« Né en 1933 à Paris, Georges Jeankelowitsch (la famille prend le nom de Jeanclos en 1945) passe l’Occupation dans la clandestinité ».
« Après un apprentissage chez le sculpteur Robert Mermet (1896-1988), il suit les cours de l’école nationale supérieure des Beaux-Arts de 1952 à 1958 ».
En 1956, son frère ainé est tué durant la guerre d'Algérie.Trois ans plus tard, Georges Jeanclos reçoit le Grand prix de Rome.
En 1960, il épouse Jacqueline Gateau. Le couple a trois enfants : Marc, Elisa et Emmanuel. En deuxième noces, Georges Jeanclos se remariera avec Mathilde Ferrer.
« En 1982, il fonde l’atelier de recherche et de création de la manufacture de Sèvres, qu’il dirige jusqu’à sa mort en 1997 ».
Il séjourne en 1984 au Japon.
Réalisée à la Manufacture nationale de Sèvres, la série des Dormeurs a été produite en biscuit de porcelaine. Elle figure "des gisants modernes qui semblent témoigner de la difficile survie de l'humanité après le cauchemar de la Shoah".
« Hormis les bronzes, coulés à partir de prototypes en terre cuite, l’essentiel de son oeuvre est constitué de sculptures en terre cuite – technique apprise chez Mermet – modelées dans une argile grise que l’artiste frappe au sol jusqu’à en tirer de fines lamelles, dont la fragilité est assumée, qu’il estampe parfois dans des moules anthropomorphes (visages, corps…), et réunit dans des assemblages complexes où la feuille d’argile se transforme en drapé déchiré parfois marqué de caractères hébraïques ».
« Georges Jeanclos (1933-1997) est l’un des grands sculpteurs français du XXe siècle. Son œuvre est née en écho aux événements traumatisants de la Deuxième Guerre mondiale. Pour échapper aux rafles qui menacent les Juifs en France, sa famille doit se cacher dans les bois ; lui-même, âgé d’une dizaine d’années, apprend à côtoyer le danger de mort. Au lendemain de la Libération, il voit les corps des anciens collaborateurs pendus aux réverbères ; peu après, il découvre les êtres squelettiques qui ont survécu aux camps. Des décennies plus tard, Jeanclos réagira à cette expérience fondatrice : non en se renfermant dans son propre vécu, mais en s’ouvrant à l’universel, en se mettant à l’écoute de toutes les souffrances, passées et présentes ; non en représentant l’horreur, mais en trouvant en lui la force pour créer la beauté.Jeanclos transforme la terre avec laquelle il travaille en fines feuilles, à l’aide desquelles il forme des personnages aux visages semblables, à la fois enfants et adultes, hommes et femmes. Ce sont des dormeurs couchés sous un drap de terre ; des êtres enfermés dans des urnes estampillées avec des lettres hébraïques tirées des prières pour les morts ; des personnages chargés sur des barques parties vers l’autre monde ; des kamakuras, bonzes en méditation, spectateurs de leurs jardins intérieurs. Plus tard s’y ajouteront des Piétas, des Adam et Eve amoureux, des couples qui se frôlent ou s’étreignent. Les images de Jeanclos révèlent à la fois l’insigne faiblesse de notre personne et la force irréductible de notre amour ; par leur simple existence, elles nous aident à vivre ».
La galerie Capazza propose cette vidéo émouvante sur cet artiste :
« Passion immodérée de cette matière souple, humide, qui répond à toutes mes impulsions, est devenue un journal de terre, témoin de mes jours de bonheur et de mes nuits. Elle a donné forme à chaque événement qui ponctue mon existence », a confié Georges Jeanclos.
