l’aridité des textes de loi ou le discours brutal de certains médecins. [...] »
Chantal Prévot

Le prix de la gloire napoléonienne
« Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, le drame financier français fut très directement à l’origine à la fois de la Révolution française et de sa faillite. Ce double effondrement fut lui-même déterminant dans l’histoire de Napoléon Bonaparte. Sans les multiples conséquences qui en résultèrent, jamais il ne serait parvenu au pouvoir. Comme Louis XVI avant elles, les Assemblées révolutionnaires furent à leur tour incapables de remédier au problème des finances. À la faillite de l’Ancien Régime, ils ajoutèrent la leur, avec l’émission folle d’un papier-monnaie lancé sans contrepartie réelle : l’assignat [...]
Naissance d’un système
La campagne d’Italie ne fut pas décidée seulement en fonction d’objectifs militaires. Les considérations financières avaient puissamment influencé la décision du Directoire de faire de l’Italie un théâtre d’opérations de premier plan. Pour vaincre militairement mais aussi pour mener à bien une mission largement intéressée, le général Bonaparte fut nommé à la tête de l’armée.
De l’or des églises aux espèces des municipalités, tout fut saisi, emporté. Puis des convois d’or et d’argent prirent la route de Paris pour le plus grand bonheur du gouvernement français. Mais très rapidement, Bonaparte voulut gagner son indépendance en conservant notamment par-devers lui ce qui était pris aux Italiens.
[...] D’abord, il ne voulut pas oublier ses troupes. Il leur avait promis richesses et abondance. Il allait tenir parole en leur distribuant l’argent collecté par l’Intendance militaire.
Un lien fort se noua alors entre Bonaparte et ses hommes. Outre les faits d’armes, il y eut donc les nombreuses récompenses distribuées par le « Petit Caporal ». La guerre devait payer la guerre certes, mais au profit quasi exclusif des soldats (et de leurs chefs, bien entendu).
[...] Un lien fort se noua alors entre Bonaparte et ses hommes. Outre les faits d’armes, il y eut donc les nombreuses récompenses distribuées par le « Petit Caporal ». La guerre devait payer la guerre certes, mais au profit quasi exclusif des soldats (et de leurs chefs, bien entendu).
À partir de la campagne d’Italie, Bonaparte ne cessa jamais de distribuer toutes sortes de prodigalités non seulement à son entourage mais encore à tous ceux qui pouvaient lui être d’une quelconque utilité. [...] 
La guerre qui paie la guerre
Après 1805, le financement de la guerre changea de dimension. En étendant son influence sur l’Europe, Napoléon rendit son régime plus autonome en matière financière. De par sa nouvelle puissance, il éviterait le recours aux banquiers et ne serait plus à la merci de financiers suspects. Pour y parvenir, Napoléon ordonna : « Vous devez avoir pour principe que la guerre doit nourrir la guerre ». [...]
Les Cent-Jours les plus chers de l’histoire de France
En 1815, la courte campagne de Belgique ne creusa pas exagérément le déficit, mais les Alliés
voulurent cette fois punir financièrement la France alors qu’un an auparavant, Talleyrand et Louis XVIII avaient évité pareille « punition ». En 1815, il fut impossible d’y échapper. Les clauses financières du traité de Paris mirent à la charge de la France plus de 1,4 milliard de francs. C’était considérable. Ce que la France paya après Waterloo est comparable à ce qu’elle remboursa après la chute du Second Empire et même à ce que l’Allemagne dut acquitter en vertu du traité de Versailles.
Aussi, les Cent-Jours de Napoléon peuvent-ils être considérés comme « les plus chers de l’histoire de France » puisque pour une période si courte, les conséquences financières sont parmi les plus sévères qu’ait connues un pays. Pour s’en libérer, la Seconde Restauration augmenta sensiblement la dette publique. Depuis, elle ne cesse de prospérer… »
Pierre Branda

Joséphine
« Marie Joseph Rose de Tascher de la Pagerie naît à la Martinique en 1763, c’est-à-dire huit ans seulement après la reine Marie-Antoinette, et lorsqu’elle épouse Napoléon, elle a déjà trente-trois ans et a vécu plus de la moitié de son existence. Elle est donc une femme ancrée dans le XVIIIe siècle, ce qui lui permettra plus tard de jouer un rôle important dans la fusion des deux sociétés, celle issue de l’Ancien Régime et celle générée par la Révolution. [...] elle passe ses seize premières années en Martinique où sa famille s’est installée au début du XVIIIe siècle. Elle arrive en France en 1779 pour épouser le vicomte Alexandre de Beauharnais [...] Si le mariage ne fut pas heureux et fut suivi d’une séparation dès 1785, le couple eut néanmoins deux enfants, Eugène en 1781 et Hortense en 1783. [...] Devenue l’une des égéries de la nouvelle société thermidorienne, [...] elle rencontre un jeune général corse du nom de Napoléon Bonaparte qui change aussitôt son prénom de Rose en féminisant celui de Joseph en Joséphine [...] Ce jeune général semble avoir de l’avenir ; de plus, il l’amuse, il est plus jeune qu’elle, ce qui la flatte, et il la croit très riche, ce qu’elle lui laisse penser. À ses yeux, ce n’est qu’un mariage de convenance, célébré civilement, un peu rapidement par un beau jour de mars 1796, dans lequel Joséphine trouve un protecteur et Napoléon une femme influente qui lui ouvre les portes de la société directoriale. Mais il s’avère que le mari tombe follement amoureux de son épouse, chose étrange pour une vicomtesse d’Ancien Régime, et qui lui paraît du dernier bourgeois ! [...] Elle ne saisit guère ce qui lui arrive et s’amuse des lettres enflammées que lui envoie son mari. Elle y répond de temps à autre, mélangeant le « tu » et le « vous », ce qui ne manque pas d’irriter notre amoureux qui lui répond rageusement « vous toi-même » ! [...]
Désormais totalement soumise et fidèle, elle fait l’apprentissage de ce nouveau statut de quasi « Première Dame » qu’elle assume à l’âge de trente-six ans après le coup d’État de brumaire, avec le titre peu gracieux de consulesse et sans imaginer un seul instant qu’elle deviendra un jour impératrice des Français !
Dès cette époque, Joséphine Bonaparte s’investit dans de multiples tâches. [...] c’est grâce à son action qu’une grande partie de la noblesse d’Ancien Régime va se rallier à Bonaparte. Devenue impératrice le 18 mai 1804, elle se glisse avec une aisance déconcertante dans ses nouveaux habits impériaux. [...] 
Joséphine voyage beaucoup, qu’il s’agisse des voyages officiels avec Napoléon ou de ses déplacements privés [...] Son statut de souveraine l’autorise à satisfaire son goût pour les arts, protégeant les peintres et les sculpteurs [...]
Le divorce a toujours été son épée de Damoclès ; on a vu qu’il en était déjà question dès 1798 lors de sa liaison avec le jeune Hippolyte Charles, puis peu à peu elle se rend compte qu’elle ne peut plus donner d’enfant à Napoléon. Elle tente de se défendre de cette stérilité qui la tourmente, déclarant à qui veut l’entendre qu’elle a déjà eu deux enfants de son premier mariage, ce qui n’est pas le cas avec Napoléon sur qui elle reporte la faute. C’est seulement après avoir acquis la certitude qu’il peut engendrer, suite à sa liaison avec Marie Walewska, que l’Empereur se décide enfin à se séparer de Joséphine.
[...] Cette séparation par consentement mutuel reste unique dans l’histoire de notre pays. [...] Napoléon fait cette déclaration stupéfiante pour un divorce : « Elle a embelli quinze ans de ma vie. »
L’Empereur ne l’oublie pas : non seulement elle conserve son titre d’Impératrice, mais il lui donne le domaine de Malmaison, ainsi que celui de Navarre, près d’Évreux ; le palais de l’Élysée lui est affecté comme résidence parisienne ; elle reçoit en outre une pension annuelle de trois millions qui est censée lui procurer une aisance confortable. [...]
Respectée de tous, elle garde sa position d’impératrice et d’amie des rois. Elle fut le grand amour de Napoléon qui rappelait à Sainte-Hélène que « c’était une vraie femme » en ajoutant que « Joséphine était la grâce personnifiée ».
Bernard Chevallier

