Arte diffusera le 23 février 2021 « La fabrique de l'ignorance » (Forschung Fake und faule Tricks), documentaire partial de Franck Cuvelier et Pascal Vasselin. « Comment, des ravages du tabac au déni du changement climatique, on instrumentalise la science pour démentir... la science. Une vertigineuse investigation dans les trous noirs de la recherche et de l'information. » Présenté par Thomas Kausch.
« Le savant, l'imposteur et Staline. Comment nourrir le peuple » par Gulya Mirzoeva
« OGM - Mensonges et vérités » de Frédéric Castaignède
« OGM - Mensonges et vérités » de Frédéric Castaignède
« Pourquoi a-t-il fallu des décennies pour admettre officiellement que le tabac était dangereux pour la santé ? Comment expliquer qu'une part importante de la population croie toujours que les activités humaines sont sans conséquence sur le changement climatique ? Les pesticides néonicotinoïdes sont-ils vraiment responsables de la surmortalité des abeilles ? Pourquoi la reconnaissance du bisphénol A comme perturbateur endocrinien n'a-t-elle motivé que de timides interdictions ? » La question semble plutôt : pourquoi imputer à l'Homme une part excessive dans le "changement climatique", alors que le domaine de nos connaissances n'est pas si étendu et alors qu'est minorée la part du rayonnement solaire ?
Le problème réside aussi dans un enseignement des compétences, au détriment de la transmission du savoir et d'une réflexion fondée sur la raison, sur la logique, sur les connaissances.
« Au travers de ces "cas d'école" qui, des laboratoires aux réseaux sociaux, résultent tous de batailles planifiées à coups de millions de dollars et d’euros, cette enquête à cheval entre l'Europe et les États-Unis dévoile les contours d'une offensive méconnue, pourtant lancée dès les années 1950, quand la recherche révèle que le tabac constitue un facteur de cancer et d'accidents cardiovasculaires ».
« Pour contrer une vérité dérangeante, car susceptible d'entraîner une réglementation accrue au prix de lourdes pertes financières, l'industrie imagine alors en secret une forme particulière de désinformation, qui se généralise aujourd'hui : susciter, en finançant, entre autres, abondamment des études scientifiques concurrentes, un épais nuage de doute qui alimente les controverses et égare les opinions publiques ».
« Cette instrumentalisation de la science à des fins mensongères a généré une nouvelle discipline de la recherche : l'agnotologie, littéralement, science de la "production d'ignorance".
« Outre quelques-uns de ses représentants reconnus, dont l'historienne américaine des sciences Naomi Oreskes, cette investigation donne la parole à des acteurs de premier plan du combat entre "bonne" et "mauvaise" science, dont les passionnants "découvreurs" des méfaits du bisphénol A ».
« Elle expose ainsi les mécanismes cachés qui contribuent à retarder, parfois de plusieurs décennies, des décisions vitales, comme le trucage des protocoles, voire la fabrication ad hoc de rats transgéniques pour garantir les résultats souhaités ».
« Elle explique enfin, au plus près de la recherche, pourquoi nos sociétés dites "de l'information" s'accommodent si bien de l'inertie collective qui, dans le doute, favorise le business as usual et la consommation sans frein ».
Le 16 mars 2021, Le Monde a publié la tribune « La recherche publique doit se mobiliser pour se prémunir de l’instrumentalisation du doute scientifique » d'un "collectif de chercheurs et de scientifiques appellant les pouvoirs publics à être plus vigilants face aux lobbys, après la diffusion, à la télévision, de programmes proposant une vision « simpliste et trompeuse » d’enjeux environnementaux" :
"La recherche est souvent soumise à des pressions qui en sapent les fondements. Des travaux en histoire, sociologie et philosophie des sciences ont montré comment les doutes intrinsèques à la science sont instrumentalisés par les grandes industries pour ralentir et biaiser la production et le partage des connaissances qui pourraient leur nuire. Ce phénomène a été clairement exposé dans le documentaire La Fabrique de l’ignorance, récemment diffusé sur Arte. Les méthodes employées pour entretenir le doute ou faire diversion sont variées. Parmi les exemples avérés de l’application de cette stratégie, figurent le tabac, les pesticides, les OGM, le dérèglement climatique, le déclin des abeilles ou certains cancers environnementaux ou professionnels.Les recherches touchant ces secteurs sont, de ce fait, la cible des marchands de doute. Or, les organismes de recherche en France restent mal armés pour prendre en compte cet enjeu. Il suffit de constater comment l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) a mis en avant dans sa communication des émissions télévisées qui présentent toutes les caractéristiques des dispositifs de fabrique de l’ignorance.L’émission récente « E = M6 » sur l’agriculture en fournit un bel exemple. Le présentateur, ingénieur agronome de formation, est président d’une société de production qui a pour clients de grands industriels de l’agroalimentaire. L’émission prétend comparer scientifiquement différentes formes d’agriculture pour informer sur leurs atouts et impacts et, ainsi, défendre la profession agricole, ce qui est louable. En réalité, il ne s’agit pas d’une démarche scientifique, malgré l’utilisation d’appareils dernier cri. De nombreuses omissions introduisent un biais sur les atouts et les limites des agricultures présentées. Ainsi, les pratiques agroécologiques (diversification des cultures et des paysages, rotations, intercultures, mélanges d’espèces, articulation culture-élevage, agroforesterie), dont la science a montré la pertinence pour répondre aux enjeux actuels, sont ignorées. La place excessive des productions animales n’est pas mentionnée. De telles approches, ne retenant que certaines dimensions, ne sont pas acceptables."