En voici quelques extraits :
« Elle [cette oeuvre] est née d’une rencontre attendue, souhaitée, avec la Torah déroulée, rayon de miel qui devient faïence, glaise porteuse de textes millénaires, psaumes, cantiques, loi gravée dans le plâtre, inversée, estampée de toutes mes forces sur le plâtre blanc, pour devenir consonnes grises, bombées sur les voiles de terre et lancées de toute la force de mon bras pour inscrire sur le corps de la nuit un champ de lettres venu du Sinaï. »
« Succession de consonnes révélées et rédigées par Moïse, devenues pour moi consonnes d’argile, consonnes non ponctuées qui ne signifient rien sans l’apport des voyelles, ponctuation lumineuse, absente des rouleaux, et que seule la tradition orale nous permet de vocaliser. »
« Je les ai fait fleurir sur les draps de terre avant de décrypter le sens qu’elles portent, sorties des rouleaux levés à bout de bras. Paroles sans fin serrées entre les langes, paroles roulées depuis Jérusalem et portées à travers le monde, je les ai retrouvées, vocalisées, transmission d’un savoir, mais aussi matière analogue à la terre avant que la main ne les modèle, et ne leur donne, oh blasphème, forme d’homme. »
« Les Colonnes de Guerry »
Les 24 et 26 juillet puis le 8 août 1944, trente-six otages détenus à la prison de Bourges sont « extraits de leurs cellules parce que juifs et jetés dans des puits à Guerry par la Milice et la Gestapo en représailles de la libération de Saint-Amand-Montrond par les maquisards, le 6 juin 1944 ». Les criminels écrasent les corps et les dissimulent en jetant des gros sacs en ciment et des pierres.
Parmi ceux ayant commis ce massacre : Pierre Paoli, agent français du Sicherheitsdienst (SD) de Bourges, placé sour la direction de Friedrich Merdsche, condamné à mort et exécuté en 1946.
Ces Juifs étaient pour la plupart originaires d'Alsace et de Moselle et réfugiés depuis 1939 dans ce lieu situé alors en zone non occupée. Seul survit Charles Krameisen qui courra pour se réfugier dans la ferme de la famille Guillaumin qui le protègera jusqu’à la Libération. « Parmi les victimes figurent Pierre et Fanny Jeankelowitsch, oncle et tante de l’artiste ».
« Pour la première fois, les Alliés sont confrontés à un des éléments du dispositif du génocide des juifs puisqu'ils n'ont pas encore, en cette date d'octobre 1944, découvert les centres de mise à mort. Le site des puits de Guerry devient un lieu mémoriel dès 1945 avec l'apposition d'une plaque commémorative des massacres. En 1994, deux colonnes de l'artiste Georges Jeanclos, neveu de 2 victimes, sont exposées pour le 50e anniversaire ».
« Il s’agit d’une étude en terre cuite – à l’échelle – du monument en bronze érigé dans le hameau de Guerry à Savigny-en-Septaine, dans le Cher, pour commémorer le massacre ».
« Ce don constitue un enrichissement majeur de la collection contemporaine du mahJ, qui comporte déjà quelques œuvres de l’artiste : Adam et Ève (1987), Couple (2006) ainsi que Kaddish (1985). »
« Je suis comme le braconnier qui tend ses filets, ses lacets tout autour de la terre. J'ai aussi, à l'aide d'un lacet, d'un torchon, serré ces pièces encore fraîches et quelquefois embrassé de tout mon corps l'objet de mon désir, la sculpture. ». Ainsi, Georges Jeanclos résumait son art.
Du 17 octobre 2019 au 31 janvier 2021
Au Musée d’art et d’histoire du Judaïsme
Hôtel de Saint-Aignan
71, rue du Temple. 75003 PARIS
Tél. : +33 (0)1 53 01 86 53
Mardi, mercredi, jeudi, vendredi : 11h-18h. Samedi et dimanche : 10h-18h
Visuels :
Georges Jeanclos, Kamakura,
18 x 46 x 59 cm, terre cuite, 1988
© Denis Durand / Galerie Capazza
Georges Jeanclos, Colonnes de Guerry
© mahj – photo Christophe Fouin ©Adagp, Paris, 2021
Les citations proviennent de dossiers de presse.
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