Les mœurs sous l’Empire
« En matière de mœurs, l’Empire hérite de la Révolution, tout en cherchant à imposer ses propres règles, ce qui passe notamment par l’adoption du Code civil, puis du Code pénal.[...]
La révolution sexuelle
Avec la Révolution, le phénomène de contrôle des naissances, déjà observé dans les milieux de la bourgeoisie à partir du milieu du XVIIIe siècle se répand dans toutes les classes de la société. Le recours au coït interrompu, voire au condom, a pour conséquence une baisse de la natalité. [...]
La suppression du droit d’aînesse, effective au début de la Révolution et confirmée par le Code civil a renforcé ce recours au contrôle des naissances. Le retour en force de l’Église après 1802 ne conduira pas à un retour en arrière, au point du reste que le clergé sera obligé d’assouplir sa doctrine en matière de morale sexuelle.
L’Empire hérite de la Révolution une législation très libérale en matière de mœurs. En réaction aux peines très strictes imposées sous l’Ancien Régime aux auteurs de crimes considérés comme « contrenature », la peine de mort notamment, les révolutionnaires ont renoncé à pénaliser tout ce qui relevait de la sexualité. Ainsi la prostitution, la sodomie, l’inceste ou encore la bestialité ne sont plus passibles des tribunaux. Seule l’atteinte aux bonnes moeurs, qui suppose que l’acte a été commis en public, permet de punir un contrevenant à une peine maximum de douze mois de prison. La Révolution instaure également le divorce, dès septembre 1792, en le rendant très facile à obtenir. Ainsi les conditions sont remplies pour une libération des moeurs particulièrement perceptible dans les classes aisées de la société au lendemain de la Terreur, quand les sorties de prison s’accompagnent d’une libération des corps qu’attestent des vêtements très aérées et une liberté sexuelle assumée. [...]
Un nouvel ordre social L’année 1804 marque un tournant dans l’histoire napoléonienne. Elle voit en effet la proclamation de l’Empire, le 18 mai 1804, mais aussi le sacre le 2 décembre. C’est aussi en 1804 qu’est promulgué le Code civil qui place la famille au coeur de la société et fait de la femme une mineure, passant de la tutelle de son père à celle de son mari. Le tableau du sacre de David en offre une première illustration. C’est un couple qui prend en charge les destinées du nouvel empire, mais l’empereur est en position dominante face à sa femme.
Le Code civil vient refermer un temps de liberté en matière de moeurs. Il fait de la famille légitime le socle de la société, ne donne aucun droit aux enfants adultérins et rend les conditions du divorce très difficiles.
On ne divorce plus que très rarement, essentiellement pour adultère. Un nouvel ordre moral tend à s’imposer. Napoléon s’en fait le chantre. Il entend lui-même contrôler les mariages, sinon la sexualité, de ses frères et soeurs. [...]
Ainsi s’estompe progressivement la relative liberté sexuelle qui avait prévalu à la fin du XVIIIe siècle.
Symbole de ce retour à un ordre familial, le mariage de Napoléon avec Marie-Louise d’Autriche en 1810, suivie de la naissance du roi de Rome en mars 1811. Dès lors, le pouvoir tente d’imposer l’image d’une famille unie, d’une sorte de sainte famille qui assurerait le salut de l’État. [...]
À la recherche du plaisir 
Mais l’image affichée ne rend pas toujours compte de la réalité. Les relations extraconjugales demeurent fréquentes, notamment dans les classes élevées de la société. Napoléon en donne l’exemple, lui qui multiplie les maîtresses, amantes d’un soir ou relations beaucoup plus durables comme celle qu’il entretient avec Marie Walewska à partir de 1807 et avec laquelle il aura un fils. [...]
La découverte du plaisir passe aussi par la lecture de romans libertins, sinon érotiques, qui séduisent particulièrement un public féminin, souvent d’origine populaire. Rédigés le plus souvent par des femmes, à l’image de la comtesse Félicité de Choiseul-Meuse, ces romans s’attachent au récit des premières rencontres, comme dans Entre chiens et loups, tandis que Julie ou j’ai sauvé ma rose, l’un des plus lus à l’époque, raconte comment une femme peut avoir du plaisir sans perdre sa virginité. On lit sous le manteau les oeuvres de Sade, interdites par la censure. [...]
Mais si des espaces de liberté perdurent, la société tend de plus en plus à se corseter. En ce sens, l’Empire représente bien une période de transition entre un XVIIIe siècle libertin et l’ordre bourgeois qui s’impose au siècle suivant. »
Jacques-Olivier Boudon

Les arts décoratifs sous l’Empire
« Pénétrer dans la chambre de l’Empereur à Fontainebleau, celle de l’Impératrice à Compiègne ou dans la salle à manger de Malmaison, c’est entrer dans un univers d’une incroyable magnificence, qui au-delà de l’émotion suscitée par ces lieux chargés d’Histoire, témoigne d’un art de vivre. La multitude des couleurs attire le regard et bat en brèche le préjugé tenace de l’uniformité chromatique réduite au seul vert Empire. [...] Le grandiose y côtoie l’extrême simplicité, le majestueux apparat s’oppose à l’intime dans la recherche du confort. Les formes les plus modernes sont inspirées des modèles du passé antique [...] À la France sanglante de la Terreur succéda la France frivole du Directoire. Une soif de vie et de luxe remplaça l’austérité révolutionnaire pétrie de culture antique [...]
À son accession au pouvoir, le Premier consul souhaita mettre l’accent sur cette branche de l’économie française que représente l’industrie du luxe. Une politique de commande publique se mit en place dès 1802, en particulier pour les soyeux de Lyon. Celle-ci répondait à deux besoins : relever l’économie nationale en assurant du travail aux artisans et faire des palais consulaires puis impériaux une vitrine de l’excellence du savoir-faire national aux yeux des cours étrangères. Ce fut au demeurant le moyen de remettre au travail les anciennes manufactures royales (Gobelins, Beauvais, Savonnerie, Sèvres), à charge pour elles de réaliser le décor somptuaire du pouvoir. L’innovation est suscitée par la création des expositions des produits de l’industrie française à partir de 1798, dont la dernière sous l’Empire eut lieu en 1806.
Plusieurs personnalités s’imposèrent comme des protagonistes incontournables du nouveau goût. Le peintre Jacques Louis David (1748-1825), ancien député de la Convention, fut non seulement peintre officiel de l’Empereur mais aussi conseiller artistique dans de nombreuses réalisations allant du décor du cabinet de travail de l’Empereur aux Tuileries à l’uniforme des pages de l’Impératrice. Dominique Vivant Denon (1747-1825), personnalité aux talents multiples, dont l’opportunisme le fit rencontrer le général Bonaparte, tint d’autre part un rôle de tout premier plan dans la codification du goût. Après la campagne d’Égypte pendant laquelle il fut chargé de dessiner les monuments et paysages du pays, il fut nommé le 19 novembre 1802 par le Premier consul directeur général du Muséum central des arts (futur musée Napoléon et musée du Louvre), ainsi qu’administrateur des arts. Les architectes Percier et Fontaine, lauréats du grand prix de l’Académie royale d’architecture respectivement en 1786 et 1785, furent introduits par Joséphine auprès de Bonaparte à l’occasion des travaux d’aménagement de Malmaison entre 1799 et 1802. [...]
Les lieux du pouvoir
[...] La proclamation de l’Empire et l’établissement du règlement de l’étiquette des palais impériaux en 1805 rigidifièrent le protocole et hiérarchisèrent les décorations dans les appartements. [...] Décor et ameublement s’ornèrent des nouveaux symboles du pouvoir – abeilles, aigle, chiffre de l’Empereur, couronne de laurier des vainqueurs – et participèrent à la propagande du nouveau régime sous l’œil intransigeant et omniprésent de l’Empereur.
Vers un style Empire
[...] L’Empereur dormait volontiers dans son lit de campagne dressé dans son appartement intérieur à Fontainebleau. [...] Le motif du cygne au cou flexible adoucit la rigueur extrême des structures orthogonales et devient un symbole féminin. Les figures guerrières répondent aux Vénus au sommet des pendules. Les attributs guerriers complètent l’abondance florale des soieries. L’acajou, recherché pour son essence sombre et austère, est rehaussé de bronzes dorés faisant jouer la lumière grâce au remarquable travail de ciselure. [...] »
Isabelle Tamisier-Vétois