« Le doute, qui préside à la démarche scientifique, peut en devenir un frein quand l’idéologie ou l’intérêt économique instrumentalisent la recherche. Illustration à travers trois "cas d'école", détaillés dans le documentaire La fabrique de l’ignorance. Par Benoît Hervieu-Léger ».
« TABAC : L'ÉCRAN DE FUMÉE
Événement précurseur de la manipulation de la science à des fins mensongères, la bataille du tabac commence en 1953 aux États-Unis, lorsque des scientifiques établissent que la cigarette aggrave les risques de cancer du poumon et d’accidents cardiovasculaires. Les sept principaux manufacturiers décident en secret de lancer un vaste programme scientifique pour freiner toute réglementation, en multipliant les études sanitaires sur des causes alternatives. Sous l'égide officielle du Comité de recherche de l’industrie du tabac, le radon ou l’amiante, de fait cancérigènes, mais aussi le jus de tomate ou le mois de naissance d'un individu sont ainsi désignés tour à tour comme facteurs de risques. Il faudra attendre 1994 pour qu'un lanceur d'alerte dévoile la vérité, lourdes amendes à l'appui pour "Big Tobacco", qui aura néanmoins réussi à faire prendre un demi-siècle de retard aux législations sur la cigarette ».
« TUEURS D'ABEILLES
Insecticides dits neurotoxiques, les néonicotinoïdes agissent en théorie sur le système nerveux central des insectes parasites. Parmi les sept molécules qui les composent, l’imidaclopride est expérimenté pour la première fois au Japon en 1985, et mis sur le marché six ans plus tard. L’effondrement des colonies d’abeilles européennes au cours des années 1990 met en évidence leur extrême dangerosité. Des expertises ont démontré depuis que d’autres espèces animales, et, au-delà, l'ensemble d'un écosystème sont affectés. Mais l’industrie agrochimique a répliqué entre-temps en finançant de multiples recherches, à chaque fois relayées par les médias, sur d'autres dévastateurs de ruches, comme le parasite varroa ou le frelon asiatique. Malgré des moratoires et interdictions partielles, le recours aux néonicotinoïdes reste d’actualité. En 2020, les betteraviers français ont ainsi bénéficié d’une dérogation de trois ans pour leur usage ».
« BISPHÉNOL A POUR TOUS
En 1989, deux biologistes américains constatent la multiplication anormale de cellules témoins cultivées dans leur laboratoire. Un de leurs confrères démontre la responsabilité du bisphénol A, œstrogène de synthèse utilisé dans certaines matières plastiques, qui agit comme un perturbateur endocrinien. Si, en toxicologie, c'est en général la dose qui fait le poison, une quantité infinitésimale de bisphénol A peut affecter la croissance, les capacités reproductrices et le comportement de nombreuses espèces, dont la nôtre. Depuis, 93 % des études financées par des fonds publics ont confirmé le constat, mais l'industrie du plastique s'est employée à le démentir à tout prix, entretenant efficacement la controverse scientifique pour limiter les mesures d'interdiction, d'autant que l'ensemble de la population étant exposée, il est impossible de mener des études comparatives. »
Le bisphenol A
« On est condamné à l’ignorance des effets réels de ce produit. Si toute la population est imprégnée à des faibles doses d’un produit, vous perdez la possibilité d’avoir une preuve scientifique, rigoureusement établie, des effets sanitaires de ce produit. Puisque tout le monde est exposé. Vous ne pouvez pas comparer ceux qui sont exposés avec ceux qui ne sont pas exposés. Et donc on ne saura jamais probablement l’étendue, toute l’étendue, des effets du Bisphénol A sur la population humaine. »
Stéphane Foucart (co-auteur du documentaire)
« La fabrique de l'ignorance » de Franck Cuvelier et Pascal Vasselin
France, 2020, 97 min
Auteurs : Mathias Girel, Stéphane Foucart, Pascal Vasselin et Franck Cuveillier
Coproduction : ARTE France, Zed , avec la participation de France Télévisions et le soutien du programme Media de l’Union européenne
Sur Arte le 23 février 2021 à 20 h 50
Disponible du 16/02/2021 au 23/04/2021
Visuels :
Illustration du paradigme
Illustration du réseau
Fani Hatjina
Frederic Vom Saal
Illustration de la 5G
© ZED
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Les citations proviennent d'Arte.
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