Le Mémorial de la Shoah (MDS) présente, à l’occasion du 75e anniversaire de la découverte des camps, l’exposition « La voix des témoins » dotée d'un mini-site Internet. Les témoignages de Primo Levi, Simone Veil, Élie Wiesel, Imre Kertész, Marceline Loridan-Ivens, Samuel Pisar et Aharon Appelfeld.
« Le 27 janvier 2020, la Journée de la mémoire des génocides et de la prévention des crimes contre l’humanité coïncidera avec le 75e anniversaire de l’entrée des soviétiques dans les camps. À cette occasion, le Mémorial de la Shoah a dédié l’année 2020 aux témoins et a présenté une grande exposition dédiée à la figure du survivant ».
« 75 ans après la fin de la Shoah, la figure du survivant, du témoin, est devenue plus que jamais un repère populaire et nécessaire. Les récits des témoins, prononcés de vive voix, écrits ou enregistrés, pendant ou après l’événement, composent aujourd’hui une immense source d’information chorale sur la Shoah, un fonds dépositaire de la mémoire de la Shoah qui leur survivra et dont l’étude incombera encore aux futures générations ».
« Avec cette exposition événement, le Mémorial de la Shoah propose de revenir sur la construction de la figure publique du témoin, en invitant notamment à découvrir, au sein d’espaces sonores dédiés, les voix et les paroles inestimables de Primo Levi, Simone Veil, Élie Wiesel, Imre Kertész, Marceline Loridan-Ivens, Samuel Pisar et Aharon Appelfeld ».
« L’exposition dévoile ainsi l’histoire du témoignage et de sa présence dans l’espace public à travers une frise composées de biographies, manuscrits originaux, archives sonores et filmiques, éclairée des commentaires de ses principaux historiens, intellectuels acteurs ou analystes ».
« Elle aborde également la manière créative dont la troisième génération après les survivants poursuit cette transmission avec détermination. »
« 75 ans après la Shoah, le Mémorial a voulu donner la parole aux rescapés plus que jamais engagés dans la transmission et le combat contre toute forme de haine et d’intolérance. Notre exposition et le cycle de conversations inédites entre des rescapés, des journalistes, et des artistes ponctueront cette année 2020. Ces paroles, ces engagements constituent un témoignage à préserver et à diffuser très largement. Ils nourrissent notre mission pédagogique et citoyenne contre l’antisémitisme et le racisme pour le présent et pour l’avenir », a écrit Jacques Fredj, directeur du Mémorial de la Shoah.
Le Commissariat scientifique de l’exposition est assuré par Léa Veinstein, écrivaine et philosophe.
3 QUESTIONS À LÉA VEINSTEIN
« Qu’appelle-t-on un « témoin » de la Shoah ?
Un témoin de la Shoah est quelqu’un qui a vécu le génocide perpétré contre les Juifs au cours de la Seconde Guerre mondiale, et qui a laissé une trace de cette expérience – qu’il ait survécu, ou non. Le terme même de « témoin » est apparu assez tardivement. A la fin de la guerre, ceux qui revenaient n’étaient pas nommés, on n’avait pas de nom pour eux. Puis, on a utilisé différents termes : les « déportés », les « rescapés », les « survivants ». Ce n’est que lorsqu’on a commencé à écouter véritablement leurs récits, dans les années 1960, que l’on a vu émerger le mot « témoins ». Le terme vient d’ailleurs du champ juridique : le témoin est celui qui vient attester, certifier. Il adresse cette expérience, ce récit, pour perpétuer la mémoire. Nous avons souhaité montrer dans cette exposition que la figure du « témoin de la Shoah », qui semble s’être imposée aujourd’hui dans le champ public et dans notre rapport collectif à la mémoire, résulte d’une construction historique. A travers des documents, des archives audiovisuelles, ou encore des manuscrits inédits, l’exposition retrace le parcours du témoignage, depuis la clandestinité la plus dangereuse des manuscrits qui furent enterrés à Birkenau en 1942, jusqu’à l’image du matricule de Simone Veil exposé aux pieds des marches du Panthéon en 2018. Elle délimite cinq grandes périodes, qui sont chacune présentées, commentées et mises en perspective par un(e) historien(ne).