Gloire et misères, le quotidien des soldats de Napoléon
« [...] Premier conflit de masse, les guerres napoléoniennes ont mobilisé des centaines de milliers de jeunes hommes qui furent jetés sur les routes de l’Europe. Si certains voulaient en découdre pour obtenir avancement, gloire et honneurs, pour beaucoup, la réalité de la vie quotidienne à la Grande Armée était faite d’obéissance, de résignations et de souffrances.
Armés, équipés, formés sommairement aux techniques militaires, les conscrits, désormais soldats, se devaient de s’adapter à un quotidien rythmé par les marches et les bivouacs plus que par le combat.
[...] La guerre napoléonienne, basée sur la mobilité et la rapidité de mouvement, imposait aux soldats des marches forcées difficiles à soutenir. Nantis d’un paquetage de vingt-cinq à trente kilogrammes, les « conscrits ployaient sous le poids d’un sac, d’un fusil, d’une giberne ; ajoutez à cela cinquante cartouches, le pain, la viande, une marmite, ou bien une hache, et vous aurez une idée de la tournure de ces pauvres diables », rapporte Elzéar Blaze incorporé en 1807 (Souvenir d’un officier de la Grande Armée, Arthème-Fayard, 1906, p. 3[aj1] 1). [...]
Les godillots du troupier n’existaient qu’en trois tailles et étaient généralement confectionnés dans un mauvais cuir, lequel se déchirait parfois après quelques jours de marche. De fait, nombre de soldats finirent les campagnes avec des sabots ou pieds nus. [...]
En dépit de cet équipement inconfortable, qui ne fut modifié que début 1812, et les intempéries qui rendirent les efforts pénibles, les soldats marchèrent. Que ce soit sous la pluie entre Ulm et Vienne en 1805, dans la boue de Pologne en 1806-1807, sous le soleil de l’Andalousie en 1808, ou encore la poussière, puis les neiges de Russie en 1812, toujours, ils marchèrent. Entre 1799 et 1815, comme Coignet, Blaze ou Barrès, ils firent à pied ou à cheval plusieurs dizaines de milliers de kilomètres à travers l’Europe. [...]
La longueur des étapes pouvait entraîner chez les jeunes soldats des fractures de fatigue d’un ou plusieurs métatarses (os courts du pied), qui prit plus tard le nom de « fracture du conscrit ». Outre l’épuisement, certains profitaient des étapes pour fausser compagnie au régiment, de manière permanente ou temporaire. En pays ennemi, sitôt la campagne initiée commencée, les routes s’emplissaient de maraudeurs en quête de subsistances ou de rapines. En Russie, au lendemain du passage du Niémen, la Grande Armée perdit des milliers de soldats en quelques jours. Certains finirent dans les hôpitaux, d’autres firent le choix de quitter les rangs volontairement. [...]
Les conditions climatiques difficiles transformèrent parfois les nuits de bivouac en calvaire. Il plut tellement la veille de la bataille de Dresde ou de Waterloo, qu’allumer un feu fut presque impossible.
Les uniformes en drap de laine étaient de véritables éponges impossibles à sécher, et, en 1813 ou 1815, ceux qui ne tombèrent pas sous le coup des balles adverses furent probablement terrassés par de sévères pneumonies ! Les difficiles conditions hivernales extrêmes de la retraite de Russie ne furent cependant toutefois jamais égalées. Nombre de soldats qui s’arrêtèrent le soir autour des feux de bivouacs près de Smolensk ou Vilnius ne se relevèrent pas le matin. D’autant qu’après des semaines de marches sans pouvoir se laver, les hommes abritaient puces et poux, à l’origine de fièvres typhoïdes, lesquelles causèrent des ravages dans les rangs. [...]
La bataille, pour meurtrière et effrayante qu’elle fût, tua cependant infiniment moins de soldats que les maladies ou les conditions du quotidien. Au soir de l’épopée, parmi les hommes qui retrouvèrent la vie civile, beaucoup un grand nombre étaient marqués à jamais par cette expérience incomparable qu’est la vie en campagne. [...] »
François Houdecek

Entretien Napoléon et l’esclavage
[...]
« Arthur Chevallier : Napoléon abolit la traite pendant les Cent-Jours, pour quelles raisons ?
Pierre Branda : En 1815, Napoléon interdit en effet par décret toute vente ou achat d’esclave. En cela, il suit la position anglaise pour montrer son ouverture sur un certain nombre de sujets et peut-être éviter la guerre. Las, au retour de Louis XVIII, son décret sera annulé. Outre cette circonstance, le vaincu de Waterloo regrette amèrement son attitude en 1802. À son médecin irlandais, à Sainte-Hélène, il dit notamment, s’exonérant au passage un peu facilement de ses responsabilités : « L’une des plus grandes folies que j’ai faites, et que je me reproche, […] a été d’envoyer une armée à Saint-Domingue. J’aurais dû prévoir qu’il était impossible de réussir dans le projet que j’avais conçu. J’ai commis une faute, et je suis coupable d’imprévoyance, de ne pas avoir reconnu l’indépendance de Saint-Domingue et le gouvernement des hommes de couleur, de n’avoir pas envoyé des officiers français pour les secourir avant la paix d’Amiens. Si je m’y fusse pris de cette manière, je vous aurais fait un tort incalculable. Je vous enlevais la Jamaïque, et toutes vos autres colonies se trouvaient compromises. L’indépendance de Saint-Domingue reconnue, je n’aurais pas eu à envoyer une armée pour combattre les Noirs. Mais, lorsque la paix fut signée, les anciens colons, les marchands et les spéculateurs m’accablèrent de demandes de toute espèce. La nation elle-même désirait vivement recouvrer cette riche colonie, et je crus devoir céder à des voeux aussi ardemment exprimés » (Barry O’Meara, Napoléon en exil, t. II, p. 129). Connaissant très mal la réalité antillaise, Napoléon commit en 1802 une erreur tragique qu’il ne put hélas réparer. [...] »


QUELQUES NOTICES D'OEUVRES

Antoine-Jean Gros
Napoléon Bonaparte en Premier consul
huile sur toile
H. 205 cm ; l. 127 cm
musée national de la Légion d’honneur, Paris
« Ce tableau est très probablement le premier portrait officiel du Premier consul par Gros. Il fut offert à Cambacérès, second consul, qui, à la différence de Bonaparte et Lebrun, avait fait le choix de ne pas loger aux Tuileries. Il fut installé dans la salle à manger de son hôtel d’Elbeuf le 4 fructidor an X (22 août 1802).
N’ayant que peu revu Bonaparte depuis la première campagne d’Italie, Gros donne au visage de son Premier consul la jeunesse de son Portrait du général Bonaparte au pont d’Arcole. Il porte l’habit quotidien des consuls de la République en velours rouge brodé d’or complété de l’épée consulaire sertie du célèbre Régent.
Sa main droite pointe un ensemble de documents rappelant les grandes heures du Consulat, tant militaires (différents traités de Cherasco à Amiens, victoire de Marengo, passage du col du Grand-Saint-Bernard), que politiques (coup d’État du 18 brumaire, Concordat, comices de Lyon).
Ce portrait manifeste la toute-puissance et l’énergie du Premier consul qui entend, ainsi qu’il le déclare le 18 floréal an X (8 mai 1802), jeter « sur le sol de France quelques masses de granit » afin de reconstruire la Nation (institution de la Banque de France, des lycées, de la Légion d’honneur, du Code civil, etc.). Il s’inscrit dans l’iconographie officielle destinée à asseoir la légitimité de Bonaparte non plus comme militaire mais comme chef d’État.
Au moins quatre autres exemplaires de ce tableau furent commandés à l’artiste. Selon une lettre de Vivant Denon au ministère de l’Intérieur, datée du 28 ventôse an XI (19 mars 1803), trois furent exécutés pour les villes de Lyon, Rouen et le tribunal d’appel de Paris, tous non localisés à ce jour. Un quatrième, daté 1803, ancienne propriété du duc de Mouchy et provenant très certainement du général Moreau, est aujourd’hui en collection privée. Une version réduite, qui faisait partie des collections de Vivant Denon, et un dessin préparatoire, tous deux datés de 1802, sont également conservés en mains privées. »
Tom Dutheil

