Arte diffusera le 1er septembre 2020 « Violences sexuelles dans le sport, l'enquête » (Kindesmissbrauch im Spitzensport) de Pierre-Emmanuel Luneau-Daurignac. « Menée pendant deux ans à travers cinq pays, une enquête inédite qui démontre que les violences sexuelles dans le sport ne sont pas le résultat de dérapages ponctuels, mais révélatrices des dérives de tout un système. »
« Alfred Nakache, le nageur d’Auschwitz » de Christian Meunier
Victor Younki, dit « Young » Perez (1911-1945)
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#MeToo
« Violences sexuelles dans le sport, l'enquête » de Pierre-Emmanuel Luneau-Daurignac
"Catherine Moyon de Baecque était championne de France de lancer de marteau. Elle est la première athlète de haut niveau en 1991 à avoir brisé la loi du silence. Elle porte plainte contre ses coéquipiers de l'équipe de France d'athlétisme. Ils participeront aux JO de Barcelone en 1992. Un an plus tard, ils sont condamnés à des peines de prison avec sursis pour agressions sexuelles. "J'ai été terriblement marquée, perturbée et ma vie a été complètement brisée. Mes études ont été stoppées, ma carrière sportive également", confiait l'ex-lanceuse en 1997." Un combat éprouvant, précoce, juste, exemplaire, victorieux, dont la victoire a eu un coût élevé pour la sportive et la jeune femme innocente.
"Tout a été fait pour m'empêcher de parler. J'ai subi des pressions, des humiliations, des intimidations, des menaces, jusqu'à des menaces de mort. Une situation d'autant plus injuste que la justice a condamné les agresseurs, qu'elle a également relevé la responsabilité de l'Etat dans l'affaire. Le milieu du sport aurait dû s'engouffrer dans la brèche. Mais tout l'inverse s'est produit. Je peux vous confier, et les mots sont lourds de sens, que j'ai beaucoup, beaucoup plus souffert de la manière dont j'ai été maltraitée pendant toutes ces années que des violences sexuelles aggravées dont je fus la victime... Les coupables sont tous ceux, hommes et femmes, qui ont eu des responsabilités au plus haut niveau. Certains ministres ont aggravé ma situation, certaines femmes ont été pires que certains hommes... Un rapport de l'Inspection générale de la jeunesse et des sports, rédigé avant le procès (NDLR : qui a eu lieu en 1993) et dont je n'aurais jamais dû avoir connaissance, a conclu que rien de grave ne s'était passé. Que nous étions mythomanes et nymphomanes", a confié Catherine Moyon de Baecque au Parisien (12 février 2020).
"Quinze ans plus tard, Isabelle Demongeot, championne de France de tennis, décide elle aussi de briser l'omerta et accuse son entraîneur de viols à répétition de 1980 à 1989. Elle va porter plainte contre Régis de Camaret. Le coach est accusé par une vingtaine d'autres femmes. Pour deux d'entre elles, les faits ne sont pas prescrits. Il est condamné en appel à 10 ans de prison en 1994. mais l'affaire Demongeot a fait bouger les choses à la fédération (FFT) : suivi psychologique des jeunes sportifs, sensibilisation, distribution de guides... La mise en place d'un outil de signalement des dérives directement sur le web est étudiée".
#MeToo
« Violences sexuelles dans le sport, l'enquête » de Pierre-Emmanuel Luneau-Daurignac
"Catherine Moyon de Baecque était championne de France de lancer de marteau. Elle est la première athlète de haut niveau en 1991 à avoir brisé la loi du silence. Elle porte plainte contre ses coéquipiers de l'équipe de France d'athlétisme. Ils participeront aux JO de Barcelone en 1992. Un an plus tard, ils sont condamnés à des peines de prison avec sursis pour agressions sexuelles. "J'ai été terriblement marquée, perturbée et ma vie a été complètement brisée. Mes études ont été stoppées, ma carrière sportive également", confiait l'ex-lanceuse en 1997." Un combat éprouvant, précoce, juste, exemplaire, victorieux, dont la victoire a eu un coût élevé pour la sportive et la jeune femme innocente.
"Tout a été fait pour m'empêcher de parler. J'ai subi des pressions, des humiliations, des intimidations, des menaces, jusqu'à des menaces de mort. Une situation d'autant plus injuste que la justice a condamné les agresseurs, qu'elle a également relevé la responsabilité de l'Etat dans l'affaire. Le milieu du sport aurait dû s'engouffrer dans la brèche. Mais tout l'inverse s'est produit. Je peux vous confier, et les mots sont lourds de sens, que j'ai beaucoup, beaucoup plus souffert de la manière dont j'ai été maltraitée pendant toutes ces années que des violences sexuelles aggravées dont je fus la victime... Les coupables sont tous ceux, hommes et femmes, qui ont eu des responsabilités au plus haut niveau. Certains ministres ont aggravé ma situation, certaines femmes ont été pires que certains hommes... Un rapport de l'Inspection générale de la jeunesse et des sports, rédigé avant le procès (NDLR : qui a eu lieu en 1993) et dont je n'aurais jamais dû avoir connaissance, a conclu que rien de grave ne s'était passé. Que nous étions mythomanes et nymphomanes", a confié Catherine Moyon de Baecque au Parisien (12 février 2020).