Quelle est l’importance de la voix du témoin dans cette exposition ?
La voix est ce qui de chacun de nous survit au temps, et même à la mort : plus encore qu’une image, elle rend chacun intensément présent (si vous écoutez l’enregistrement de la voix de quelqu’un après sa disparition, vous en ferez l’expérience). C’est cette idée qui fut à l’origine de l’exposition et lui donne son titre : il s’agit de rendre hommage aux témoins, mais aussi de tenter de répondre à la question de leur disparition. Comment va-t-on transmettre l’histoire, perpétuer la mémoire, en l’absence de ceux qui ont vécu directement la Shoah? Les très nombreuses archives dont nous disposons constituent déjà une réponse : les témoins ont parlé, ont laissé des traces, leurs témoignages sont disponibles à notre écoute et le resteront. En outre, la voix n’est pas seulement physique, elle est aussi symbolique. Les témoins sont devenus des porte-voix, pourrait-on dire, s’engageant dans la mémoire comme dans un combat tantôt politique, tantôt moral, en tout cas toujours tourné vers la paix et la transmission. Dans cette exposition, nous proposons donc au visiteur d’écouter la voix des témoins : nous avons pour cela choisi d’entendre en particulier sept figures du témoignage qui ont marqué notre mémoire collective par leur oeuvre ou leur engagement : Primo Levi, Simone Veil, Marceline Loridan-Ivens, Elie Wiesel, Imre Kertesz, Aharon Appelfeld et Samuel Pisar. Nous leur avons dédié à chacun un espace d’écoute, où vous pourrez entendre ou réentendre leurs voix, sous la forme d’archives choisies qui constituent des autoportraits sonores. Enfin, dernier signe que la voix des témoins a porté et que la transmission est déjà en train de se faire : les troisième et même quatrième générations, aujourd’hui, se saisissent de l’histoire de la Shoah pour la raconter autrement, par toutes les formes qui sont aujourd’hui à leur disposition. Nous terminons le parcours par une installation vidéo qui présente six personnalités de cette génération : artistes, auteur(e)s, intellectuel(le)s. Les témoins ont « passé le témoin » – et l’hommage que nous souhaitons leur rendre est aussi un hommage intergénérationnel.
Quelle influence espérez-vous que cette exposition ait sur les visiteurs ?
Entendre la voix des témoins doit être une expérience forte : forte parce qu’elle retrace des présences, des parcours de vie bouleversants, singuliers. Forte parce qu’elle rend présents des figures majeures qui s’adressent à nous, à chacun de nous, en nous rappelant l’horreur quasi indicible de ce qu’ils ont traversé. Forte parce que la voix des témoins, depuis Birkenau jusqu’à l’entrée de Simone Veil au Panthéon, est aussi un avertissement qui nous est adressé. Parmi les personnalités extraordinaires que nous avons pu interviewer pour produire les films que vous verrez dans cette exposition, figure un entretien inédit avec Serge Klarsfeld. Je n’oublierai pas l’acuité de son regard au moment où, alors que je l’interrogeais sur la transmission de la mémoire à la troisième et même quatrième génération, il nous a dit : « chacun doit se demander, en lui-même : en quoi puis-je agir pour combattre l’oubli ? ». Modestement, nous espérons que ce parcours au coeur de la voix des témoins puisse donc constituer une expérience forte, qui engage ou poursuive la chaîne de la transmission. Car Elie Wiesel l’a dit de façon claire et lumineuse à la fin de sa vie : « écouter un témoin, c’est le devenir à son tour ».
17, rue Geoffroy–l’Asnier. Paris 4e
Tél. : 01 42 77 44 72
Ouverture de 10h à 18h tous les jours, sauf le samedi. Nocturne jusqu’à 22h le jeudi
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