Martin-Guillaume Biennais (1764-1843)
Collier de la Légion d’honneur du maréchal Louis-Alexandre
Berthier (1753-1815), prince de Neuchâtel et de Wagram
après juin 1806
poinçons d’orfèvre et d’essai. Inscription au dos du fermoir « Biennais orfèvre de sa Majesté Impériale et Royale et de sa Majesté le roi de Hollande à Paris »
or et émail
longueur : 114,5 cm ; diamètre de la croix : 8,1 cm
Paris, musée national de la Légion d’honneur, don du prince de la Tour d’Auvergne Lauraguais, 1986
« Instituée le 29 floréal an X (19 mai 1802), la Légion d’honneur n’est dotée d’un insigne que par le décret du 22 messidor an XII (11 juillet 1804) complété par celui du 10 pluviôse an XIII (30 janvier 1805) qui fixe la composition de la grande décoration. Par une lettre du 5 prairial an XII (2 mai 1804), quelques jours seulement après la proclamation de l’Empire, Vivant Denon suggère également à Napoléon la création d’un collier « qui pourrait servir soit pour la décoration des grands officiers de l’ordre, les jours de cérémonie, soit pour mettre autour de son cachet et décorer les armes de sa majesté » (Archives de la Monnaie de Paris), constitué d’une alternance d’enseignes romaines et de trophées évoquant les disciplines d’excellence de la Nation.
Pour son sacre, l’Empereur arbora un collier formé de « 16 grands aigles les ailles ouvertes » (Mémoire de fournitures faites pour la cérémonie du sacre, Biennais, Archives nationales). Il en adopta cependant dès 1805 un autre type à l’iconographie beaucoup plus ambitieuse, probablement sur les conseils de Denon. Ce collier se compose de seize médaillons illustrant les activités civiles et militaires récompensées par la Légion d’honneur et de seize aigles symbolisant les cohortes, unités territoriales administratives de l’institution à sa création. Échu à Joseph lors du partage des effets impériaux en 1836, ce collier fut offert aux Invalides en 1843. [...] »
Tom Dutheil

Jacques-Louis David
Bonaparte, Premier consul, franchissant le Grand-Saint-Bernard, le 20 mai 1800
1802
huile sur toile
H. 267 cm ; l. 223 cm
Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon
« Il n’y a pas d’image plus emblématique de Napoléon chef de guerre que ce célèbre portrait de David, commandé au retour de la seconde campagne d’Italie. Le modèle aurait demandé à l’artiste de le représenter « calme sur un cheval fougueux », très loin de la réalité triviale de cette traversée des Alpes enneigées qui se fit à dos de mulet. D’une manière magistrale, David fixait l’image du héros des temps modernes, ouvrant une ère nouvelle pour la peinture d’histoire. Premier consul et chef de guerre, Bonaparte était en outre célébré comme l’héritier des grands héros du passé, tels ceux qui avaient franchi les Alpes avant lui, Hannibal et Charlemagne, dont les noms sont gravés dans le rocher à ses pieds, au côté du sien.
On méconnaît souvent que le premier exemplaire de cette oeuvre extrêmement fameuse fut commandé non par son modèle, mais par le roi d’Espagne Charles IV, par l’intermédiaire de son ambassadeur à Paris, avant même la paix signée entre son pays et la France, le 1er octobre 1800, et exécuté à la fin de cette année. Le souverain espagnol le destinait au salon des grands capitaines du Palais royal de Madrid, où il devait côtoyer d’autres grands portraits équestres de Titien, Rubens ou Velázquez.
Emporté par le nouveau roi d’Espagne, Joseph Bonaparte, lors de son départ précipité en 1813, puis passé à sa descendance, il fut légué au musée de Malmaison. Les répliques commandées par le Premier consul, dispersées au hasard de l’histoire, sont conservées l’une au château de Charlottenburg à Berlin (provenant de Saint-Cloud, remise à Blücher en 1815), une autre au Kunsthistorisches Museum de Vienne (provenant du palais de la République cisalpine de Milan, emportée par les Autrichiens en 1834), et deux encore sont à Versailles. Celle-ci, datée au revers de l’an XI, provient de la bibliothèque de l’hôtel des Invalides, à Paris, où elle fut placée en décembre 1802. Déposée en 1816 et mise en magasin au Louvre, elle fut envoyée à Versailles sous Louis-Philippe.  »
Frédéric Lacaille

François Gérard
Napoléon Ier, empereur des Français (1769-1821)
1808
huile sur toile
H. 223 cm ; l. 143 cm
Paris, musée du Louvre, département des Peintures ; en dépôt au musée national des châteaux de Versailles et de Trianon 
« En 1804, François Gérard fut choisi pour représenter l’Empereur dans le grand habillement du sacre.
Achevé au début de 1805, le portrait était destiné à Talleyrand, ministre des Relations extérieures, pour sa résidence parisienne. Mais dès le mois de décembre 1804, le ministère de l’Intérieur en commandait à l’artiste une série de répliques pour les membres de la famille impériale, les dignitaires du régime, les ambassades françaises et pour être offertes aux représentants des puissances étrangères. On en connaît aujourd’hui de nombreux exemplaires, dispersés à travers le monde. En outre, une très belle gravure de Boucher-Desnoyers (1808) contribua à la diffusion de cette effigie, qui reste l’image officielle de Napoléon traduisant le mieux la majesté impériale. En 1808, ce tableau-ci, second original, était commandé à l’artiste pour être tissé en tapisserie à la Manufacture impériale des Gobelins (tissage à New York, Metropolitan Museum of Art). Envoyé au palais de l’Élysée sous la présidence de Louis-Napoléon Bonaparte en 1849, il fut déposé par le Louvre à Versailles en 1894.
L’Empereur est revêtu du grand habillement du sacre, richement brodé d’or : tunique, souliers et gants de soie blanche, manteau de velours pourpre semé d’abeilles et doublé d’hermine. Il porte la couronne de laurier en or de l’orfèvre Biennais, et le grand collier de la Légion d’honneur (1er type, à aigles, en or). »

d’après François Gérard
L’impératrice Joséphine
1808
huile sur toile
H. 211 cm ; l. 131 cm
Rueil-Malmaison, musée national des châteaux de Malmaison et de Bois-Préau

« L’épée est celle réalisée pour lui comme Premier consul par le fourbisseur Boutet, l’orfèvre Odiot et le joaillier Nitot (château de Fontainebleau), et garnie des plus gros diamants de la Couronne, notamment le Régent (Louvre). Le sceptre, ainsi que le globe et la main de justice, posés sur le tabouret, fabriqués pour le sacre par Biennais, furent détruits sous la Restauration. Derrière l’Empereur, on aperçoit le trône des Tuileries (Louvre), exécuté par l’ébéniste Jacob-Desmalter sur les dessins des architectes Percier et Fontaine.
Début 1806, Napoléon demanda à Gérard de peindre un portrait d’apparat montrant l’Impératrice en habit du sacre pour faire pendant au portrait officiel de l’Empereur livré un an plus tôt. L’artiste ne put y travailler qu’à partir de 1807 et le portrait fut exposé au Salon de 1808, où il suscita d’élogieuses critiques : la pose était jugée naturelle, Joséphine respirait la grâce, la tête était ressemblante, les accessoires aussi soignés que les chairs. La peinture présentée ici est une copie en sens inverse qui diffère en plusieurs points de l’original, en particulier par le manque de caractère et d’élégance du visage, l’absence de bracelets et de la broderie d’or au centre de la robe.
Comme pour le portrait de l’Empereur en habit du sacre, Gérard s’attacha à décrire fidèlement le « Grand Costume » : la robe en soie blanche semée d’abeilles d’or, brodée d’or sur les coutures et la bordure, frangée d’or par le bas ; attaché à la taille et l’épaule, le lourd manteau de velours pourpre semé d’abeilles et bordé d’hermine est enrichi d’une broderie où s’entrelacent des branches de laurier, d’olivier et de chêne qui entourent la lettre N. Sa longueur – près de vingt-trois mètres – et son poids avaient nécessité l’aide des belles-soeurs de l’Impératrice pour le soutenir. La couronne dont le joaillier Marguerite avait reçu commande est posée sur un coussin bleu. Joséphine ne porte ni l’anneau d’impératrice ni la parure ni le corsage du sacre ; le trône sur lequel elle est assise suit un modèle donné par les mêmes auteurs que pour celui de l’Empereur mais pour le palais de Saint-Cloud. Comme le note Xavier Salmon (cat. exp. Gérard, Fontainebleau, 2014), ces petites entorses à la réalité n’empêchèrent pas de faire du portrait l’image officielle de l’Impératrice, reproduite en de multiples exemplaires tant en peinture (comme c’est le cas ici) qu’en tapisserie des Gobelins (conservée à Malmaison). »
Rémi Cariel et Frédéric Lacaille