« Les révélations d'agressions sexuelles se multiplient dans le sport » depuis fin 2019.
« En France, le témoignage de l’ancienne patineuse Sarah Abitbol, violée par son entraîneur alors qu’elle était mineure, a mis le feu aux poudres et libéré la parole pour des centaines d’athlètes ».
« Un phénomène mondial : chaque semaine ou presque, de nouvelles affaires font la une des médias aux États-Unis, en Angleterre, en Espagne, en Allemagne, au Brésil, en Corée du Sud… »
« Car le sport – amateur ou professionnel, collectif ou individuel – accumule les facteurs qui facilitent les abus d'adultes sur des mineurs : soumission à l’autorité, culture de l’endurance et de la souffrance, surreprésentation masculine, culte du corps, emprise psychologique, éloignement des parents, rêve de gloire et de fortune, enjeux financiers… »
« Aujourd’hui, toutes les études concordent : fille ou garçon, un sportif sur sept subirait des agressions sexuelles ou des viols avant ses 18 ans ».
« En s'appuyant sur de nombreux témoignages, sans aucun sensationnalisme, ce documentaire dévoile les mécanismes qui favorisent le crime, dans un milieu où continue de régner l'omerta ».
« L’origine de l'enquête remonte à l’affaire Larry Nassar, qui a éclaté à l’automne 2016 aux États-Unis. Ce soigneur de l’équipe olympique de gymnastique est accusé par plus de 300 jeunes femmes d’agressions sexuelles, puis condamné et enfermé pour le restant de ces jours ». Parmi elles : Aly Raisman, triple championne olympique et ayant allumé la flamme des Maccabiades 2013 à Jérusalem (Israël), et Simone Biles, quadruple championne olympique de gymnastique.
« À la même époque, le Royaume-Uni vit lui aussi un scandale national, avec les révélations des abus commis sur des milliers de jeunes footballeurs, des clubs amateurs à ceux de Premiere League ».
« Pierre-Emmanuel Luneau-Daurignac commence par rencontrer Paul Stewart. Joueur star de Manchester City et Tottenham, il fut l'un des premiers à oser révéler les viols qu’il a endurés entre ses 10 et ses 14 ans. Son récit permet de comprendre comment la compétition entre enfants et leur rêve de réussite donne tout pouvoir sur eux à l’entraîneur. Il met également en évidence les stratégies d’emprise déployées par les encadrants sportifs sur l’enfant et ses parents ». Paul Stewart a compris que ses addictions à la drogue et à l'alcool le mèneraient au suicide, et a entrepris une thérapie pour se sevrer. Il intervient auprès d’entraîneurs et d'enfants ou d'adolescents durant leur formation sportive pour veiller à les alerter sur ce fléau.
« L'enquête se poursuit en Espagne avec le portrait de Gloria Viseras. Cette ancienne championne de gymnastique, compétitrice olympique en 1980, a révélé avoir été violée par son entraîneur, Jesús Carballo, dès l’âge de 12 ans – une affaire qui a ému et déchiré le pays. Celle qui a tu son histoire pendant trente-six ans explique pourquoi elle ne pouvait pas briser le silence. »
« Aux États-Unis, le film dévoile ensuite les dérives sidérantes d’une fédération sportive, USA Swimming. À l’aide de documents, de témoignages et d’enregistrements inédits, il met au jour la stratégie sophistiquée déployée par sa direction pour étouffer les affaires d’abus sexuels et empêcher les victimes d’obtenir réparation. USA Swimming a protégé ses entraîneurs au mépris de témoignages accablants, et n'a pas hésité à bloquer une loi visant à étendre le délai d’action en justice pour les mineurs victimes de violences sexuelles ». Au Sénat, elle s'est alliée avec l'Eglise catholique pour refuser l'allongement du délai accordé aux victimes pour poursuivre en justice les pédocriminels. Et la proposition de loi n'a pas été approuvée par crainte du montant élevé des sommes à payer aux victimes au titre de dommages et intérêts.
Car les conséquences familiales au sein des familles sont tragiques : sentiment de culpabilité de parents, suicides, etc.