Nicolas-Noël Boutet, Jean-Baptiste Claude Odiot, Marie-Étienne Nitot et François-Régnault Nitot
Épée du Premier consul puis de l’Empereur, dite épée « du Sacre »
1801 et 1812
acier, acier bleui, or, jaspe sanguin et cristal de roche H. 96 cm
musée national du château de Fontainebleau, musée Napoléon 1er
« Chef d’État en vertu de la Constitution de l’an VIII (1799), le Premier consul Bonaparte devait afficher son pouvoir pacificateur et réconciliateur. Un objet, commandé par un arrêté du 18 vendémiaire de l’an X (10 octobre 1801), symbolisa son oeuvre de reconstruction : « le ministre de l’Intérieur fera faire pour le Premier Consul de la République un sabre sur la poignée duquel sera placé le diamant Le Régent avec l’assortiment de diamants qui sera jugé nécessaire […] pris parmi ceux qui existent au Trésor public ».
Le Directoire avait mis en gage auprès du banquier Vanlenberghem à Amsterdam en 1799 les joyaux de l’État, dont Le Régent serti sur la couronne que porta Louis XVI lors de son sacre le 11 juin 1775. Le Consulat acquitta ces emprunts et récupéra ces diamants hérités de la Couronne.
Sur une élégante épée de cérémonie (au lieu du sabre initialement envisagé) de style Louis XVI, le joaillier Nitot sertit quelque quarante-deux pierres pesant au total 254 carats, Le Régent étant estimé à lui seul six millions de francs. L’orfèvre Odiot cisela sur les côtés de la fusée le caducée du Commerce, le miroir de la Prudence et le laurier de la Victoire, sur la branche de garde des palmettes, des feuilles de chêne et une tête de dauphin. Le chef de l’État s’affichait comme le maître de la France dans la lignée des monarques de l’Ancien Régime. Par la confiance retrouvée, il assurait le redémarrage de l’industrie du luxe à Paris.
Le Premier consul Bonaparte arbora pour la première fois cette épée lors de la promulgation officielle du Concordat le jour de Pâques à Notre-Dame de Paris le 18 avril 1802. L’empereur Napoléon Ier la porta à son côté en ce même lieu le 2 décembre 1804 lors de son sacre et couronnement. En 1812, les diamants furent démontés pour être remployés sur une nouvelle arme, et remplacés par des éléments en cristal de roche taillé, soigneusement sertis par Nitot fils. »
Christophe Beyeler

Jean-Ernest-Auguste Getting
La «Victoire», berline du cortège du mariage de Napoléon et Marie-Louise
Paris
vers 1804
train : peint rouge et or, richement sculpté et doré;
frettes en bronze ciselé et doré ; soupentes en maroquin rouge piqué de soie blanche. 
Caisse : à fond d’or, aux grandes armes impériales, décor de bouquets et de guirlandes de fleurs ; galerie d’impériale en bronze ciselé et doré. 
Intérieur : garniture en velours de soie blanche boutonnée, passementerie bleu céleste et or.
H. 2,68 m ; Long. 5,30 m ; Larg. 2,10 m
Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon
« Dès la proclamation de l’Empire, Napoléon souhaita renouer avec le prestige des écuries de l’Ancien Régime : la place du cheval dans la représentation du pouvoir était essentielle, et la cavalerie impériale se devait d’être la meilleure en Europe. Le 2 avril 1810, le cortège du mariage avec Marie-Louise fut sans conteste l’un des plus éblouissants de l’histoire. Franchissant la barrière de l’Étoile, passant sous la voûte de l’Arc de Triomphe encore inachevé, quarante berlines du plus grand luxe et deux-cent-quarante-quatre chevaux descendirent les Champs-Élysées jusqu’au jardin des Tuileries, sous les vivats d’une foule en liesse. Du jamais vu : en pareille circonstance les Bourbons n’utilisaient qu’une trentaine de voiture. Le faste de ce cortège surpassa également celui du couronnement, en 1804, qui avait pourtant coûté trois millions de francs, dont 380 000 en voitures et équipages (le mariage en coûtera 3 488 621 dont 556 983 en voitures et équipages).
Le grand écuyer, le marquis de Caulaincourt, étant en mission en Russie en qualité d’ambassadeur de France, c’est à Nansouty, premier écuyer, qu’échut la responsabilité d’organiser ce grand cortège. Et ce fut un défi considérable : en 1804, l’Empereur, toujours pressé, n’avait laissé que trois mois à Caulaincourt pour préparer le cortège du sacre ; pour celui du mariage, qu’il souhaite plus fastueux encore, Nansouty n’en aura qu’un seul. « Il ne faut pas perdre une minute, tout doit être prêt avant un mois », confirme l’architecte Fontaine dans son journal, à la date du 3 mars. Il lui faut réunir au plus vite ces quarante voitures de gala mais, le 8 mars 1810, l’inventaire qu’il dresse du parc de voitures impériales n’en signale que six disponibles, dont La Victoire, les autres n’étant plus en état ou trop modestes pour une telle cérémonie. Avec une remarquable réactivité, il lança la fabrication des trente-quatre nouvelles berlines auprès de quatorze carrossiers parisiens. Les voitures furent livrées et enregistrées par le contrôleur de la sellerie le 31 mars, soit l’avant-veille de la cérémonie.
Le château de Versailles conserve six des voitures du cortège du mariage de 1810. Elles sont d’un même type, à sept glaces, fond d’or, panneaux de caisse et de frise décorés des armes impériales, de gracieux bouquets et guirlandes de fleurs à la mode italienne et pourvues, selon leur rang, d’un décor sculpté en bois et bronze doré. Elles portent, depuis 1831, leurs noms inscrits à l’avant des caisse : L’Améthyste, La Cornaline, La Brillante, La Turquoise, La Victoire, La Topaze. Après la tourmente révolutionnaire, ces berlines témoignent de la renaissance de la carrosserie française de luxe au début du XIXe siècle.  »
Hélène Delalex

Thomire-Duterme et Cie
Berceau du roi de Rome
1811
racine d’orme, bronze doré, garniture textile (restituée)
H. 209 cm ; La. 70 cm ; Pr. 136 cm
musée national du château de Fontainebleau, musée Napoléon 1er
« À l’instigation du préfet de la Seine Frochot, la Ville de Paris offrit pour la naissance du roi de Rome le 20 mars 1811 un berceau d’apparat, dessiné par le peintre Prud’hon et exécuté par l’orfèvre Odiot, assisté du bronzier Thomire et du sculpteur Roguier. Ce somptueux berceau, en argent doré et or jouant avec le burgau, développait un programme politique mobilisant des références antiques, en accord avec le titre de « roi de Rome » donné à l’héritier de l’Empire. De ce modèle orfévré (aujourd’hui à la Schatzkammer de Vienne) fut démarqué un berceau en bois indigène, livré fin 1811 par « Thomire, Duterme et Cie », pour le service des palais impériaux.
Le changement de matière exigeait des adaptations. Le piètement en vermeil du premier berceau se composait de cornes d’abondance entrecroisées qu’accompagnaient à l’avant le génie de la Justice tenant sa balance et à l’arrière celui de la Force, armé de la massue d’Hercule. Sur le second berceau réinterprété en loupe d’orme, des pieds en X vinrent soutenir la nacelle, qui reçut des figures d’applique en bronze doré reprenant les sujets de la Justice à l’avant et de la Force à l’arrière, chacun de ces deux génies s’inscrivant entre deux cornes d’abondance symétriques.
Thomire put en revanche remployer tels quels les moules des bas-reliefs, qui renvoient à Paris et Rome, respectivement première et seconde capitale de l’Empire. Sur le flanc gauche, la Seine, adossée à une urne fluviale, gracile et ceinte d’une couronne de roseau, reçoit dans ses bras l’enfant présenté par Mercure. Sur le côté droit, le Tibre, appuyé sur une urne, barbu et musculeux, tient un timon sur un fond montagneux évoquant les Apennins. Les armes modernes des deux villes impériales, en légère saillie, arborent au chef trois abeilles d’or. »
Christophe Beyeler

Poupard, Paris
Chapeau de l’empereur Napoléon Ier, dit de la campagne de Russie
Paris
1804-1815
feutre de castor noir, soie noire
H. 23,5 cm ; l. 48,8 cm ; Pr. 20 cm
Paris, musée de l’Armée
Lejeune (?), tailleur à Paris
Redingote grise de l’Empereur (détail)
1804-1815
drap de laine, soie (doublure intérieure)
Fontainebleau, musée national du château de Fontainebleau,
musée Napoléon Ier
© RMN-Grand Palais (Château de Fontainebleau) / image RMN-GP

« L’Empereur sut imposer la silhouette de l’homme à la redingote sillonnant l’Europe de part en part et par tous les temps, du col de Somosierra figé par la neige et franchi le 30 novembre 1808 aux interminables steppes russes parcourues durant le torride été 1812. Sa redingote grise, en fait une capote à même de résister aux intempéries et confortablement doublée de soie, présentait de larges emmanchures permettant de l’enfiler sur son uniforme sans devoir enlever les épaulettes, simplement rabattues.
Napoléon portait également, au moins depuis 1802, un chapeau de feutre de castor noir, sans bordure ni galon, doté d’une ganse de soie noire maintenant une cocarde tricolore. Poupard, chapelier à Paris, à l’enseigne du « Temple du goût », livrait quatre chapeaux par an. Napoléon les portait non « en colonne », mais « en bataille » – soit les ailes parallèles aux épaules. Dans ses Mémoires, Fain, premier secrétaire du cabinet de l’Empereur, témoigne : « Son chapeau était toujours le même : petit […], remarquablement simple et d’une forme brisée qui ressemblait à celle d’un chapeau fatigué ; c’était la seule partie de son habillement qui se distinguât par une légère pointe d’originalité. » La simplicité de son chapeau tranchait avec les couvre-chefs chamarrés ou à plumet de son état-major. Maître en communication politique, Napoléon jouait habilement de ce contraste : affecter la simplicité le mettait en valeur. »
Christophe Beyeler

Vincenzo Vela
Les derniers moments de Napoléon Ier à Sainte-Hélène
1866
l’Empereur est assis dans un fauteuil, la tête soutenue sur un coussin.
marbre
H. 144 cm ; l. 97 cm ; Pr. 132,5 cm
Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon

« Napoléon vit ses derniers instants. L’Empereur déchu est soutenu par un grand coussin, la chemise entrouverte, les jambes enveloppées dans une couverture, les traits tirés par la maladie. Il regarde encore droit devant lui, mais ses yeux, hagards, sont déjà ceux d’un mourant. Son poing se crispe avec peine pour retenir une carte de l’Europe – de cette Europe conquise par ses armées et désormais définitivement perdue.
Cette scène dramatique est censée se dérouler dans l’île de Sainte-Hélène, au milieu de l’océan Atlantique et au large des côtes africaines, où l’Empereur fut relégué après la défaite de Waterloo en 1815 et où il mourut le 5 mai 1821.
La statue de Vela, un des principaux représentants italiens du courant naturaliste et vériste, fut présentée à l’Exposition universelle de 1867 à Paris, où elle rencontra un accueil plutôt favorable de la part du public et reçut un prix.
[...] Napoléon III, qui fit l’acquisition de l’oeuvre de Vela, en possédait une photographie dans son appartement du palais des Tuileries. Le fondeur Ferdinand Barbedienne en édita des réductions en bronze,
de quatre grandeurs différentes.
À Versailles, la statue fut disposée dans la salle du Sacre avant de gagner, en 1970, l’extrémité de l’attique de l’aile du Midi. »
Alexandre Maral

PERIOD ROOM

Period room : L’égyptomanie
Ecole française
Le général Bonaparte sur un dromadaire
2e moitié du XIXe
bronze patiné doré
37 x 27 x 12 cm
Paris, fondation Napoléon

« Le goût pour l’Égypte ancienne n’est pas né spontanément après l’expédition de Bonaparte. Déjà en France, dès la fin du règne de Louis XVI apparaissaient de nombreux thèmes égyptiens que la reine Marie-Antoinette imposera dans le décor de ses appartements tant à Versailles qu’à Fontainebleau ou à Saint-Cloud ; les sources d’inspiration ne manquaient pas aussi bien à Rome où existaient quantité d’obélisques, de sphinx et autres Antinoüs que dans les gravures à thèmes égyptiens publiées par Piranèse dès 1769. Il est évident que l’expédition d’Égypte entraîna la recrudescence de cette mode, d’autant que Bonaparte avait souhaité être accompagné de savants et d’amateurs dont le plus célèbre, Dominique Vivant Denon, publia dès 1802 son ouvrage fondamental du Voyage dans la Basse et la Haute Égypte pendant les campagnes du général Bonaparte, qui sera suivi par la publication officielle de la Description de l’Égypte dont les premiers volumes sortiront en 1809. Si l’on connaît de rares exemples d’égyptomanie en architecture comme la fontaine du Fellah rue de Sèvres ou le portique de l’hôtel de Beauharnais à Paris, le mobilier et les arts décoratifs offrent un grand nombre de modèles inspirés par l’Égypte des pharaons. Dès le Consulat, les ébénistes de la famille Jacob livrent des dizaines de fauteuils dont les accotoirs reposent sur des têtes de némès, la coiffure emblématique des pharaons, tandis que les bronziers fournissent feux, pendules ou candélabres. Mais c’est la Manufacture de Sèvres qui va s’emparer de l’Égypte avec succès et une plus grande rigueur archéologique : deux extraordinaires services de table absolument semblables sont livrés sous l’Empire, l’un offert en cadeau au tsar Alexandre Ier, et l’autre prévu pour l’impératrice Joséphine mais que Louis XVIII donnera à Wellington, le vainqueur de Napoléon ; outre les habituelles pièces de service, chacun comporte un étonnant surtout en biscuit de près de sept mètres de long reproduisant fidèlement le kiosque de Philae flanqué de quatre obélisques, les temples d’Edfou et de Dendérah qu’accompagnent les colosses de Memnon avec les colonnades et les allées de béliers et de sphinx du temple de Karnak ! L’engouement fut tel que la Manufacture édita sept cabarets égyptiens pour le café ou le thé, dont le plus fameux fut exécuté pour le mariage de l’Empereur avec Marie-Louise en 1810 et qu’il emporta dans son exil à Sainte-Hélène. Ce sont les planches de l’ouvrage de Denon qui servirent de modèles aux artistes de la Manufacture pour réaliser ces pièces. L’opéra s’empara également de l’Égypte dans les décors des Mystères d’Isis, version remaniée de La Flûte enchantée, tandis que les fabricants de papiers peints et les manufactures de tissus imprimés comme celle d’Oberkampf connurent un grand succès en utilisant ces thèmes.
La vogue de l’égyptomanie existait déjà à l’époque de la Rome antique et elle a traversé tous les siècles ; ce n’est donc pas la campagne de Bonaparte qui en a été la source. Napoléon a su occulter sa défaite militaire par la publication de ces ouvrages scientifiques qui ont pérennisé sa gloire et développé le goût en Occident pour l’Égypte ancienne, ce qui donnera plus tard naissance à l’égyptologie.  »
Bernard Chevallier

period room : La salle du trône
Jean-François Chalgrin (dessin) François-Honoré Jacob-Desmalter (réalisation)
Trône de l’Empereur Napoléon 1er Bonaparte
1804-1805
130 x 101 x p. 86 cm
Sénat de la République française

« Un trône n’est qu’une planche de bois garnie de velours » Napoléon (Boiste, Dictionnaire, 1819).
« Le 18 mai 1804, Napoléon est décrété empereur. Le 2 décembre, il est sacré. Ce tournant politique appelle la création de trônes.
Autant le bivouac militaire doit être fonctionnel et léger pour conquérir, autant le trône doit montrer à l’Europe la force d’un Empire appelé à durer. Dédié aux audiences officielles, c’est le théâtre des entrevues diplomatiques et des réceptions des plus hauts dignitaires. La richesse de la salle lui sert d’écrin, la profusion de symboles et le cérémonial rappellent l’autorité de l’Empereur et le respect qui l’entourent.
Dès 1804 sont donc commandés de somptueux trônes et fauteuils de représentations pour différents lieux du pouvoir : les Palais où l’empereur a élu domicile, mais aussi les assemblées où il se rend.
Le trône investit désormais le portrait officiel. Les architectes Percier et Fontaine dessinent en 1804 le mobilier et le décor des salles du trône des palais des Tuileries (coll. du Mobilier national, dépôt actuellement au Louvre) et de Saint-Cloud (coll. Fontainebleau), en 1807 de Fontainebleau. L’ébéniste Jacob-Desmalter en exécute les somptueux bois. Bernard Poyet, architecte du Corps législatif (notre Assemblée nationale) dessine celui de l’institution (coll. musée des Art décoratifs). Un trône est aussi livré au Sénat (présenté dans cette exposition). Le Mobilier national conserve encore celui réalisé en 1813 pour le Palais impérial de Monte Cavallo à Rome. Il arrive encore qu’avec l’empereur se déplace un fauteuil de représentation. Tous uniques, riches, ils déclinent l’antiquité, parfois avec sphinges, hercules, ou lions ailés. Aucun n’oublie le pouvoir d’un beau velours brodé par Picot, de passementeries de Gobert, de symboles impériaux, de riches textiles de Pernon pour les assises de tapisseries des Gobelins aux murs et tapis de la Savonnerie.
Pour un tapissier, le mot trône ne s’arrête pas au siège, il comprend aussi son environnement : le dais qui le surmonte, ses rideaux quand il en existe, l’estrade, les attributs et accessoires textile. Ainsi le trône prend-il place aux Tuileries sous un dais à panaches, supportant un immense rideau en velours cramoisi brodé d’abeilles d’or et doublé de satin violet, relevé par deux colonnes ou enseignes impériales.
Fauteuil et oreiller de pieds de l’empereur portent un velours bleu-violet.
Que placer dans une salle du trône ? Le grand maréchal du Palais répond : « Deux fauteuils pour le trône et pliants en velours cramoisi, galon d’or, tenture idem, rideaux idem, point de meubles meublants, comme consoles. »
Le temps enrichit les pièces… Aux Tuileries, en 1805, Jacob-Desmalter fournit en plus du trône 6 fauteuils, 6 chaises à chimères et autres motifs, 36 tabourets richement sculptés et dorés. En 1810, pour la nouvelle impératrice Marie-Louise, Picot brode le chiffre sur son trône et l’Empereur choisit à la manufacture de la Savonnerie un immense tapis, déployant aigles, couronne impériale, collier de Légion d’honneur, laurier, N, foudres, semis d’abeilles, la symbolique impériale complète en somme (coll. Mobilier national). En 1811, Thomire cisèle encore quatre immenses candélabres à girandoles et chimères en bronze doré. La reine Hortense garde le souvenir d’une salle où « Les N, les aigles étaient partout ».
Qui dit trône dit retour d’une étiquette : dans certaines cérémonies où l’Empereur et l’Impératrice occupent le trône, eux seuls sont assis. Les grands personnages, ensuite placés suivant leur rang, restent debout. Pour les cas embarrassants, le palais se reporte à ce qui s’est fait sous la monarchie.
Une étiquette semblable régit bientôt les salles du trône de ses frères et soeurs souverains. »
Hélène Cavalié