Car les conséquences familiales au sein des familles sont tragiques : sentiment de culpabilité de parents, suicides, etc.
« En France, on découvre enfin le parcours de deux jeunes femmes abusées par une star du moto-cross, Michel Mérel, aujourd’hui sous les barreaux pour viols sur deux de ses élèves, dont une mineure. Il avait bénéficié de la protection non seulement de sa fédération, mais aussi de fonctionnaires du ministère des Sports appartenant à celle-ci ». Fonctionnaires, ces contrôleurs des services techniques (CST) travaillaient pour le ministère au sein de fédérations sportives. Souvent anciens champions, ils n'ont jamais dénoncé, en violation de la loi pénale, les agressions sexuelles ou viols dont se plaignaient auprès d'eux des jeunes sportives.
« Pierre-Emmanuel Luneau-Daurignac révèle ainsi les défaillances de l’État face aux abus ».
« Alors que la ministre actuelle, Roxana Maracineanu, appelle à "plus d’État dans le sport", le Comité international olympique, lui, ne semble toujours pas avoir pris la mesure du scandale. Malgré les milliards à sa disposition, son action s'est limitée jusqu'ici à des recommandations polies adressées aux fédérations sportives ».
« Abus de pouvoir »
(Arte mag n° 36, programme du 29 août au 4 septembre 2020
« De plus en plus d’affaires de violences sexuelles éclaboussent le monde sportif. Dans une enquête alarmante, Pierre-Emmanuel Luneau-Daurignac décrypte les mécanismes qui broient tant d’athlètes. Propos recueillis par Pascal Mouneyres ».
« Pourquoi assiste-t-on actuellement à autant de révélations sur les abus sexuels dans le sport ?
Pierre-Emmanue Luneau-Daurignac : Les mentalités ont changé. Dans le monde occidental, le patriarcat est remis en cause et les violences sur les enfants, de plus en plus dénoncées. Le mouvement #MeToo a certainement délié les langues, même si beaucoup de victimes sont des hommes. Mais il y a aussi une question de génération. Ceux qui, dans les années 1980, ont été abusés ont aujourd’hui une cinquantaine d’années. Ils sont parents, et leurs enfants ont le même âge qu’eux lorsqu’ils ont subi ces violences.
Certains aussi attendent que leurs propres parents décèdent pour parler, car ils ne veulent pas leur faire de mal. Autant de facteurs qui peuvent aider à libérer la parole et à en affronter les conséquences. Car raconter, c’est vivre à nouveau...
Ces violences ne sont-elles pas consubstantielles à la pratique du sport en club, régie par un rapport de domination entre l’entraîneur et le jeune ?
Le sport d’aujourd’hui est une machine à abuser du sportif. Selon une étude de 2015, 14 % des mineurs inscrits en club ont été agressés sexuellement. Si l’on veut changer quoi que ce soit, il faut prendre conscience des mécanismes qui favorisent ces dérives : une sacralisation de la personne de l’entraîneur, une trop grande proximité entre adultes et enfants, la réification du corps, la déresponsabilisation des parents, la mercantilisation des sportifs, ces pions auxquels on fait cracher les performances avant de les jeter, la puissance, aussi, des fédérations. Les agressions sexuelles participent des autres violences infligées à l’athlète – physiques, émotionnelles, psychologiques –, sans parler de l’homophobie et du racisme.
Le sport de haut niveau n’exacerbe-t-il pas les tentations ?
Un sportif de haut niveau sur trois serait victime d’abus. Je connais de nombreux cas chez les champions dont je respecte, bien entendu, le silence. Ce qui favorise les rapports de domination et les abus de pouvoir, c’est que l’athlète n’a pas le choix : s’il parle, il sait que sa carrière sera terminée. L’entraîneur ou le dirigeant a conscience d’avoir du pouvoir et peut donc être plus facilement tenté de passer à l’acte, même s’il est important d’affirmer que ce n’est pas un problème de pédophilie. L’enjeu n’est pas d’éliminer les brebis galeuses mais de réformer le système qui les engendre. Les fédérations peuvent perdre le sens des réalités, mais lorsqu’elles font prendre trop de risques aux enfants, ou lorsqu’ils sont maltraités, c’est à l’État d’agir. Il n’est pas acceptable qu’il ne se donne pas les moyens de les protéger. »
France, 2020, 91 min
Sur Arte le 1 septembre 2020 à 20 h 50
Disponible du 25/08/2020 au 30/10/2020
Visuels :
Jeune joueur de football assis sur le banc de touche regardant son équipe jouer
© iStockphoto
Stewart, jeune joueur de football a été abusé par son entraîneur
© YUZU Productions
Articles sur ce blog concernant :
Les citations sur le film proviennent d'Arte.
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