period room : Un ameublement de salon
Etienne Levasseur, Levasseur Jeune
Commode
1806
acajou, buis, bronze doré, marbre bleu, nacre, corail, écaille, lapis lazuli
100 x 132 x 56 cm
Paris, fondation Napoléon
« Pièce de réception majeure dans la distribution des appartements au début du XIXe siècle, le salon fait l’objet de toutes les attentions pour le choix de sa décoration et de son ameublement. Il doit refléter auprès des invités l’importance de son propriétaire. Essentiel dans l’hôtel particulier d’un dignitaire de la cour, il doit être majestueux et symboliser la puissance de la France dans un palais consulaire ou impérial.
Si l’Antiquité gréco-romaine, d’où sont tirés les canons d’une beauté idéale, offre un modèle où règnent simplicité, pureté des lignes et des ornements, l’ameublement n’en porte pas moins les signes d’un raffinement extrême. [...] L’acajou, essence rouge sombre et sévère, à la mode depuis les années 1785, répond à cette soif de sobriété. S’y détachent en de délicates incrustations d’ébène et d’étain palmettes et couronnes de laurier, dans une harmonie rouge et noire inspirée des vases grecs antiques. La tête de lion qui termine souvent l’accotoir des fauteuils est issue de la grammaire ornementale romaine [...]
Cette mode évolua rapidement. Les formes s’alourdirent en se rigidifiant dans un hiératisme imposant, les incrustations furent abandonnées au profit de bois doré dans les salons d’apparat ou du bois peint dans les salons moins protocolaires. L’étiquette de la cour imposa un ameublement majestueux. [...]
Sur ces meubles ainsi décorés sont disposés des vases de porcelaine, fabriqués par la Manufacture impériale de Sèvres ou par les manufactures parisiennes, dont celle de Dihl et Guerhard est une des plus réputées. Un grand nombre de commandes sont faites à Sèvres, dont l’Empereur appréciait particulièrement les productions, pour tous les palais impériaux. Au-delà de leur valeur décorative, ces pièces sont des outils de propagande politique, reproduisant des événements de l’épopée napoléonienne. Elles sont alors, tels des tableaux, disposées dans les galeries des palais. Lorsque ces oeuvres reproduisent le portrait de l’Empereur ou de l’Impératrice, elles sont réservées, selon les recommandations de l’Empereur, aux appartements de l’Impératrice. Joséphine, amatrice avertie de porcelaine, fit de multiples commandes pour ses résidences notamment à Dihl et Guerhard, où abondent les fleurs qu’elle appréciait tant. »
Isabelle Tamisier-Vétois

period room : La première chambre de Napoléon Ier à Fontainebleau
Lit complet de la première chambre de Napoléon Ier à Fontainebleau
hêtre tourné sculpté et peint
lit : 130x199x130 cm
Imperiale : 15x168x131 cm
musée national du château de Fontainebleau

« En juillet 1804, Napoléon décide de rétablir le château de Fontainebleau dans sa première splendeur pour en faire sa résidence d’automne. Le palais doit en outre accueillir le pape Pie VII qui va sacrer le nouveau souverain à Notre-Dame. Le séjour pontifical prend place du 25 au 28 novembre. L’Empereur et l’Impératrice s’installent dans les anciens appartements royaux, tandis que le pape est logé dans l’aile des Reines-Mères. Dans son Journal, Fontaine, l’architecte de l’Empereur, rappelle qu’il a été chargé de « prendre toutes les mesures possibles pour […] meubler [le château] en dix-neuf jours ». Alors que le Garde-Meuble impérial acquiert pour plus de 60 000 francs d’objets mobiliers auprès de Jacob-Desmalter, on se limite pour le reste à effectuer des prélèvements dans les résidences de Saint-Cloud et des Tuileries.
C’est de ce dernier palais que provient le lit, relativement simple, qui est remployé dans la chambre de Napoléon à Fontainebleau (actuelle petite chambre de l’Empereur), comme le prouve la marque consulaire des Tuileries qu’il porte. Une étiquette manuscrite sur son impériale révèle sa première origine : la maison de Fauvelet de Bourrienne, secrétaire « intime » du Premier consul, à Rueil-Malmaison.
Bourrienne a raconté dans ses Mémoires comment Bonaparte lui en a payé le mobilier, avant de le lui reprendre, « jusqu’aux mouchettes », après son renvoi en 1802. Tout laisse penser par ailleurs que le lit a précisément été extrait de l’appartement privé que Napoléon occupe aux Tuileries. Dans son Journal, Fontaine note en effet en février 1803 que « le Premier Consul ordonne que l’appartement de M. Bourrienne aux Tuileries soit réservé comme dépendance du sien et que la communication par le petit escalier en soit rétablie pour qu’il puisse y aller directement de son cabinet quand il le voudra ».
Constant, le valet de chambre de l’Empereur, indique de son côté dans ses Mémoires que « l’ancien appartement occupé par M. de Bourrienne, dont l’escalier donnait dans la chambre à coucher de Sa Majesté […], avait été arrangé et décoré fort simplement ». La parure textile du lit, en gourgouran gris perle, est restituée en 2016 à l’aide des descriptions d’inventaire.
On se souvient que Napoléon possède une exceptionnelle facilité à s’endormir qu’il évoque lui-même : « Quand je veux interrompre une affaire, je ferme son tiroir et j’ouvre celui d’une autre. Ces affaires ne se mêlent point, et jamais ne me gênent ni ne me fatiguent. Quand je veux dormir, je ferme tous mes tiroirs et me voilà livré au sommeil. »
En complément du lit de Fontainebleau est présentée une commode à figures égyptiennes livrée par le marchand Rocheux en 1810 pour la chambre à coucher des Petits Appartements de Napoléon à Fontainebleau rénovés en 1808.  »
Jean Vittet

period room : Le bivouac de Napoléon
Tente de l’Empereur Napoléon 1er composée de nombreux éléments en tissu et piquets
1808
6,67 × 3,28 × 4,39 m
Paris, Mobilier national
« Mon intention est que ma tente soit toujours contenue dans un seul fourgon. C’est en cela que consiste l’art du Garde Meuble. Dépensez le double s’il le faut, mais faites une chose commode, forte et légère » (Napoléon, Correspondance générale, 14 janvier 1812).
« Quand il ne dort pas dans un lieu réquisitionné, à la belle étoile, dans un baraquement sommaire, dans une roulotte ou dans la berline de sa campagne de Russie et de Waterloo, lorsqu’il peut poser son camp, et dès lors qu’il devient Premier consul, Napoléon utilise un mobilier de campagne spécialement commandé au Garde-Meuble. [...]
Ses campagnes deviennent alors un laboratoire pour perfectionner le campement militaire et son mobilier. Le bivouac doit être résistant aux manipulations et aux intempéries, rapide à monter, léger à transporter, pliable, démontable. Instrument du pouvoir, il doit aussi offrir le confort d’un bureau ou d’une table de négociations, sans sombrer dans un luxe qui entraverait la campagne du chef de guerre.
En 1808, l’empereur commande au tapissier Poussin un service de campagne, avec une grande tente (8 × 3,9 m), en coton rayée de bleu à l’extérieur, doublée d’indienne en coton à l’intérieur, les espaces de sommeil et de travail séparés par un rideau. [...]
[...] Dans cet intérieur prennent aussi place literie pliable, rideau de lit en soie verte à franges d’or, table, fauteuil et tabourets pliants, lanternes attachées à des bâtons, flambeau démontable, vases de toilette, petite argenterie de campagne.
La modernité fait route avec Napoléon à chaque campagne : son lit de fer pliant (ancêtre de notre lit parapluie) en est le premier exemple. C’est l’invention du serrurier Desouches qui en dépose le brevet d’invention en février 1804, et devient alors serrurier du Garde-Meuble de Sa Majesté l’Empereur et Roi.
Vitrine de l’innovation, objet fétiche de l’empereur, ce ou plus exactement ces lits de fer Desouches l’accompagneront jusqu’à son dernier sommeil à Sainte-Hélène. [...]
À partir d’avril 1809, le bivouac change totalement de forme : Poussin livre un ensemble de quatre tentes rondes, comme celles que Napoléon utilisa en Égypte, et qu’il trouve plus aisées à monter.
Servant respectivement de chambre, d’antichambre, de cabinet de travail et de salon, chacune est reliée par un couloir où mamelouk et valet de chambre se tiennent prêts à recevoir des instructions. [...]
Allégorie du pouvoir militaire toujours en campagne, la tente prend aussi possession des intérieurs des palais : en 1800, Napoléon tend la salle du conseil de Malmaison du coutil rayé bleu ; en 1806, le salon du pavillon de chasse de Compiègne prend l’allure d’une tente tout comme en 1812 la chambre de parade de Joséphine à Malmaison [...] »
Hélène Cavalié

PROPOS DE NAPOLEON

I. Brienne (1779-1784)
« Pour ma pensée, Brienne est ma patrie. C’est là que j’ai ressenti les premières impressions de l’homme, et, chose bizarre, c’est sous les mêmes ombrages où ma jeunesse trouvait un charme inexprimable à lire et méditer loin des jeux bruyants de mes camarades d’école. »
Napoléon (cité par Charles-Tristan de Montholon)
« J’étais en effet très changé, parce que j’employais à travailler les heures de récréation, et que souvent mes nuits se passaient à méditer sur les leçons de ma journée. Ma nature ne pouvait pas supporter l’idée de ne pas être tout d’abord le premier de ma classe. »
Napoléon (cité par Charles-Tristan de Montholon)
« Je suis plus Champenois que Corse, car, dès l’âge de neuf ans, j’ai été élevé à Brienne. »
Napoléon (cité par Gaspard Gourgaud)

II. Un soldat de la Révolution (1795 - 1799)
« La campagne d’Italie montre tout ce que le génie et les conceptions militaires peuvent enfanter de plus brillant et de plus positif. En mettant le pied en Italie, j’ai changé les moeurs, les sentiments, le langage de notre Révolution. »
Napoléon (cité par Emmanuel-Auguste-Dieudonné, comte de Las Cases)
« Les Anglais ont frémi de nous voir occuper l’Égypte. Nous montrions à l’Europe le vrai moyen de les couper de l’Inde. Une poignée de Français avait donc suffi pour conquérir ce beau pays, qu’ils n’eussent jamais dû perdre. »
Napoléon (cité par Emmanuel-Auguste-Dieudonné, comte de Las Cases)

III. La République de Napoléon (1799-1804)
« Au 18 brumaire, la nation était unanime dans son désir d’un changement. Il ne fallait qu’un faible effort pour arriver à ce qu’elle désirait. »
Napoléon (cité par Charles-Tristan de Montholon)
« Le fait est que la patrie sans nous était perdue, et que nous la sauvâmes [au 18 Brumaire]. [Le Consulat] cette époque si brillante, où une nation en dissolution se trouve énergiquement recomposée, en peu d’instants, dans ses lois, sa religion, sa morale, dans les vrais principes, les préjugés brillants et honnêtes ; le tout aux applaudissements et à l’admiration universelle de l’Europe. »
Napoléon (cité par Emmanuel-Auguste-Dieudonné, comte de Las Cases)

IV. L’Empereur : son sacre et le faste de sa cour
« Mon ambition était grande, je l’avoue ; mais elle reposait sur l’opinion des masses. J’ai toujours pensé que la souveraineté réside dans le peuple ; l’empire tel que je l’avais organisé n’était qu’une république Appelé au trône par la voix du peuple, ma maxime a toujours été ; Carrière ouverte aux talents, sans distinction de naissance ; et c’est pour ce système d’égalité que l’oligarchie européenne me déteste. »
Napoléon (cité par Charles-Tristan de Montholon)

V. L’Empereur, les impératrices, le roi de Rome
« Elles avaient un caractère diamétralement opposé. Jamais femmes ne se sont moins ressemblé. Joséphine était la grâce, la séduction irrésistible, le dévouement sans réserve. Marie-Louise, au contraire, économisait sur ce que je lui donnais, et j’étais obligé de la grogner pour lui faire dépenser conformément à son rang. »
Napoléon (cité par Charles-Tristan de Montholon)
« Lorsque je fus au-devant [de Marie-Louise], ce fut la première chose qui me frappa ; elle était fraiche comme une rose et sans coquetterie ; elle différait en cela de Joséphine qui en avait beaucoup. »
Napoléon (cité par Marchand)

VI. Le chef de guerre
« Le sort d’une bataille, disait l’Empereur, est le résultat d’un instant, d’une pensée. On s’approche avec des combinaisons diverses, on se mêle, on se bat un certain temps, le moment décisif se présente, une étincelle morale prononce, et la plus petite réserve accomplit. »
Napoléon (cité par Emmanuel-Auguste-Dieudonné, comte de Las Cases)
« Le succès à la guerre tient tellement au coup d’oeil et au moment que la bataille d’Austerlitz, gagnée si complètement, eût été perdue si j’eusse attaqué six heures plus tôt. »
Napoléon (cité par Emmanuel-Auguste-Dieudonné, comte de Las Cases)

VII. Napoléon et l’Europe (1805-1813)
« Une de mes plus grandes pensées avait été l’agglomération, la concentration des mêmes peuples géographiques qu’ont dissous, morcelés les révolutions et la politique. Ainsi, l’on compte en Europe, bien qu’épars, plus de trente millions de Français, quinze millions d’Espagnols, quinze millions d’Italiens, trente millions d’Allemands : j’eusse voulu faire de chacun de ces peuples un seul et même corps de nation. C’est avec un tel cortège qu’il eût été beau d’avancer dans la postérité et la bénédiction des siècles. Je me sentais digne de cette gloire ! »
Napoléon (cité par Emmanuel-Auguste-Dieudonné, comte de Las Cases)

VIII. Le déclin (1808-1814)
« Mais, il faut en convenir, que de fatalités se sont accumulées contre moi sur la fin de ma carrière ! Mon malheureux mariage, les perfidies qui en ont été la suite, ce chancre de l’Espagne, sur lequel il n’y avait pas à revenir, cette funeste guerre de Russie, qui m’est arrivée par malentendu, cette effroyable rigueur des éléments, qui a dévoré toute une armée…, et puis l’univers entier contre moi ! N’est-ce pas encore une merveille que j’aie pu y résister aussi longtemps, et que j’aie été plus d’une fois à l’instant de tout surmonter et de sortir de ce chaos plus puissant que jamais… »
Napoléon (cité par Emmanuel-Auguste-Dieudonné, comte de Las Cases)
« J’ai fait une faute en ne prenant point la dictature ; le peuple me l’offrait. »
Napoléon (cité par Charles-Tristan de Montholon)
« Benjamin Constant était l’homme le plus éminent des partisans du système constitutionnel. Je le chargeai de réformer la constitution de l’Empire. De ce jour je partageai de fait la direction des affaires avec des hommes qui, comme lui, avaient fait des idées libérales l’étude ou le rêve de leur vie. Je cessai d’être moi. »
Napoléon (cité par Charles-Tristan de Montholon)
« À Waterloo, je manquais d’un général pour mener toute ma cavalerie ; si j’avais eu Murat, j’aurais gagné la bataille. »
Napoléon (cité par Charles-Tristan de Montholon)


Du 28 mai au 24 décembre 2021
211, avenue Jean Jaurès. 75019 Paris
Tél. : 01 40 03 75 75
Tous les jours de 10 h à 19 h


Les citations sur l'exposition proviennent du dossier de presse. 

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